« Nouvelles d’Italie – mars 1963 (Maurizio Bellotti) » : différence entre les versions
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Version du 24 mars 2013 à 16:42
Dans la série Nouvelles d’Italie de Maurizio Bellotti, la revue homophile Arcadie publie en mars 1963 des actualités sur l’Italie.
Texte de l’article
Les passages concernant exclusivement l’homosexualité entre adultes ont été remplacés par des points entre crochets.
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par
Maurizio BELLOTTI
Cinéma. — La nouvelle loi sur la censure, plus libérale que l’ancienne, commence à donner ses premiers fruits ; jamais, en fait, n’ont paru sur les écrans italiens tant de films contenant un élément homoérotique.
[………]
Comme films proprement italiens, citons [………] L’Isola d’Arturo (« L’Île d’Arthur »), de D. Damiani, d’après le roman d’Elsa Morante portant ce titre que connaissent les lecteurs d’Arcadie (n° 67-68, p. 407).
Citons enfin et surtout Agostino, de Mauro Bolognini, d’après l’œuvre de Moravia récemment réimprimée en France. Pour donner une idée de l’importance de ce dernier film du point de vue homophile, citons la réaction rageuse de la rédaction de la revue d’extrême droite Vita, dont voici le texte : « Au compte rendu de notre critique cinématographique sur le film Agostino, la rédaction de Vita estime nécessaire, à titre exceptionnel, d’ajouter quelques mots. Indépendamment de la valeur artistique de ce film, qui est justement nulle, il n’est pas possible de ne pas souligner la scandaleuse immoralité de l’œuvre, qui constitue une véritable apologie de l’homosexualité : les rapports contre nature entre un homme et un groupe de jeunes garçons sont décrits au moyen d’images explicites et complaisantes, avec une gratuité et une insistance stupéfiantes. L’esprit même du récit de Moravia en est profondément modifié et dévié, pour sacrifier, en quelque sorte, à une tendance qui se manifeste avec une audace de plus en plus inquiétante dans les milieux du cinéma et du monde de la culture. La censure — cette censure contre les interventions de laquelle Vita s’est si souvent battue lorsque cela en valait la peine — n’a rien trouvé à redire à ce film, qui irrite et offense la sensibilité commune. La projection d’une telle bande ne pourrait guère se justifier que si elle aboutissait à susciter un mouvement irrésistible de répulsion et de révolte de la part de l’immense majorité du public et, par là, à ouvrir les voies à une discussion générale d’un problème qui va s’aggravant de jour en jour…, à savoir l’influence que les corrompus et les corrupteurs peuvent exercer impunément sur la jeunesse par les moyens de l’art et du spectacle. Un tel débat profiterait aux véritables artistes, qui n’ont aucun intérêt à être confondus avec les pornographes. Qu’en dit le ministre Folchi ? »
Théâtre, radio, télévision, disque. — Il ne semble pas, à voir les affiches des principaux théâtres italiens, que l’abolition de la censure ait beaucoup stimulé le courage des directeurs de troupes.
[………]
Tout à fait sensationnelles, par contre, ont été deux émissions de télévision consacrées à Sandro Penna au cours desquelles ont été lus de ses poèmes d’un ton spécifiquement homophile. Les allusions aux mœurs de Sandro Penna lui-même n’ont pas manqué.
[………]
Livres. — Plusieurs traductions du français : [………] Le Spectateur nocturne, de Roger Peyrefitte (« Lo Spettatore notturno », édition Longanesi) ; Alexis ou le Traité du vain combat, de Marguerite Yourcenar (« Alexis o Il Trattato della lotta vana »), ainsi que, du même auteur, Le Coup de grâce (« Il Colpo di grazia »). Tous ces ouvrages ont été déjà recensés en Arcadie.
À signaler, en outre, un choix d’œuvres de Sade en traduction italienne chez Feltrinelli, et La Renonciation (« La Rinuncia »), de Guillaume Chpaltine (aussi chez Feltrinelli), qui est une véritable galerie de personnages étranges et ambigus, dont certains plus ou moins homophiles.
[………]
Dans le domaine des essais, il faut signaler une étude de Erich Larrabee publiée chez Bompiani, où il est assez longuement question de l’homosexualité en Amérique dans le domaine des arts et du cinéma. Selon l’auteur, le thème de l’homosexualité court, plus ou moins visible et reconnaissable, à travers toute la production littéraire et cinématographique des États-Unis, qu’il s’agisse des comédies mettant en scène l’exhibition d’une féminité semi-hystérique, ou des romans dont les héroïnes recherchent la satisfaction dans le sado-masochisme, ou même des westerns.
Chronique. — Dans un ouvrage posthume récemment publié chez Vallecchi, intitulé Benedetti Italiani (« Bienheureux Italiens »), Malaparte porte cette appréciation inquiétante sur les mains des personnages des peintures du XVe siècle : « Dans plusieurs de ces portraits, on ne voit pas les mains. Elles sont cachées sous les plis du manteau, ou de la houppelande, ou les fentes du justaucorps, ou enfilées de gants. Mais ce que doivent être ces mains, les yeux, le nez, la bouche, le front le laissent deviner. Imaginez les mains de Laurent le Magnifique, à en juger d’après son nez en bec d’aigle, son menton en galoche, ses yeux de sodomite, son sourire aux lèvres étroites — un sourire qui donne envie de voir si la pointe de sa langue n’est pas fourchue. Et les mains de Julien de Médicis, comme on les devine sur le portrait peint par Botticelli, avec la ligne de la bouche, les yeux ombragés de longs cils de soie noire, la courbure du nez, et surtout ce sourire ironique, moqueur, aux lèvres étroites, qui donne à penser que tous ces Médicis chevelus devaient avoir, à la place du petit oiseau, des vulves étroites, taillées net comme des couteaux de Scarperia, et, sous le justaucorps, de petits seins de femme, fermes et roses, aux boutons vêtus de longues gazes. On peut en dire autant du pape Léon X et du pape Clément VII, qui furent tous les deux des Médicis de Florence, et qui surent, mieux que personne, mettre la main, et même les doigts, dans tous les trous, au point que quand ils la levaient pour bénir et que l’on voyait ces deux doigts dressés, le premier mouvement aurait été de fuir, si l’on n’avait pas pensé qu’il était justement dangereux de tourner le dos à ce moment là. »
De cette prose artistique, passons à une nouvelle intéressante de caractère archéologique, parue dans le Corriere della Sera et concernant la récente découverte de documents relatifs aux Ophites, secte chrétienne gnostique de l’Antiquité. Les experts de l’U.N.E.S.C.O., qui ont déchiffré ces documents, ont mis en lumière que ces hérétiques étaient dominés par une véritable obsession sexuelle, qui les poussait à se dévêtir et à se livrer à la débauche au cours des cérémonies religieuses Le sanctuaire de leurs églises s’appelait la « chambre à coucher » ; les officiants et les rites portaient des noms du même ordre. La doctrine des Ophites s’appuyait sur cette phrase attribuée à saint Thomas : « Quand vous vous mettrez nus sans avoir honte, alors vous verrez le Fils de Dieu sans avoir peur. » Le même principe gouverne la vie de certaines communautés religieuses d’origine russe — en Guyanne britannique notamment — dont les membres se mettent nus pour célébrer le culte et pour protester contre les autorités civiles (on sait qu’une telle manifestation a récemment fait scandale au Canada, en présence du Premier Ministre en personne).
Les anciens hérétiques gnostiques subdivisaient les hommes (les mâles) en trois catégories : les ylicii, ou « matériels », qui ne pouvaient connaître le salut ; les psychici ou « spirituels », qui ne pouvaient être sauvés ; les pneumatici enfin, ou « inspirés », qui étaient prédestinés au salut par privilège divin. Quant aux femmes, pour être sauvées il leur fallait devenir hommes, selon la phrase attribuée à Jésus par l’Évangile apocryphe selon saint Thomas : « Je ferai de toute femme un homme, afin qu’elle puisse entrer dans le royaume des cieux. »
C’est à une femme, nommée Sonia, que les gnostiques attribuaient la chute de l’humanité, et de là dérivait leur mépris des femmes en général. De telles doctrines n’ont pas aussi entièrement disparu de nos jours qu’on serait tenté de le croire, à preuve l’oasis de Sioua en Égypte, fameuse dans l’Antiquité par le temple de Jupiter Ammon et par l’oracle que consulta Alexandre le Grand, et où, aujourd’hui, de nombreux garçons sont élevés… comment dire ?… de façon à se passer de femmes, au point que les femmes qui veulent plaire aux hommes en sont réduites à s’habiller en garçons !
Voir aussi
Source
« Nouvelles d’Italie » / Maurizio Bellotti, in Arcadie : revue littéraire et scientifique, dixième année, n° 111, mars 1963, p. 156-160. – Paris : Arcadie, 1963 (Illiers : Impr. Nouvelle). – 52 p. ; 22 × 14 cm.