« Pédérastie (Pierre Reydellet) » : différence entre les versions

De BoyWiki
Calame (discussion | contributions)
Création de la page "Pédérastie (Reydellet)"
 
Calame (discussion | contributions)
m Calame a déplacé la page Pédérastie (Reydellet) vers Pédérastie (Pierre Reydellet) : Norme BoyWiki : on indique prénom et nom quand il n'y a qu'un seul auteur
 
(3 versions intermédiaires par un autre utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
L’article '''{{Petites capitales|pédérastie}}''' du ''[[Dictionnaire des sciences médicales (Panckoucke)|Dictionnaire des sciences médicales]]'' édité par C. L. F. Panckoucke ([[1812]]-[[1822]]) a été rédigé par le docteur '''Reydellet''', et publié en [[1819]].
L’article '''{{Petites capitales|pédérastie}}''' du ''[[Dictionnaire des sciences médicales (Panckoucke)|Dictionnaire des sciences médicales]]'' édité par C. L. F. Panckoucke ([[1812]]-[[1822]]) a été rédigé par le docteur '''Pierre Reydellet''', et publié en [[1819]].


On remarquera, outre le ton très moralisateur, que l’aspect médical y est quasiment inexistant.
On remarquera, outre le ton très moralisateur, que l’aspect médical y est quasiment inexistant.


==En quête de l’auteur==
== L’auteur==


Le docteur Reydellet apparaît pour la première fois dans la liste des collaborateurs du ''Dictionnaire des sciences médicales'' en [[1818]], sur la page de titre du tome 29 et comme auteur de l’article « Machine » (p. 332-374). Il est ensuite l’auteur des articles « Métastase » (t. 33, p. 16-105, 1819), « Pendu » (t. 40, p. 167-171, 1819), « Principe vital » (t. 45, p. 125-136, [[1820]]), « Proportions (anatomiques) » (t. 45, p. 420-437), « Pyrosis » (t. 46, p. 341-349, 1820), « Synonymie » (t. 54, p. 94-97, [[1821]]), « Synoptiques (tables) » (t. 54, p. 97), « Topographie (médicale) » (t. 55, p. 298-311, 1821), « Veille » (t. 57, p. 112-124, 1821). Son prénom reste inconnu. Mais au vu des thèmes traités, il semble n’avoir eu aucune compétence particulière en matière de psychologie, ni de [[sexologie]].
Le docteur Reydellet apparaît pour la première fois dans la liste des collaborateurs du ''Dictionnaire des sciences médicales'' en [[1818]], sur la page de titre du tome 29 et comme auteur de l’article « Machine » (p. 332-374). Il est ensuite l’auteur des articles « Métastase » (t. 33, p. 16-105, 1819), « Pendu » (t. 40, p. 167-171, 1819), « Principe vital » (t. 45, p. 125-136, [[1820]]), « Proportions (anatomiques) » (t. 45, p. 420-437), « Pyrosis » (t. 46, p. 341-349, 1820), « Synonymie » (t. 54, p. 94-97, [[1821]]), « Synoptiques (tables) » (t. 54, p. 97), « Topographie (médicale) » (t. 55, p. 298-311, 1821), « Veille » (t. 57, p. 112-124, 1821).  


La liste des souscripteurs du ''Dictionnaire'', publiée en 1822 dans le tome 60, mentionne deux « docteurs-médecins » nommés Reydellet, l’un à Paris, l’autre à Nantua (p. 64) ; leurs prénoms ne sont pas précisés. L’auteur de l’article « Pédérastie » est probablement l’un d’eux.
Au total, Pierre Reydellet aurait composé une quarantaine d'articles du dictionnaire Panckoucke.


Un certain Jules Reydellet, né à Bourg-en-Bresse en [[1793]], ancien chirurgien de marine, s’installe en [[1815]] à La Réunion, où il est nommé médecin-chef de la colonie, organise des vaccinations systématiques contre la variole, et meurt en [[1859]]. Son lieu de naissance laisse supposer qu’il était apparenté au médecin établi à Nantua. Curieusement, selon le ''Répertoire bibliographique des travaux des médecins et des pharmaciens de la marine française''.<ref>''Répertoire bibliographique des travaux des médecins et des pharmaciens de la marine française : 1698-1873'' / docteurs Charles Berger et Henri Rey ; p. 216. – Paris : J. B. Baillière et fils, [[1874]].</ref>, il semble que ses véritables prénoms aient été Alexandre-Charles-Philippe ; l’article « Pédérastie » ne figure pas dans la courte liste de ses œuvres, qui ne traitent que de la vaccination.
On sait peu de choses pour l’instant sur le Dr Pierre Reydellet.
Le "Dictionnaire Dechambre" lui consacre un court article biographique<ref>Consultable en ligne : https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?do=page&cote=extbnfdechambrex083&p=329</ref> : Pierre Reydellet est né à Lyon le 17 septembre 1780, exerça comme chirurgien interne de l’Hôtel Dieu avant de venir à Paris passer sa thèse de médecine en 1814 consacrée à l’érysipèle. On lui doit un livre paru en 1820 et intitulé ''Du suicide considéré dans ses rapports avec la morale publique et le progrès'' consultable à la BNF.
 
Le Dr Pierre Reydellet a été nommé membre non résident de l’Académie de médecine.
Il est mort à Marseille (Bouches-du-Rhône) à une date encore inconnue.


==Texte intégral==
==Texte intégral==

Dernière version du 9 février 2020 à 12:51

L’article pédérastie du Dictionnaire des sciences médicales édité par C. L. F. Panckoucke (1812-1822) a été rédigé par le docteur Pierre Reydellet, et publié en 1819.

On remarquera, outre le ton très moralisateur, que l’aspect médical y est quasiment inexistant.

L’auteur

Le docteur Reydellet apparaît pour la première fois dans la liste des collaborateurs du Dictionnaire des sciences médicales en 1818, sur la page de titre du tome 29 et comme auteur de l’article « Machine » (p. 332-374). Il est ensuite l’auteur des articles « Métastase » (t. 33, p. 16-105, 1819), « Pendu » (t. 40, p. 167-171, 1819), « Principe vital » (t. 45, p. 125-136, 1820), « Proportions (anatomiques) » (t. 45, p. 420-437), « Pyrosis » (t. 46, p. 341-349, 1820), « Synonymie » (t. 54, p. 94-97, 1821), « Synoptiques (tables) » (t. 54, p. 97), « Topographie (médicale) » (t. 55, p. 298-311, 1821), « Veille » (t. 57, p. 112-124, 1821).

Au total, Pierre Reydellet aurait composé une quarantaine d'articles du dictionnaire Panckoucke.

On sait peu de choses pour l’instant sur le Dr Pierre Reydellet. Le "Dictionnaire Dechambre" lui consacre un court article biographique[1] : Pierre Reydellet est né à Lyon le 17 septembre 1780, exerça comme chirurgien interne de l’Hôtel Dieu avant de venir à Paris passer sa thèse de médecine en 1814 consacrée à l’érysipèle. On lui doit un livre paru en 1820 et intitulé Du suicide considéré dans ses rapports avec la morale publique et le progrès consultable à la BNF.

Le Dr Pierre Reydellet a été nommé membre non résident de l’Académie de médecine. Il est mort à Marseille (Bouches-du-Rhône) à une date encore inconnue.

Texte intégral

Après correction des erreurs typographiques, on a conservé l’orthographe d’époque.




PÉDÉRASTIE , s.f., pæderastia, dérivé de deux mots grecs, παιδος, enfant, et εραστης, amateur, d’où l’on a fait le mot pédéraste pour désigner celui qui est sujet à ce penchant criminel : vice infâme que la morale, la nature et la raison réprouvent également, et qui est l’une des grandes preuves du degré d’abjection dans lequel l’homme peut se laisser entraîner lorsque, maîtrisé par des goûts vils et impétueux, fruits ordinaires d’une profonde dépravation, il ne trouve plus, dans la pureté de son cœur et dans l’amour de la vertu, une barrière suffisante contre l’immoralité.

Il faudrait remonter bien haut pour trouver l’origine de ce goût abominable ; il se perd, pour ainsi dire, dans la nuit des temps. Les divers désastres qui ont bouleversé quelques parties du globe à une époque encore rapprochée de la création, nous sont donnés par l’Écriture Sainte comme des monumens de la vengeance céleste exercée sur des hommes livrés à tous les genres de corruption : preuve évidente que, pour avoir vécu, pendant les siècles du premier âge, dans l’enfance de la nature, nos premiers pères ne furent pour cela ni meilleurs ni plus innocens que nous.

Si, sous quelques rapports honorables, ce qui est vrai, mais ce qui a pourtant été beaucoup exagéré, les anciens ont laissé les modernes bien loin derrière eux, ils les ont également laissés bien loin sous le rapport de l’immoralité : ils ont été leurs maîtres en corruption, mais ils les ont surpassés. Cette remarque sera toujours, quoi que l’on puisse dire, l’une des mille raisons qui, en attestant la perversion des siècles passés et de certains peuples de l’antiquité réduisent au néant les déclamations chagrines et mensongères de quelques esprits faux ou de mauvaise foi, apologistes outrés des temps et des choses qui ne sont plus, et qui, toujours prêts à calomnier le temps présent, vantant à tout propos la pureté des mœurs antiques, aux dépens des nôtres, malgré le témoignage de l’histoire, qui leur donne le démenti le plus éclatant, voudraient nous persuader que, succombant sous le poids de la démoralisation, la société marche rapidement à une dissolution générale et inévitable.

Celui de tous les peuples anciens chez lequel cet amour déréglé était le plus en usage, était précisément celui dont la réputation a jeté le plus grand éclat. Les Grecs, justement et à jamais célèbres entre toutes les autres nations par leurs lumières et leur civilisation, se firent remarquer par leurs excès en ce genre. Il en était peu parmi ce peuple qui ne fussent entachés de ce vice honteux ; mais ce qu’il y a de plus remarquable encore, c’est qu’à peine regardaient-ils cette action comme une chose méprisable, peut-être même pourrait-on dire que chez eux elle y était en honneur.

Cette dernière observation prouve encore mieux que ne pourraient le faire tous les raisonnemens, à quel point ils poussaient la perversion à cet égard. En effet, ce n’est pas seulement d’après le nombre ni l’atrocité des crimes qui se commettent que l’on peut juger du véritable état de la moralité des peuples et des siècles, mais bien d’après l’opinion que l’on en a et le jugement que l’on en porte. C’est essentiellement dans cette remarque que l’on peut trouver le véritable degré de la corruption du cœur. En effet, de quelque nature que soit une mauvaise action, dès-lors qu’elle devient objet de l’horreur publique ; dès-lors que la société indignée appelle de tout son pouvoir la vengeance des lois sur cet outrage à l’ordre social, on ne peut point en conclure, sans calomnie, qu’il existe chez tel peuple un état profond de démoralisation. Au contraire, ce soulèvement général et unanime prouve que ses mœurs sont encore dans un grand état de pureté ; mais du moment que cette même action n’inspire plus que de l’indifférence, qu’elle devient l’objet de l’indulgence et d’une tolérance condamnable, oh ! alors il faut trembler pour l’état moral d’un semblable peuple, parce que cette condescendance est la preuve certaine que les liens moraux, qui raffermissent la société, se relâchent, et que bientôt peut-être ils se dissoudront entièrement. Eh bien ! il n’est besoin que de cette seule réflexion pour prouver combien nous sommes encore audessous des anciens pour l’immoralité.

Sans doute, pour le malheur de la société et de la morale, ce vice funeste n’est point entièrement détruit parmi nous. Il n’y a que trop d’individus encore qui se livrent à ce hideux plaisir ; mais avouons du moins, à l’honneur de notre siècle, que, dans aucun autre temps, le misérable, incapable de faire à la raison et à la vertu le sacrifice de ses dégoûtantes jouissances, ne les enveloppa d’aussi profondes ténèbres et d’autant de mystère, soit par un sentiment de pudeur, dont l’homme le plus éhonté a de la peine à se défendre au milieu d’individus moins dépravés que lui, soit pour se dérober à l’indignation et au mépris général qu’il inspire, ainsi qu’à la vengeance des lois qui le surveillent. Ce crime était autrefois puni de la peine de mort, la justice divine elle-même l’avait prononcée (morte moriatur, Lévitique, chap. x). En France même, l’ancienne jurisprudence condamnait à la peine du feu ceux qui s’en étaient rendus coupables, et l’on a encore vu deux exécutions de ce genre en vertu d’un arrêt du 5 juin 1750. Comment se faisait-il que, malgré des peines aussi sévères, on ne pût arrêter cette corruption ? C’est que l’immoralité était telle qu’il ne restait pas de barrière capable de la contenir.

Telle était, chez les Grecs, la passion pour ce genre de plaisir, que ce qu’il y avait de plus éclairé et de plus réputé honnête y était sujet, ou en était accusé, jusqu’au point que le plus sage des Grecs, le vertueux Socrate, en a été violemment soupçonné, on pourrait même dire avec quelque raison : c’est du moins sous ce rapport qu’ont été envisagées ses familiarités avec le jeune Alcibiade, qui, disent les auteurs du temps, placé sous la même couverture, non semper sine plagâ ab eo surrexit.

On sent qu’un peuple dont les goûts avaient pris une direction si vicieuse, ne pouvait pas être un admirateur bien passionné des femmes ; aussi la plupart de leurs auteurs, prenant pour base de leurs éloges le penchant vers lequel ils se sentaient entraînés, ont-ils rarement négligé de répandre les traits de la critique la plus amère sur un sexe qu’ils devaient avoir en horreur ; c’est ce dernier sentiment qui avait inspiré le poète Ménandre dans son imprécation contre Prométhée :


Est-ce donc sans raison que le fils de Japet

Fut jadis enchaîné sur le triste sommet ?

Il a trouvé le feu ; mais mal autre service

N’a pu le dérober à ce juste supplice.

Il a formé la femme, et ce crime odieux

Avait bien mérité tout le courroux des dieux.

Ce sexe, de nos maux, n’est-il pas seul la cause ? etc.


Il est juste pourtant de dire que plusieurs des plus anciens philosophes ne se sont exercés sur ce sujet que pour en démontrer toute l’ignominie. Sans parler de Platon, de son Banquet et du Lysis, il est probable que c’est dans cette intention que Plutarque a composé son Traité sur l’amour. On trouve dans le roman d’Achilles Tatius sur les amours de Leucippe et de Clitophon, aux chapitres x et xi du premier livre, un parallèle entre les deux sortes d’amour, dans lequel il témoigne son indignation pour le vice favori des Grecs ; Clément d’Alexandrie, dans son Pédagogue, livre ii, chap. x, et Maxime de Tyr, dissertation xxiv et suivantes, en parlent dans le même sens ; mais celui de tous qui le combat avec le plus de force, c’est Lucien : les armes de l’ironie et du mépris sont les seules qu’il emploie pour attaquer ce penchant abominable. Il est assez curieux de lire son Dialogue, ou du moins qu’on lui attribue, sur les amours, entre Lycinus et Théomneste, et dans lequel il accorde plaisamment la préférence au plus infâme.

Pour se faire une idée de la turpitude des Grecs à cet égard, il suffit de voir avec quelle impudence ils consacraient dans leurs chants cet amour honteux, qu’ils mettaient bien audessus de celui pour les femmes. L’un, disaient-ils, est un enfant frivole qui ne s’occupe que de jeux puérils ; il ne peut être gouverné par la raison, il règne avec violence chez les hommes insensés ; c’est de lui que viennent les désirs qui les portent vers les femmes ; il accompagne toujours cette fougue impétueuse mais passagère de la jeunesse, qu’il précipite avec emportement vers l’objet de sa passion : l’autre amour, plus ancien que les siècles d’Ogygès, qui remonte bien plus haut que le premier déluge, est honnête et grave dans son extérieur ; tout annonce en lui la sainteté de son origine. Dispensateur des sentimens vertueux, son souffle pénètre avec douceur dans nos ames, et quand ce dieu nous est propice, nous goûtons la volupté la plus pure unie à la vertu : car, comme le dit un poète tragique : L’amour nous inspire par deux souffles différens, et sous un même nom il produit des effets opposés. De même la pudeur est une double divinité tout à la fois utile et pernicieuse :


La pudeur peut servir ou perdre les mortels.

Deux espèces de jalousie

Se partagent et règlent notre vie :

L’une, par ses bienfaits mérite des autels ;

L’autre nous livre à des maux éternels.

Hésiode, Poème des Ouvrages et des Jours.


Les Romains furent loin d’être exempts de ce vice, qu’ils reçurent des Grecs, ou qui du moins contribuèrent beaucoup à le répandre chez eux, et leur donnèrent en même temps le germe des lumières, de la civilisation et de la corruption ; et tels furent les progrès qu’ils firent en ce genre, que bientôt aussi dépravés que leurs maîtres, il n’y eut plus pour eux en cela motif de honte, et qu’ils n’y virent plus qu’un nouveau sujet digne des accords des premiers poètes ; ce que nous prouve d’une manière bien évidente le


Formosum pastor Corydon ardebat Alezin.


Des causes probables de la pédérastie. Elles sont de plusieurs espèces : 1°. la différence des climats. L’observation a constamment démontré que ce déréglement était extrêmement fréquent dans les pays chauds, tandis qu’il devient très-rare dans les pays froids ; on dirait que, sans cesse stimulés par l’ardeur d’un climat brûlant et sans cesse emportés par leurs désirs toujours renaissans, les premiers ont bientôt épuisé toutes les jouissances ordinaires et raisonnables, et qu’ils cherchent à se satisfaire par l’invention de nouvelles plus ou moins bizarres ; mais il en est une cause plus probable encore. Dans les pays chauds, en même temps que les hommes sont portés avec violence aux plaisirs de l’amour, les femmes y sont extrêmement réservées par l’effet des lois, qui ont dû chercher à les soustraire aux fâcheuses conséquences de cette ardeur de tempérament. Ne trouvant plus dès-lors, par la difficulté qu’ils éprouvent, un aliment suffisant à leurs désirs, ils sont obligés de chercher ailleurs des plaisirs d’une autre nature, auxquels d’ailleurs ils sont quelquefois portés par une organisation particulière et malheureuse, et qui fait naître en eux ce goût dépravé, Dans les pays froids, au contraire, les hommes sont beaucoup moins ardens, leurs désirs se trouvent renfermés dans de justes limites, et les femmes y jouissent par cette même raison d’une liberté qu’elles ne pourraient avoir sans danger dans les climats chauds : de telle sorte que n’éprouvant pas ou fort peu de privations, les hommes de ces contrées ne sont nullement portés à dénaturer des plaisirs qu’ils goûtent avec modération, et auxquels ils ne trouvent aucun obstacle.

Mais comment expliquer que les hommes les plus sages de l’antiquité, ceux qui professaient ouvertement les principes de la vertu la plus rigide, n’aient pu se soustraire à cette contagion ? La plupart en effet en étaient entachés. On en trouve la cause dans le rigorisme même de leurs principes. Regardant 1es femmes comme un objet audessous d’eux, et l’amour qu’elles inspirent comme une fantaisie à laquelle il eût été honteux de succomber ; désirant se soustraire à leur empire, et ne pouvant néanmoins se dérober à l’influence du climat, qui agissait sur eux avec toute sa force, ils étaient obligés de porter ailleurs leurs feux. Trop orgueilleux pour céder à des sentimens qu’ils regardaient stupidement comme une faiblesse que la nature a placée dans le cœur de l’homme, et qui l’entraîne avec force vers l’autre sexe ; trop faibles en même temps ou trop dépravés pour résister à la fougue de leurs désirs, ils les apaisaient par les moyens les plus honteux, et ne rougissaient pas de jeter dans l’ame de la jeunesse les germes d’une corruption dont ils cherchaient à profiter en faveur de leur lubricité. Quelques-uns, moins éhontés ou plus adroits, cherchaient à couvrir du masque de la vertu des intimités qu’ils voulaient faire regarder comme bornées à une simple contemplation amicale ; mais c’est précisément ceux-là que démasque Lucien lorsqu’il fait dire à Théomneste : « Rions de ces prétendus philosophes, de ces déraisonneurs sublimes qui, fronçant le sourcil, cherchent à en imposer à la multitude par des noms honnêtes : vainement prétendent-ils que la vue seule de l’objet aimé leur suffit. Velut scalos quosdam voluptatis fabricans amor primum habet gradum visus, uti spectet, et, ubi contemplatus est, cupit, admoto corpore, attingere. Si enim vel summis digitis attigerit, totum corpus fruitus ille percurrit. Hoc ubi facilè consecutus est, tertio tentat osculum, non statim curiosum illud, sed placidè labia admovere labiis, quæ priùs etiam quàm planè se contingerint, desistit, nullo suspicionis relicto vestigio. Deindè concedenti se accommodans, longioribus semper amplexibus quasi illiquescit, interdum etiam placidè os diducens, nullamque manum otiosam esse patitur ; cum manifestæ illæ sensibilium partium commotiones voluptatem accendunt, aut igitur latenter lubrico lapsu dextra sinum labiens, mamillas premit paululùm ultra naturam tumentes, duriusculi ventris rotunditatem digitis molliter percurrit. Post hæc etiam primæ lanuginis in pube florem decerpit. Et quid arcana illa opportet enarrare? Tandem nactus opportunitatem amor, callidius quoddam opus occipit : deinde à femoribus orsus illa, ut ait comicus, percutit, mihi quidem hoc modo amare pueros contingat. Vainement voulaient-ils cacher sous le voile de la simple amitié leur infâme conduite, sed erat ipsorum amicitiæ vinculum voluptas. C’était une espèce de sacrifice qu’ils lui offraient ; ils pensaient que ce commerce impur deviendrait un lien puissant pour enchaîner à jamais le cœur de deux amis, de la même manière que deux amans s’unissent davantage par le fait même des jouissances. C’est ainsi que la passion égare les esprits les plus droits ! Peut-être ces grands modèles d’amitié que l’histoire nous a transmis et qui sont tant admirés n’avaient-ils pas d’autre source : ce que l’on a tant vanté comme l’effet d’une vertu sublime n’était peut-être autre chose que celui du vice le plus hideux. C’est ainsi qu’Achille, pleurant la mort de Patrocle, se trahit lui-même dans sa profonde douleur, lorsqu’il s’écrie :


Femorum tuorum sanctæ consuetudinis

Quid pulchrius !


La jouissance outrée des femmes, qui amène la satiété, et leur privation absolue, qui laisse dans toute leur force des désirs non satisfaits, peuvent être également causes de ce vice, comme on l’observe pour les marins, qui, obligés par leur état de s’isoler quelquefois du monde entier pendant de longs intervalles, en contractent fréquemment l’habitude. De cette manière, deux causes absolument opposées donnent lieu au même résultat. C’est donc à l’homme sage et vertueux à chercher dans la morale et la raison un secours contre ces deux écueils, et à savoir mettre dans ses plaisirs cette limite qui en fait le charme, comme aussi elle en assure la durée. Que dire, après cela, de ces prétendus sages, de ces fameux philosophes que la Grèce admira, que le monde civilisé alla consulter, et dont la réputation a traversé les siècles ? Ou qu’ils eurent de la sagesse et de la vertu une idée bien étrange, ou qu’elles ne furent pour eux qu’un manteau qui cachait les plus honteux égaremens.

Le penchant qui nous porte à chercher sans cesse quelque chose de particulier dans la vie des hommes extraordinaires, a fait accuser de ce vice un grand nombre de personnages célèbres. Cette accusation semble même se porter de préférence sur ceux qui ont étonné le monde par leurs hauts faits ; mais il est permis de penser que dans la plupart de ces imputations il y a au moins beaucoup de légèreté, et que souvent elles sont faites sans aucune espèce de preuves, mais non pas toujours sans quelque fondement. Celui qui ressent dans son cœur cette disposition heureuse qui fait que l’on se plaît dans la société des femmes, non pas seulement sous le rapport du désir de leur possession, mais encore en raison des nombreuses qualités par lesquelles ce sexe attache l’homme vertueux, celui-là, dis-je, ne s’abandonnera jamais à cette infamie ; mais trop souvent, il faut en convenir, ces hommes fameux que nous admirons ne se trouvent point dans de semblables dispositions. Les plaisirs de l’amour ne sont pour eux que des choses accessoires, et la jouissance d’une femme, le plaisir d’an moment, après lequel ils la repoussent avec mépris ou dédain, parce qu’ils ne lui reconnaissent aucune autre qualité ; et prenant quelquefois pour elle un dégoût insurmontable, ils vont chercher ailleurs de nouveaux plaisirs. En effet, on a observé que la plupart de ces grands hommes n’éprouvaient pour le sexe que la plus froide indifférence, soit par l’effet des méditations profondes dans lesquelles ils sont presque continuellement plongés et qui les détournent d’un sexe essentiellement léger, ou soit peut-être par l’effet de penchans vicieux et particuliers. On pourrait dire en général que ces individus sont en tout placés hors de la nature, C’est essentiellement sur les grands conquérans que porte cette observation ; ce qui paraîtra bien singulier, lorsqu’on réfléchit qu’ils avaient à leur disposition les plus belles femmes des pays qu’ils parcouraient.

Il est vraiment curieux autant que repoussant de lire dans les auteurs du temps les éloges qu’ils ont prodigués à ce penchant méprisable, et que la pudeur et le dégoût qu’ils inspirent ne permettent pas de répéter, aussi n’insisterai-je pas davantage ; car s’il est indispensable de démasquer le vice, et d’en faire bien sentir toute la laideur, encore faut-il que les moyens que l’on emploie ne soient pas de nature à offenser la pudeur, et il est à cet égard des limites que tout homme honnête ne doit point dépasser, quelque louables que fussent d’ailleurs ses motifs : aussi ai-je, autant que possible, évité toute description, toute particularité qui eût pu m’écarter le moins du monde de la décence. Si j’ai rapporté quelques passages des anciens, c’est moins dans l’intention d’ajouter à l’indignation que ce goût abominable inspire à si juste titre, que pour donner une idée des mœurs de ces siècles passés et des peuples qui les ont parcourus, tant renommés par leur sagesse, et que l’on n’a tant loués sans doute que pour avoir un prétexte de calomnier les peuples et les temps présens.

Quelle que soit l’infamie de ce vice, quel que soit le degré de turpitude dans lequel il plonge celui qui s’y livre, ce mal est peu de chose encore en comparaison de celui qui en résulte pour la jeunesse, exposée à des attaques d’autant plus dangereuses, qu’elles sont moins prévues, et qu’elles se masquent le plus souvent sous le voile de l’intérêt et de l’amitié. Peut-on s’empêcher d’avoir quelques inquiétudes en pensant que, presque toujours livrée à des mains étrangères, cette même jeunesse peut devenir la victime d’un mal qu’il est impossible de prévoir. Honte éternelle aux infâmes qui, abusant de leur autorité sur les enfans, imprègnent dans leurs jeunes cœurs, au lieu des semences de l’honneur et de la vertu, celles de la licence et de la corruption. Les lois pourraient-elles être à cet égard trop sévères, et la surveillance trop active ? Ce crime est bien certainement l’un des plus grands qui puissent affliger la société.

Les ecclésiastiques et les religieux, dit Duperray, devant l’exemple de la chasteté, dont ils ont fait un vœu particulier, doivent être jugés avec la plus grande sévérité lorsqu’ils se trouvent coupables de ce crime ; le moindre soupçon suffit pour les faire destituer de toute fonction ou emploi qui ait rapport à l’éducation de la jeunesse. Cependant la médisance ou la calomnie ont fait peser sur un corps fameux une imputation de cette nature, et comme le public accueille toujours avec avidité tons les bruits qui fournissent un aliment à sa critique, surtout contre certaines classes d’hommes en faveur desquels il n’est pas bien disposé, cette imputation avait pris quelque consistance ; elle était fausse sans doute, et la seule habitude d’un certain châtiment avait pu lui donner naissance ; mais l’autorité, qui veille sur toutes les branches de prospérité publique, et qui regarde la pureté des mœurs comme une des premières sources du bonheur des nations, a fait justice de ce scandale : elle a pensé qu’il ne pouvait avoir que des inconvéniens graves, et en proscrivant à jamais cette peine, qui dégrade plus celui qui l’inflige ou qui l’ordonne, que celui qui la reçoit, elle a prévenu et rempli les vœux de tout ce qu’il y a d’honnête et d’éclairé.

Envisagé sous le rapport médical, ce vice n’offre pas de considérations très-importantes ; mais il est loin d’être sans danger et peut donner lieu à des accidens très-graves : les infâmes qui se prêtent à ce honteux commerce peuvent dans quelques cas en être les victimes. Ceux qui ont fréquenté les hospices des vénériens de Paris et des autres grandes villes de France, ont pu voir nombre de ces malheureux infectés du virus vénérien, présentant, au pourtour de l’ouverture anale, une multitude de végétations de diverses formes et autres désordres qui témoignent d’une manière évidente le crime qui en a été la cause. L’habitude de voir ces malheureux a donné à M. Cullerier une grande facilité pour les reconnaître sur-le-champ, aussi se trompe-t-il rarement à cet égard : la plus forte preuve qu’il en donne est la disposition de l’ouverture du rectum, qui présente la forme d’un entonnoir. Ce signe est presque certain, et l’on peut avoir la presque conviction que ceux qui la présentent sont entachés de ce vice ; aussi devrait-on, en médecine légale, y faire la plus sérieuse attention, si l’on était appelé à faire un rapport sur un cas de cette nature : ce qu’il y a de plus affligeant, c’est que le plus souvent ces remarques se font sur de très-jeunes enfans, tristes victimes de la séduction la plus criminelle !

Ce n’est point encore là que se bornent les maux que l’habitude de ce vice peut faire redouter ; il est une cause assez fréquente de squirre au rectum. Des attaques réitérées sur une partie que la nature n’avait point organisée pour cela ne peuvent que l’altérer, et donner lieu à la longue à des maux cruels et souvent incurables, digne châtiment d’une telle démoralisation.

(reydellet)



Voir aussi

Source

  • Dictionnaire des sciences médicales / par une société de médecins et de chirurgiens… – Paris : C. L. F. Panckoucke, 1812-1822. – 60 vol. ; in-8°.
    Article pédérastie : t. 40, PEC-PERO, 1819, p. 37-45.

Articles connexes

Notes et références