« L’Élu – Chapitre II » : différence entre les versions
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::Las ! déjà, de belles filles, comme à Paris, ont rejeté | ::Las ! déjà, de belles filles, comme à Paris, ont rejeté les vêtements étranges et les coiffes gracieuses des montagnes de la Sabine où demeurent, en attendant l’émigration assassine, leurs sœurs de Sarracinesco, d’Anticoli, de Subiaco, d’Allatri, de Capranica ou de Rovignano… et la ''ragazzina'' jolie n’est presque plus qui s’efface devant la fille commune. | ||
::Las ! Les jeunes hommes pittoresques dans leur jeunesse sans combats, veules un peu et vivant tant bien que mal de leur corps, envient le souteneur habillé de vestons aux coupes britanniques, et tirant loyer du corps d’autrui… et le ''ragazzo'' brun et joueur, riant et effronté n’est plus ! | ::Las ! Les jeunes hommes pittoresques dans leur jeunesse sans combats, veules un peu et vivant tant bien que mal de leur corps, envient le souteneur habillé de vestons aux coupes britanniques, et tirant loyer du corps d’autrui… et le ''ragazzo'' brun et joueur, riant et effronté n’est plus ! | ||
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::L’enchantement ! Depuis les pavés roses aux durs cahots jusqu’aux dalles rongées de lumière, là-haut, sur les paliers où des bambous et des palmiers se penchent, depuis la ''Barcaccia'' jusqu’à l’obélisque qui pointe entre les tours carrées de l’église, quelle subtilité de nuances endormies dans l’ombre nette des toits en auvent, quelle effervescence de coloris divers, distincts comme les notes d’un carillon et comme elles harmonieusement liées en un chant qui pénètre l’âme par tous les pores dilatés et avides de plus de joie encore, de plus de joie toujours… | ::L’enchantement ! Depuis les pavés roses aux durs cahots jusqu’aux dalles rongées de lumière, là-haut, sur les paliers où des bambous et des palmiers se penchent, depuis la ''Barcaccia'' jusqu’à l’obélisque qui pointe entre les tours carrées de l’église, quelle subtilité de nuances endormies dans l’ombre nette des toits en auvent, quelle effervescence de coloris divers, distincts comme les notes d’un carillon et comme elles harmonieusement liées en un chant qui pénètre l’âme par tous les pores dilatés et avides de plus de joie encore, de plus de joie toujours… | ||
::Elle est là, cette joie ; incomplète ; mais elle est là. Pierre s’en émeut. Elle est là, non pas sournoise et maladive, mais saine et franche. Cette gamine la tient dans ses yeux, | ::Elle est là, cette joie ; incomplète ; mais elle est là. Pierre s’en émeut. Elle est là, non pas sournoise et maladive, mais saine et franche. Cette gamine la tient dans ses yeux, qui vient importuner le jeune homme et retourne, affairée et jamais lasse pourtant, offrir aux passants ses menus bouquets de blêmes violettes de Parme, d’œillets fripés et de pensées à l’œil cillé de velours. Ce gamin en déborde, ''piccolo ciociaro'', dont les mains audacieuses, l’œil élargi dans le visage éveillé, la bouche, blessure victorieuse et qui chante, supplient, offrent, imposent le bouquet de giroflées, d’anthémises, de pâquerettes. Il est ici, le ''bambino'' joliment costumé, puis tôt là-bas ; le voilà qui revient, se faufile entre deux voitures, glisse sous les chevaux tandis que ses bras hardis et vigoureux déjà, en un geste ravissant de grâce et d’espièglerie, élèvent ses gerbes minuscules. Et dans le creux de sa main son éventaire de printemps répète l’ineffable jeunesse de ses yeux veloutés et les corolles épanouies de ses lèvres… Cependant que la nonchalance dédaigneuse des grands – les jeunes hommes, les vieux et les matrones – se désintéresse de l’âpreté joueuse, des courses cent fois recommencées et des offres cent fois repoussées, mais que le moindre ''soldo'' jeté dans une menotte sale vite fait oublier. À peine daignent-ils intervenir si, d’une victoria, une pièce de monnaie s’égare entre la mêlée turbulente et met en conflit bruyant filles et garçons, cheveux épars, poings érigés, cris caressant dans le vol des chapeaux empennés, des fleurs écrasées emmi la turbulence adolescente en bataille sous le ciel bleu du matin qui sur elle étend la sérénité pâle de ses ondes frangées d’or. | ||
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::Sur de vieux bronzes prisonniers des campaniles ajourés immobiles autour de la place d’Espagne, des marteaux chevrotants, neuf fois, en tremblant, font leur ''meâ culpâ''. Des sonneries aux timbres passés et caducs répondent ; et c’est, dans l’air heureux et limpide, le chant métallique et monotone des cloches. | ::Sur de vieux bronzes prisonniers des campaniles ajourés immobiles autour de la place d’Espagne, des marteaux chevrotants, neuf fois, en tremblant, font leur ''meâ culpâ''. Des sonneries aux timbres passés et caducs répondent ; et c’est, dans l’air heureux et limpide, le chant métallique et monotone des cloches. | ||
::Neuf heures ! Pierre veut se souvenir enfin du rendez-vous et que Jean Bérille l’attend à l’Académie de France… Le souvenir revit en lui, gai et coloré comme la marmaille qui se chauffe au soleil, de ce Jean Bérille, charmant rêveur d’antan… Lorsque Jean était gamin, lui, Pierre, était presque enfantelet. Jean demeure très joli aussi dans son souvenir, le Jean de la « balle au chasseur » collégien de seize ans passés qui était ''amoureux de quelque chose'' et aurait bien voulu que ce fût de Pierre… Aussi, pour l’amour de cela, Pierre en quittant la ''Barcaccia'' consent à prendre des petites pattes sales d’un ''ciociaro'' de treize ans – qui est bien, dans sa culotte de velours bouton d’or, sa veste héliotrope et sa ceinture écarlate, le plus mutin de tous les petits ''ciociari'' – un bouquet de pensées que l’enfant met, en lui souriant, hors la pochette du veston de son client. Un autre gamin a vu qui arrive avec des fleurs aussi et prétend être le cousin du premier. Comment refuser aussi son bouquet à ce petit cousin en culotte de velours réséda et veste amarante ? Et le petit drôle a des mollets tellement | ::Neuf heures ! Pierre veut se souvenir enfin du rendez-vous et que Jean Bérille l’attend à l’Académie de France… Le souvenir revit en lui, gai et coloré comme la marmaille qui se chauffe au soleil, de ce Jean Bérille, charmant rêveur d’antan… Lorsque Jean était gamin, lui, Pierre, était presque enfantelet. Jean demeure très joli aussi dans son souvenir, le Jean de la « balle au chasseur » collégien de seize ans passés qui était ''amoureux de quelque chose'' et aurait bien voulu que ce fût de Pierre… Aussi, pour l’amour de cela, Pierre en quittant la ''Barcaccia'' consent à prendre des petites pattes sales d’un ''ciociaro'' de treize ans – qui est bien, dans sa culotte de velours bouton d’or, sa veste héliotrope et sa ceinture écarlate, le plus mutin de tous les petits ''ciociari'' – un bouquet de pensées que l’enfant met, en lui souriant, hors la pochette du veston de son client. Un autre gamin a vu qui arrive avec des fleurs aussi et prétend être le cousin du premier. Comment refuser aussi son bouquet à ce petit cousin en culotte de velours réséda et veste amarante ? Et le petit drôle a des mollets tellement têtus dans ses chausses bleues que ses beaux yeux enjôleurs sous les boucles soyeuses de sa chevelure, sont comme d’un angelot qui serait diable aussi, beaucoup… | ||
::Pierre traversa le mur fleuri et gravit les premières marches de l’escalier abîmé sous le soleil. Une ''ragazza'', deux ''ragazze'', trois, quatre ''ragazze'' se précipitent avec des fleurs que, très effrontées, plus effrontées que les suppliants petits ''bambini'', elles mettent dans le gilet, dans les poches et jusque dans les manches de Pierre. Pierre a eu tort d’accepter encore les offres de ces filles. Tous les ''ragazzi'' et les ''ragazze'' et les ''bambini'' accourent ainsi que, aux Tuileries, une trôlée de moineaux au-devant d’une mie de pain. Pour s’en débarrasser Pierre lance au loin quelques sous ; par quoi il s’assure que le charme de sa personne n’est pour rien dans l’accort empressement des filles et l’impertinence engageante de certains garçons. Arrivé sur le premier palier, assailli de nouveau, la netteté de son refus fait tomber l’enthousiasme des quémandeurs en retard. Il se détourne ; la dégringolade des marches au-dessous de lui le ravit. Coiffant les maisons d’en bas, déjà, de lointaines toitures découvrent la bure vétuste et rouillée de leurs tuiles. Pierre adore cette couleur, cette vieillerie, le démantèlement de quelques masures très pittoresques et, tout à ses pieds, l’or fauve des degrés, les fleurs, les filles, les jeunes | ::Pierre traversa le mur fleuri et gravit les premières marches de l’escalier abîmé sous le soleil. Une ''ragazza'', deux ''ragazze'', trois, quatre ''ragazze'' se précipitent avec des fleurs que, très effrontées, plus effrontées que les suppliants petits ''bambini'', elles mettent dans le gilet, dans les poches et jusque dans les manches de Pierre. Pierre a eu tort d’accepter encore les offres de ces filles. Tous les ''ragazzi'' et les ''ragazze'' et les ''bambini'' accourent ainsi que, aux Tuileries, une trôlée de moineaux au-devant d’une mie de pain. Pour s’en débarrasser Pierre lance au loin quelques sous ; par quoi il s’assure que le charme de sa personne n’est pour rien dans l’accort empressement des filles et l’impertinence engageante de certains garçons. Arrivé sur le premier palier, assailli de nouveau, la netteté de son refus fait tomber l’enthousiasme des quémandeurs en retard. Il se détourne ; la dégringolade des marches au-dessous de lui le ravit. Coiffant les maisons d’en bas, déjà, de lointaines toitures découvrent la bure vétuste et rouillée de leurs tuiles. Pierre adore cette couleur, cette vieillerie, le démantèlement de quelques masures très pittoresques et, tout à ses pieds, l’or fauve des degrés, les fleurs, les filles, les jeunes hommes éblouissants de couleur et de charme lumineux et blond – et, limpide, l’eau gazouillante de la ''Barcaccia''… | ||
::… Si de l’amour pouvait, de tout cela, jaillir et ajouter aux ondoiements du soleil, aux fleurs embaumées, à la mutinerie délicieuse du printemps – la clarté de beaux yeux, la grâce accueillante d’un geste, et l’arôme de lèvres adolescentes épanouies dans un jeune sourire !… | ::… Si de l’amour pouvait, de tout cela, jaillir et ajouter aux ondoiements du soleil, aux fleurs embaumées, à la mutinerie délicieuse du printemps – la clarté de beaux yeux, la grâce accueillante d’un geste, et l’arôme de lèvres adolescentes épanouies dans un jeune sourire !… | ||
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::Alors, comme il regardait le chaos des bicoques penchées sur un jardinet au-dessus de la place Mignanelli, une voix encore, auprès de lui, d’un être qu’il n’a vu ni monter ni descendre, qui était là – offre des fleurs. Instinctivement Pierre repousse l’offre lassante à la fin ! Mais comme on n’insiste pas du tout, il s’étonne, se retourne et voit là, sous ses yeux, si parfait que jamais son imagination vagabonde n’avait rien rêvé de semblable, un jeune page de Belle-au-Bois-Dormant qui, tombé parmi nous des enluminures d’un missel, aurait vêtu de pauvres hardes son étincelante beauté pour n’être pas reconnu et accomplir plus aisément les messages de sa belle maîtresse… | ::Alors, comme il regardait le chaos des bicoques penchées sur un jardinet au-dessus de la place Mignanelli, une voix encore, auprès de lui, d’un être qu’il n’a vu ni monter ni descendre, qui était là – offre des fleurs. Instinctivement Pierre repousse l’offre lassante à la fin ! Mais comme on n’insiste pas du tout, il s’étonne, se retourne et voit là, sous ses yeux, si parfait que jamais son imagination vagabonde n’avait rien rêvé de semblable, un jeune page de Belle-au-Bois-Dormant qui, tombé parmi nous des enluminures d’un missel, aurait vêtu de pauvres hardes son étincelante beauté pour n’être pas reconnu et accomplir plus aisément les messages de sa belle maîtresse… | ||
::L’adolescent était habillé de pièces disparates, d’un mauvais pantalon noir élimé, d’un gilet aux boutonnières rompues ; ses épaules élégantes s’abîmaient emprisonnées dans l’étau d’un méchant veston beige trop étroit. Les vieilles bottines sans boutons qui le chaussaient étaient encore trop grandes et décelaient la grâce menue de ses petits pieds. Comme une certaine recherche persistait dans la détresse de ces choses, Pierre devina aussitôt qu’elles n’avaient pas été empruntées, mais que la misère et surtout – oh ! Pierre fut navré de cette certitude – l’absence d’un être aimé | ::L’adolescent était habillé de pièces disparates, d’un mauvais pantalon noir élimé, d’un gilet aux boutonnières rompues ; ses épaules élégantes s’abîmaient emprisonnées dans l’étau d’un méchant veston beige trop étroit. Les vieilles bottines sans boutons qui le chaussaient étaient encore trop grandes et décelaient la grâce menue de ses petits pieds. Comme une certaine recherche persistait dans la détresse de ces choses, Pierre devina aussitôt qu’elles n’avaient pas été empruntées, mais que la misère et surtout – oh ! Pierre fut navré de cette certitude – l’absence d’un être aimé sœur ou mère étaient causes de leur désolante tristesse. Il n’avait pas la tête coiffée d’un chapeau, comme les ''ciociari'', mais une course affolée de boucles presque blondes charriait de l’or sur son jeune front… Pierre demeura une minute immobile, extériorisé, bien que les yeux fixés sur le page florentin. Ce que voyant, l’adolescent osa proposer à nouveau ses petits bouquets d’un sou puisque le ''forestiere'' ne le repoussait plus… Et Pierre sentit que l’enfant le considérait sans effronterie mais avec une sorte de confiance apeurée avec, aussi, dans ses yeux bleus adorables, deux perles brillantes contenant de l’espoir… Autant que Pierre put en juger, il avait seize ans peut-être embellis du surplus de quelques mois. Toute son attitude exprimait la confusion d’un aussi modeste métier, l’inexpérience de l’exercer et la gêne que lui imposait l’obligation de gagner quelques sous sur la vente de ses humbles petites fleurs… en outre il souffrait visiblement d’être confondu avec la trôlée de marmailles campées comme dans une citadelle conquise au milieu de la place et de l’escalier monumental. Il cachait sa honte dans un petit coin ; et Pierre s’imaginait que, s’il l’eût rudoyé, l’enfant aurait été capable de pleurer tout seul, silencieusement, en regardant passer ''aussi'' celui-là… Combien devaient passer à qui l’enfant très mignon demandait en vain l’aumône d’un sou !… | ||
::Tandis que Pierre marchandait – il eût vidé l’or de sa bourse pour l’amour d’elles dans les petites mains d’une délicatesse inouïe qui lui offraient des fleurs – il regardait cette vision magnifique et l’invraisemblable beauté de ces yeux dans la tristesse simple de cette apparition… Il avait seize ans ; sa voix était blonde… ''elle avait seize ans aussi''. | ::Tandis que Pierre marchandait – il eût vidé l’or de sa bourse pour l’amour d’elles dans les petites mains d’une délicatesse inouïe qui lui offraient des fleurs – il regardait cette vision magnifique et l’invraisemblable beauté de ces yeux dans la tristesse simple de cette apparition… Il avait seize ans ; sa voix était blonde… ''elle avait seize ans aussi''. | ||
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::Et Pierre sentait que toute son âme frappait les parois fragiles de ses tempes rien qu’à voir, sur le front précieux de l’éphèbe tout neuf, des boucles de cheveux châtains frottés d’or se relever comme avec orgueil, puis se pencher d’un côté comme avec tendresse et retomber sur un de ses yeux de saphir étoilé pour répandre sur ces yeux des caresses ambrées dont il parut à Pierre que le monde se remplissait à mesure que, les regards fixés aux regards inquiets du petit mendiant, il s’immobilisait sous l’emprise de sa beauté… | ::Et Pierre sentait que toute son âme frappait les parois fragiles de ses tempes rien qu’à voir, sur le front précieux de l’éphèbe tout neuf, des boucles de cheveux châtains frottés d’or se relever comme avec orgueil, puis se pencher d’un côté comme avec tendresse et retomber sur un de ses yeux de saphir étoilé pour répandre sur ces yeux des caresses ambrées dont il parut à Pierre que le monde se remplissait à mesure que, les regards fixés aux regards inquiets du petit mendiant, il s’immobilisait sous l’emprise de sa beauté… | ||
::— Alors, monsieur | ::— Alors, monsieur, vous pouvez en prendre comme il vous plaira pour le prix que vous voudrez bien. | ||
::L’enfant attendait, lente à venir, la décision de Pierre. Pierre était absorbé ; il regardait non pas les fleurs qui avaient cessé d’être fleurs auprès des oreilles mignonnes du jouvenceau, mais sa chevelure autour de ces oreilles pressée qui le faisait beau comme une réincarnation de l’Éros antique… L’enfant se pencha pour choisir lui-même dans une pauvre petite corbeille posée à ses pieds, les humbles bouquets d’un soldo ; et c’était très compliqué ce choix qui mêlait ses doigts longs, blancs et fuselés aux feuillages des marguerites et des violettes, c’était très compliqué parce qu’il voulait trouver les plus beaux et que les plus beaux avaient encore un petit air bien malheureux quoique les fleurs en fussent d’une fraîcheur incontestable. Pierre se penchant à son tour se rapprochait ainsi de lui. Il vit son cou de chair souple et ferme, d’un modèle aussi pur que celui des madones de Raphaël, contenu dans la chemise trop | ::L’enfant attendait, lente à venir, la décision de Pierre. Pierre était absorbé ; il regardait non pas les fleurs qui avaient cessé d’être fleurs auprès des oreilles mignonnes du jouvenceau, mais sa chevelure autour de ces oreilles pressée qui le faisait beau comme une réincarnation de l’Éros antique… L’enfant se pencha pour choisir lui-même dans une pauvre petite corbeille posée à ses pieds, les humbles bouquets d’un soldo ; et c’était très compliqué ce choix qui mêlait ses doigts longs, blancs et fuselés aux feuillages des marguerites et des violettes, c’était très compliqué parce qu’il voulait trouver les plus beaux et que les plus beaux avaient encore un petit air bien malheureux quoique les fleurs en fussent d’une fraîcheur incontestable. Pierre se penchant à son tour se rapprochait ainsi de lui. Il vit son cou de chair souple et ferme, d’un modèle aussi pur que celui des madones de Raphaël, contenu dans la chemise trop large, de sorte que ses épaules tièdes et très pâles laissaient voir à Pierre comment elles étaient, dans leur intimité, joliment rattachées aux courbes déliées qui les unissaient au cou duveté d’or sur la nuque ambrée. De même les poignets de sa chemise étaient usés, de façon que ses bras, ainsi que deux bijoux d’ivoire, livraient très haut leur juvénile rondeur. Et le petit mendiant sentait les fleurs par tout lui. | ||
::— Alors vous en prenez cinq, monsieur ? – Et comme on n’avait jamais acheté cinq bouquets d’un seul coup au joli gamin, il ne put contenir un très naïf et très étonné et presque honteux ; c’est beaucoup ! – craignant de voir qu’ainsi on voulût lui faire l’aumône… | ::— Alors vous en prenez cinq, monsieur ? – Et comme on n’avait jamais acheté cinq bouquets d’un seul coup au joli gamin, il ne put contenir un très naïf et très étonné et presque honteux ; c’est beaucoup ! – craignant de voir qu’ainsi on voulût lui faire l’aumône… |
Version du 7 décembre 2008 à 13:13
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