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Cinquième partie du texte intégral de Narayana, « roman tantrique » attribué à Narayana Nair.[1]
Page précédente…
Il était tard quand je parvins à la cour centrale du caravansérail. Je m’étais non égaré mais laissé aller par tout un dédale d’arcades, de portiques et de cours intérieures et mes regards erraient sur les reflets argentés et les ombres bleues du clair de lune, pendant que je cheminais tout en rêvant.
Mon maître discourait devant une petite assistance, à laquelle je me joignis alors qu’il s’adressait à un homme, jeune, élancé, que je voyais pour la première fois.
— Keshawan, vous ne connaissez pas ce qui est en vous, et qui est pourtant là à votre disposition, en votre pouvoir, comme dans la parabole du fruit…
— Quelle parabole, maître, questionna l’homme en question qui s’appelait donc Keshawan.
— Eh bien, la voici : un chela ne s’attachait qu’aux apparences. Aussi son gourou lui ordonna-t-il un jour d’aller quérir à petite distance un fruit de « Nyagrodha ». Le chela revint avec le fruit.
— Ouvre-le, maintenant, lui dit le gourou.
— Voilà qui est fait, maître !
— Bien. Qu’y vois-tu, Chela ?
— Des graines, maître.
— Fort bien, brise l’une d’elle !
— Voilà qui est fait, maître.
— Qu’y vois-tu donc, Chela ?
— Mais… rien, maître.
— Alors, Chela, selon toi, il ne saurait exister de « Nyagrodha » !
— Mais si, maître…
— Et pourtant tu n’as rien vu dans la graine et tout y est contenu !
Un silence approbateur de la petite assistance accueillit ce récit que j’avais déjà entendu plusieurs fois conter de manière un peu différente. Je ne me lassais jamais d’entendre mon bien-aimé gourou lorsqu’il était en veine d’enseigner ainsi. L’homme Keshawan demeura auprès de nous alors que les autres s’inclinaient pour prendre congé puisque c’était l’heure de se retirer.
Keshawan et mon maître s’entretinrent un instant encore de questions différentes, il s’agissait, je le compris, de notre départ prochain et du voyage de retour. Je vis peu à peu que mon maître se ralliait à l’itinéraire que lui proposait Keshawan, soit d’atteindre Kumbanokam, Mayavaram, de franchir le Colerun (Cauvery) et de nous acheminer ensuite en remontant la vallée du Vellar.
— Vous devriez en profiter, maître, pour visiter et méditer à Chandabaram, je pensais m’y rendre moi-même, j’aurais pu vous y guider.
Cela ne parut pas tenter mon gourou, qui remit au lendemain ou au surlendemain la question du voyage. On se sépara. Keshawan occupait, il me sembla, une place qui n’était pas éloignée des nôtres.
J’étais fatigué. Avant de m’endormir, je revoyais tous les spectacles de la journée et de celle qui l’avaient précédée, je pris conscience que je me mouvais dans un monde absolument différent du mien, et pourtant j’avais avec ce monde, au moins en apparence, toutes les affinités de race et de foi.
Mes yeux, qui ne se fermaient pas encore, regardaient là-bas, au-delà du préau, vers un espace tout brillant de lune. Comme sur une toile tendue, je distinguai soudain parmi le moutonnement des dormeurs une forme plus volumineuse, en mouvement régulier, qui s’immobilisa bientôt, puis se fondit peu après au niveau général.
Je me demandai ce que cela pouvait signifier quand, soudain, ayant à peu près situé l’emplacement où venait de se produire ce fait étrange, j’eus la certitude que certain « sadhu » venait de s’assouvir sur la personne de son chela, un gringalet de mon âge, au regard fuyant.
Il s’était toujours tenu à l’écart, craintif ou honteux. Je comprenais maintenant que, trop conscient du rôle qu’il jouait si bien auprès de son « sadhu », il se figurait que tout le monde le savait. Le « sadhu », lui, ne paraissait guère le dissimuler !
L’image de mon prédécesseur traversa ma pensée, alors que le sommeil me gagnait. Lui aussi, songeai-je, a dû trouver son « sadhu ». Était-ce donc là cette vie de pèlerinage, de retraites en des lieux saints ?… Comparé à ce « sadhu », qui pour moi personnifiait tous les autres, mon maître n’en était que grandi. C’était véritablement un saint !
Les diverses cérémonies allaient tirer sur leur fin, à ce que je croyais comprendre. Il m’eût été impossible d’assister à tout et, du reste, mon gourou ne m’y invitait pas. J’entendis parler de chèvres décapitées devant un autel à Kali, l’insatiable. Là des pèlerins, comme ivres, s’étaient enduits de sang et s’étaient roulés d’extase devant la Déesse.
Ailleurs, des fidèles s’étaient offerts à marcher et danser sur des charbons ardents. J’avais déjà vu cela et ce genre de « shakti » ou pénitences avec dévotions, n’étaient, pour moi, que des spectacles. La fièvre qui saisissait habituellement les spectateurs me gagnait aussi, je le reconnais, mais pas au point de participer à mon tour à ces frénésies qui m’effrayaient.
Après le repos des heures chaudes, Keshawan réapparut. Je ne l’avais pas vu de jour. C’était vraiment un beau gaillard, beaucoup plus jeune que mon gourou. Il était bien découplé, soigné de sa personne, souriant d’un air aimable. Le dhoti léger qui flottait à partir de la taille était bien court, il l’avait entortillé et noué plusieurs fois et dans le bourrelet ainsi produit sur le ventre il avait dissimulé de l’argent et quelques colifichets.
— Chela, me dit-il, après avoir salué mon maître, c’est aujourd’hui le jour faste du Lingam, on l’honore dans le temple qui lui est dédié, peut-être voudrais-tu m’y accompagner.
Ce disant, il se tourna vers mon maître qui acquiesça. Il me laissait tellement libre de mes mouvements que ce muet accord me prouva qu’il lui serait agréable que j’assistasse à cette cérémonie nouvelle pour moi.
Keshawan se montrait prévenant et poli à mon égard, plus que je n’aurais pu m’y attendre étant donnée mon humble condition. Je dus en conclure que son respect pour mon maître rejaillissait ainsi sur la personne de son chela.
Le temple du Lingam n’était pas celui auquel Raman avait sacrifié. C’était un autre édifice, de même genre, et dont il fallait bien connaître l’emplacement pour y parvenir.
L’intérieur était sombre mais mes yeux se firent vite à cette demi-obscurité. Je distinguai alors une quinzaine de personnes séparées de l’assistance et accroupies face à un sorte de stèle surmontée d’un monstrueux lingam, ressemblant à s’y méprendre à une gigantesque verge dressée. Un espace était ménagé sur le piédestal de soubassement, comme une marche où s’asseoir ou placer des offrandes.
Des chants se firent entendre bientôt, un peu étouffés, comme émis à bouches mi-closes. Cinq ou six brahmanes firent leur apparition, le buste nu. C’étaient sans doute les « Pandaram » spécialement désignés pour le culte du Lingam. C’étaient aussi les « Pudjari » ou officiants, et il devait y en avoir d’autres dans l’assistance, qui s’était silencieusement accrue.
Nous répétâmes en sourdine les chants, puis le chef des officiants éleva la voix pour énoncer une prière psalmodiée.
On y glorifiait le dieu de la possession, de la génération, la divinité fécondante, l’emblème de tout ce qui se crée, de tout ce qui vit ; c’était aussi un verset en l’honneur de Shiva, maître du Lingam.
Un des officiants s’approcha du Lingam démesuré, se hissa sur la « marche » et répandit du « ghi » (beurre fondu, clarifié). D’autres officiants le suivirent, entièrement nus ceux-là, et placèrent des guirlandes de fleurs jaunes autour du Lingam.
Cependant, tout le monde entonna une sorte d’hymne. Les officiants nus se retournèrent alors face à l’assistance, de chaque côté de la divinité sexuelle. Enfin, un dernier officiant, peut-être celui de tout à l’heure, vint, également nu, se placer sur la marche au pied du Lingam.
À ma grande stupéfaction et croyant tout d’abord à une illusion, tant j’étais fasciné par tout ce spectacle, je m’aperçus que le sexe de l’officiant était en pleine érection. Un des acolytes le lui prit dans ses mains et y passa une petite guirlande de fleurs.
De nouveau, un chant retentit. Puis, à la file, l’assistance vint faire « pudja » en abaissant, chacun, le front jusqu’à la verge du personnage placé au centre, adossé au Lingam.
Keshawan me précédait, je regardai attentivement comment il fallait procéder. Il souleva donc la verge de l’officiant et la porta à son front, s’inclina à reculons, en s’effaçant pour me céder la place. J’étais fort ému. Très troublé aussi à manier un instant un membre inconnu si volumineux et jaillissant d’une auréole de fleurs parfumées.
Je baissai le front où je l’appuyai assez fortement, plus par nervosité et ignorance que par convoitise. Je reconnais cependant que tous ces hommes nus, celui-là surtout, me causaient un trouble irrésistible. Je ne saurais dire pourquoi j’étais ainsi à la vue de ces maints corps d’hommes nus, et plus encore à la vue de leur sexe.
D’autres, je le sais, y sont indifférents et tournent de préférence leurs regards vers les femmes. Peut-être, me disais-je, si je pouvais contempler une femme entièrement nue, éprouverais-je les mêmes sensations.
Après une prière, pendant que disparaissaient les officiants, nous quittâmes le temple, dûment sanctifiés et assurés d’être bénis dans notre virilité. C’est là un des aspects de nos croyances qui confère à la semence de l’homme son caractère sacré.
Cela me confirmait dans mon opinion que le sacrifice d’un Raman était contraire à cette foi puisque, par son acte, quoique qualifié et considéré comme sacrifice, gaspillait le meilleur de lui-même en la laissant retourner à la terre. Sa souillure provenait moins de la stérilité que de n’avoir pas été recueillie avant d’entrer en contact avec le sol. Il n’y eût pas eu souillure si quelque vase sacré ou humain avait été interposé pour en empêcher la dispersion.
On voit par ces pensées dont je ne cherche pas à dissimuler le vague combien tout cela apportait de confusion à mes sentiments.
Je demandai à mon compagnon s’il était Lingayat.
— Non, Chela, me répondit-il, mais n’est-il rien de plus sublime dans l’homme ? C’est son signe ! Or, on doit vénérer, respecter, honorer ce qui nous fait homme, n’est-il pas vrai ?
L’intention de Keshawan m’échappait cependant. Il y avait eu de sa part certainement de la curiosité. Je sentais fortement que s’il y avait eu une nouvelle cérémonie de ce genre je m’y fusse rendu pour satisfaire cette même curiosité, avant tout sentiment religieux.
Mon bien-aimé gourou avait été heureux d’avoir mes impressions et mes réflexions sur la cérémonie au Temple du Lingam. Il paraît que le « rite » ou « l’ordonnance » peut en être différente, selon les régions, les temples, les adeptes eux-mêmes enfin.
Keshawan, qui vint à nous vers la fin de cet entretien, renchérit en rapportant ce qu’il avait entendu dire. Selon ces témoignages, on sacrifie des filles au Lingam. C’est-à-dire que le Lingam est de taille infiniment plus réduite que celui que je vis, des jeunes filles sont amenées au temple et s’accouplent au Lingam, ceint de « ghi ». C’est donc sous la protection du dieu, qu’elles se déflorent ainsi.
— Mais on raconte aussi, poursuivit Keshawan, en souriant, que les Brahmanes « Pandaram » ou « Pudjari » déconseilleraient la présence de spectateurs à ce sacrifice auxquels ils assistent passivement, alors qu’ils préfèrent de beaucoup officier activement.
Les victimes sont au préalable introduites dans une chambre obscure où elles doivent méditer. Là on fait passer de la fumée soporifique et excitante tout ensemble à base de « bhang » et les Brahmanes viennent un peu plus tard pour remplacer le Lingam. Ceci explique que maintes jeunes filles ont des avis très différents sur la manière dont le Dieu les a pénétrées et sur les sensations qu’elles y ont éprouvées.
Ce soir-là, Keshawan s’installa auprès de nous, sous le préau que nous occupions. Le caravansérail se vidait, on voyait de grands espaces vides entre les dormeurs. Les chiens, plus audacieux, s’aventuraient et soudain retentissait l’éclat d’une querelle.
Quelqu’un se relevait alors et jetait quelque chose. Un dormeur se retournait en geignant dans ses songes. Un troisième s’efforçait de crier pour faire fuir les importuns.
Ce fut deux ou trois nuits avant notre départ, je ne me souviens plus exactement. La chaleur était lourde, un orage menaçait peut-être, j’étais énervé, après tout ce que j’avais vu au cours des journées écoulées. Je ne trouvais aucune position propre à me disposer au sommeil.
C’est ainsi qu’en étendant machinalement un bras, je heurtai mon maître qui dormait profondément. Plus tard, je fus tiré à mon tour d’un premier assoupissement, par un bras nu qui reposait sur mon ventre. C’était Keshawan, Son souffle était régulier et son geste accidentel.
Quelle malice s’empara alors de moi, je ne sais trop, mais je fis progressivement glisser ce bras vers mon membre qui saillait assez fortement sous le mince linge qui me ceignait. Et j’attendis.
Mon compagnon était inerte, il n’esquissa aucun mouvement pour s’en saisir. Je me glissai de manière que sa main ne puisse cette fois éviter ce qui s’offrait à elle. Le contact, la chaleur, durent influencer le dormeur car, peu à peu, je sentis ses doigts remuer puis enserrer ma verge à travers l’étoffe.
Je feignis alors de dormir profondément. Keshawan s’était certainement éveillé, il dut se rendre compte de la situation, car il accentua sa pression, se rapprocha d’un glissement, changea de main pour plus de commodité et dénoua doucement mon linge.
Cette fois, il s’empara de ma verge et la manipula. Je ne bougeai point. Cela pouvait durer longtemps, car j’étais bien décidé à résister jusqu’au bout. Je n’avais qu’une crainte, que mon gourou, de l’autre côté, ne s’éveillât !
Mon apparente indifférence exaspéra mon partenaire qui accentua l’ampleur de ses mouvements. Je prenais goût à ce long frottement, fort de pouvoir y résister. Il y eut un mouvement, puis, soudain, un contact chaud et mouillé ! Les lèvres parachevaient ce que la main avait commencé. Une langue très douce, énervante, ne fit qu’exaspérer la passion que je croyais contenir.
Ce fut bientôt le désarroi final. Je prétendis alors m’éveiller et de mes mains j’écrasai la tête de l’homme sur moi, juste au moment où tout mon être était en déroute. Puis mon étreinte se relâcha. Keshawan ne s’attarda point sur sa proie épuisée ; il reprit sa position première et se rendormit comme si rien ne s’était passé. J’étais trop ébloui et désemparé pour que la pensée me vienne de lui prouver ma reconnaissance.
Au petit jour, Keshawan s’affairait déjà aux menues besognes, comme les quelques jours précédents. Il s’était attaché à mon gourou et à moi et bénévolement, toujours souriant, nous aidait. Ce matin-là, il venait d’apporter de l’eau à mon gourou et il me tendit deux mangues. Je le remerciai aussi bien que je pus sans trahir l’incident imprévu de la nuit. Et puis la question du retour fut l’objet de la conversation.
Il me tardait moins de quitter Tanjore que de changer de lieu et même j’aspirais secrètement à regagner les douceurs de notre ermitage.
Je compris que Keshawan nous accompagnerait si nous options pour l’itinéraire qu’il avait proposé. Mon maître, maintenant reposé, malgré ses conférences et conciles, ses dévotions aussi, était à même d’affronter un plus long trajet. Il accepta Keshawan, en me regardant à la dérobée, affirma qu’il entendait assumer toute sa part des obligations et qu’on pouvait s’en remettre à lui. Il portait déjà son propre baluchon.
Nous avions fait route depuis le matin. Je m’aperçus alors que je laissais Tanjore derrière moi avec beaucoup plus de regrets que je n’eusse cru. Ce court séjour avait été pour moi un de ces rêves aux multiples incidents qui vous paraissent avoir duré plus de cent nuits. C’était la première journée, et mon maître était visiblement las quand nous fîmes halte pour la nuit à un endroit nommé Karunkulam.
Quelques masures formaient la partie avancée d’une agglomération modeste noyée dans la verdure. L’une d’elles paraissait destinée aux voyageurs, elle était inhabitée, attenante à une ferme. Deux « loges », dont l’une plus étroite que l’autre, en constituaient la disposition intérieure. Mon maître s’installa dans la plus petite, nous laissant l’autre, où trois personnes n’auraient pu se tenir. Il s’endormit tôt. Keshawan et moi conversâmes à voix basse jusqu’à une heure assez tardive. Et puis l’heure vint !
Mon compagnon s’étendit à mon côté, m’enserra d’un bras et m’attira vite vers lui. Il était cette fois complètement nu. Il me fit toucher son membre qu’il avait en érection et dont le volume était digne d’un admirateur du Lingam. Keshawan, alors, tout en me respirant longuement comme un amant, me dit qu’il n’avait pas été dupe de la comédie jouée la veille et que je lui devais une revanche.
Il ne cessait de me caresser tendrement, défit mon linge de ceinture, se fit pressant. Il m’était difficile de me soustraire à ce qu’il attendait de moi ; n’avais-je pas commencé ? Mais quelle fatalité ! Le sexe semblait me poursuivre pour me prouver la fragilité de la voie que j’avais choisie. Et le désir qui est le maître des hommes entrait en moi et me comprimait délicieusement à me couper le souffle.
Je ne savais que faire du membre de Keshawan, j’étais porté au respect devant ses dimensions et intrigué par les mouvements que j’y percevais comme s’il luttait contre la pression de ma main. Puis, instinctivement, sans y penser, je penchai mon visage mais ce ne fut pas, comme au Temple, pour appuyer le Lingam sacré sur mon front, mais bien pour l’amener à ma bouche.
Je faillis presque m’en étouffer, puis je savourai réellement cette impression de gros fruit qu’on pourlèche sans l’entamer, qui vire sous la langue, et s’anime par instants d’une vie propre. J’étais tout enfiévré par la nouveauté de la chose. D’une main je cherchai la poitrine de Keshawan et lui pinçai un sein. Il y serra mes doigts pour que je ne cesse point.
Ce pincement réagissait puissamment sur son membre et il ne fut pas long à faire jaillir une source dont la projection et l’abondance faillirent me couper le souffle, il fallait surtout ne rien laisser échapper pour ne pas souiller la terre.
Cette saveur de lait acide m’inonda la gorge. Loin de ralentir mon action, je voulais ardemment que mon partenaire épuisât tout son désir jusqu’à la dernière goutte.
Il semblait content car il m’enlaça d’un geste à la fois las et très doux, nous nous endormîmes comme deux amoureux. Qu’eût pensé mon maître s’il nous avait vus ainsi !
À Kumbakonam, je crus me retrouver dans Tanjore. La vue d’édifices sacrés me replongea dans une secrète admiration et une joie que je ne peux dépeindre. Nous franchîmes un portique aux quatre majestueux piliers, tout sculptés, sur le chemin du grand Temple.
Celui-ci est dédié à Vichnou. J’y retrouvai, symboliquement représentés par les innombrables motifs, les attributs symbolisant les avatars du dieu. Ce temple a une superstructure colossale faite de onze étages décroissant vers le sommet.
Non loin, à l’ombre d’un « arasa maram » (figuier sacré) accroupi, immobile, était un sage, intégralement nu comme l’est mon maître sous son arbre là-bas à Puddukal. Deux ou trois garçonnets étaient accroupis à ses pieds.
L’un deux, à notre passage, se leva et nous suivit. Keshawan lui posa fraternellement le bras sur l’épaule. Plus tard, cet enfant nous apporta, sans doute à la demande de Keshawan, des fruits et du riz que notre compagnon paya.
Nous avions trouvé place sous une arcade, annexe du temple. La chaleur ou les fatigues de la marche paraissaient lourdes à mon gourou. Il mangea à peine et s’étendit presque aussitôt pour dormir.
Sans être las, j’aspirais moi aussi au repos, malgré la nuit étouffante, mais à peine étais-je étendu que la main de Keshawan parcourait mon corps, défaisant mon linge de ceinture, s’emparait de mon membre et ne tardait pas à l’animer.
J’eus peur de froisser cet aimable compagnon en lui refusant ce qui lui faisait tant plaisir. Au bout d’un moment, il appliqua goulûment sa bouche sur moi et s’acharna de la langue et des lèvres, tout en me caressant d’une main, jusqu’à la suprême délivrance. Je l’enlaçai bientôt pour lui prouver ma reconnaissance, j’étais cependant un peu humilié de m’abandonner ainsi sans la force de résister, et surtout de me voir prendre tant de goût à ces échanges ; le corps de Keshawan exerçait une attraction renouvelée sur moi et c’était un mystère pour mon entendement.
Je devais également lui plaire car sans cela il n’eût pas récidivé. J’en venais à me demander s’il ne faisait pas route avec nous dans le seul but de renouveler la première nuit !
À chaque étape, qu’il s’agisse de villages comme Kottenkadu, de fermes où nous nous arrêtions, chacun à tour de rôle, nous nous laissions aller à l’appel de la nature. J’admirais son inlassable vigueur. Peut-être n’étais-je pas aussi vaillant, je lassais parfois sa patience ; je profitais de cet état de choses pour me retenir, tenter de surmonter le désir et de rendre stériles son application et sa douceur.
Une nuit, il n’y tint plus. Je l’exaspérais par la longueur de l’effort ; il se retourna soudain contre moi et avant même que je m’en rendisse compte, alors qu’il maintenait ma verge dans sa bouche, il m’avait donné la sienne. Nous nous fîmes ainsi les mêmes choses de la même manière.
Le fruit chaud de mon partenaire s’agita, se gonfla et, dans la plus grande confusion des sens qui soit, j’eus la sensation double de m’épancher jusqu’au ciel et dans ma propre bouche.
Après cette marée d’émotion, je ne voulais plus lâcher mon partenaire et nous nous étreignions comme si, dans un dernier sursaut encore, nous pouvions exprimer de chacun de nous un dernier rappel de la plus exquise détresse. J’étais fou de passion. J’étais aussi à bout de forces et me rejetai pesamment de côté pour m’endormir presque immédiatement.
Je fus le dernier à m’éveiller. Mon maître s’aperçut-il de mon désarroi, je ne sais. Il me regarda puis se tourna vers Keshawan qui s’affairait comme d’habitude.
— N’est-ce pas demain, ami, lui demanda-t-il doucement, que nous arrivons au lieu qui verra notre séparation ?
— Nalla (certes) maître, demain nous atteindrons Pulluyal, mon propre village. Mais, oserais-je, maître, vous inviter à vous reposer quelques jours chez mon père ? Je n’ai certes qu’un misérable « fumier » à vous offrir, mais…
Ce disant, Keshawan s’avilissait aux yeux du gourou pour marquer qu’il le considérait d’une caste plus élevée, c’était ainsi l’honorer. De même, les gens de basse caste dénigrent-ils telle ou telle partie de leur propre corps quand ils en parlent à quelqu’un de caste haute.
Mon maître hocha la tête mais ne répondit point.
Keshawan était inquiet et agité à la perspective de nous quitter ; il guettait la réponse du maître, il me regardait, puis il poursuivit :
— À Pulluyal, maître, la rivière est certes plus accessible qu’ici. Vous allez voir le chemin qu’il faut parcourir pour arriver enfin à ce cours d’eau à demi-bourbeux ! Ce n’est pas un lieu pour les pèlerins de retour, maître, tandis qu’à Pulluyal…
— Keshawan, dit alors le gourou non sans un fin sourire, je ne comprends que trop votre impatience, mais votre attitude en cet instant même me rappelle Balaram, vous savez le frère et le compagnon de jeux de Krishna… Vous ne vous en souvenez plus ? Eh bien, sachez donc qu’un jour le jeune Balaram s’en prit à la rivière Yamuna qui, selon lui, tardait à venir pour lui permettre ses ablutions. Il plongea alors sa charrue dans l’onde et tira toutes les eaux après lui ; elles prirent forme humaine et implorèrent son pardon.
— Ah, Gourou bien-aimé, m’écriai-je, c’est donc là l’origine de la cérémonie du premier sillon des labours.
— Tu l’as dit, Chela. Je vois avec plaisir que mes enseignements sont tombés dans la bonne terre. Mais le sage cultivateur ne doit jamais abuser des labours.
Le hasard fit qu’à cette remarque ses yeux rencontrèrent ceux de Keshawan.
Dès que furent en vue les cocotiers où nichait Pulluyal, notre compagnon s’excusa de nous devancer pour annoncer notre venue. Il ne nous déplaisait pas de faire halte à cet endroit, convenablement situé.
Nous fûmes accueillis non comme des voyageurs de hasard mais comme « virundu », c’est-à-dire des invités. Il était là, devant sa demeure qui me rappela celle de mes parents, entouré des siens, au côté de sa femme. Il nous conduisit bientôt à une petite salle, dans un bâtiment attenant. On venait visiblement de la débarrasser et de la préparer, elle était propre et fraîche. Mon maître et moi y serions indépendants de la maisonnée.
Mon maître se répandit en paroles de réconfort et promit d’attirer sur ces lieux et leurs habitants les bénédictions des Dieux. Ceci avait d’autant plus de valeur que nous étions, en quelque sorte, « sacrés » puisque nous revenions d’un pèlerinage aux saints lieux.
Keshawan, non content de laisser aux femmes de la maison ce qui leur incombait, s’affairait tout comme s’il était encore en route avec nous. Il s’attardait auprès de moi. Je fis semblant ne pas le remarquer. Il revint encore plus tard pour me demander si nous n’avions besoin de rien. Je passai une nuit fort tranquille et je fus étonné de la paix sexuelle qui régna pendant toutes ces heures.
Le lendemain à l’aube, je fus le premier réveillé, pleinement dispos. Je résolus non de faire venir à moi la rivière mais de m’y rendre pour les ablutions ; elle était toute proche.
À ma surprise, Keshawan était dehors, comme s’il m’attendait. Il voulait, me dit-il, me conduire au meilleur endroit. Il s’enquit de mon sommeil et de celui de mon maître. Il parut satisfait que mon maître, encore assoupi, ne soit pas prêt pour ses ablutions.
Sur la berge rocheuse, nous fûmes donc seuls. Keshawan se dépouilla. Je fis de même. Il s’approcha alors et me prit à la taille, attirant ma main vers son membre qui se dressait. À la lumière du jour, il me parut redoutable ! Je ne pouvais m’imaginer que j’avais…
— Narayana, dit brusquement Keshawan, ne t’en va pas ; reste avec nous, avec moi. — Ce disant il resserra son étreinte mais n’insista pas quand ma main se détacha de sa verge. — Narayana, je me sens pour toi de l’amour, tu m’aimes aussi et…
— Keshawan, nous nous quittons tout à l’heure, et puis tu as une femme…
— Oh, s’exclama-t-il, elle est de celles qu’on vous impose dès qu’on a l’âge. Je ne l’ai jamais aimée, elle le sait bien. Je n’éprouve rien avec elle. Alors qu’avec toi, Narayana, tous mes vœux sont comblés !
Je commençais à être très troublé à de telles révélations, surtout au contact étroit de ce corps que je ne verrais plus, que je n’étreindrais plus. Le chagrin commençait à s’insinuer dans mes pensées bouleversées. Keshawan le vit-il ? Il me serra à m’étouffer et dit :
— Demeure, Narayana. Je suis prêt à te jurer mon affection en tenant la queue d’une vache !
Cela devenait grave. Un tel serment, chez nous, lie à jamais.
Certes, je n’envisageais pas de laisser mon gourou ; j’étais cependant indécis. Si nous restions à Pulluyal, en admettant qu’on puisse décider mon maître à s’y installer, il percerait aussitôt le mystère, en supposant même qu’il ne le connût point déjà ! Et puis, chaque nuit il aurait fallu que Keshawan et moi…
Keshawan venait soudainement de me relâcher et de se précipiter dans l’eau, je fis de même instinctivement. Nous nous ébattions dans l’onde lorsqu’apparut sur la berge le gourou venu lui aussi pour le bain. Il répondit affectueusement aux salutations de Keshawan et aux miennes. Nous nous mîmes à deux pour le frotter, le masser. Keshawan y prenait un plaisir, à mes yeux, trop visible, le maître dut l’arrêter.
Tout en cheminant vers la demeure de Keshawan tous les trois, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à la situation compliquée dans laquelle son attraction pour moi avait jeté ce pauvre Keshawan, situation qui menaçait de compromettre la mienne.
Je m’efforçais de chasser de telles idées. Le voyage tirait à sa fin. Je reprendrais, auprès de mon gourou, le cours serein d’une existence plus conforme aux aspirations qui avaient été les miennes et dont je m’étais trop écarté. Y avait-il entièrement de ma faute ? Je cherchais peut-être des excuses, mais tous ces spectacles, ces sensations diverses et répétées, la beauté de Keshawan enfin, tout cela aurait eu raison, je crois, d’un esprit plus fermé que n’était le mien.
Il n’était pas trop tard pour me ressaisir. Je fus peiné par la tristesse qui assombrit le visage de Keshawan. Lors des adieux, empreints de la plus déférente affection de la part de tous, je dus accepter des mains de Keshawan un don de fruits pour le gourou et pour moi, ajouta-t-il.
— C’est là, Narayana, tout ce qui vous restera à votre maître bien-aimé et à vous-même d’un compagnon de quelques jours. Puissent ces fruits durer le plus longtemps possible et apaiser votre soif sur le chemin où les vœux d’un ami vous suivront.
Les regards de Keshawan ne se détachaient pas de moi en prononçant ces mots d’une voix qu’étranglait l’émotion.
Il était là, debout en face de moi, à peine couvert aux hanches d’un mauvais linge. Je le regardais, je le contemplais. Alors j’en appréciai les belles proportions et aussi toute la volupté de ses yeux et de sa bouche. Mon cœur s’emplit de tristesse à laisser là celui qui voulait tant me retenir et que j’aurais voulu encore étreindre et caresser.
Mon destin m’arrachait à lui : peut-être était-ce un bien ! Quand je me retournai, au moment d’entrer sous les grands arbres, il était toujours là, svelte et fort et levait le bras. Je ne pus retenir mes larmes.
Et puis ce fut Puddukal et notre petit ermitage.
Les villageois furent heureux de nous revoir. Ils étaient anxieux d’apprendre des lèvres de mon maître tous les détails de notre pèlerinage. Il leur déclara que ses dévotions et méditations avaient été agréables aux Dieux qui nous avaient protégés en route et que leurs bienfaits rejailliraient sur tous.
Il était admirable, semblait n’avoir jamais quitté Puddukal. Il s’enquit d’un chacun comme s’il lui avait parlé la veille. Il était au courant de tout. Un mot le mettait immédiatement sur la piste.
Le soir, je résolus de me confesser à lui de mes rapports avec Keshawan.
— Mais, Chela mon fils, je savais tout cela ! Cet homme était torturé par le démon du sexe. Je savais qu’il était marié ; mais ses regards n’étaient que pour toi. Il nous avait aperçus dès les premiers jours et fit tout pour lier connaissance. Je savais qu’il te convoitait et qu’il réussirait à éveiller en toi le désir.
Je sais aussi que la nuit de notre arrivée chez lui il n’approcha pas de sa femme. Je pressentais qu’il t’inviterait à rester auprès de lui ; à me tenter de rester dans le seul but d’avoir ta présence.
À quoi bon revenir sur ces choses, Chela ! Si tu avais réellement cédé au désir, tu serais resté auprès de lui. Je ne t’aurais point retenu. Je ne te retiendrais pas si même maintenant tu en exprimais le désir.
Mais ta vie aurait été celle d’un jouet dont on use un temps et dont on se détourne pour toujours. Puisses-tu te convaincre que j’ai acquis la libération et que je veux aussi te libérer de toutes ces illusions des sens, ces attaches éphémères, ces plaisirs d’un instant.
S’attache-t-on à Vayu le Vent, Chela ? Non, n’est-ce pas. S’éprend-on d’une feuille qui vole dans les airs ? Non, n’est-ce pas. Je sais, hélas, que la lumière, celle que nous ne voyons pas, cette lumière sublime ne luit que par intervalles pour certains. Tu as peut-être eu quelques éclairs, mais surtout tu tâtonnais dans les ténèbres, Chela. Un éclair est un encouragement…
Et mon maître continua ainsi pendant encore quelques moments. Ces paroles me réconfortaient.
Je l’écoutais accroupi, la tête penchée sur ses genoux. Il appuya sa main sur ma tête. Je la relevai. Son beau visage était penché vers le mien et souriait.
Je me répéterais sans cesse si je narrais par le menu tout ce qui advint à la suite de notre retour et de notre réinstallation à notre petit ermitage de Puddukal. Les mêmes actes, les mêmes personnages, la poursuite des mêmes méditations et d’une même discipline formèrent à nouveau l’ordonnance de nos jours, de nos semaines, de nos mois.
La force de l’habitude aidant, cette sérénité, cette monotonie, pourrais-je dire pour tenter de traduire le rythme égal de cette existence, tout cela faisait que je ne pouvais m’imaginer que j’avais été autre chose qu’un jeune chela et que je pourrais être un paysan ou quoi que ce soit de différent. Aucune profession ne se dessinait dans mon esprit, je n’avais jamais songé à en embrasser aucune. Ma famille s’était également faite à l’idée que je serais peut-être — un jour ! — un gourou à mon tour ; il ne fut donc jamais question que je prisse femme.
Nulle ne m’avait retenu au cours de toutes mes pensées et nulle ne portait ses regards sur moi. Combien de femmes — songeais-je aussi — oui, combien, avais-je pu en voir lors de nos voyages et pèlerinages ? Bien peu, elles ne m’attiraient guère, je me sentais embarrassé auprès d’elles.
J’avais surtout rencontré des hommes ! Des hommes qui paraissaient se complaire entre eux, dont la plus grande partie se composait d’hommes mariés ou sur le point de l’être, mais qui se retrouvaient là entre hommes et pour retrouver des hommes.
L’âge et la santé de mon gourou ne faisaient guère prévoir encore que son chela pourrait jamais, avant de longues années, aspirer à être gourou en ses lieu et place. Il n’entrait pas dans mes modestes calculs, bien limités d’ailleurs, d’envisager de le quitter un jour pour m’installer dans quelque village et y remplir le rôle qu’il remplissait dans le nôtre.
Un moment, j’avais bien pensé à Pulluyal, mais par association d’idées avec Keshawan. Car je ne l’avais pas oublié, bien que sa silhouette s’effaçât peu à peu dans l’éloignement du souvenir.
Maintenant je secondais plus activement mon maître dans ses enseignements pratiques. Depuis quelque temps, il se lassait plus vite, il se plaignait par intervalles d’une fièvre bénigne. La tâche d’enseigner les rudiments de connaissances élémentaires m’était donc dévolue, pendant que le maître méditait et somnolait sous son arbre.
Les jeunes garçons me considéraient comme un « lettré » mais leur respect était teinté de camaraderie. Quel âge pouvais-je avoir alors ? Je ne sais plus, mais j’approchais sans doute de ma vingt-quatrième ou vingt-cinquième année.
Je me tenais donc là, accroupi au milieu d’eux, nu à mon habitude. Eux-mêmes n’étaient certes guère vêtus ! Au mieux, un mince lambeau d’étoffe à la taille qui, passant dans l’entre-cuisses, y ressemblait plutôt à une corde qu’à une étoffe. Je ne tardai pas à remarquer dans la petite assistance deux admirateurs. Le plus âgé pouvait avoir à peine quatorze ou quinze ans ; il était du reste le camarade préféré de tous. On le surnommait « Kembiranu » qui veut dire : le chéri. À vrai dire, je ne prêtais attention à lui particulièrement que lorsqu’il prit l’habitude de s’accroupir à côté de moi. À plusieurs reprises, il posait sa main sur ma cuisse et me caressait distraitement.
— Petit « Kembiranu », lui dis-je un jour à l’écart, il ne faut pas me caresser ainsi pendant la classe…
— Et pourquoi donc, petit gourou ?
— Mais tes camarades pourraient être jaloux ! Je ne peux accepter de me faire ainsi caresser par tout le monde.
— Vous n’aimez pas cela ? — fit-il comme surpris et d’un air ingénu qui me fit sourire malgré moi.
— Non, j’aime cela… mais…
— Oh alors, petit gourou, je pourrai vous caresser en dehors de la classe, n’est-ce pas !
Que pouvais-je dire en réponse à tant de candeur !
Lorsque mon maître me questionnait sur le sexe, j’étais fier de pouvoir maintenant l’assurer que lorsque je pensais NON, lorsque je voulais NON, mon membre n’insistait pas outre mesure.
À quelques reprises, comme pour satisfaire à quelque besoin naturel, j’ordonnais à mon sexe de s’éveiller, de jaillir et cela se produisait sans que j’en ressentisse un plaisir bien marqué. Je me sentais ensuite l’esprit plus dégagé. Peut-être était-ce dans ce seul but que je consentais à l’éjaculation sans contact ni provocation physique.
Puisque j’en reparle, il sied néanmoins que je fasse un aveu ; mes rêves, dont je ne pouvais être le maître, tentaient de tromper ma vigilance. C’est ainsi que plusieurs semaines après notre retour, une nuit, m’apparut le dieu Shiva lui-même, comme dans le temple où j’avais contemplé naguère Raman occupé à son sacrifice.
Et le dieu Shiva se mit à ressembler à Keshawan et, au lieu des quatre bras de la divinité, c’étaient quatre verges dressées qui se tendaient vers moi, animées comme des serpents naja. Je reculai d’horreur à cette vue, horreur mêlée de désir. Et je finis par être pris par des « pudjari » (officiants) nus qui me passaient des guirlandes de fleurs autour de la verge.
Je me réveillai en sursaut pour constater que non seulement mon membre était douloureusement en érection ; mais aussi qu’en me retournant dans mon sommeil un linge se trouvait pris entre mes cuisses par devant et effectivement entourait partiellement mon sexe. Mais la vision de ce dieu Shiva-Keshawan aux quatre membres dressés me hanta longtemps, au point qu’il me parut que réellement je les avais vus.
Avertissement de l’éditeur et présentation par A. P. | ||
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Source
- Narayana : roman tantrique / Narayana Nair ; traduit du tamil par Jaimouny et A. P. – [Paris] : Jérôme Martineau, cop. 1968 (Turin : Sargraf, novembre 1969). – 176 p. : couv. ill. ; 22 × 13 cm.P. 115-141.
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Notes et références
- ↑ La division du texte en six parties est réalisée ici de façon arbitraire et pour des raisons de commodité propres à BoyWiki. Elle ne figure pas dans l’œuvre originale.