« François-Marie de Marsy » : différence entre les versions
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'''François-Marie de Marsy''', né en [[1714]] à [[Paris]] où il est mort le [[16 décembre]] [[1763]], est un [[prêtre]] [[France|français]] qui appartint à l’ordre des [[Compagnie de Jésus|jésuites]] avant devenir homme de lettres. | '''François-Marie de Marsy''', né le [[16 octobre]] [[1710]]<ref>Wikipédia le fait naître en [[1714]].</ref> à [[Paris]], où il est mort le [[16 décembre]] [[1763]], est un [[prêtre]] [[France|français]] qui appartint à l’ordre des [[Compagnie de Jésus|jésuites]] avant devenir homme de lettres. | ||
==Biographie== | ==Biographie== | ||
Marsy entre au noviciat des jésuites le [[13 août]] [[1729]]. Après avoir prononcé ses vœux, il est successivement [[professeur]] de grammaire, d’humanités et de rhétorique au [[collège]] Louis-le-Grand de Paris. | |||
Il en est renvoyé en novembre [[1738]]<ref>''Nouvelles de divers endroits'', n° 97, 3 décembre 1738.</ref> pour une affaire de mœurs avec l’un de ses élèves, le petit [[Jules Hercule Meriadec de Rohan-Guéméné|prince de Guémené]]<ref>Jules Hercule Meriadec de Rohan, prince de Guéméné, né le [[25 mars]] [[1726]] à Paris, mort le [[10 décembre]] [[1788]] à Carlsbourg.</ref> âgé de douze ans.<ref>On trouve parfois mention, à sa place, de son fils Henri Louis Marie de Rohan, qui fut également prince de Guéméné. Celui-ci pourtant, né le [[30 août]] [[1745]], ne peut avoir été impliqué dans l’incident pédérastique de 1738.</ref> | |||
[[Voltaire]] évoquera cet épisode dans une lettre de [[1765]] à D’Alembert (on reproduit également les deux notes de l’édition Lefèvre de [[1832]]) : | |||
{{Citation bloc|Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré le cul ¹ du prince de Guémenée est mort ? ne s’appelait-il pas Marsy ? On dit que d’ailleurs c’était un garçon de mérite ¹.<br>—<br><small>¹ Les choses n’allèrent pas tout-à-fait si loin. « Mon ami, dit la princesse à son fils, quelles étrennes faut-il donner à votre préfet ? — Maman, il faut lui donner un pot de chambre. — Que voulez-vous dire ? — Maman, c’est qu’il me pisse sur le dos, et je n’aime point ça. »<br>Marsy fut chassé des jésuites, et Fréron, son ami intime, sortit avec lui.<br>(''Note posthume de Condorcet''.)<br>¹ Voyez ''le Dictionnaire philosophique'', au mot {{Petites capitales|Jésuites}}, tome XXX, page 429, et XLIII, 326. Fr.-M. de Marsy, né en 1714, était mort en décembre 1763.</small><ref> | {{Citation bloc|Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré<ref>'''Enfondrer''' : enfoncer, percer, briser.<br>—<br>'''{{Petites capitales|enfondrer}}''' (an-fon-dré), ''v. a.'' Rompre, briser. Mot vieilli et qui était dans le Dictionnaire de l’Académie de 1696. || S’enfondrer se dit encore en Lorraine pour s’effondrer. (Émile Littré, ''Dictionnaire de la langue française'')<br>—<br>Voir aussi le ''Französisches Etymologisches Wörterbuch'', t. 3, « fŭndus », p. 875.</ref> le cul ¹ du prince de Guémenée est mort ? ne s’appelait-il pas Marsy ? On dit que d’ailleurs c’était un garçon de mérite ¹.<br>—<br><small>¹ Les choses n’allèrent pas tout-à-fait si loin. « Mon ami, dit la princesse à son fils, quelles étrennes faut-il donner à votre préfet ? — Maman, il faut lui donner un pot de chambre. — Que voulez-vous dire ? — Maman, c’est qu’il me pisse sur le dos, et je n’aime point ça. »<br>Marsy fut chassé des jésuites, et Fréron, son ami intime, sortit avec lui.<br>(''Note posthume de Condorcet''.)<br>¹ Voyez ''le Dictionnaire philosophique'', au mot {{Petites capitales|Jésuites}}, tome XXX, page 429, et XLIII, 326. Fr.-M. de Marsy, né en 1714, était mort en décembre 1763.</small><ref>Voltaire, « Lettre à M. Dalembert », [[16 mars]] 1765, in ''Œuvres de Voltaire. T. LXII. Correspondance. T. XII'', dir. M. Beuchot, Paris, Lefèvre, 1832, p. 250-251.</ref>}} | ||
En [[1771]], dans les ''Questions sur l’Encyclopédie'' qui seront intégrées plus tard au ''[[Dictionnaire philosophique (Voltaire)|Dictionnaire philosophique]]'' (chapitre « Jésuites, ou orgueil »), Voltaire rappelle cette affaire en recherchant les causes de la disgrâce des jésuites : | En [[1771]], dans les ''Questions sur l’Encyclopédie'' qui seront intégrées plus tard au ''[[Dictionnaire philosophique (Voltaire)|Dictionnaire philosophique]]'' (chapitre « Jésuites, ou orgueil »), Voltaire rappelle cette affaire en recherchant les causes de la disgrâce des jésuites : | ||
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{{Citation bloc|Ce ne sont pas les fredaines du jésuite Guyot-Desfontaines, ni du jésuite Fréron, ni du révérend P. Marsy, lequel estropia par ses énormes talents un enfant charmant de la première noblesse du royaume.<ref>Voltaire, ''Dictionnaire philosophique'', Garnier, 1878, chap. « Jésuites, ou orgueil ».</ref>}} | {{Citation bloc|Ce ne sont pas les fredaines du jésuite Guyot-Desfontaines, ni du jésuite Fréron, ni du révérend P. Marsy, lequel estropia par ses énormes talents un enfant charmant de la première noblesse du royaume.<ref>Voltaire, ''Dictionnaire philosophique'', Garnier, 1878, chap. « Jésuites, ou orgueil ».</ref>}} | ||
Par rapport à la blessure évoquée à deux reprises par Voltaire, la version donnée dans la note de Condorcet s’avère très lénifiante, et finalement assez peu vraisemblable. Quelle est la source de cette conversation alléguée entre le petit prince et sa mère ? On peut supposer que la famille de Rohan-Guémené a souhaité édulcorer les choses, voire innocenter le [[garçon]] en le faisant plus niais qu’il n’était en réalité. | |||
Selon l’abbé Le Blanc, Marsy aurait alors refusé de se rendre au collège Henri-IV de La Flèche<ref>Le collège Henri-IV de La Flèche, à environ 250 kilomètres de Paris, était alors le second établissement jésuite de France en importance et en renommée.</ref> « où on l’envoyait en punition ».<ref>« Lettre à Voltaire », [[26 décembre]] 1738, D1713.</ref> | |||
Il résidera désormais à Paris, rue Vieille du Temple,<ref>Ars., ms. 10246, f° 7.</ref> puis rue Bourg l’Abbé.<ref>Ars., ms. 10302, année 1750.</ref> | |||
==Œuvre== | |||
Au collège Louis-le-Grand, Marsy s’était fait connaître en [[1736]] par le poème en vers latins ''Pictura''<ref>''Pictura : carmen'', Paris, Bordelet, 1736 ; trad. française en 1740.</ref> et par quelques autres pièces du même genre.<ref>Sabatier, t. II, p. 330 et suiv.</ref> Contraint de quitter les jésuites à vingt-huit ans, il collabore avec son ami Élie Fréron à l’''Histoire de Marie Stuart''.<ref>''Histoire de Marie Stuart'', Londres [Paris], 1742, 3 vol. in-12.</ref> Puis il rédige un ''Dictionnaire abrégé de peinture et d’architecture'',<ref>''Dictionnaire abrégé de peinture et d’architecture'', Paris, 1746, 2 vol. in-12.</ref> avant d’entreprendre une ''Histoire moderne des Chinois, des Japonnois, des Indiens, des Persans, des Turcs, des Russiens, etc.''<ref>''Histoire moderne des Chinois, des Japonnois, des Indiens, des Persans, des Turcs, des Russiens, &c. : pour servir de suite à l’Histoire ancienne de M. Rollin'', Paris, Desaint et Saillant, 1754-1778, 30 vol. in-12, dont seuls les douze premiers volumes sont de lui, l’ouvrage ayant été terminé par Adrien Richer.</ref> | |||
Il obtient en [[1755]] une permission tacite pour l’édition de l’''Analyse raisonnée de Bayle'', dont les quatre premiers volumes paraissent la même année. Mais comme il s’agit d’un recueil des passages de Pierre Bayle les plus défavorables à la [[religion]], tous les exemplaires sont saisis<ref>J.-P. Belin, ''Le mouvement philosophique de 1748 à 1789'', Paris, Belin, 1913, p. 71-73.</ref> et Marsy est envoyé pour quelques mois à la Bastille.<ref>Rétat, p. 304-305.</ref> L’ouvrage est condamné par arrêt du Parlement du [[9 avril]] [[1756]] : les quatre derniers volumes, dûs à Robinet, ne paraîtront qu’en [[1770]] en [[Pays-Bas|Hollande]]. | |||
Il est assez piquant que ce jésuite, qui n’a pas fait un seul jour de [[prison]] pour ses mœurs, ait finalement été embastillé pour avoir diffusé des écrits contre la religion. | |||
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*[[Compagnie de Jésus]] | *[[Compagnie de Jésus]] | ||
*[[ | *[[Jules Hercule Meriadec de Rohan-Guéméné]] | ||
*[[Voltaire]] | *[[Voltaire]] | ||
===Liens externes=== | |||
*''Dictionnaire des journalistes : 1600-1789'', article « [http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/553-francois-de-marsy François de MARSY (1710-1763)] ». | |||
== Notes et références == | == Notes et références == | ||
Version du 14 juin 2014 à 19:07
François-Marie de Marsy, né le 16 octobre 1710[1] à Paris, où il est mort le 16 décembre 1763, est un prêtre français qui appartint à l’ordre des jésuites avant devenir homme de lettres.
Biographie
Marsy entre au noviciat des jésuites le 13 août 1729. Après avoir prononcé ses vœux, il est successivement professeur de grammaire, d’humanités et de rhétorique au collège Louis-le-Grand de Paris.
Il en est renvoyé en novembre 1738[2] pour une affaire de mœurs avec l’un de ses élèves, le petit prince de Guémené[3] âgé de douze ans.[4]
Voltaire évoquera cet épisode dans une lettre de 1765 à D’Alembert (on reproduit également les deux notes de l’édition Lefèvre de 1832) :
| « | Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré[5] le cul ¹ du prince de Guémenée est mort ? ne s’appelait-il pas Marsy ? On dit que d’ailleurs c’était un garçon de mérite ¹. — ¹ Les choses n’allèrent pas tout-à-fait si loin. « Mon ami, dit la princesse à son fils, quelles étrennes faut-il donner à votre préfet ? — Maman, il faut lui donner un pot de chambre. — Que voulez-vous dire ? — Maman, c’est qu’il me pisse sur le dos, et je n’aime point ça. » Marsy fut chassé des jésuites, et Fréron, son ami intime, sortit avec lui. (Note posthume de Condorcet.) ¹ Voyez le Dictionnaire philosophique, au mot Jésuites, tome XXX, page 429, et XLIII, 326. Fr.-M. de Marsy, né en 1714, était mort en décembre 1763.[6] |
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En 1771, dans les Questions sur l’Encyclopédie qui seront intégrées plus tard au Dictionnaire philosophique (chapitre « Jésuites, ou orgueil »), Voltaire rappelle cette affaire en recherchant les causes de la disgrâce des jésuites :
| « | Ce ne sont pas les fredaines du jésuite Guyot-Desfontaines, ni du jésuite Fréron, ni du révérend P. Marsy, lequel estropia par ses énormes talents un enfant charmant de la première noblesse du royaume.[7] | » |
Par rapport à la blessure évoquée à deux reprises par Voltaire, la version donnée dans la note de Condorcet s’avère très lénifiante, et finalement assez peu vraisemblable. Quelle est la source de cette conversation alléguée entre le petit prince et sa mère ? On peut supposer que la famille de Rohan-Guémené a souhaité édulcorer les choses, voire innocenter le garçon en le faisant plus niais qu’il n’était en réalité.
Selon l’abbé Le Blanc, Marsy aurait alors refusé de se rendre au collège Henri-IV de La Flèche[8] « où on l’envoyait en punition ».[9]
Il résidera désormais à Paris, rue Vieille du Temple,[10] puis rue Bourg l’Abbé.[11]
Œuvre
Au collège Louis-le-Grand, Marsy s’était fait connaître en 1736 par le poème en vers latins Pictura[12] et par quelques autres pièces du même genre.[13] Contraint de quitter les jésuites à vingt-huit ans, il collabore avec son ami Élie Fréron à l’Histoire de Marie Stuart.[14] Puis il rédige un Dictionnaire abrégé de peinture et d’architecture,[15] avant d’entreprendre une Histoire moderne des Chinois, des Japonnois, des Indiens, des Persans, des Turcs, des Russiens, etc.[16]
Il obtient en 1755 une permission tacite pour l’édition de l’Analyse raisonnée de Bayle, dont les quatre premiers volumes paraissent la même année. Mais comme il s’agit d’un recueil des passages de Pierre Bayle les plus défavorables à la religion, tous les exemplaires sont saisis[17] et Marsy est envoyé pour quelques mois à la Bastille.[18] L’ouvrage est condamné par arrêt du Parlement du 9 avril 1756 : les quatre derniers volumes, dûs à Robinet, ne paraîtront qu’en 1770 en Hollande.
Il est assez piquant que ce jésuite, qui n’a pas fait un seul jour de prison pour ses mœurs, ait finalement été embastillé pour avoir diffusé des écrits contre la religion.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Dictionnaire des journalistes : 1600-1789, article « François de MARSY (1710-1763) ».
Notes et références
- ↑ Wikipédia le fait naître en 1714.
- ↑ Nouvelles de divers endroits, n° 97, 3 décembre 1738.
- ↑ Jules Hercule Meriadec de Rohan, prince de Guéméné, né le 25 mars 1726 à Paris, mort le 10 décembre 1788 à Carlsbourg.
- ↑ On trouve parfois mention, à sa place, de son fils Henri Louis Marie de Rohan, qui fut également prince de Guéméné. Celui-ci pourtant, né le 30 août 1745, ne peut avoir été impliqué dans l’incident pédérastique de 1738.
- ↑ Enfondrer : enfoncer, percer, briser.
—
enfondrer (an-fon-dré), v. a. Rompre, briser. Mot vieilli et qui était dans le Dictionnaire de l’Académie de 1696. || S’enfondrer se dit encore en Lorraine pour s’effondrer. (Émile Littré, Dictionnaire de la langue française)
—
Voir aussi le Französisches Etymologisches Wörterbuch, t. 3, « fŭndus », p. 875. - ↑ Voltaire, « Lettre à M. Dalembert », 16 mars 1765, in Œuvres de Voltaire. T. LXII. Correspondance. T. XII, dir. M. Beuchot, Paris, Lefèvre, 1832, p. 250-251.
- ↑ Voltaire, Dictionnaire philosophique, Garnier, 1878, chap. « Jésuites, ou orgueil ».
- ↑ Le collège Henri-IV de La Flèche, à environ 250 kilomètres de Paris, était alors le second établissement jésuite de France en importance et en renommée.
- ↑ « Lettre à Voltaire », 26 décembre 1738, D1713.
- ↑ Ars., ms. 10246, f° 7.
- ↑ Ars., ms. 10302, année 1750.
- ↑ Pictura : carmen, Paris, Bordelet, 1736 ; trad. française en 1740.
- ↑ Sabatier, t. II, p. 330 et suiv.
- ↑ Histoire de Marie Stuart, Londres [Paris], 1742, 3 vol. in-12.
- ↑ Dictionnaire abrégé de peinture et d’architecture, Paris, 1746, 2 vol. in-12.
- ↑ Histoire moderne des Chinois, des Japonnois, des Indiens, des Persans, des Turcs, des Russiens, &c. : pour servir de suite à l’Histoire ancienne de M. Rollin, Paris, Desaint et Saillant, 1754-1778, 30 vol. in-12, dont seuls les douze premiers volumes sont de lui, l’ouvrage ayant été terminé par Adrien Richer.
- ↑ J.-P. Belin, Le mouvement philosophique de 1748 à 1789, Paris, Belin, 1913, p. 71-73.
- ↑ Rétat, p. 304-305.
