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Texte et orthographe de l’édition de 1841
Troisième époque (fin)
Depuis que sa douleur par le temps s’engourdit,
Comme Laurence est fier et beau ! comme il grandit !
Par moment, quand sur moi son visage rayonne,
La splendeur de son front m’éblouit et m’étonne ;
Je ne puis soutenir l’éclat de sa beauté,
Et quand dans son regard le mien tombe arrêté,
Je crois sentir en moi parfois ce qu’éprouvèrent,
Près du sacré tombeau, les femmes qui trouvèrent
L’homme assis, qui leur dit : Allez, il n’est plus là ;
Quand leur cœur à ces mots en elles se troubla,
Et que, croyant parler à l’homme, chose étrange,
Leurs regards dessillés s’aperçurent de l’ange !…
Ce soir je regardais Laurence à la clarté
Du foyer flamboyant sur son front reflété,
Pendant qu’assis à terre, il regardait lui-même
Jouer entre ses pieds le jeune faon qu’il aime ;
Jamais rien de si doux et de si gracieux
Que la biche et l’enfant ne s’offrit à mes yeux.
Repliant ses pieds blancs sous son ventre, la biche,
Comme dans l’herbe molle où le jour elle niche,
S’arrangeait confiante entre ses deux genoux,
Levait sur lui son œil intelligent et doux,
Broutait entre ses doigts de tendres jets de saule,
Allongeait et posait le col sur son épaule,
Et me jetant de là son regard triomphant,
Léchait et mordillait les cheveux de l’enfant.
L’enfant ! je ne puis plus nommer ainsi Laurence,
Ses seize ans l’ont conduit à son adolescence,
Son front s’élève presque à la hauteur du mien,
À la course, mon pied gagne à peine le sien ;
Seulement sa voix tendre, angélique, argentine,
Conserve encor l’accent de sa voix enfantine,
Et ses inflexions, vibrantes de douceur,
Me font rêver souvent à la voix de ma sœur ;
Alors, pour un instant, mon cœur que ce son frappe,
Pour remonter un peu le cours du temps m’échappe,
Et me reporte aux jours où ces tendres accens
De femmes, mère ou sœur, résonnaient à mes sens,
Et donnant tant de charme au foyer domestique,
De mon enfance étaient la suave musique ;
Je les cherche, mon cœur des absens s’entretient ;
Des larmes dans mes yeux montent ; Laurence vient,
S’assied à mes genoux, me regarde en silence,
Me demande pourquoi je pleure, à qui je pense ?
Je lui dis mon enfance, il pleure en m’écoutant :
« Comme ils t’aimaient ! dit-il ; mais moi je t’aime autant ;
« Ne suis-je pas pour toi comme un fils de ta mère ?
« N’as-tu pas remplacé dans mon cœur même un père ? »
Puis sur la même pierre appuyant nos deux fronts,
L’un vis-à-vis de l’autre ensemble nous pleurons.
Mais quand à cette voix revenu de mon rêve,
Pour m’essuyer les yeux ma tête se relève,
Que l’ombre de mon front s’éclaire, et que je voi
Ce visage charmant, tout en eau devant moi,
Se relever aussi, s’éclairer à mesure
Comme un miroir vivant de ma propre figure,
Comme une ombre animée où tout ce que je sens
Bat dans un autre cœur, se peint dans d’autres sens ;
Quand je pense que Dieu me rend, dans ce seul être,
Tous ceux parmi lesquels sa bonté me fit naître,
Que ce pauvre orphelin n’a que moi pour appui,
Qu’il existe en moi seul comme moi tout en lui,
Que mon bras est son bras, que ma vie est sa vie,
Et que Dieu même a fait l’amitié qui nous lie,
Ah ! mes larmes bientôt tarissent, et mon cœur
Dans un seul sentiment trouve assez de bonheur !
Beauté ! secret d’en haut, rayon, divin emblème,
Qui sait d’où tu descends ? qui sait pourquoi l’on t’aime ?
Pourquoi l’œil te poursuit, pourquoi le cœur aimant
Se précipite à toi comme un fer à l’aimant,
D’une invincible étreinte à ton ombre s’attache,
S’embrase à ton approche et meurt quand on l’arrache ?
Soit que, comme un premier ou cinquième élément,
Répandue ici-bas et dans le firmament,
Sous des aspects divers ta force se dévoile,
Attire nos regards aux rayons de l’étoile,
Aux mouvemens des mers, à la courbe des cieux,
Aux flexibles ruisseaux, aux arbres gracieux ;
Soit qu’en traits plus parlans sous nos yeux imprimée
Et frappant de ton sceau la nature animée,
Tu donnes au lion l’effroi de ses regards,
Au cheval l’ondoiement de ses longs crins épars,
À l’aigle l’envergure et l’ombre de ses ailes,
Ou leurs enlacemens au cou des tourterelles ;
Soit enfin qu’éclatant sur le visage humain,
Miroir de ta puissance, abrégé de ta main,
Dans les traits, les couleurs, dont ta main le décore,
Au front d’homme ou de femme, où l’on te voit éclore,
Tu jettes ce rayon de grâce et de fierté
Que l’œil ne peut fixer sans en être humecté ;
Nul ne sait ton secret, tout subit ton empire ;
Toute ame à ton aspect ou s’écrie ou soupire,
Et cet élan, qui suit ta fascination,
Semble de notre instinct la révélation.
Qui sait si tu n’es pas en effet quelque image
De Dieu même qui perce à travers ce nuage ?
Ou si cette ame, à qui ce beau corps fut donné,
Sur son type divin ne l’a pas façonné ?
Sur la beauté suprême, ineffable, infinie,
N’en a pas modelé la charmante harmonie ?
Ne s’est pas en naissant, par des rapports secrets,
Approprié sa forme et composé ses traits ?
Et dans cette splendeur que la forme révèle,
Ne nous dit pas aussi : l’habitante est plus belle ?
Nous le saurons un jour, plus tard, plus haut ; pour moi,
Dieu seul m’en est témoin et lui seul sait pourquoi ;
Mais soit que la beauté brille dans la nature,
Dans les cieux, dans une herbe, ou sur une figure,
Mon cœur né pour l’amour et l’admiration,
Y vole de lui seul comme l’œil au rayon,
La couve d’un regard, s’y délecte et s’y pose,
Et toujours de soi-même y laisse quelque chose,
Et mon ame allumée y jette tour à tour
Une étincelle ou deux de son foyer d’amour.
Je me suis reproché souvent ces sympathies,
Trop soudaines en moi, trop vivement senties,
Ces instincts du coup d’œil, ces premiers mouvemens,
Qui d’une impression me font des sentimens.
Je me suis dit souvent : Dieu peut-être condamne
Ces penchans où du cœur la flamme se profane ;
Mais, hélas ! malgré nous l’œil se tourne au flambeau ;
Est-ce un crime, ô mon Dieu, de trop aimer le beau ?
Ces pensers, car toujours c’est à lui que je pense,
Me vinrent l’autre jour en regardant Laurence.
Jamais la main de Dieu sur un front de quinze ans
N’imprima l’ame humaine en traits plus séduisans,
Et de plus de beautés combinant le mélange,
Ne laissa l’œil douter entre l’enfant et l’ange ;
Tout ce qu’à son matin l’ame a de pureté,
Tout ce qu’un œil sans tache a de limpidité,
Tout ce qu’à son aurore une vie a d’ivresse,
Tout ce qu’un cœur plus mûr a de grave tendresse,
Réuni dans ses traits rians ou sérieux,
Y forme dans l’accord un tout harmonieux,
Et selon le rayon que la pensée y verse,
L’ombre qui les parcourt, l’éclair qui les traverse,
Y brille dans ses yeux en rayon de splendeur,
Y rougit sur sa joue en rose de candeur,
Y flotte à sa paupière en larme transparente,
Y nage en ses regards en rêverie errante,
S’y creuse en plis pensifs entre ses deux sourcils,
S’y recueille caché sous le bord de ses cils,
Sur sa lèvre entr’ouverte un désir vague aspire,
Ou s’épand sur sa bouche en langoureux sourire ;
Partout où l’enfant passe, on dirait qu’il a lui ;
Un jour intérieur semble sortir de lui ;
Bien souvent, sur la fin d’un jour mourant et sombre,
Lorsque la grotte et moi, tout est déjà dans l’ombre,
Autour de sa figure il fait encor grand jour ;
Son éclat se reflète aux objets d’alentour ;
Il éclaire la nuit d’un reste de lumière,
Et son regard me force à baisser la paupière ;
On dirait ces rayons du jour dont Raphaël
A couronné le front de ses vierges du ciel.
Peut-être que ce jour n’était pas un symbole,
Et que dès ici-bas l’ame a son auréole ?
J’ai beau chercher bien loin dans ma mémoire ; rien
Des visages connus ne rappelle le sien ;
Aucun des compagnons de ma première enfance,
Des lévites amis de mon adolescence,
N’avait ces traits si purs, ce front, cette langueur,
Ce son de voix ému qui vibre au fond du cœur,
Cette peau qu’un sang bleu sous les veines colore,
Ce regard qu’on évite et qui vous perce encore,
Cet œil noir qui ressemble au firmament obscur,
Lorsque l’aube naissante y lutte avec l’azur,
Où l’humide rayon de l’ame qu’il dévoile
Sur un fond ténébreux jaillit comme une étoile ;
Ces cheveux dont la soie imite en blonds anneaux
Les ondulations et les courbes des eaux ;
Il semble, à cette forme où tout est luxe et grâce,
Que cet être céleste est né d’une autre race
Et n’a rien de commun avec ceux d’ici-bas
Que ce regard d’ami qui l’attache à mes pas.
Et quand sur ces hauteurs, ses beaux pieds sans chaussure,
Sa cravate nouée autour de sa ceinture,
Dans sa veste sans pli jusqu’au cou boutonné,
À peine resserrant son sein emprisonné,
Son col nu, et portant sa tête avec souplesse
Comme un front de coursier qu’on flatte et qu’on caresse,
Ses cheveux, que d’un an le fer n’a retranchés,
Des deux côtés du col en boucles épanchés,
Et son front, tout baigné de sueur ou de pluie,
Renversé vers le ciel pour qu’un rayon l’essuie,
Je le vois accourir de loin, et tout à coup
Sur un pic du glacier m’apparaître debout ;
Je crois voir, tout troublé, la céleste figure,
Comme un être idéal au-dessus de nature,
Se détacher de terre et se transfigurer,
Et je suis quelquefois tenté de l’adorer ;
Mais de sa douce voix la tendre résonnance
Me rappelle à moi-même et me montre Laurence !
Des aiguilles de glace où s’éclairent ces monts
L’année a pour six mois retiré ses rayons ;
Le soleil est noyé dans la mer de nuages
Qui brise jour et nuit contre ces hautes plages,
Et jette au lieu d’écume, à leur cime, à leurs flancs,
La neige que la bise y fouette en flocons blancs.
Le jour n’a qu’un rayon brisé par les tempêtes,
Qui s’étend un moment tout trempé sur ces faîtes,
Et que l’ombre qui court vient soudain balayer,
Comme le vent la feuille au pied du peuplier.
Il semble que de Dieu la dernière colère
Abandonne au chaos ces cimes de la terre ;
L’éternel ouragan torture ces sommets,
Les vagues de brouillards n’y reposent jamais ;
Un sourd mugissement, qu’une plainte accompagne,
Roule dans l’air et sort des os de la montagne ;
C’est la lutte des vents dans le ciel ; c’est le choc
Des nuages jetés contre l’écueil du roc ;
C’est l’âpre craquement de la branche flétrie
Qui sous les lourds glaçons se tord, éclate et crie ;
Du corbeau qui s’abat l’aigre croassement ;
Des autans engouffrés le triste sifflement ;
Les bonds irréguliers de la lourde avalanche
Qui tombe, et que le vent roule en poussière blanche ;
L’éternel contre-coup des chutes des torrens
Qui sillonnent les rocs sous leurs bonds déchirans,
Et font ronfler le gouffre où la cascade tonne
D’un souffle souterrain continu, monotone,
Tout semblable de loin aux frémissements sourds
De la corde d’un arc qui vibrerait toujours.
Plus de fêtes du ciel sur ces cimes voilées,
D’aurore étincelante ou de nuits étoilées ;
Plus de festons de fleurs pendans à mon rocher ;
Plus d’oiseaux accourus pour chanter ou nicher ;
La corneille égarée y suit ses noires bandes ;
Les frimas congelés sont les seules guirlandes
Qui garnissent la roche où nous nous enfonçons ;
Le jour ne nous y vient qu’à travers les glaçons ;
Mais dans l’air tiède assis, les deux mains sur la braise,
Aux lueurs du foyer qu’entretient le mélèze,
Nous passons sans ennui le temps des mauvais jours ;
Ils sont si bien remplis que nous les trouvons courts ;
Des entretiens coupés de quelque heure d’étude
Nous font de notre grotte une douce habitude ;
Nous nous y recueillons avec la volupté
De l’oiseau dans son nid près de l’antre abrité,
Que sous un ciel de pluie ou sur la plaine blanche
Le vain courroux des vents berce au chaud sur sa branche ;
Plus les vents déchaînés hurlent d’horribles cris,
Plus l’avalanche gronde et roule de débris,
Plus la nuit s’épaissit sous un ciel bas et terne,
Plus la neige s’entasse autour de la caverne,
Plus dans ces sifflemens, ces terreurs du dehors,
Nous trouvons d’âpre joie et d’intimes transports,
Plus nous nous concentrons dans la roche qui tremble,
Et nous sentons la main de Dieu qui nous rassemble ;
Et si d’un ciel d’hiver quelque rare soleil
Effleure par hasard la fenêtre au réveil,
Échappés du rocher comme un chevreuil du gîte,
Pour jouir du rayon nous nous élançons vite ;
Nous crions de plaisir en voyant les cristaux
Formant des murs, des tours, de transparens châteaux,
Des arches de saphir, des grottes où l’aurore
Des verts reflets de l’onde en passant se colore,
Des troncs éblouissans où le givre entassé
Colle autour des rameaux un feuillage glacé,
Et la neige sans borne et dont chaque parcelle,
En criant sous nos pieds, luit comme une étincelle.
Dans ces déserts mouvans, nous creusons au hasard
Des sentiers dont la poudre éblouit le regard,
Comme dans l’herbe en fleurs où le chevreau se noie,
Dans ces lits de frissons nous nous roulons de joie ;
Nous rions en voyant tous deux nos cheveux blancs,
Poudrés par les frimas, de givre ruisselans ;
Nous nous lançons la neige où nos doigts s’engourdissent ;
De plaisir, en rentrant, nos pieds transis bondissent ;
Car Dieu, qui nous confine en ce rude séjour,
Donne même en hiver sa joie à chaque jour.
La nuit, quand par hasard je m’éveille, et je pense
Que dehors et dedans tout est calme et silence,
Et qu’oubliant Laurence auprès de moi dormant,
Mon cœur mal éveillé se croit seul un moment ;
Si j’entends tout à coup son souffle qui s’exhale,
Régulier, de son sein sortir à brise égale,
Ce souffle harmonieux d’un enfant endormi !
Sur un coude appuyé je me lève à demi,
Comme au chevet d’un fils une mère qui veille ;
Cette haleine de paix rassure mon oreille ;
Je bénis Dieu tout bas de m’avoir accordé
Cet ange que je garde et dont je suis gardé ;
Je sens aux voluptés dont ces heures sont pleines,
Que mon ame respire et vit dans deux haleines ;
Quelle musique aurait pour moi de tels accords ?
Je l’écoute longtemps dormir, et me rendors !
Que rendrai-je au Seigneur pour les biens qu’il me donne ?
Tandis que sous nos pieds la tempête résonne,
Que le jour verse au jour des larmes et du sang,
L’inaltérable paix sur ces hauts lieux descend,
Et la tendre amitié, qui hait la multitude,
Nous fait un univers de notre solitude.
Que cet enfant s’attache à mon ombre, et combien
Son cœur à son insu se mêle avec le mien !
Oh ! qui pourra jamais démêler ces deux ames
Que la terre et le ciel joignent par tant de trames ?
L’un de l’autre il serait plus aisé d’arracher
Ces deux hêtres jumeaux qu’un nœud semble attacher,
Et qui de jour en jour s’enlaçant avec force,
Croissent du même tronc et sous la même écorce !
Mais les comparaisons manquent ; je me souvien
D’avoir eu pour ami, dans mon enfance, un chien,
Une levrette blanche, au museau de gazelle,
Au poil ondé de soie, au cou de tourterelle,
À l’œil profond et doux comme un regard humain ;
Elle n’avait jamais mangé que dans ma main,
Répondu qu’à ma voix, couru que sur ma trace,
Dormi que sur mes pieds, ni flairé que ma place ;
Quand je sortais tout seul et qu’elle demeurait,
Tout le temps que j’étais dehors, elle pleurait ;
Pour me voir de plus loin aller ou reparaître,
Elle sautait d’un bond au bord de ma fenêtre,
Et les deux pieds collés contre les froids carreaux
Regardait tout le jour à travers les vitraux,
Ou parcourant ma chambre, elle y cherchait encore
La trace, l’ombre au moins du maître qu’elle adore,
Le dernier vêtement dont je m’étais couvert,
Ma plume, mon manteau, mon livre encore ouvert,
Et l’oreille dressée au vent pour mieux m’entendre,
Se couchant à côté, passait l’heure à m’attendre ;
Dès que sur l’escalier mon pas retentissait
Le fidèle animal à mon bruit s’élançait,
Se jetait sur mes pieds comme sur une proie,
M’enfermait en courant dans des cercles de joie,
Me suivait dans la chambre au pied de mon fauteuil,
Paraissant endormi me surveillait de l’œil ;
Là, le son de ma voix, la plainte inachevée,
Ma respiration plus ou moins élevée,
Le moindre mouvement du pied sur le tapis,
Le clignement des yeux sur le livre assoupis,
Le froissement léger du doigt entre la page,
Une ombre, un vague éclair passant sur mon visage,
Semblaient dans son sommeil passer et rejaillir,
D’un contre-coup soudain la faisaient tressaillir ;
Ma joie ou ma tristesse en son œil retracée
N’était qu’un seul rayon d’une double pensée ;
Elle mourut, encor son bel œil sur le mien.
Que de pleurs je versai ! Je l’aimais tant ! Eh bien,
Quoique ma plume tremble, en glissant sur la page,
De ternir dans mon cœur l’amitié par l’image,
Que de l’ame à l’instinct toute comparaison
Profane la nature, et mente à la raison,
Ce charmant souvenir de mon heureuse enfance
Me revient dans le cœur quand je songe à Laurence.
Cet ami de ma race à présent m’aime autant ;
Il ne peut plus de moi se passer un instant,
Il s’attriste, il languit pour une heure d’absence,
Il marche quand je marche, il pense quand je pense ;
Son regard suit le mien, comme si de nos cœurs
Le rayon ne pouvait se diriger ailleurs ;
Comme mon pauvre chien ou comme l’hirondelle
Qui ne s’alarme plus de nous voir autour d’elle,
Il s’est apprivoisé pas à pas, jour à jour,
Il boude à mon départ, il saute à mon retour ;
Mais pour toute autre voix, pour tout autre visage,
Cet enfant du désert redeviendrait sauvage.
Oh ! qui n’aimerait pas ce qui nous aime ainsi ?
Qui pourrait égaler ce que je trouve ici ?
Que manque-t-il au cœur nourri de ces tendresses ?
Mon Dieu ! vos dons toujours dépassent vos promesses !
Et dans mon plus beau rêve autrefois d’amitié,
Mon cœur n’en avait pas deviné la moitié !
- Le manuscrit était déchiré à cette place, et il manquait un certain nombre de feuilles. On peut présumer par ce qui suit que Jocelyn avait continué à noter les mêmes sentimens et les mêmes circonstances de sa vie heureuse pendant ces mois de solitude.
Prologue | Première époque | Deuxième époque |
Troisième époque, 1 | Troisième époque, 2 | Troisième époque, 3 |
Quatrième époque, 1 | Quatrième époque, 2 | Quatrième époque, 3 |
Cinquième époque | Sixième époque | Septième époque |
Huitième époque | Neuvième époque | Épilogue |