« Abécédaire malveillant (citations) » : différence entre les versions

De BoyWiki
Philadelphe (discussion | contributions)
catégorisation
Philadelphe (discussion | contributions)
Ordre de tri
Ligne 139 : Ligne 139 :
*[[Tony Duvert]]
*[[Tony Duvert]]


{{DEFAULTSORT:abecedaire malveillant (citations)}}
{{DEFAULTSORT:Abecedaire malveillant (citations)}}
[[Catégorie:Essai du XXe siècle (citations)]]
[[Catégorie:Essai du XXe siècle (citations)]]
[[Catégorie:Essai français (citations)]]
[[Catégorie:Essai français (citations)]]
[[Catégorie:Texte reproduit]]
[[Catégorie:Texte reproduit]]

Version du 13 avril 2011 à 17:40

Il existe une fiche de références pour cette œuvre :
Abécédaire malveillant






Abécédaire malveillant est un recueil de notes et d’aphorismes sous la forme d’un dictionnaire, publié par Tony Duvert en 1989.

Citations

Aimer

Nombreux sont les procès qui révèlent moins les fautes de l’accusé que l’abjection des magistrats.

Je garde un désir inguérissable pour quelques êtres que, jadis, je n’ai pas su approcher ou convaincre. Ou ceux qui disparurent avant que j’aie assez joui d’eux. En revanche, ceux qui m’ont rassasié — leurs semblables, pourtant — je n’y pense qu’à peine. Leur souvenir est bien rangé, avec les pacotilles qui s’y rattachent. Peut-être pour mes vieux jours, s’ils sont environnés d’intouchables.

Aimer quelqu’un : dévorer des yeux sa vie me console de la mienne. M’observer me dégoûtait : le contempler n’est que douloureux, et me nettoie de moi.

Beauté

Ils sont beaux jusqu’à la douleur, ces jeunes garçons raides et lisses comme leurs verges : trognes d’enfants, silhouettes criminelles, éclairs nacrés des dents, des yeux, ricanements anatides, aines blondes et nerveuses au sperme torrentiel. Cela jette les hommes mûrs, laids, ventrus, velus, célèbres, dans des émois religieux.
Hélas, ces adolescents sortent leur beauté en ville sans rien mettre dessous. Ils n’ont qu’une puce dans le crâne, ils n’admirent pas votre esprit, ils ignorent même le nom du bougnat verdâtre qui orne leur billet de banque préféré. Cruauté du désir que la jeunesse inspire. Je vous maudis, charmes trompeurs !

Christianisme

— Comment croire en ce gros dieu à barbe blanche, si je n’aime pas les poils ?
— Et le petit Jésus ?
— Ils ne l’ont pas crucifié enfant. Ça me gâche tout.

Dos

Les religions abrahamiques sont les seules du monde qui persécutent à la fois les deux anneaux masculins : prépuce, anus. Ces sauvages croient déféminiser ainsi le corps mâle.
En renonçant à la circoncision, le christianisme paraît moins barbare : mais il est pire que le judaïsme ou l’islam, car il étend sa persécution à la sexualité tout entière. L’idéal du chrétien est l’eunuque. Saint Paul déjà ne coupe plus les prépuces : il exige davantage — la queue et les oreilles.
Je vois que de voluptueux jeunes garçons d’Italie se masturbent dans leur prépuce et ne s’exercent pas à l’abaisser : il adhère au gland, il semble atteint de phimosis. En réalité, il est comme un vagin secret, toujours à la disposition du membre égoïste qui s’y caressera.

Égalité

Notre police, notre justice sourient aux anges si vous vous résignez à ne frapper, tourmenter ou tuer que les pédés, les drogués, les immigrés — et surtout, parmi seize millions de mineurs, celui ou ceux qui sont à vous. Vous pouvez tuer, mutiler des enfants inconnus, mais les seules armes autorisées sont les véhicules routiers et les salles d’opération : sinon, vous encourez de lourdes peines.

Enfant

Quel homme est mieux qu’un enfant qui s’est trahi pour survivre ?

France

— Tu es heureux en famille. À la télévision, des jeunes comme toi l’ont dit d’un air heureux. Des experts l’ont prouvé d’un air compétent. Des doctoresses l’ont confirmé d’un air maternel, la secrétaire d’État s’en est félicitée avec un air de gauche, et l’intègre journaliste en a ainsi conclu avec un sourire très jeune. Alors arrête de faire la gueule : tu es le seul qui râle.

Garçons

Jeune fille de famille prudhommesque, sous Napoléon III :
— Père, hélez un sergent de ville, le monsieur en noir m’a regardée ! Hiiiiiiii !
Jeune garçon de famille beauf’, cent vingt ans après :
— M’man ! Appelle un flic ! Y a un type qui m’ mate ! Hiiiiiiii !

Majesté du jeune garçon. À douze ans, on a douze ans, âge absolu. À quatorze ans, puberté faite et enfance abolie, on n’a plus qu’un an ou deux. Un ou deux ans d’adolescence. Et beaucoup d’hommes en restent là pour la vie, et se jugent supérieurs aux impubères.

On répète, à l’éloge des filles, qu’elles sont mûres bien avant les garçons.
Certes. Quand on a élevé côte à côte un bébé chimpanzé et un bébé humain, le singe a grandi et progressé beaucoup plus vite. À un an il dansait, il chantait, il savait déjà lire. — Mais quelles danses, quelles chansons, mais quels livres ! Aucun garçon n’en voudrait.

Plus que par les chromosomes, on se reproduit en influençant, en modelant, en favorisant ou en combattant autrui. Un talent qu’on a parfois dès l’enfance. Des gamins peuvent séduire, agir sur vous, délabrer vos savoirs, vous imposer leur monde, être copiés : ils se multiplient déjà.

Je deviens citoyen du monde quand j’apprends, saisi de rêverie, qu’il naît sur terre trente-neuf millions de garçons chaque année. Je vois une aube, un arc-en-ciel. Tous sont beaux, à coup sûr, tous me parlent avec plaisir : et leur nombre me convaincrait déjà de vivre trente-neuf siècles.

Guillotine

On dit qu’il faut rétablir la peine de mort contre les assassins d’enfants1.
Mais ces assassins n’existeraient pas si, jadis, charmants petits garçons, ils avaient été violés et assassinés avant de grandir.
Vous voulez couper les têtes après que les assassinats ont eu lieu. Quel laxisme !
Non. Guillotinez dès aujourd’hui tous les garçonnets. Ainsi vous empêcherez peut-être qu’apparaissent ces hommes qui tueraient les enfants de demain.
_______
1. Est-ce pour couper le cou à sept cents pères ou mères de France chaque année ?

Inadaptés

Jadis, la maison de redressement prétendait corriger les enfants indisciplinés. Aujourd’hui, on leur impose une psychothérapie. Punition patiente qu’administrent des bourgeoises doucereuses, infatuées et perverses. Mais ces dames ne battent pas : elles violent.

Leçons

La scolarité obligatoire, c’est dix ans de prison préventive. Alphabétiser n’est qu’un prétexte, et cette mission n’est pas remplie. On n’enseigne pas, on surveille. On n’éduque pas, on soumet. On n’éveille pas, on éteint.

Lois

On réforme le code pénal. Désolant de penser que, par le jeu des bassesses parlementaires, il ressemblera aux idées reçues et aux valeurs timorées de la France qui vote. Un décalogue de la médiocratie.
Le code Napoléon eut au moins le mérite politique d’être promulgué par un jeune tyran qui chiait sur l’opinion publique. Aujourd’hui, c’est cette opinion publique le tyran. Qui l’abattra ? Il n’en est pas de plus ignoble dans l’histoire.
Le nouveau code sera établi par une agora de vétérans électoralistes, clientélistes, superstitieux, soumis jusqu’à l’anus aux lobbies truandesques qui financent leurs campagnes. À chaque progrès qu’il faut construire, ces mille vieillards — qui tueraient fils et fille pour gagner quelques voix contre un adversaire — n’auront qu’un seul souci : combien j’y perds ? combien j’y gagne ?
Une racaille politicarde sénile va fixer le Bien et le Mal français du xxie siècle. Je pressens quelle fraîche morale va régner. Quand est-ce qu’on émigre, ô mes jambes, et quelles Pyrénées franchir ?

Messe

Comment monsieur le curé peut-il être sûr qu’aucun enfant de chœur ne pisse dans sa burette à vin ? Car il faut se venger, quand on vous a tiré les oreilles. Ou ça remplace le vin qu’on a volé. Ou ça fait rire un camarade.
Mais les bigots avalent n’importe quoi.

Naturisme

D’inconcevables garçons ont tout juste de quoi pisser debout sans mouiller leurs baskets. Ils ne semblent pas nus.
Je soupçonne que, jadis, quelques jolis vertueux, pudiquement vêtus, ne refusèrent mes bonnes manières que pour garder cet embarrassant secret. Ils avaient tort. On a des compassions, des attendrissements : et l’amour fait voir grand contre l’évidence même.

Obéir

Quand j’ordonne à un enfant : « Fais ceci ! », il n’apprend qu’à ordonner : « Fais ceci ! »
Quand je punis un enfant, il n’apprend qu’à punir un enfant.
Quand je subis un despote, je l’imagine à douze ans, hideux, honteux, glacé, sans camarades, la tête bleue de gifles. Impatient d’avoir grandi : dans ses rêves heureux, l’humanité entière y passera, et les femmes d’abord.

Obscur

Les mœurs amoureuses s’émancipent à mesure que l’eugénisme, la puériculture, la diététique, le sport embellissent les gens. Car la morale puritaine est le cache-misère des mal foutus. Moins ils seront, moins il y aura de prudes et de châtreurs.
Les peuples pauvres et beaux ont des habitudes sexuelles libérales : quand des lois oppressives sont édictées par leur classe dominante, ces lois demeurent inappliquées — faute de police et parce que les habitants n’y croient pas.
Mais la France, elle, a deux handicaps. Riche nation policière, elle a les moyens d’infliger ses lois cafardes. Peuple d’une laideur atterrante (elle choquait même un Sigmund Freud, ce joli cœur, alors étudiant à Paris), nous sommes condamnés à cultiver un obscurantisme sexuel massacrant.

Orgasme

Chez l’enfant, les orgasmes fréquents accroissent l’intelligence, l’indépendance de la pensée : ils rendent les impubères spirituels, sociables, réceptifs, créatifs et profonds. On ne compte pas les masturbations, les accouplements naïfs, les grands camarades utiles, dans l’enfance des génies ou des talents modernes, telle qu’ils la content ou qu’elle est devinée.
À l’inverse, l’éducation châtreuse ne forme que des âmes stériles, rabougries, malfaisantes : une piétaille de petits employés. Impossible de couper la queue d’un homme sans lui abattre aussi la tête.

Pédophiles

La presse, hétérosexuelle et familiale, fait passer les pédérastes pour des agresseurs que les enfants ont à craindre. Mais, dans leur immense majorité, les viols d’enfants sont hétérosexuels et familiaux. En outre, ils demeurent presque tous impunis, cachés, couverts.

Scolarité

On répète que les filles sont meilleures en classe que les garçons.
Un compliment empoisonné. L’école est fondée sur la routine, la platitude, l’obéissance, la comédie, la jaserie, le chacun pour soi, la servilité envers les maîtresses, l’art de trahir les camarades.
Voilà ce qui rend les garçons mauvais élèves : voilà ce qui avantage les filles.

Zoophilie

Seule la compagnie des enfants me fait préférer ne plus en être un.

Croissance des enfants du voisinage et des amis. Tristesse vingt fois vécue : voir quelqu’un devenir n’importe qui.

Vivre avec un enfant sans aimer l’étreindre et qu’il vous y provoque, c’est n’avoir que les corvées que sa faiblesse impose. La nature a fait les petits mammifères ravissants à voir et très épris d’être caressés, d’être léchés : cela attire les adultes nourrisseurs (sans compter quelques ogres), les fidélise et inhibe en eux le désir de meurtre qui s’éveille quand on subit la pression permanente d’un congénère importun. Le phénomène n’est pas sentimental mais neurochimique : normalement le contact du jeune éteint les violences que sa présence exaspérante peut inspirer à ceux qui ne le touchent pas.

La voix chantée du garçon impubère a la même emprise, les mêmes séductions que la vue et le toucher de son corps nu.
Les maîtrises ont construit de ce charme, au fil des siècles, un art musical émouvant et très chatouilleur, que seule en Europe méconnaît cette France qui ne s’émeut jamais, ne se chatouille guère et ne chante pas.

La bêtise est une stratégie de l’intelligence : l’enfant s’adapte, dès sa naissance, à son entourage d’imbéciles, il y conquiert une place en les imitant.

L’ami d’un enfant est comme un chien d’aveugle.

En Amérique, on adore les enfants : Reagan a suscité, parmi les enseignants et les polices, une sorte de Gestapo bigote, innombrable et aux pouvoirs effarants, afin de protéger les mineurs contre le Grand Satan — le sexe.

Protéger les enfants contre le sexe — à commencer par le leur, qu’on détruit — est l’alibi que la droite invoque déjà dans plusieurs pays d’Europe pour infester la société, reprendre le contrôle des vies privées, des imprimés, des images, des propos publics, des initiatives impliquant des mineurs, régner par le soupçon, la dénonciation, l’enquête générale, perquisitionner à tout prétexte, déporter les enfants à l’écart du monde, harceler les libertés qu’elle ne peut pas abolir.
La droite met ainsi à profit une faiblesse capitale des progressistes, qui n’ont eu ni le courage de réformer le minorat, ni l’imagination de créer pour les enfants, chacun selon son sexe, un statut social qui leur ménage le droit à une pensée personnelle et à une vie privée.
Mais y a-t-il un politique, un intellectuel « de gauche » qui voie dans l’enfant mieux qu’une bestiole d’âge et de sexe indéterminés, un peu attendrissante, un peu encombrante, qu’on a bien raison de confier aux dames et aux eunuques en attendant qu’elle ressemble à papa ?
Les conservateurs, les pudibonds, les richissimes lobbies confessionnels ont fait librement main basse sur toute l’enfance ; les obscurantistes ont conquis le droit exclusif de former les comportements ; ainsi grandit l’électorat de la droite qui règnera demain, et dont on devine qu’elle s’appellera socialiste, européenne et nationale
La peste brune réapparaît. Elle s’épanouit dans la même indifférence qu’il y a soixante ans. Avec la complicité des gauches et d’une intelligentsia qu’aveuglent leur propre puritanisme et leur incommensurable mépris des « mineurs », c’est un néo-nazisme de moins en moins caché et un christianisme assassin qui s’unissent contre l’homme, et qui vont infliger leur idéologie bestiale à la jeunesse de deux continents sans rencontrer d’obstacles.

En 1945, l’armée américaine avait affectueusement baptisé Little boy la bombe atomique qui détruisit Hiroshima. Ce « petit garçon » — un long obus de quatre tonnes — fit cent vingt mille victimes en quelques secondes. Dieu merci, ce n’était pas sexuel.

Tous les enfants sont des hommes. Peu d’adultes le restent.

Voir aussi

Bibliographie

Édition utilisée

Articles connexes