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<small>(On a respecté autant que possible la typographie particulière de l’édition originale.)</small>
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<center><big>SUPPLIQUE DES BOIS DE FOURCHERAINE</big></center>
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Version du 19 août 2013 à 10:42

Supplique des bois de Fourcheraine est un récit poétique de Dominique R***, paru en 1984.

(On a respecté autant que possible la typographie particulière de l’édition originale.)


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SUPPLIQUE DES BOIS DE FOURCHERAINE



     Hélas !, Bernard, tu dédaignes ma couche       alors que l’an passé, je te baisai tant et tant       Le tilleul de la maison de François ( au petit corps osseux ) bientôt sera un nuage de parfum, mais ses ailettes ne pourront       apaiser les tremblements de ma poitrine       Au coin des Poujats les sureaux embaument, et les résédas ont envahi le fossé de la route des       Quarts       Bientôt, le rossignol suspendra son chant métallique : d’autres occupations l’appellent ; les coucous déjà s’en sont allés       Sur l’eau de l’étang des Humes, les nymphéas       blancs palpitent dans le vent d’été       Éliane ( l’élancée ), ma petite voisine, m’a donné un dessin fait des pétales de l’églantier de la treille       mais rien n’apaise ma langueur       et je dépéris ;       le souvenir de tes cuisses m’a fait acheter un petit melon       que je n’ai pas mangé ;       j’ai guetté hier le second croissant du mois de Ramadan ; il était juste en face de Vénus, et j’imaginais l’archer qui nous a unis       Loin à l’intérieur de la nuit claire, le lit gémissait des hésitations de mon insomnie       Et le matin avait perdu sa fraîcheur quand je me suis seulement       endormi. Ah ! Nardelet, ce n’est pas bien       de se moquer ainsi de ma brûlure       Le marronnier a séché ses fleurs :       sous le tulle rouillé sont apparues       les petites bogues vertes       Toute la campagne embaume les foins, et quelques ronces déjà sont fleuries       À Machuré, le taillis des acacias bourdonne du travail des fébriles abeilles       Ne vois-tu pas que rien ne peut refuser d’exister ?       J’ai fauché le verger, et dégagé le cerisier enté       Laisseras-tu les merles croquer ses baies       dont nous échangions les noyaux l’an passé, en apaisant dans le ruisseau des Nouettes       l’ardeur des orties sur nos pieds ?       Les grillons grésillent       ce soir,       le merle et la grive, pour son départ, imitent le rossignol à la chute de leur répons.

     Hier, un hérisson a été écrasé près d’Agland ; nous en avons pris tous une épine, que nous avons jetée dans le puits de Segoule.

     On m’a dit que tu sors avec le père Patemasse       Ce n’est pas un homme de bien       Il est déjà sorti avec le petit Jacques ( au maintien clair ), de Chevannes ;       le pauvre enfant pleurait souvent, abrité par les saules de Billy       avec seulement les grenouilles       pour confidente compagnie       Et aussi Patrick, le beau mitron de Semmelin-Dessus       qu’il a abandonné pour Laurent ( à l’œil serein ), son plus jeune frère       Pourquoi a-t-il fallu qu’il s’en lasse ?

          Certes c’est un homme savant, mais que lui a apporté l’instruction, s’il se conduit avec tant de légèreté ?       Tu apprécies sa conversation, m’as-tu fait dire par Geneviève ( aux seins ronds )       mais il ne doit pas louer que tes oreilles       l’autre soir qu’il te rendait visite, m’a dit ta petite sœur Hélène,       elle t’a entendu te plaindre à travers la cloison de châtaignier       et ce n’était pas la volupté qui te faisait gémir :       tu as mouillé tes yeux d’une infusion de camomille avant d’aller en classe       Va, ce ne sont point là des manières douces, et, s’il faut bien clouer les enfants, encore       y met-on la façon, amie de la tendresse       Vincent, qui est maintenant pompier à Azy       m’a avoué qu’il t’aurait bien choisi       pour t’aimer       mais qu’il craignait d’un homme de si peu de valeur       que le père Patemasse       des coups. Te dirai-je qu’il m’a parlé davantage       et que ce qu’il m’a dit de toi       m’a peiné       Qu’as-tu fait du bracelet d’anthémis que je t’avais tressées à la foire de Saint-Saulge ?       car j’ai des douleurs dans les épaules lorsque j’étends les bras       et       tu ne l’auras quand même pas brûlé ? Nardelet, le soleil vient de passer sous les nuages       le soir s’installe, et je n’ai pu encore quitter le pas de ma porte,       ni pour chercher et réunir les œufs de ce matin       ni pour baigner la treille de l’eau fraîche du lavoir       Tu sais, je vais la chercher avec le seau où tu avais élevé des têtards :       j’ai pu le réparer

     Marthe       ( aux doux doigts ) m’a dit qu’une sauge s’est mise près du calvaire de La Ruée,       et que, sur la route de Saint-Benin des Bois,       les orchidées déjà fanent       As-tu remarqué comme,       cette année, les ancolies       sont rares ? C’est pourquoi j’en ai mis une bleue dans le bouquet de marguerites que je t’ai fait parvenir hier       elle était       sur le talus près du ruisseau de La Fontaine       Emmanuel ( aux longs bras frais ) sera bientôt pubère : il m’en a parlé avec douceur       en essayant de flatter la main       que j’avais posée près de la cruche       Ses yeux bleus sont profonds,       mais je ne peux me résoudre à prévoir te quitter       finalement. Aussi son affection me peine       Marie ( aux grandes cuisses ) dit qu’il tresse des petites amourettes après la classe       qu’il les porte au châtaignier de la Bérielle       puis chante avec nostalgie       certaines mélopées tristes. Ce sera dans trois jours l’anniversaire de l’effacement du père Chartier       ( aimé des petits vierges )

     les fillettes du village, et ses garçons,       iront au Bois-Château       verser du vin sur les feuilles laissées par le muguet       Tu vois, Nardelet, tu ne peux       faire que rien n’existe       Il y a quatre jours juste       ce soir, deux pies ont jacassé       au Domaine de la Queue de l’Étang       et le tilleul des Bordes, dit-on même,       a guéri de son mal.

     On dit que tu me trouves trop vieux pour les jeux du sexe et du fondement       mais       mes chairs sont fermes, et mes rides, aux yeux, sont étoilées ;       mes yeux n’ont pas encore       pâli, et mes hanches saillent       comme celles d’une vache grosse       par deux petites bosses dures aux doigts       Non, Nardelet, cet argument ne vaut pas       Je parlerais avec gaucherie       mais       je dis les choses telles qu’elles sont       sans tâcher d’exaspérer la force du désir

     Emmanuel, lorsqu’il vient       parle peu       Il allume une cigarette       et nous devisons       de tout et de rien. Il me sourit       Parfois, nous faisons du thé avec cérémonie       Cet enfant espère perdre sa solitude par mes reins       mais       je crois que je le décevrai       Nardelet, Nardelet       je t’appelle       mais c’est rarement que tu m’envoies des fruits du marché de Bona       et tu ne m’as pas fait parvenir une seule plume de geai       depuis que tu m’as abandonné       Te souviens-tu des mousses qui parsèment le bois des Mêliers, près de Chevannes ?       comme elles avaient la forme de ponants       et leur douceur ferme       nous les avions baisées       en offrant notre semence aux houx chétifs       mais tu ne t’intéresses plus à ces choses       dit-on       tu parles de cartographie       et du principe de Howards       D’autres choses encore, dont certes je ne sais rien       mais je sais enter les cognassiers       et surtout       qui, mieux que moi, sait accueillir le vent d’Est ?

     On m’a dit :       tu dis que ma pratique de l’utopie est simpliste       mais       la pratique de l’utopie est toujours simpliste, partout la même, et, au reste       qu’importe ?

     Nardelet, fais que je revoie       ton petit corps brillant lorsque tu foules le Champ Canon, La Maillée, Champagne, tandis que les herbes battent tes cuisses et que       le soleil tinte dans       tes cheveux tors       dis       tu ne veux pas ?

     Vendredi en huit, il me restera tout juste dix-sept mois à vivre       viendras-tu à cet anniversaire ?       Nous voudrions allumer le feu à Mâchuré, pour qu’il éclaire les grappes       blanches du bosquet d’acacias quand elles commenceront à faner.

               Le père Veibordes ( fort en gueule ) a déjà relégué       son taureau et ses vaches, et les petits ont dégagé le sol       Si tu venais, je te baiserais, et       ainsi nous n’aurions été séparés que vingt jours à peine. Emmanuel en serait meurtri       mais       ( qu’il ne le sache pas ) le père Goignardin ( aux bras puissants et doux ) m’a promis de le verser dans le foin       dès le milieu du Ramadan       et de le garder :       il ne conservera de moi       qu’un souvenir ému de début d’été et ma grande laitière à robe blanche et mordorée : je la lui ai promise       Tu vois qu’on ne peut empêcher les arrangements       ni les solutions       Bien sûr       il se peut que cela ne se fasse pas       mais au moins quelque chose se fera       agréable peut-être       et peut-être pas       donc       tu vois que tu peux revenir       Oh non, Nardelet, il ne peut être empêché à celui qui aime de désirer son aimé       Ce soir, la lune était de l’autre côté de Vénus, et       tu as dû remarquer la couleur du ciel sous les nuages à robe de taupe       Je ne l’avais, je pense, jamais       vue       Elle ressemblait à celle des compagnons rouges       qui bordent les prés du Morvan proche       J’ai traversé le petit bois pour gagner Terre Brûlée, d’où       l’on voit généralement bien les couchants d’été       —       tout comme l’aube de printemps se voit communément depuis les Loges       Edmée ( aux cils qui flottent ) m’a appelé pour me remettre ton bouquet       et ton petit pain       Je t’en remercie       Certes, d’avoir mêlé les résédas aux roses est une idée délicate       pour notre situation, mais je la trouve un peu apprêtée       Je n’ai pas reconnu les feuillages que tu as mis autour : ne serait-ce pas de l’angélique ?       Il y en a au gué de Machuré, cette année encore, bien que le père Goignardin n’ait pu plesser sa haie cet hiver.       Y serais-tu allé       voir les trois saules ?

     Edmée ( aux cils qui flottent ) m’a rapporté que le père Patemasse se serait plaint       auprès d’Emmanuel       de ceci :       l’autre soir, cherchant la fraîcheur entre tes       cuisses roses,       sa paume aurait été agacée par un jeune poil. C’est une bizarre intention       de te le faire savoir ainsi       Je la trouve très compliquée       Dès que ton entrejambes sera comme un buisson de houx       il t’abandonnera       c’est sûr :       Edmée dit l’avoir vu rôder vers Fontaine Salan après       qu’on ait su que François       ( à la blanche mèche au front )       ne laissait plus sa mère le laver nu       Et qui,       dans la fraîcheur du bois, commence par les buissons de houx ?       Tu ne sais pas       la brûlure d’être seul       quand on a perdu sa solitude ?       Et tu le sais pourtant et tentes de compliquer le cours des choses, Nardelet       C’est vain

     On n’entend plus ici que le réveil, le       ronflement du frigidaire       et les moustiques. Bientôt,       les araignées de la fenêtre les auront pris       et j’irai dormir

     Ce matin, Myriam ( au parler délicat et abrupt ) m’avait fait remarquer un papillon de nuit blanc méditant près du saladier       Ce soir, un de même forme, mais brun,       l’a remplacé. Lui, a été pris par la tégénaire de la maie : il palpite       Et j’ai rangé le saladier qui était sec :       comme tu vois, les choses vont leur cours indistinct.

     Nardelet, le matin est encore glacé,       et,       au seuil,       la toile de l’épeire n’est pas encore effacée, qu’elle a tissé hier soir entre les hampes de la folle-avoine et le robinet       de la cour       et déjà je reprends ma supplique       insensé que je suis       Te souviens-tu au moins avec douceur       de cette habitude que nous avions       à cette heure       dans la paresse des draps de l’aube       doucement, d’un doigt ou de deux que je faisais virevolter       j’agaçais tes boules       elles avaient la densité des cerises       qui mûrissent       que lorgnent les grives       Cette nuit, la lune s’en était allée, et le ciel était bleu, ardoise, tourmenté,       piqué d’étoiles dans ses taches claires.

     Mon utopie n’est que fictive       dit Charles ( aux cuisses rebondies )       que tu dis       mais, Nardelet, la présence des feuilles       tantôt blanches et vertes tantôt       selon ce qu’il en est du souffle       de l’air       est fictive aussi       et aussi       fictive, l’errance au fil de       l’eau des graines de l’aulne glutineux       Que t’arrive-t-il, pour considérer avec tant       de réflexion les théories de ce Howards       pourquoi donc « l’espace et le temps »       seraient-ils       « des accumulations d’entités individuelles » ?       Ces mots ont quelque chose de douloureux en eux-mêmes       ils semblent discriminer       et fouetter       l’air et les paysages       compris ici

     Jamais, tu vois, Titou       je n’ai écrit de supplique à un petit-garçon       Depuis deux ou trois jours       la treille a un peu soif       ses grappes vont fleurir       je pense que ce sera joli avec l’églantier blanc qui l’a envahie       mais mon cœur résonne parfois dans ma poitrine d’une manière       effrayante       à peu que je ne halète       qu’as-tu fait de moi       dans quelles contrées       rougeoyantes       m’emmènes-tu       y a-t-il des ruisseaux,       des hérissons, une lune dans ce monde       -là y neige-t-il ?

     Emmanuel ( aux longs bras frais ) est là       et pourtant je pousse ma supplique       je lui ai causé un peu       et puis je l’ai installé à peler des pommes       Marthe les a trouvées au marché de Saxi-Bourdon       je ferai une tarte puisqu’il me reste       de la farine,       et que mes fagots sont loin d’être brûlés tous. Bien que déçu, il ne dit mot,       c’est un enfant patient       sous les mèches argentées de son front, son regard est grave. Les abeilles       sont toujours aux reins du Christ de Semmelin       qui semble souffrir       Tout son corps       de fonte aux riches coulures       doit bourdonner au-dedans       y naissent quantité de fébriles ouvrières       y demeure une reine       On dit que tu vas souvent le voir       que même tu y aurais laissé un peu de pain frais       Nardelet, ton corps te gêne-t-il ?

     Le veau du père Billard ( qui rit muettement ) s’est abîmé le museau à la clôture : il cherchait à happer les hellébores noirs       du nord-ouest de la trace       sous le corb       J’ai tenu sa tête dans mes bras tandis que le père Billard       lui passait l’oint       on tâche à occuper mes heures       et à me distraire       Nardelet, ton cul a la plus belle des formes       comment le réserves-tu avec si grande complaisance       envers la solidité feinte des cumulus ?

     Nardelet, j’espérais finir ma vie blotti en toi       et voici       que la méridienne m’oppresse       Le lézard qui,       lorsque le soleil est intense, sort et gambade sur le mur       du fournil, imagine qu’on le relègue dans sa petite grotte de ciment terreux       tu as rendu ardente la face de mon cœur       et tu l’as scellé,       dans le même temps, par ton départ       précipité et secret       ( je n’ai compris qu’au bout de longues heures que tu ne reviendrais plus )       ce sont des moments dont la difficulté       est inutile et complexe       Que tentes-tu ?

     Ô mon Nardelet, voici que la bise aux dents blanches       s’est levée, elle nous vient de Saint-Martin       le ciel qu’elle fait est pur et pâle, et, si haut qu’il monte, le soleil ne parvient pas à réchauffer les tuiles, ni la ferme route,       ni les feuilles ou encore       les hampes des queues-de-rat       du chemin du Tacot       Ce que fait ce temps là, alors que jamais il ne fut ?       Est-il là pour la confusion de Howards       non, tu sais, il est les dix mille formes des fantômes ardoise du grand ciel       Ne sens-tu pas, Nardelet, que tout aspire à être et que       dès lors       comme je te disais       tout est là       absent ou présent       ou       ne devant jamais présenter sa face       aussi impalpable soit-elle que le chant des sphères du monde,       que l’eau qui court entre les racines de l’aulne       le long des lys jaunes à Machuré

     C’est le jour où je vais rendre       à Imphy       hommage à Philippe ( aux gauches et gracieuses épaules )       À Saint-Benin, j’ai bu un café chez Sarah ( au parler de rousserolle )       son fils a été piqué par une araignée, en fauchant       il traîne la jambe       mais son mal guérira : il est pour fêter son vingt-huitième anniversaire       Et sur le pont d’Izy, à droite on voit un plan d’eau verte refléter une tache solaire       comme un visage oublié ;       à gauche, l’aulne étale son feuillage africain       près du frêne,       et le vent les ploie ensemble, ensemble ils résistent et se laissent aller       tu dois t’en souvenir       rappelle-toi quand j’y lavais tes jambes       — afin que nul que moi ne te vît nu, nous avions pénétré sous le pont       et goûté en riant à sa fraîcheur noire —             laver la peau de tes cuisses était prétexte à ces touchers d’où fuse l’imagination       alliée à la tendre affection       rappelle-toi       elles étaient comme gonflées       par ta jeune santé, douces       J’égrène, roulant sur le chemin, des souvenirs qui atténuent et raniment       la brûlure de mon cœur       et       je chante à pleine voix       des bêtises

     À Imphy, il est difficile de se laisser faire       assis à la terrasse d’un café       parsemée de feuilles sèches       de capsules et de filtres orange       Ici les gens ressemblent aux êtres humains de la capitale       l’aciérie lâche de petits bruits       et mon hommage est assailli de ridicule       Sans cesse, sur la grand-route, résonne le bruit froissé que font les voitures :       on ne peut le confondre avec celui du vent dans le feuillage des frênes de Ruah, car,       il est incessant et rivalise avec le pépiement de nerveux passereaux

     Souviens-toi, Nardelet, comme       je sais bien clouer celui que j’aime       comme mon sexe entrait avec majesté dans tes entrailles palpitantes       ton ventre en était rasséréné       ce plaisir lavait ton corps de la fébrilité des jeunes années       Sur la route qui suit la vallée, j’ai laissé les hautes graminées du bas-côté droit fouetter mon épaule       Dans la forêt de Sardolles, les grands arbres minces       déploient leurs frondaisons sans parler

     Il y a, sur le chemin de Veaux, un petit caillou rose et brillant       je l’ai posé près du bord,       sur les feuilles d’herbe jaunes et chaotiques       en songeant       Ce principe de Howards permet-il vraiment de le localiser ?       En ce cas,       il se mettrait à attendre       et à escompter je ne sais quoi       comme       dans le café moderne d’Imphy

     ces adolescents silencieux tapis dans l’ombre       et le désespoir       La vallée de l’Ixeur       est à la sortie d’Imphy plate comme une soucoupe       et d’un seul tenant parsemé de saules et de chênes un peu

     Tout autour du puits de la maison de Paul       ( l’irradiant ) croissent des lamiers blancs : Emmanuel veut y aller pour m’en cueillir,       Et tu devines, pourquoi je l’en dissuade       Le rossignol est maintenant vite content de son chant : il ne le pousse pas plus loin que n’importe quel autre oiseau       je préfère son chant ainsi, mêlé avec modestie aux chants moins remarquables :       depuis ton départ,       ces concerts infinis m’enthousiasmaient un peu trop,       me portaient au-delà de moi-même,       dans un plaisir aigu mêlé de nostalgie étonnée et curieuse :       de celles qui poussent à bâtir des œuvres vainement monumentales

     Je me suis égaré, retour d’Imphy, et voici :       Deux adolescents       qui, de loin,       poussaient les cris exagérés des vierges       fols,       m’ont guidé ;       cependant       le soir descend déjà       et je suis loin de ma demeure       rasséréné pourtant :       la bise à la fin a cessé de balayer les champs       et j’ai vu du seigle mûrir près de Cigogne

     La fatigue égare-t-elle mon corps ? me voici te parlant ainsi que je faisais avant que nous nous aimions. Ou bien, elle me donne une sagesse étrange

     Emmanuel a ôté devant moi les boutons de sa chemise :       il voulait que je voie ses mamelons, gonflés depuis quelques jours il ne sait       dit-il       par quelle cause       et il dit qu’il s’en inquiète et demande des herbes ou un oint       et je les ai donc vus

     Je reprends ma supplique       ce matin.       Mais, je ne sais quoi m’ôte       le dire,       et la supplication. Es-tu en route       vers moi ?       Ou bien       aurais-je oublié le parfum       de ta cuisse polie       et le goût, au toucher, de tes cheveux frisés       Nardelet je crois       que l’envie d’espérer m’a quitté. Quand elle reviendra       derechef je te supplierai, et       peut-être en vain       peut-être pas.       Le haut du tilleul de la maison de François ( au petit corps osseux ) scintille       et les toits de Huez reflètent l’aube.       Un vent léger semble près de cesser.