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'''Le Livre de John''' est un roman de [[Michel Braudeau]] publié en 1992 au ''Seuil''. John est un adolescent de quinze ans « turbulent », confié par sa mère au narrateur (qui est un bon ami), car celui-ci qui entreprend de voyager vers l'Ouest. Au cours du périple, le narrateur s'attache de plus en plus à John...
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'''''Le livre de John''''' est un roman de [[Michel Braudeau]], publié en [[1992]] aux Éditions du Seuil.
 
==Résumé==
 
Ce roman est écrit comme une sorte de road-movie littéraire, entremêlant une trame générale et deux fils parallèles.
Paul, le narrateur, [[France|français]] en terre inconnue, la quarantaine bien sonnée, consultant ''free-lance'' en technique de réalisation pour le cinéma, déprimé chronique et insomniaque noyant une douloureuse lucidité et une peur panique de la solitude sous des litres d’alcool et des kilos de somnifères, parcours les [[États-Unis]] en voiture, de tournage en tournage, affublé d’Ariane, une véritable bombe sexuelle avec l’intelligence, l’acuité et l’intuition féminine en prime. Un adolescent « d’une quinzaine d’années » prénommé John, fils délaissé d’une vague amie du narrateur, d’une grande beauté naturelle et nonchalante, rejoint le couple au milieu du périple.
 
La trame secondaire est une [[autobiographie]] que lit le narrateur, celle d’une sorte de [[Casanova]] indien et [[pédéraste (définition)|pédéraste]] contant avec fougue, ironie et moult détails truculents ses conquêtes sexuelles au sein de la jeunesse coloniale et aristocratique [[Royaume-Uni|anglaise]]. Cette lecture édifiante et la proximité de John réveille en Paul des désirs qu’il ne se connaissait pas, mais qu’Ariane devine bien avant lui – au point de le quitter discrètement afin de laisser le champ libre à une histoire entre les deux mâles.
 
Paul raconte alors le rapprochement progressif entre lui, homme désespéré, au fond plus immature que son compagnon, rongé par un désir à demi exprimé et par la nécessité vitale d’une présence à ses côtés, et John, adolescent libre et atypique, indécis et prudent, en recherche d’affection mais pas dupe pour un sou, jouant avec espièglerie mais sans méchanceté du désir de l’autre, et le couvant comme ferait une mère, tout au long des routes sans fin de l’Amérique.
 
Cette histoire transite par un autre roman – la troisième trame du récit, dont John fait la lecture à Paul chaque soir afin de l’aider à s’endormir. Il s’agit d’un long récit policier dans l’ancien [[Japon]], racontant une série de morts bizarres liées à une secte mystérieuse de jeunes garçons, affaire dont l’enquête est menée par un commissaire [[homosexuel]] et pédéraste mais [[eunuque]].
 
==Analyse==
 
Il s’agit d’un roman facile à lire, avec des phrases courtes et incisives, quoique certaines longueurs puissent rebuter certains lecteurs. La construction temporelle hors de toute chronologie  et le mélange savant des trois trames narratives montre que le véritable voyage de Paul n’est pas le long des routes des États-Unis mais à l’intérieur de lui-même, dans les méandres d’une conscience complexe du monde et de soi, à la recherche d’un désir permanent tournant autour de la figure centrale de John, seul point stable au milieu d’une tempête intérieure – ce qui le rend d’autant plus énigmatique et inaccessible.
 
Il s’agit également d’un [[roman initiatique]], à double sens : le sens pédérastique propre où l’on voit un adolescent s’éveiller peu à peu au monde adulte à travers le prisme du désir de l’homme, mais aussi – et surtout – une [[initiation]] inverse et plutôt originale, l’accession d’un homme, qui se pensait [[hétérosexuel]], aux désirs plus profonds, plus intenses et finalement plus fondamentaux de la [[pédérastie (définition)|pédérastie]]. Les deux romans intérieurs sont les révélateurs du désir pédérastique chez Paul, ses manuels d’apprentissage – John lui-même en fait la réflexion juste avant une lecture d’un soir : « Je vais te lire un passage de ce roman japonais sans lequel tu ne comprendras jamais rien à rien ». Ces deux romans présentent les deux pôles extrêmes, caricaturaux et opposés, de la pédérastie : d’un côté le pédéraste conquérant et séducteur, volontiers violent quand il le faut, mené par une bite conséquente et virile, assoiffé de jouissance et de domination, parcourant le vaste monde dans une recherche permanente de conquêtes grandioses ; à l’autre bout du spectre le pédéraste d’autant plus passif et soumis qu’il est eunuque, incapable de connaître la jouissance, vivant en vase clos dans un univers mortifère et incompréhensible. D’un côté le pédéraste prédateur, de l’autre le pédéraste proie, les deux pôles étant finalement réunis par un même point commun : la mort et la destruction, des autres ou de soi-même.
 
Et au milieu de tout cela, la vie réelle et John, surtout John : ni dominateur ni dominé, un simple être humain en construction et incroyablement vivant, qui tempère Paul dans ses excès de conquête comme ses élans autodestructeurs, à la recherche peut-être d’un juste milieu ou d’une troisième voie quelque part entre les aspirations et les concessions de l’un et de l’autre, d’un terrain d’entente où poser les fondations d’une histoire à deux encore incertaine.
 
==Anecdotes==
 
Dans l’édition de poche publiée par Le Seuil en [[1992]] (collection Points), la photo de couverture représente un jeune adolescent brun, nageant sur le dos dans l’eau bleue d’une piscine. La légende de l’image dit : « Piscine dans la vallée de la mort – Photo M.B. ». Or M.B. sont les initiales de l’auteur. Et l’une des scènes du roman se déroule précisément autour de la piscine d’un hôtel isolé dans la Vallée de la Mort : le narrateur y séduit et se fait séduire par un jeune touriste allemand de quatorze ans, ressemblant beaucoup à John et qui se prête à de rapides contacts sexuels dans les vestiaires. De là à imaginer que ce passage aurait quelque chose d’autobiographique – puis à étendre cette présomption à d’autres parties du roman, il n’y a qu’un pas…
 
==Sources==
* Cosaster, « ''Le livre de John'' », ''[[L’Élu (magazine)|‎L’Élu]]'' n° 2, printemps 2009.
 
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[[Catégorie:Roman français]]

Dernière version du 26 août 2012 à 16:19

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Le livre de John est un roman de Michel Braudeau, publié en 1992 aux Éditions du Seuil.

Résumé

Ce roman est écrit comme une sorte de road-movie littéraire, entremêlant une trame générale et deux fils parallèles.

Paul, le narrateur, français en terre inconnue, la quarantaine bien sonnée, consultant free-lance en technique de réalisation pour le cinéma, déprimé chronique et insomniaque noyant une douloureuse lucidité et une peur panique de la solitude sous des litres d’alcool et des kilos de somnifères, parcours les États-Unis en voiture, de tournage en tournage, affublé d’Ariane, une véritable bombe sexuelle avec l’intelligence, l’acuité et l’intuition féminine en prime. Un adolescent « d’une quinzaine d’années » prénommé John, fils délaissé d’une vague amie du narrateur, d’une grande beauté naturelle et nonchalante, rejoint le couple au milieu du périple.

La trame secondaire est une autobiographie que lit le narrateur, celle d’une sorte de Casanova indien et pédéraste contant avec fougue, ironie et moult détails truculents ses conquêtes sexuelles au sein de la jeunesse coloniale et aristocratique anglaise. Cette lecture édifiante et la proximité de John réveille en Paul des désirs qu’il ne se connaissait pas, mais qu’Ariane devine bien avant lui – au point de le quitter discrètement afin de laisser le champ libre à une histoire entre les deux mâles.

Paul raconte alors le rapprochement progressif entre lui, homme désespéré, au fond plus immature que son compagnon, rongé par un désir à demi exprimé et par la nécessité vitale d’une présence à ses côtés, et John, adolescent libre et atypique, indécis et prudent, en recherche d’affection mais pas dupe pour un sou, jouant avec espièglerie mais sans méchanceté du désir de l’autre, et le couvant comme ferait une mère, tout au long des routes sans fin de l’Amérique.

Cette histoire transite par un autre roman – la troisième trame du récit, dont John fait la lecture à Paul chaque soir afin de l’aider à s’endormir. Il s’agit d’un long récit policier dans l’ancien Japon, racontant une série de morts bizarres liées à une secte mystérieuse de jeunes garçons, affaire dont l’enquête est menée par un commissaire homosexuel et pédéraste mais eunuque.

Analyse

Il s’agit d’un roman facile à lire, avec des phrases courtes et incisives, quoique certaines longueurs puissent rebuter certains lecteurs. La construction temporelle hors de toute chronologie et le mélange savant des trois trames narratives montre que le véritable voyage de Paul n’est pas le long des routes des États-Unis mais à l’intérieur de lui-même, dans les méandres d’une conscience complexe du monde et de soi, à la recherche d’un désir permanent tournant autour de la figure centrale de John, seul point stable au milieu d’une tempête intérieure – ce qui le rend d’autant plus énigmatique et inaccessible.

Il s’agit également d’un roman initiatique, à double sens : le sens pédérastique propre où l’on voit un adolescent s’éveiller peu à peu au monde adulte à travers le prisme du désir de l’homme, mais aussi – et surtout – une initiation inverse et plutôt originale, l’accession d’un homme, qui se pensait hétérosexuel, aux désirs plus profonds, plus intenses et finalement plus fondamentaux de la pédérastie. Les deux romans intérieurs sont les révélateurs du désir pédérastique chez Paul, ses manuels d’apprentissage – John lui-même en fait la réflexion juste avant une lecture d’un soir : « Je vais te lire un passage de ce roman japonais sans lequel tu ne comprendras jamais rien à rien ». Ces deux romans présentent les deux pôles extrêmes, caricaturaux et opposés, de la pédérastie : d’un côté le pédéraste conquérant et séducteur, volontiers violent quand il le faut, mené par une bite conséquente et virile, assoiffé de jouissance et de domination, parcourant le vaste monde dans une recherche permanente de conquêtes grandioses ; à l’autre bout du spectre le pédéraste d’autant plus passif et soumis qu’il est eunuque, incapable de connaître la jouissance, vivant en vase clos dans un univers mortifère et incompréhensible. D’un côté le pédéraste prédateur, de l’autre le pédéraste proie, les deux pôles étant finalement réunis par un même point commun : la mort et la destruction, des autres ou de soi-même.

Et au milieu de tout cela, la vie réelle et John, surtout John : ni dominateur ni dominé, un simple être humain en construction et incroyablement vivant, qui tempère Paul dans ses excès de conquête comme ses élans autodestructeurs, à la recherche peut-être d’un juste milieu ou d’une troisième voie quelque part entre les aspirations et les concessions de l’un et de l’autre, d’un terrain d’entente où poser les fondations d’une histoire à deux encore incertaine.

Anecdotes

Dans l’édition de poche publiée par Le Seuil en 1992 (collection Points), la photo de couverture représente un jeune adolescent brun, nageant sur le dos dans l’eau bleue d’une piscine. La légende de l’image dit : « Piscine dans la vallée de la mort – Photo M.B. ». Or M.B. sont les initiales de l’auteur. Et l’une des scènes du roman se déroule précisément autour de la piscine d’un hôtel isolé dans la Vallée de la Mort : le narrateur y séduit et se fait séduire par un jeune touriste allemand de quatorze ans, ressemblant beaucoup à John et qui se prête à de rapides contacts sexuels dans les vestiaires. De là à imaginer que ce passage aurait quelque chose d’autobiographique – puis à étendre cette présomption à d’autres parties du roman, il n’y a qu’un pas…

Sources

  • Cosaster, « Le livre de John », ‎L’Élu n° 2, printemps 2009.