Jean-Marie Bachelot de La Pylaie
Auguste-Jean-Marie Bachelot de La Pylaie est un naturaliste français né à Fougères (Ille-et-Vilaine) le 25 mai 1786 et mort à Marseille le 12 octobre 1856.
Biographie
Après des études commencées à Laval et poursuivies à Paris, Jean-Marie Bachelot de La Pylaie suit l’enseignement de Georges Cuvier et de Ducrotay de Bainville au Muséum national d’histoire naturelle.
Il attire l’attention sur lui par la très riche collection essentiellement botanique qu’il rapporte au Muséum de sa première mission d’exploration aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon et en Amérique du Nord. Il poursuit ce genre d’activité en France, dans les îles de la côte bretonne. Son intérêt pour les jeunes garçons et les adolescents le pousse à trouver des collaborateurs dans ces classes d’âge et à diversifier ses études, qui s’ouvrent vers le folklore et l’anthropologie. En outre, aimant le travail sur le terrain, il étudie les mégalithes et diversifie ses sujets d’étude en se faisant géologue et archéologue.
Ses travaux pionniers et ses intuitions d’archéologue suscitent l’admiration des chercheurs qui commencent à s’intéresser à sa biographie, tout en y découvrant des zones d’ombre. Les bruits qui circulent à son sujet passent pour des médisances.
Une vie privée mystérieuse
Les années passant, il ne subsista dans la biographie de Bachelot de La Pylaie qu’un élément douteux : une condamnation au bagne vers les années 1830-1835. Une question posée dans L’Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux en 1934 reçut une réponse incertaine de la part d’un futur biographe, faisant état d’une « histoire désagréable » sur laquelle son maître en botanique préfèra se taire. Ce biographe, le Dr Baudouin, tenta ensuite d’expliquer la condamnation au bagne de Bachelot de La Pylaie par ses activités politiques. Un autre biographe, Charles Boyer, évoqua un viol, commis selon lui sur « une bergère » mineure.
Un troisième biographe, très érudit, le colonel Gaston Gillot, étudiant de manière serrée la chronologie des activités de Bachelot de La Pylaie, ne trouva qu’une période d’inactivité en 1839, qu’il expliqua par de la prison pour dettes. Quant au bagne, il s’agirait, selon lui, d’une légende reposant sur une méprise : l’arrestation de Bachelot de La Pylaie en Vendée, en 1831, durant les troubles légitimistes dans cette région. Gaston Gillot voyait dans l’attachement du naturaliste pour son assistant Gustave de Bièvre, mort trop jeune de tuberculose, qu’une affection paternelle.
Une première découverte
Les registres de pédérastes tenus par la préfecture de police de Paris autour des années 1850 contiennent le nom de « Pylaye » avec la précision : « (de la -) le baron, ayant aussi le nom de Bachelot ». Suit cette note : « est âgé de 66 ans, mais ne paraissant pas cet âge. C’est un savant naturaliste demeurant rue de Tournon, n° 12. En 1843 ou 1844, il demeurait rue Richelieu, n° 26 ou 28. Il avait un domestique qui lui procurait des mômes. De Raoul a été son secrétaire à la même époque. Le baron de la Pylaye a été arrêté à Clermont-Ferrand pour pédérastie et le parquet de cette ville a demandé des renseignements à la police de Paris. C’est la 1ère division qui a fait la réponse. (2 septembre 1852). »[1]
Les preuves
On sait que beaucoup de documents de la police parisienne (dont des dossiers de personnalités pédérastes) ont disparu lors des incendies que les insurgés de la Commune de Paris ont provoqués dans la capitale en 1871. Aussi la mention d’une affaire à Clermont-Ferrand incita-t-elle Jean-Claude Féray, qui avait trouvé la mention du nom de « La Pylaye » dans le registre « Pédés » de la préfecture de police, à poursuivre son enquête dans les archives départementales du Puy-de-Dôme (Registres d’écrou, Dossier de procédure, Jugement du Tribunal). Un procès tenu devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand le 23 septembre 1852 apportait la preuve de la paidérastie de Bachelot de La Pylaie, et révélait aussi certains aspects touchants de son attachement aux jeunes garçons qu’il tentait d’éduquer, voire d’en faire des collaborateurs.
Les affaires de mœurs
L’affaire jugée à Clermont-Ferrand est partie d’une dénonciation du maire de Saint-Jean-des-Ollières au procureur de la République en ces termes : « Ce monsieur, dont les apparences religieuses avaient séduit tout le clergé de ma localité, n’est autre chose qu’un vieux sodomite. » Le procureur recueillit alors de nombreux témoignages, dont celui de deux curés et de l’instituteur du village, lequel avait interrogé un jeune garçon, Jules Sambeat, âgé de treize ans, alors au service de Bachelot de La Pylaie, au sujet des bruits qui couraient sur le naturaliste. Son témoignage apporte des détails intéressants sur les croyances de l’époque. Parmi les dépositions figure aussi celle d’une hôtelière de Bordeaux qui avait été admirative de l’intérêt manifesté par le naturaliste pour son neveu. Le témoignage de celle-ci décharge « Delapylaye » des accusations, car interrogé par elle au sujet d’un bain qu’il aurait pris dans la même baignoire que le naturaliste lors d’un voyage à Royat, le neveu déclara que « Delapylaye » « avait été très décent et qu’il ne lui avait fait aucune proposition déshonnête ». Un acte d’embauche pour ce garçon, comme assistant et en vue de sa formation comme minéralogiste, figure dans les pièces du procès.
Bachelot de La Pylaie, accusé d’incitation de mineurs à la débauche (article 334 du code pénal) fut écroué le 30 juillet 1852. Le procureur non seulement recueillit les témoignages des adolescents âgés de quinze à dix-sept ans impliqués dans la dénonciation (et plus ou moins jaloux les uns des autres), mais il remonta dans la biographie de La Pylaie grâce au maire dénonciateur, qui était allé recueillir le témoignage époustouflant d’une veuve de La Plagne. Le maire de Fougères fut lui-même interrogé, ainsi que la Préfecture de police de Paris. Le rapport de celle-ci attesta que Bachelot de La Pylaie « a été emprisonné à La Force le 18 mars 1830 pour outrage au mœurs et attentat public à la pudeur ».
Fin de carrière et fin de vie
Condamné à huit mois d’emprisonnement et deux cents francs d’amende par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, pour outrage public à la pudeur et excitation de mineurs à la débauche, Bachelot de La Pylaie cessa toute activité scientifique alors qu’il était toujours en possession de ses moyens intellectuels.
Il est mort dans « sa maison d’habitation » au 5, rue Sénac à Marseille, le 12 octobre 1856, à l’âge de soixante-dix ans. Son testament détenait encore d’autres preuves de son attachement réel à quelques adolescents méritants.[2]
Bibliographie
- Dr Marcel Baudouin, Un grand Fougerais, préhistorien de la première heure : Bachelot de la Pilaie (1786-1856), Impr. P. Saffray, 1936.
- Ch. Boyer, « Bachelot de la Pylaie naturaliste et archéologue (1786-1856) », Bulletin de la Société des Naturalistes et des Archéologues de l’Ain, 1938.
- Colonel Gaston Adolphe Joseph Gillot, « Un Fougerais méconnu, Bachelot de la Pylaie (1786-1856) : naturaliste, archéologue, préhistorien, dessinateur », Mémoires de la Société d’Archéologie et d’Histoire de la Bretagne, 1951, vol. 31 (Lire en ligne : BACHELOT DE LA PYLAIE (1786-1856)) et 1952, vol. 32.
- Jean-Claude Féray, « Bachelot de La Pylaie Jean-Marie Auguste », in Le premier registre infamant de la Préfecture de police de Paris au XIXe siècle, Quintes-feuilles, 2012, partie « Dictionnaire », p. 178-206.
Notes et références
- ↑ Jean-Claude Féray, Le premier registre infamant de la Préfecture de police de Paris au XIXe siècle, Paris, Quintes-feuilles, 2012, p. 92.
- ↑ Colonel G. Gillot, « Bachelot de La Pylaie (1786-1856) », Mémoires de la Société d’Archéologie et d’Histoire de la Bretagne, 1951, vol. 31, p. 132-136.