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Texte d'Ézéchiel Spanheim
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==Une mort précoce et énigmatique==
==Une mort précoce et énigmatique==


Louis de Vermandois fut tué à seize ans, le [[18 novembre]] [[1683]], lors du siège de Courtrai où il avait accompagné son père. Mais certains ont supposé qu’il avait donné un soufflet au dauphin, à la suite de quoi on l’aurait enfermé, et qu’il ne serait autre que le “Masque de fer” mort en [[1703]] à [[la Bastille]].
Louis de Vermandois mourut à seize ans, le [[18 novembre]] [[1683]], d’une fièvre contractée au siège de Courtrai où il avait accompagné son père. Mais certains ont supposé qu’il avait donné un soufflet au dauphin, à la suite de quoi on l’aurait enfermé, et qu’il ne serait autre que le “Masque de fer” mort en [[1703]] à [[la Bastille]].


Ayant eu le titre de grand amiral de France, fonction qu’il n’eut pas le temps de remplir, il serait ainsi le seul amiral français indiscutablement homosexuel.
Ayant eu le titre de grand amiral de France, fonction qu’il n’eut pas le temps de remplir, il serait ainsi le seul amiral français indiscutablement homosexuel.
==Documents==
===''Relation de la Cour de France en 1690''===
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<center>{{Petites capitales|des enfants légitimés du roi.}}</center>
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Les enfants légitimés du Roi sont de lui et de deux différentes maîtresses, la duchesse de la Vallière ou de Vaujours, et Mme de Montespan.
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De la première, il n’y a eu que deux : la princesse de Conti, dont je viens de parler et qui a le rang de princesse du sang par son mariage, et le feu duc de
Vermandois, son frère. Ce dernier, né en octobre 1667, et ainsi un an plus jeune que ladite princesse sa sœur. Il étoit revêtu de la charge importante de grand amiral de France ; il étoit d’une taille médiocre, mais bien prise, et d’ailleurs fort aimable dans tout l’air, le port et les manières de sa personne ; les agréments de l’esprit et de l’humeur y répondoient, aussi bien que la noblesse et les sentiments du cœur, et ce qui tout ensemble donnoit déjà de grandes et de belles espérances de ce qu’on en pouvoit un jour attendre. Il n’y eut qu’un endroit malheureux dans sa conduite, au sujet de l’engagement d’un vilain commerce entre de jeunes seigneurs de la cour, où, sortant à peine de l’enfance, on trouva qu’il avoit été entraîné, et dont il fut châtié sévèrement par ordre du Roi son père : en sorte que cette correction, la crainte de retomber dans la disgrâce de Sa Majesté, jointe à des réflexions d’un âge plus capable d’en faire sur son devoir et sur sa conduite, et à la beauté d’ailleurs de son naturel, donnoit lieu de croire qu’il répondroit hautement à la bonne opinion qu’on en avoit conçue sur des fondements assez plausibles ; mais ce qui fut retranché tout à coup par sa mort suivie<ref>'''suivi''' : survenu.</ref> à Courtray, en Flandres, sur la fin de l’an 1683, où il avoit accompagné les princes de Conti et [de la] Roche-sur-Yon frères, au sujet des exécutions militaires qui s’y firent par ordre du Roi contre les sujets d’Espagne, et où ce jeune duc fut atteint d’une fièvre chaude qui l’emporta en peu de jours. La princesse de Conti, sa sœur unique de mère, resta, par sa mort, héritière du duché de Vermandois et d’autres grands biens qu’il possédoit déjà.<ref>Ézéchiel Spanheim, ''Relation de la Cour de France en 1690'', dir. Ch. Schefer, Paris, Librairie Renouard, 1882, p. 100-102.<br>Ézéchiel Spanheim (1629 – 1710) avait été l’envoyé extraordinaire de l’Électeur de Brandebourg à [[Paris]] de [[1680]] à [[1689]].</ref>
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==Voir aussi==
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:*{{Petites capitales|Sandras de Courtilz}}. « La France devenue italienne », in ''Histoire amoureuse des Gaules'' / Bussy-Rabutin. – Cologne : P. Marteau, s.d. – 4 vol. ; in-12.
:*{{Petites capitales|Sandras de Courtilz}}. « La France devenue italienne », in ''Histoire amoureuse des Gaules'' / Bussy-Rabutin. – Cologne : P. Marteau, s.d. – 4 vol. ; in-12.
:*{{Petites capitales|Sandras de Courtilz}}. « La France devenue italienne », in ''Histoire amoureuse des Gaules'' / Bussy-Rabutin. – Paris, 1754. – 5 vol. ; in-12.
:*{{Petites capitales|Sandras de Courtilz}}. « La France devenue italienne », in ''Histoire amoureuse des Gaules'' / Bussy-Rabutin. – Paris, 1754. – 5 vol. ; in-12.
*{{Petites capitales|Spanheim}}, Ézéchiel. ''Relation de la Cour de France en 1690'' / publié pour la Société de l’Histoire de France par M. Ch. Schefer,…. – Paris : Librairie Renouard, 1882. [p. 100-102]


===Articles connexes===
===Articles connexes===

Version du 18 juin 2014 à 11:09

Fils naturel du roi de France Louis XIV, Louis de Vermandois fut impliqué dans une retentissante affaire de mœurs concernant plusieurs personnages de la haute noblesse.

Une jeunesse scandaleuse

Né à Paris le 2 octobre 1667, fils naturel de Louis XIV et de la duchesse de La Vallière, Louis de Bourbon, comte de Vermandois, fut légitimé deux ans après sa naissance.

La confrérie des “italianisants”

Adolescent d’une grande beauté, Louis fut mêlé à l’âge de quinze ans, en 1682, au principal scandale pédérastique du règne de Louis XIV. Un certain nombre de grands seigneurs avaient formé une sorte de confrérie, décrite par un pamphlet anonyme connu sous le titre La France devenue italienne.[1] Ils faisaient serment de n’avoir plus de commerce avec les femmes et de s’abandonner les uns aux autres. Ils portaient en outre sous leur chemise une médaille représentant une femme qu’un chevalier foulait aux pieds.

Louis de Vermandois entra dans cette confrérie dès 1681, à l’âge de quatorze ans.[2] En raison de son rang princier, il demanda tout d’abord à être dispensé de l’« initiation » prévue par les statuts ; mais on lui refusa cette grâce, car « il fallait qu’il montrât l’exemple aux autres » ; et il fut seulement autorisé à choisir l’heureux initiateur. Son choix se porta sur le marquis de Biran,[3] futur duc de Roquelaure, qui avait alors vingt-six ans – « ce qui fit grand dépit aux autres qui le voyaient beau, jeune et bien fait ». Une fois la cérémonie accomplie, et en guise d’autre faveur, Louis put également choisir son futur compagnon de plaisir.

Tout à la joie de ces découvertes, il commit alors l’imprudence de recruter de façon trop voyante de nouveaux membres pour la confrérie, ce qui attira de nombreux candidats. L’un d’eux fut François Louis de Clermont, neveu du grand Condé et futur prince de Conti, qui avait alors dix-sept ou dix-huit ans, ce qui revint aux oreilles du roi.

Celui-ci « haïssait à mort ces sortes de débauches », et il décida de sévir. Tous les “italianisants” furent disgraciés et temporairement exilés en province. Quant au jeune comte de Vermandois, il fut fouetté jusqu’au sang en présence de Louis XIV.

Quelques jours plus tard, le roi fit comparaître Louis comme témoin en présence du ministre Louvois, qui avait plaidé l’innocence de son cousin germain le chevalier de Tilladet. Mais l’adolescent confirma les faits, et Louvois, comprenant qu’il avait été joué, s’emporta contre Tilladet.

Initié par le Grand Dauphin ?

On racontait par ailleurs que Louis de Vermandois, avant même cet épisode, avait été débauché par son demi-frère le Grand Dauphin, né en 1661. Celui-ci avait en effet été soupçonné d’homosexualité, mais il s’en défendit toujours avec énergie, et le reste de sa vie laisse penser qu’il préférait les femmes. La princesse Palatine est plutôt d’avis que c’est son mari, le chevalier de Lorraine, et son beau-frère le comte de Marsan, qui initièrent le jeune Louis.

Cependant, on ne saurait affirmer que le Grand Dauphin ne goûta jamais aux plaisirs garçonniers : parmi les exilés du scandale de 1682, figuraient en effet trois de ses amis intimes, le chevalier de Sainte-Maure,[4] le chevalier de Mailly[5] et Jacques-Louis de Mimeure.[6]

Une mort précoce et énigmatique

Louis de Vermandois mourut à seize ans, le 18 novembre 1683, d’une fièvre contractée au siège de Courtrai où il avait accompagné son père. Mais certains ont supposé qu’il avait donné un soufflet au dauphin, à la suite de quoi on l’aurait enfermé, et qu’il ne serait autre que le “Masque de fer” mort en 1703 à la Bastille.

Ayant eu le titre de grand amiral de France, fonction qu’il n’eut pas le temps de remplir, il serait ainsi le seul amiral français indiscutablement homosexuel.

Documents

Relation de la Cour de France en 1690


des enfants légitimés du roi.


Les enfants légitimés du Roi sont de lui et de deux différentes maîtresses, la duchesse de la Vallière ou de Vaujours, et Mme de Montespan.


du duc de vermandois.


De la première, il n’y a eu que deux : la princesse de Conti, dont je viens de parler et qui a le rang de princesse du sang par son mariage, et le feu duc de Vermandois, son frère. Ce dernier, né en octobre 1667, et ainsi un an plus jeune que ladite princesse sa sœur. Il étoit revêtu de la charge importante de grand amiral de France ; il étoit d’une taille médiocre, mais bien prise, et d’ailleurs fort aimable dans tout l’air, le port et les manières de sa personne ; les agréments de l’esprit et de l’humeur y répondoient, aussi bien que la noblesse et les sentiments du cœur, et ce qui tout ensemble donnoit déjà de grandes et de belles espérances de ce qu’on en pouvoit un jour attendre. Il n’y eut qu’un endroit malheureux dans sa conduite, au sujet de l’engagement d’un vilain commerce entre de jeunes seigneurs de la cour, où, sortant à peine de l’enfance, on trouva qu’il avoit été entraîné, et dont il fut châtié sévèrement par ordre du Roi son père : en sorte que cette correction, la crainte de retomber dans la disgrâce de Sa Majesté, jointe à des réflexions d’un âge plus capable d’en faire sur son devoir et sur sa conduite, et à la beauté d’ailleurs de son naturel, donnoit lieu de croire qu’il répondroit hautement à la bonne opinion qu’on en avoit conçue sur des fondements assez plausibles ; mais ce qui fut retranché tout à coup par sa mort suivie[7] à Courtray, en Flandres, sur la fin de l’an 1683, où il avoit accompagné les princes de Conti et [de la] Roche-sur-Yon frères, au sujet des exécutions militaires qui s’y firent par ordre du Roi contre les sujets d’Espagne, et où ce jeune duc fut atteint d’une fièvre chaude qui l’emporta en peu de jours. La princesse de Conti, sa sœur unique de mère, resta, par sa mort, héritière du duché de Vermandois et d’autres grands biens qu’il possédoit déjà.[8]



Voir aussi

Bibliographie

  • Firmin Didot frères. Nouvelle biographie générale : depuis les temps les plus reculés jusqu’à 1850-60…. XLV / sous la dir. de M. le Dr Hoeffer. – 1866. [p. 1132]
  • Grégoire, Louis. Dictionnaire encyclopédique d’histoire, de biographie, de mythologie et de géographie. – Nouv. éd. rev. corr. et augm. – Paris : Garnier Frères, 1877. – IV-2074-81 p. ; 26 cm.
  • Lever, Maurice. Les bûchers de Sodome : histoire des « infâmes ». – Paris : Librairie Arthème Fayard, 1985 (Saint-Amand-Montrond : S.E.P.C., février 1985). – 432 p. : couv. ill. en coul. ; 22 × 14 cm. (fr)
    Bibliogr. p. 419-426. – ISBN 2-213-01553-8 (broché)
    P. 160-162.
  • Peyrefitte, Roger. Voltaire : sa jeunesse et son temps. T. I. – Paris : Albin Michel, 1985 (Ligugé : Impr. Aubin). – 482 p. : couv. ill. en coul. ; 24 × 16 cm. [p. 80]
  • Peyrefitte, Roger. « [article] », in L’Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, décembre 1986. [p. 1061]
  • Sandras de Courtilz. Les intrigues amoureuses de la cour de France. – Cologne [La Haye], 1684.
  • Sandras de Courtilz. « La France devenue italienne », in Histoire amoureuse des Gaules / Bussy-Rabutin. – Cologne : P. Marteau, s.d. – 4 vol. ; in-12.
  • Sandras de Courtilz. « La France devenue italienne », in Histoire amoureuse des Gaules / Bussy-Rabutin. – Paris, 1754. – 5 vol. ; in-12.
  • Spanheim, Ézéchiel. Relation de la Cour de France en 1690 / publié pour la Société de l’Histoire de France par M. Ch. Schefer,…. – Paris : Librairie Renouard, 1882. [p. 100-102]

Articles connexes

Notes et références

  1. Ce texte signé Sandras de Courtilz est d’abord paru sous le titre Les intrigues amoureuses de la cour de France (Cologne, 1684). Il a été réimprimé ensuite avec une édition non datée de l’Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin, dans une annexe intitulée La France devenue italienne. En raison de cette seconde édition et du changement de titre, on a souvent cru par erreur qu’il s’agissait d’une œuvre de Bussy-Rabutin.
  2. Maurice Lever, dans ses Bûchers de Sodome (Paris, Fayard, 1985), lui donne par erreur dix-huit ans.
  3. Et non « Biron » (coquille dans l’ouvrage de Roger Peyrefitte Voltaire : sa jeunesse et son temps, Paris, Albin Michel, 1985, t. I, p. 80).
  4. Il s’agit probablement de Louis de Sainte-Maure, fils aîné du gouverneur du Grand Dauphin, Charles de Sainte-Maure ; il s’était pourtant marié le 25 juin 1681 (La Chenaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse, 2de éd., Paris, Antoine Boudet, 1778, t. XII, p. 469).
  5. Louis de Mailly (1657 – 1724), bâtard de la maison de Mailly et filleul de Louis XIV, fut par la suite un romancier médiocre. Un de ses premiers ouvrages, en 1685, fut une Rome galante, ou Histoire secrète sous les règnes de Jules-César et d’Auguste (Biographie universelle, ancienne et moderne, Paris, L. G. Michaud, 1820, t. 26, p. 245).
  6. Menin du Grand Dauphin, Jacques-Louis Valon, futur marquis de Mimeure (Dijon, 19 novembre 1659 – Auxonne, 3 mars 1719), fut ensuite militaire, poète et traducteur ; il entra en 1707 à l’Académie française.
    Maurice Lever, dans Les bûchers de Sodome, orthographie son nom « Mimeuvre », erreur qui a été reprise à divers endroits.
  7. suivi : survenu.
  8. Ézéchiel Spanheim, Relation de la Cour de France en 1690, dir. Ch. Schefer, Paris, Librairie Renouard, 1882, p. 100-102.
    Ézéchiel Spanheim (1629 – 1710) avait été l’envoyé extraordinaire de l’Électeur de Brandebourg à Paris de 1680 à 1689.