« Pubères, putains (Jean-Pierre Verheggen) » : différence entre les versions
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'''''Pubères, putains''''' est un récit poétique de l’écrivain [[Belgique|belge]] '''[[Jean-Pierre Verheggen]]''', publié en [[1985]]. | |||
Dans la première partie, les deux protagonistes, sortes de Huckleberry Finn et Tom Sawyer chauds comme des baraques à frites, vivent leur [[amitié particulière (psychologie)|amitié particulière]] dans une foutraque débauche de mots. | |||
« La langue de Verheggen lutte contre la classification », écrit Jean-Marie Klinkenberg dans l’essai qui clot l’édition de [[1991]]. | |||
== | ==L’auteur== | ||
Jean-Pierre Verheggen est un écrivain et poète belge de langue française, né le [[6 juin]] [[1942]] à Gembloux. | |||
Il participe dans les années 1970 à ''TXT'', la revue d’avant-garde radicale de l’entreprise « textuelle ». Il fut professeur de français à l’Athénée Royal de Gembloux pour les trois premières années de l’enseignement secondaire. | |||
Il participe dans les années 1970 à TXT, la revue | |||
En [[1990]], il est conseiller du ministre de la culture Bernard Anselme, et en [[1992]], chargé de mission spéciale à la « promotion des Lettres françaises de Belgique ».<ref>Source Wikipédia : [https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Verheggen Jean-Pierre Verheggen] (mai 2013, sous licence Creative Commons paternité partage à l’identique).</ref> | |||
==Résumé== | ==Résumé== | ||
« Nous étions les deux bouts d’un seul jet de foutre passant outre de toute histoire entendue en termes de chronologie. »<ref>Édition de 1985, p. 85 ; édition de 1991, p. 124.</ref> | |||
Le lieu | Le lieu n’est pas précisé, mais est rural, agricole. L’action se passe le temps d’un été, ou de plusieurs étés, et l’âge des personnages n’est pas défini mais varie d’une partie à l’autre : | ||
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Nous avions dix, douze ans. Treize. Peut-être. Pour les plus grands. Cent ans moins trois. Ajoutés ou soustraits. Plus que cela. Mil et tre. Mille et trois. Nous étions des bébés futuriens et des descendants bougnoules de Boduognat, l’Adua. Des enfants de Nemrod et du pithécanthrope à dada sur Vénus. Des marchands d’anus et des mannequins d’orgeat. Des fruits de rosolis et du vocabulaire de roulis des harengères. Des déclineurs de rosa de roseraies. Des éphèbes d’Eros erotica. Du caca de première! | |||
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Mais de première de gala ! | Mais de première de gala! <ref>Édition de 1985, p. 66 ; édition de 1991, p. 105.</ref>}} | ||
En fait de récit, dans la première partie, les protagonistes s’inspirent des ébats de la mante religieuse, puis ils jouent au docteur. Dans la deuxième partie, ils vivotent d’artisanat et d’expédients, se distraient de leurs idylles rurales en gâchant celles des autres, et s’amusent à tuer des animaux. Il est question de mort dans la dernière partie. | |||
==Extraits== | ==Extraits== | ||
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Nous vivions dans des lieux délabrés. Détériorés. Périlleux. Dans des lieux sans yeux. Des lieux | Nous vivions dans des lieux délabrés. Détériorés. Périlleux. Dans des lieux sans yeux. Des lieux d’effondrilles. De tartre terrestre croûtier. De flaches. De caillasse. De lie d’usagers. Indisciplinés. De silos d’immondices. Sans flèche. Impubliques. Craspects. Crados. Inassignés. | ||
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Nous vivions dans cette promiscuité. | Nous vivions dans cette promiscuité. | ||
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Nous vivions au bord | Nous vivions au bord d’un pré. Non pâturé. Cachés aux bords d’un étang. Mi-riant. Mi-stagnant. Grand. Suffisamment. Aux bords d’un été. A peine commencé. Aux portes de vacances. Préadolescentes. Eblouis par la présence conjuguée de maquis. De marais. Peu achalandés. D’ascolarité. De ruisselets propices heureusement proprets. De liberté sans devoirs ni livrets. D’homosexualité novice. Primesautière ou latente. Première. Débutante. <ref>Édition de 1985, p. 11.</ref> | ||
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{{Citation longue|sanslien=x| | {{Citation longue|sanslien=x| | ||
Comme un très vieux poignet. | Comme un très vieux poignet. | ||
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Nous aimions regarder les bêtes | Nous aimions regarder les bêtes s’accoupler. S’aimer. S’entreprendre. Se couvrir. Piétiner les mottes de cadavres. Coprophages. Les sites printaniers. Tendres. Les paradoxes biotopes. Les brises de Loess. Les dérives d’élytres. Les fèces. Les siphons. Les bosquets. Les fourrés sine die. Les imiter. Nous ventouser. Nous anneler. Chevaucher les herbes filandreuses. Chatoyantes. Coquets. Parader ou craquer. Nous enculer. Ou nous laisser croquer. Partouser. Parrainés. Partout. | ||
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Nous aimions passer | Nous aimions passer l’un de nos bras autour de nos cous. Palper nos linges. Entraver les pinces de nos genoux. Flairer nos embarras. Franchir nos ceintures. Franchir nos dessous. Attendre. Prétendre. Soupirer. Prétexter. Bassiner nos glandes. Echouer. Nous y reprendre à deux coups. Réchauffer nos capsules de semences. Nous basculer. Nous affouiller. Poigner dans notre tas. Nous marier. | ||
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De tu à toi. | De tu à toi. | ||
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Voilà ! | Voilà! | ||
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Nous aimions beaucoup enceindre notre bas. Circonvenir nos hanches. Enceindre notre dos. Nos rectos. Le derme couturé de notre peau. Presser nos abdomens | Nous aimions beaucoup enceindre notre bas. Circonvenir nos hanches. Enceindre notre dos. Nos rectos. Le derme couturé de notre peau. Presser nos abdomens jusqu’à ce qu’en jaillisse le frai. Obscène. Monstrueux. La crème de l’érythème fessier. La matière des oaristyx. Des vices. Des sévices. Des crimen amoris. Crapuleux. | ||
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Nous aimions beaucoup échancrer nos moiteurs. Nos matrices. Nos milieux. Nous pétrir le ventre sans douceur. Sans introduire ni pénis, ni membre copulateur. En faire soudre et surgir nos | Nous aimions beaucoup échancrer nos moiteurs. Nos matrices. Nos milieux. Nous pétrir le ventre sans douceur. Sans introduire ni pénis, ni membre copulateur. En faire soudre et surgir nos œufs lourds. D’ire. D’élixir nauséeux. De velours sale. Cloaqual. D’anoures sororales. D’amours. De vœux. De lait d’anus, vitreux. | ||
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Vélé. | Vélé. | ||
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Voluptueux. | Voluptueux. | ||
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Nous aimions beaucoup faire mine de nous libérer de nos paquets bossueux. De déféquer nos sachets de symphorine. De gui. De fruits matures | Nous aimions beaucoup faire mine de nous libérer de nos paquets bossueux. De déféquer nos sachets de symphorine. De gui. De fruits matures d’épineux. De nous débarrasser de notre musc. Palustre. De nos dix mille yeux d’Argus. De jockey cacté. Camphré. Cravaché. De nos chapelets de nul office. D’orifices cireux. D’excréments minotiers. De conduits. De coulisses. De couloirs endoloris. De trompes. De tremblements pissotiers. De mappemondes sans mer ni pays réduits. Rondes. Immorales. Immondes. | ||
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Nous aimions mimer être nos propres gibbosités caudales. Les employés réciproques de nos pontes. Fécondes. De nos sacoches. Les manouvriers de nos ampoules rectales. De nos scandales. De nos leviers. De nos bracelets de colle. | Nous aimions mimer être nos propres gibbosités caudales. Les employés réciproques de nos pontes. Fécondes. De nos sacoches. Les manouvriers de nos ampoules rectales. De nos scandales. De nos leviers. De nos bracelets de colle. D’alvéoles. De cabochons. D’amidon. De clapets. Prêts. O.K. De croupetons. De cris. Ready. D’anales gesticulations. | ||
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Nous aimions nous enlacer. Etre nos bouches coxales. Lècher nos trous natals. Nous alanguir. Nous sourire ou nous maudire. Etre des homosexuels quasi. Des amis. Quasi des ennemis. Des bandits. Des putti peints en chiens. Quasi des bâtards de batraciens. Ou | Nous aimions nous enlacer. Etre nos bouches coxales. Lècher nos trous natals. Nous alanguir. Nous sourire ou nous maudire. Etre des homosexuels quasi. Des amis. Quasi des ennemis. Des bandits. Des putti peints en chiens. Quasi des bâtards de batraciens. Ou d’insectes. Très aériens. <ref>Édition de 1985, p. 13-15.</ref> | ||
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{{Citation longue|sanslien=x| | {{Citation longue|sanslien=x| | ||
[…] Pour voler. Gagner le ciel. Ou sucer la fleur providentielle d’un garçon. Lui broyer sa tête. Ouverte. Ou concasser ses petits poumons. Butiner son menton. Piquer ses yeux ou aimer le sexe dardé qu’il a, en son milieu, dressé. Le désirer. Arder. Arder. Nous en empiffrer. <ref>Édition de 1985, p. 16.</ref> | |||
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{{Citation longue|sanslien=x| | {{Citation longue|sanslien=x| | ||
[…] Comme des mantes religieuses. | |||
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Nous aimions beaucoup mimer leur monte accrocheuse. Leur monte en | Nous aimions beaucoup mimer leur monte accrocheuse. Leur monte en motocyclistes gazant. Rivés par les cerques de leurs flancs. Rivés par nos bites à leur coccyx. Accouplant leurs ischions. Emboîtant leurs cuisses jusqu’aux flexions du ménisque. Jusqu’aux chevilles et talons. Mimant leur copulation. L’édéage du second pénétrant le premier. La première. Par convulsions fessières. Dégrafant son blouson cuirassé. Dégrafant son thermogène de passager. Coéquipier. L’entourant de son haleine. De ses écharpes d’hypogastre. Ouvrant sa carapace. Sérigraphiée ou non, R.A.F. Enfonçant sa cravache dans son cache-couilles verrouillé. Y disséminant son fluide séminal. Hennissant comme cheval. Intégral. Cochant son étalon tride. Etourdissant sa ganache. Sa sous-barbe. Son poitrail. Strangulant sa parotide. Tenaillant sa carne, splendide. Y inscrivant ses ongles. Son spleen. Y enfonçant sa phobie d’être hongre. Son brandon sans ponte. Sans enfants. Ou seulement fruits d’Onan. Inexistants. Sans spermatozoïdes. Sinon infanticides. Y canulant ses écoulements. Dans le vide. | ||
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Le néant. | Le néant. | ||
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Dans le vide verdoyant de leur séant. | Dans le vide verdoyant de leur séant. | ||
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Nous aimions beaucoup nous conduire en amants. Mécanistes. Mécaniquement. En amants portatifs de ces mantes religieuses. Broyeuses. Accéder à leur demande périlleuse. Leur présenter nos compliments. Nos agréments. Nos attributs. Imbus. Escalader leur pente affectueuse. Affriolante. Leur relief herbu. Velu. Les laisser se comporter en chef. M.L.F. En cheffesses absolues. | Nous aimions beaucoup nous conduire en amants. Mécanistes. Mécaniquement. En amants portatifs de ces mantes religieuses. Broyeuses. Accéder à leur demande périlleuse. Leur présenter nos compliments. Nos agréments. Nos attributs. Imbus. Escalader leur pente affectueuse. Affriolante. Leur relief herbu. Velu. Les laisser se comporter en chef. M.L.F. En cheffesses absolues. Introduire nos sceptres dans leurs atomes incrochus. Etre leur battle-dress. Leur sac à dos. Leur paqueton sous cello. <ref>Édition de 1985, p. 17-18.</ref> | ||
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Nous aimions alerter. Alarmer. Monopoliser | Nous aimions alerter. Alarmer. Monopoliser l’effectif de nos services cliniques. L’ensemble de nos toubibs. Spécialistes ou simples généralistes. Les voir portés au comble de l’anxiété. Se retirer. Sombres et accaparés. Boire des cafés noirs resserrés. Faire semblant de fumer. Fulminer. Préoccupés. Avouer n’y rien comprendre. Se démobiliser ou retrouver confiance. Supputer de nos chances. Tamponner de compresses nos tempes. Nous talonner. Remesurer notre degré de fébrilité. Incrédules, reconsidérer notre membre de virilité. Pianoter ou malaxer nos testicules. Spéculariser nos cavités. Ecouter notre pouls ou taquiner nos trous fonciers. Nous obliger à tousser ou à expectorer. En été. | ||
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Nous aimions beaucoup leur causer du souci. Travestir la vérité. Les crisper. Leur faire advenir des gris-gris. Paraître liquidés. | Nous aimions beaucoup leur causer du souci. Travestir la vérité. Les crisper. Leur faire advenir des gris-gris. Paraître liquidés. Liquéfiés. Frictionner le thermomètre contre nos couvertures. Faire grimper nos températures. D’aventure et outre mesure. | ||
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Nous aimions beaucoup dénaturer la réalité. Leur faire passer en revue la palette des pires maux. Ancestreux. Nommer le vomito négro. Décliner la peste. | Nous aimions beaucoup dénaturer la réalité. Leur faire passer en revue la palette des pires maux. Ancestreux. Nommer le vomito négro. Décliner la peste. L’embolie. La teigne ou l’asthénie généralisée. Irréversible. Décréter des mises en quarantaine. Des contagions possibles. Mander des messagers hors du domaine. Par monts, vaux et plaines. Ramener des récits de Théramène. Outranciers. Complètements inconsidérés. | ||
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Nous aimions beaucoup paraître miraculeusement remis sur pied. En une seule nuit. Etre déclarés hors de danger. Un jour. Etre estimés aptes. Pouvoir nous lever sans devoir exécuter des tours | Nous aimions beaucoup paraître miraculeusement remis sur pied. En une seule nuit. Etre déclarés hors de danger. Un jour. Etre estimés aptes. Pouvoir nous lever sans devoir exécuter des tours d’acrobates. Etre escortés. Nous vêtir. Aidés. Redessiner notre tilac moucheté. Chausser nos espadrilles ou nos savates. Pouvoir nous promener aux alentours immédiats. Avoir nos pas guidés. Managés. Ménagés. Ou être conduits dans un landau carrossé. Comme un idiot. Aux bords de l’eau. Convalescents. Attachants. Revoir nos amants. Hardis. Vifs argent. Négocier de prochains attouchements ou recevoir leurs couffins de présents. Qui le filet d’une tanche nassée. Qui, comme cadeau, la chair d’une cerise sans noyau. Qui du miel du pays. Qui des bretzels, des biscuits. Qui la cervelle d’un étourneau étourdi. Qui la gigue (faut-il dire jambe ou jambonneau?) d’une grive. Grosse. Précocement molosse. Malabar. Rôtie, de part en part, sur une broche-rôtissoire. | ||
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Nous aimions beaucoup paraître recouvrer nos espoirs. Nos forces. Mortes. Ingérer. Déguster ou nous gaver. Etre déconstipés. Ravoir accès aux gocks. Nous y précipiter. Déboutonnés. Nous masturber sous notre short. Plier un genou. Nous feller Débraguetés. Nous faire de longs et déchirants pompiers. Longuement abouchés. | Nous aimions beaucoup paraître recouvrer nos espoirs. Nos forces. Mortes. Ingérer. Déguster ou nous gaver. Etre déconstipés. Ravoir accès aux gocks. Nous y précipiter. Déboutonnés. Nous masturber sous notre short. Plier un genou. Nous feller. Débraguetés. Nous faire de longs et déchirants pompiers. Longuement abouchés. | ||
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Nous rejeter tout entier dans la gueule du loup! | |||
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5. | 5. | ||
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Nous ne connaissions pas de tabou. Nous donnions libre cours à notre sexualité libre. Primitive. A notre sperme que nous appelions notre beaume de vie. Notre ambroisie que nous buvions et sirotions. | Nous ne connaissions pas de tabou. Nous donnions libre cours à notre sexualité libre. Primitive. A notre sperme que nous appelions notre beaume de vie. Notre ambroisie que nous buvions et sirotions. Fluide. Sapide. | ||
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Nous aimions beaucoup le regarder gicler. En exprimer le liquide savoureux. En exprimer les philactères mousseux. Le jus retenu. Les rais. Le boire. Le blanc de fond de coquemar. Nous en gargariser. En recracher le glaire. Le coulis salivaire. | Nous aimions beaucoup le regarder gicler. En exprimer le liquide savoureux. En exprimer les philactères mousseux. Le jus retenu. Les rais. Le boire. Le blanc de fond de coquemar. Nous en gargariser. En recracher le glaire. Le coulis salivaire. L’avaler ou nous tapisser de son mouillis. Nous en mouiller. Inonder. Nous baratter des touches. Nous foutre. Insoucieux. Voyous. Inadmis. | ||
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Nous aimions nous en enduire le pubis. En faire maquillage. Désagréable. En beurrer nos visages. Maigres. Nous subodorer. En être | Nous aimions nous en enduire le pubis. En faire maquillage. Désagréable. En beurrer nos visages. Maigres. Nous subodorer. En être écœurés. Pris de violents malaises. Vomir. Renarder. Restituer nos déjeuners. Dégoutés. Nous dégorger. Nous vider. Expulser nos pitances. Nos viandes imposées. Indisposantes. Nos préférences. Nos soupes aux potirons sans viande. Nos préférées. | ||
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Nous aimions nous enfuir. Ou revenir pour nous séduire. Nous flairer. Comme des limiers. Nous fusionner. Miscibles. Immiscés. Nous découvrir nos cibles. Impermises. Futitives. Préparées. Prélapées. Gratuites. | Nous aimions nous enfuir. Ou revenir pour nous séduire. Nous flairer. Comme des limiers. Nous fusionner. Miscibles. Immiscés. Nous découvrir nos cibles. Impermises. Futitives. Préparées. Prélapées. Gratuites. | ||
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Libres | Libres d’entrée. | ||
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Nous aimions y assouvir nos prurits. Frotter nos périnées. Masser nos thorax. Animer nos réceptacles favoris. Emettre, | Nous aimions y assouvir nos prurits. Frotter nos périnées. Masser nos thorax. Animer nos réceptacles favoris. Emettre, s’il le fallait, des ersatz de spermatozoïdes. Des substances de duvets. Choisis. Douillets. Ou des floculences de pissenlits séchés. Ou de kapoks trouvés. Déchiquetés. Ou simplement estafilés. | ||
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Nous aimions en confier la laitance | Nous aimions en confier la laitance aberrante aux eaux. La regarder s’y délayer. S’y dissoudre par grumeaux. Ou nous fixer sur des rochers sans coude. Y former des encroûtements. Des bourgeonnements. Imperceptibles. Des bougements invertébrés. Irascibles. Salissants. Saligauds. Ou jouer à cacher de petits pots de sureau. Boursouflés ou creusés. Remplis de moelle végétale. Comme génitale. Les déposer. Disposés en signaux. Elaborés. En traînées. Orientées. En balises. Apprises. Ou instinctives. A repérer. A récolter. Prélever. A introduire dans nos cavités assises. Elargies. A laisser agir. Fermenter. Pénétrer nos sphincters. Nos humeurs. Nos viscères. Par dizaines. Nous féconder le cratère du cœur. <ref>Édition de 1985, p. 26-29.</ref> | ||
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==Critiques== | ==Critiques== | ||
Extrait du ''Dictionnaire des lettres françaises de Belgique'' :<ref>''Lettres françaises de Belgique : Dictionnaire …,'' Vol. 4, « 1981 à 1990 » / R. Frickx, J.-M. d’Heur, F. Hallyn, Marcel de Grève, V. Nachtergale, M. Otten, C. Berg, R. Poupart, R. Trousson, p. 282.</ref> | |||
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L’auteur est un bouffon, il peint des mascarades. ''Pubères putains'' est écrit à la première personne du pluriel. C’est une focalisation interne de deux adolescents homosexuels aux prises avec l’éveil des sens, les blandices charnelles et les amours interdites et a-sociales. Joyeuse découverte des pulsions, étalage des moeurs dépravées, touchantes à certains égards et moins hystériques que celle de ''Madame Mao'' en 1981.<br>Verheggen y construit une politique de la souille, en réponse à la fange sociale, aux interdits ; être plus fangeux encore que les pathologies cachées de la société, tel est le but de cet écrit. L’esthétique des bas-instincts étalés sur papier, se veut plus saine que les répressions de la morale traditionnelle. La débauche, la luxure malsaine des bordels sont pour Verheggen plus avouables et artistiques que d’être « enfant du sous-prolétariat agricole wallon », coincé dans des principes rigides.<br>On distingue donc deux thématiques directrices dans ces pages engagées : l’amour et la sexualité des adolescents en opposition au monde rural dépourvu de liberté et de beauté. Klinkenberg définit l’expression particulière de Jean-Pierre Verheggen comme une langue pulsionnelle, un flux verbal exploitant toutes les formes littéraires.}} | |||
Verheggen y construit une politique de la souille, en réponse à la fange sociale, aux interdits ; être plus fangeux encore que les pathologies cachées de la société, tel est le but de cet écrit. | |||
On distingue donc deux thématiques directrices dans ces pages engagées : | |||
==Bibliographie== | ==Bibliographie== | ||
* | *''Pubères, putains : (récit)'' / Jean-Pierre Verheggen. – Dieulefit : Cheval d’Attaque, 1985 (Pencoprint). – 96 p. : couv. ill. ; 21 × 14 cm. – (Coll. TXT). – ISBN 2-86200-020-5{{Commentaire biblio|Photographie de l’auteur enfant.}} | ||
* | :*''Porches, porchers ; Pubères, putains ; Stabat mater'' / Jean-Pierre Verheggen ; préf. de Norge ; lecture de Jean-Marie Klinkenberg. – Bruxelles : Éd. Labor, 1991. – (Coll. Espace Nord ; 64). – ISBN 2-8040-0624-7 | ||
===Autres œuvres=== | ===Autres œuvres=== | ||
*''La grande mitraque'', Bruxelles, Éd. Henry Fagne, 1968 ; Amay, Éd. L’Arbre à Paroles, 1995. | |||
*''Le grand cacaphone'', préf. de Norge, Paris, G. Chambelland, 1974. | |||
* La | *''Le degré Zorro de l’écriture'', Paris, Éd. Christian Bourgois, 1978. | ||
*Le | *''Divan le Terrible'', Paris, Éd. Christian Bourgois, 1979. | ||
* Le | *''Vie et mort pornographiques de madame Mao'', Paris, Paul Otchakovsky-Laurens, Hachette-Littérature, 1981. | ||
* Divan le Terrible, | *''Ninietzsche, Peau d’Chien!'', Paris, A. Avila-Limage 2 (coll. TXT), 1983. | ||
* Vie et mort pornographiques de madame Mao, | *''Les Folies belgères'', Paris, Éd. du Seuil (Point-Virgule, V 82), 1990. | ||
* Ninietzsche, | *''Artaud Rimbur'', Paris, Éd. de La Différence, 1990 (Prix triennal de poésie 1992). Rééd. 1994. | ||
* Les Folies belgères, | *Avec Nestor Salas : ''Orthographe 1{{Exp|er}}, roi sans faute'', Paris, Éd. du Seuil (Petit Point, 24), 1992. | ||
* Artaud Rimbur, | *''Ridiculum vitæ'', Paris, Éd. de La Différence, 1994. | ||
*''Ridiculum vitæ ; précédé de Artaud Rimbur'', préf. de Marcel Moreau, Paris, Gallimard (Poésie-Gallimard), 2001. | |||
* Avec Nestor Salas | *''On n’est pas sérieux quand on a 117 ans : zuteries'', Paris, Éd. Gallimard, 2001. | ||
* Ridiculum vitæ, | *''Gisella : poèmes'', Paris, Éd. du Rocher (coll. Anatolia), 2004. | ||
* Ridiculum vitæ précédé de Artaud Rimbur, | *''Du même auteur chez le même éditeur'', Paris, Éd. Gallimard, 2004. | ||
* On | *Collectif : ''Amour, j’écris ton nom'', Charleroi, Éd. Couleur Livres, 2005. | ||
* Gisella, | *''Portraits crachés'', Liège, Éd. Le Somnambule Équivoque, 2005. | ||
* Du même auteur chez le même éditeur, | *''L’idiot du Vieil-Âge : (Excentries)'', Paris, Éd. Gallimard, 2006. | ||
* Collectif | *''Sodome et Grammaire'', Paris, Éd. Gallimard (coll. Hors série Littérature), 2008. | ||
* Portraits crachés, | *''Poète bin qu’oui, poète bin qu’non ?'', Paris, Éd. Gallimard, 2011, ISBN 978-2-07-013281-2 | ||
* | *''Un jour, je serai Prix Nobelge'', Paris, Éd. Gallimard (coll. Hors série Littérature), 2013, ISBN 978-2-07-014084-8 | ||
* Sodome et Grammaire, | |||
* Poète bin | |||
* Un jour, je serai Prix Nobelge, | |||
==Notes et références== | ==Notes et références== | ||
<references /> | <references /> |
Dernière version du 20 octobre 2013 à 21:34
Pubères, putains est un récit poétique de l’écrivain belge Jean-Pierre Verheggen, publié en 1985.
Dans la première partie, les deux protagonistes, sortes de Huckleberry Finn et Tom Sawyer chauds comme des baraques à frites, vivent leur amitié particulière dans une foutraque débauche de mots.
« La langue de Verheggen lutte contre la classification », écrit Jean-Marie Klinkenberg dans l’essai qui clot l’édition de 1991.
L’auteur
Jean-Pierre Verheggen est un écrivain et poète belge de langue française, né le 6 juin 1942 à Gembloux.
Il participe dans les années 1970 à TXT, la revue d’avant-garde radicale de l’entreprise « textuelle ». Il fut professeur de français à l’Athénée Royal de Gembloux pour les trois premières années de l’enseignement secondaire.
En 1990, il est conseiller du ministre de la culture Bernard Anselme, et en 1992, chargé de mission spéciale à la « promotion des Lettres françaises de Belgique ».[1]
Résumé
« Nous étions les deux bouts d’un seul jet de foutre passant outre de toute histoire entendue en termes de chronologie. »[2]
Le lieu n’est pas précisé, mais est rural, agricole. L’action se passe le temps d’un été, ou de plusieurs étés, et l’âge des personnages n’est pas défini mais varie d’une partie à l’autre :
Nous avions dix, douze ans. Treize. Peut-être. Pour les plus grands. Cent ans moins trois. Ajoutés ou soustraits. Plus que cela. Mil et tre. Mille et trois. Nous étions des bébés futuriens et des descendants bougnoules de Boduognat, l’Adua. Des enfants de Nemrod et du pithécanthrope à dada sur Vénus. Des marchands d’anus et des mannequins d’orgeat. Des fruits de rosolis et du vocabulaire de roulis des harengères. Des déclineurs de rosa de roseraies. Des éphèbes d’Eros erotica. Du caca de première!
Mais de première de gala! [3]
En fait de récit, dans la première partie, les protagonistes s’inspirent des ébats de la mante religieuse, puis ils jouent au docteur. Dans la deuxième partie, ils vivotent d’artisanat et d’expédients, se distraient de leurs idylles rurales en gâchant celles des autres, et s’amusent à tuer des animaux. Il est question de mort dans la dernière partie.
Extraits
Nous vivions dans des lieux délabrés. Détériorés. Périlleux. Dans des lieux sans yeux. Des lieux d’effondrilles. De tartre terrestre croûtier. De flaches. De caillasse. De lie d’usagers. Indisciplinés. De silos d’immondices. Sans flèche. Impubliques. Craspects. Crados. Inassignés.
Nous vivions dans cette promiscuité.
Nous vivions au bord d’un pré. Non pâturé. Cachés aux bords d’un étang. Mi-riant. Mi-stagnant. Grand. Suffisamment. Aux bords d’un été. A peine commencé. Aux portes de vacances. Préadolescentes. Eblouis par la présence conjuguée de maquis. De marais. Peu achalandés. D’ascolarité. De ruisselets propices heureusement proprets. De liberté sans devoirs ni livrets. D’homosexualité novice. Primesautière ou latente. Première. Débutante. [4]
Comme un très vieux poignet.
Nous aimions regarder les bêtes s’accoupler. S’aimer. S’entreprendre. Se couvrir. Piétiner les mottes de cadavres. Coprophages. Les sites printaniers. Tendres. Les paradoxes biotopes. Les brises de Loess. Les dérives d’élytres. Les fèces. Les siphons. Les bosquets. Les fourrés sine die. Les imiter. Nous ventouser. Nous anneler. Chevaucher les herbes filandreuses. Chatoyantes. Coquets. Parader ou craquer. Nous enculer. Ou nous laisser croquer. Partouser. Parrainés. Partout.
Nous aimions passer l’un de nos bras autour de nos cous. Palper nos linges. Entraver les pinces de nos genoux. Flairer nos embarras. Franchir nos ceintures. Franchir nos dessous. Attendre. Prétendre. Soupirer. Prétexter. Bassiner nos glandes. Echouer. Nous y reprendre à deux coups. Réchauffer nos capsules de semences. Nous basculer. Nous affouiller. Poigner dans notre tas. Nous marier.
De tu à toi.
Voilà!
Nous aimions beaucoup enceindre notre bas. Circonvenir nos hanches. Enceindre notre dos. Nos rectos. Le derme couturé de notre peau. Presser nos abdomens jusqu’à ce qu’en jaillisse le frai. Obscène. Monstrueux. La crème de l’érythème fessier. La matière des oaristyx. Des vices. Des sévices. Des crimen amoris. Crapuleux.
Nous aimions beaucoup échancrer nos moiteurs. Nos matrices. Nos milieux. Nous pétrir le ventre sans douceur. Sans introduire ni pénis, ni membre copulateur. En faire soudre et surgir nos œufs lourds. D’ire. D’élixir nauséeux. De velours sale. Cloaqual. D’anoures sororales. D’amours. De vœux. De lait d’anus, vitreux.
Vélé.
Voluptueux.
Nous aimions beaucoup faire mine de nous libérer de nos paquets bossueux. De déféquer nos sachets de symphorine. De gui. De fruits matures d’épineux. De nous débarrasser de notre musc. Palustre. De nos dix mille yeux d’Argus. De jockey cacté. Camphré. Cravaché. De nos chapelets de nul office. D’orifices cireux. D’excréments minotiers. De conduits. De coulisses. De couloirs endoloris. De trompes. De tremblements pissotiers. De mappemondes sans mer ni pays réduits. Rondes. Immorales. Immondes.
Nous aimions mimer être nos propres gibbosités caudales. Les employés réciproques de nos pontes. Fécondes. De nos sacoches. Les manouvriers de nos ampoules rectales. De nos scandales. De nos leviers. De nos bracelets de colle. D’alvéoles. De cabochons. D’amidon. De clapets. Prêts. O.K. De croupetons. De cris. Ready. D’anales gesticulations.
Nous aimions nous enlacer. Etre nos bouches coxales. Lècher nos trous natals. Nous alanguir. Nous sourire ou nous maudire. Etre des homosexuels quasi. Des amis. Quasi des ennemis. Des bandits. Des putti peints en chiens. Quasi des bâtards de batraciens. Ou d’insectes. Très aériens. [5]
[…] Pour voler. Gagner le ciel. Ou sucer la fleur providentielle d’un garçon. Lui broyer sa tête. Ouverte. Ou concasser ses petits poumons. Butiner son menton. Piquer ses yeux ou aimer le sexe dardé qu’il a, en son milieu, dressé. Le désirer. Arder. Arder. Nous en empiffrer. [6]
[…] Comme des mantes religieuses.
Nous aimions beaucoup mimer leur monte accrocheuse. Leur monte en motocyclistes gazant. Rivés par les cerques de leurs flancs. Rivés par nos bites à leur coccyx. Accouplant leurs ischions. Emboîtant leurs cuisses jusqu’aux flexions du ménisque. Jusqu’aux chevilles et talons. Mimant leur copulation. L’édéage du second pénétrant le premier. La première. Par convulsions fessières. Dégrafant son blouson cuirassé. Dégrafant son thermogène de passager. Coéquipier. L’entourant de son haleine. De ses écharpes d’hypogastre. Ouvrant sa carapace. Sérigraphiée ou non, R.A.F. Enfonçant sa cravache dans son cache-couilles verrouillé. Y disséminant son fluide séminal. Hennissant comme cheval. Intégral. Cochant son étalon tride. Etourdissant sa ganache. Sa sous-barbe. Son poitrail. Strangulant sa parotide. Tenaillant sa carne, splendide. Y inscrivant ses ongles. Son spleen. Y enfonçant sa phobie d’être hongre. Son brandon sans ponte. Sans enfants. Ou seulement fruits d’Onan. Inexistants. Sans spermatozoïdes. Sinon infanticides. Y canulant ses écoulements. Dans le vide.
Le néant.
Dans le vide verdoyant de leur séant.
Nous aimions beaucoup nous conduire en amants. Mécanistes. Mécaniquement. En amants portatifs de ces mantes religieuses. Broyeuses. Accéder à leur demande périlleuse. Leur présenter nos compliments. Nos agréments. Nos attributs. Imbus. Escalader leur pente affectueuse. Affriolante. Leur relief herbu. Velu. Les laisser se comporter en chef. M.L.F. En cheffesses absolues. Introduire nos sceptres dans leurs atomes incrochus. Etre leur battle-dress. Leur sac à dos. Leur paqueton sous cello. [7]
Nous aimions alerter. Alarmer. Monopoliser l’effectif de nos services cliniques. L’ensemble de nos toubibs. Spécialistes ou simples généralistes. Les voir portés au comble de l’anxiété. Se retirer. Sombres et accaparés. Boire des cafés noirs resserrés. Faire semblant de fumer. Fulminer. Préoccupés. Avouer n’y rien comprendre. Se démobiliser ou retrouver confiance. Supputer de nos chances. Tamponner de compresses nos tempes. Nous talonner. Remesurer notre degré de fébrilité. Incrédules, reconsidérer notre membre de virilité. Pianoter ou malaxer nos testicules. Spéculariser nos cavités. Ecouter notre pouls ou taquiner nos trous fonciers. Nous obliger à tousser ou à expectorer. En été.
Nous aimions beaucoup leur causer du souci. Travestir la vérité. Les crisper. Leur faire advenir des gris-gris. Paraître liquidés. Liquéfiés. Frictionner le thermomètre contre nos couvertures. Faire grimper nos températures. D’aventure et outre mesure.
Nous aimions beaucoup dénaturer la réalité. Leur faire passer en revue la palette des pires maux. Ancestreux. Nommer le vomito négro. Décliner la peste. L’embolie. La teigne ou l’asthénie généralisée. Irréversible. Décréter des mises en quarantaine. Des contagions possibles. Mander des messagers hors du domaine. Par monts, vaux et plaines. Ramener des récits de Théramène. Outranciers. Complètements inconsidérés.
Nous aimions beaucoup paraître miraculeusement remis sur pied. En une seule nuit. Etre déclarés hors de danger. Un jour. Etre estimés aptes. Pouvoir nous lever sans devoir exécuter des tours d’acrobates. Etre escortés. Nous vêtir. Aidés. Redessiner notre tilac moucheté. Chausser nos espadrilles ou nos savates. Pouvoir nous promener aux alentours immédiats. Avoir nos pas guidés. Managés. Ménagés. Ou être conduits dans un landau carrossé. Comme un idiot. Aux bords de l’eau. Convalescents. Attachants. Revoir nos amants. Hardis. Vifs argent. Négocier de prochains attouchements ou recevoir leurs couffins de présents. Qui le filet d’une tanche nassée. Qui, comme cadeau, la chair d’une cerise sans noyau. Qui du miel du pays. Qui des bretzels, des biscuits. Qui la cervelle d’un étourneau étourdi. Qui la gigue (faut-il dire jambe ou jambonneau?) d’une grive. Grosse. Précocement molosse. Malabar. Rôtie, de part en part, sur une broche-rôtissoire.
Nous aimions beaucoup paraître recouvrer nos espoirs. Nos forces. Mortes. Ingérer. Déguster ou nous gaver. Etre déconstipés. Ravoir accès aux gocks. Nous y précipiter. Déboutonnés. Nous masturber sous notre short. Plier un genou. Nous feller. Débraguetés. Nous faire de longs et déchirants pompiers. Longuement abouchés.
Nous rejeter tout entier dans la gueule du loup!
5.
Nous ne connaissions pas de tabou. Nous donnions libre cours à notre sexualité libre. Primitive. A notre sperme que nous appelions notre beaume de vie. Notre ambroisie que nous buvions et sirotions. Fluide. Sapide.
Nous aimions beaucoup le regarder gicler. En exprimer le liquide savoureux. En exprimer les philactères mousseux. Le jus retenu. Les rais. Le boire. Le blanc de fond de coquemar. Nous en gargariser. En recracher le glaire. Le coulis salivaire. L’avaler ou nous tapisser de son mouillis. Nous en mouiller. Inonder. Nous baratter des touches. Nous foutre. Insoucieux. Voyous. Inadmis.
Nous aimions nous en enduire le pubis. En faire maquillage. Désagréable. En beurrer nos visages. Maigres. Nous subodorer. En être écœurés. Pris de violents malaises. Vomir. Renarder. Restituer nos déjeuners. Dégoutés. Nous dégorger. Nous vider. Expulser nos pitances. Nos viandes imposées. Indisposantes. Nos préférences. Nos soupes aux potirons sans viande. Nos préférées.
Nous aimions nous enfuir. Ou revenir pour nous séduire. Nous flairer. Comme des limiers. Nous fusionner. Miscibles. Immiscés. Nous découvrir nos cibles. Impermises. Futitives. Préparées. Prélapées. Gratuites.
Libres d’entrée.
Nous aimions y assouvir nos prurits. Frotter nos périnées. Masser nos thorax. Animer nos réceptacles favoris. Emettre, s’il le fallait, des ersatz de spermatozoïdes. Des substances de duvets. Choisis. Douillets. Ou des floculences de pissenlits séchés. Ou de kapoks trouvés. Déchiquetés. Ou simplement estafilés.
Nous aimions en confier la laitance aberrante aux eaux. La regarder s’y délayer. S’y dissoudre par grumeaux. Ou nous fixer sur des rochers sans coude. Y former des encroûtements. Des bourgeonnements. Imperceptibles. Des bougements invertébrés. Irascibles. Salissants. Saligauds. Ou jouer à cacher de petits pots de sureau. Boursouflés ou creusés. Remplis de moelle végétale. Comme génitale. Les déposer. Disposés en signaux. Elaborés. En traînées. Orientées. En balises. Apprises. Ou instinctives. A repérer. A récolter. Prélever. A introduire dans nos cavités assises. Elargies. A laisser agir. Fermenter. Pénétrer nos sphincters. Nos humeurs. Nos viscères. Par dizaines. Nous féconder le cratère du cœur. [8]
Critiques
Extrait du Dictionnaire des lettres françaises de Belgique :[9]
« |
L’auteur est un bouffon, il peint des mascarades. Pubères putains est écrit à la première personne du pluriel. C’est une focalisation interne de deux adolescents homosexuels aux prises avec l’éveil des sens, les blandices charnelles et les amours interdites et a-sociales. Joyeuse découverte des pulsions, étalage des moeurs dépravées, touchantes à certains égards et moins hystériques que celle de Madame Mao en 1981. |
» |
Bibliographie
- Pubères, putains : (récit) / Jean-Pierre Verheggen. – Dieulefit : Cheval d’Attaque, 1985 (Pencoprint). – 96 p. : couv. ill. ; 21 × 14 cm. – (Coll. TXT). – ISBN 2-86200-020-5Photographie de l’auteur enfant.
- Porches, porchers ; Pubères, putains ; Stabat mater / Jean-Pierre Verheggen ; préf. de Norge ; lecture de Jean-Marie Klinkenberg. – Bruxelles : Éd. Labor, 1991. – (Coll. Espace Nord ; 64). – ISBN 2-8040-0624-7
Autres œuvres
- La grande mitraque, Bruxelles, Éd. Henry Fagne, 1968 ; Amay, Éd. L’Arbre à Paroles, 1995.
- Le grand cacaphone, préf. de Norge, Paris, G. Chambelland, 1974.
- Le degré Zorro de l’écriture, Paris, Éd. Christian Bourgois, 1978.
- Divan le Terrible, Paris, Éd. Christian Bourgois, 1979.
- Vie et mort pornographiques de madame Mao, Paris, Paul Otchakovsky-Laurens, Hachette-Littérature, 1981.
- Ninietzsche, Peau d’Chien!, Paris, A. Avila-Limage 2 (coll. TXT), 1983.
- Les Folies belgères, Paris, Éd. du Seuil (Point-Virgule, V 82), 1990.
- Artaud Rimbur, Paris, Éd. de La Différence, 1990 (Prix triennal de poésie 1992). Rééd. 1994.
- Avec Nestor Salas : Orthographe 1er, roi sans faute, Paris, Éd. du Seuil (Petit Point, 24), 1992.
- Ridiculum vitæ, Paris, Éd. de La Différence, 1994.
- Ridiculum vitæ ; précédé de Artaud Rimbur, préf. de Marcel Moreau, Paris, Gallimard (Poésie-Gallimard), 2001.
- On n’est pas sérieux quand on a 117 ans : zuteries, Paris, Éd. Gallimard, 2001.
- Gisella : poèmes, Paris, Éd. du Rocher (coll. Anatolia), 2004.
- Du même auteur chez le même éditeur, Paris, Éd. Gallimard, 2004.
- Collectif : Amour, j’écris ton nom, Charleroi, Éd. Couleur Livres, 2005.
- Portraits crachés, Liège, Éd. Le Somnambule Équivoque, 2005.
- L’idiot du Vieil-Âge : (Excentries), Paris, Éd. Gallimard, 2006.
- Sodome et Grammaire, Paris, Éd. Gallimard (coll. Hors série Littérature), 2008.
- Poète bin qu’oui, poète bin qu’non ?, Paris, Éd. Gallimard, 2011, ISBN 978-2-07-013281-2
- Un jour, je serai Prix Nobelge, Paris, Éd. Gallimard (coll. Hors série Littérature), 2013, ISBN 978-2-07-014084-8
Notes et références
- ↑ Source Wikipédia : Jean-Pierre Verheggen (mai 2013, sous licence Creative Commons paternité partage à l’identique).
- ↑ Édition de 1985, p. 85 ; édition de 1991, p. 124.
- ↑ Édition de 1985, p. 66 ; édition de 1991, p. 105.
- ↑ Édition de 1985, p. 11.
- ↑ Édition de 1985, p. 13-15.
- ↑ Édition de 1985, p. 16.
- ↑ Édition de 1985, p. 17-18.
- ↑ Édition de 1985, p. 26-29.
- ↑ Lettres françaises de Belgique : Dictionnaire …, Vol. 4, « 1981 à 1990 » / R. Frickx, J.-M. d’Heur, F. Hallyn, Marcel de Grève, V. Nachtergale, M. Otten, C. Berg, R. Poupart, R. Trousson, p. 282.