Gaston Goor
Gaston Goor (Lunéville, 26 octobre 1902 – Toulon, 13 décembre 1977) est un peintre, décorateur, illustrateur et sculpteur français dont l’œuvre, très orientée sur des thèmes pédérastiques ou homosexuels, est restée relativement confidentielle malgré son grand talent et sa puissance de travail.
→ Galerie des illustrations de Goor pour Les amitiés particulières
Biographie
Gaston Marie Charles Léon Goor est né à Lunéville le 26 octobre 1902. Il était le fils d’Auguste Léon Goor et de Marie Angèle Berthe Becker.
À l’âge de dix-sept ans, il entre à l’École des Beaux-Arts de Nancy où il poursuit ses études avec une assiduité toute relative. En 1925, il quitte sa Lorraine natale et gagne Paris pour entrer chez Amédée Ozenfant, fondateur avec Le Corbusier du mouvement appelé « purisme » et de la revue L’Esprit Nouveau. Il s’initie à l’art moderne et fait la connaissance de Picasso, Matisse, Lurçat, Max Jacob.
Selon ses propres déclarations, c’est une promenade à Versailles qui le ramène au classicisme et le fait s’éloigner définitivement des avancées théoriques dans le domaine de l’art. Il dira plus tard :
« | On a peur de montrer que l’on a quelque plaisir à reproduire la vie dans ce qu’elle a de plus sain, et il faudrait qu’un pot à eau ait la même valeur, sentimentalement, qu’un beau corps, ce qui est absurde.[1] | » |
Par l’intermédiaire d’André Salmon, il rencontre André Gide qui l’oriente vers le métier d’illustrateur. Goor devient alors l’illustrateur quasi attitré des Éditions du Capitole qui publient André Gide, Léon Daudet (Le voyage de Shakespeare), Charles Maurras (Trois contes tirés du Chemin de Paradis), François Mauriac (Dieu et Mammon, Trois grands hommes devant Dieu), Pierre Mac Orlan. Il est aussi l’illustrateur occasionnel des éditions Horizons de France, des éditions À l’Enseigne du Pot Cassé (il illustre La religieuse de Diderot et L’ingénu de Voltaire) et des éditions du Trianon (Restif de La Bretonne).
Il travaille pour l’exposition coloniale de 1931, puis réalise différents travaux de décoration pour des particuliers. Ses tableaux, en revanche, ne rencontrent pas le succès souhaité. Il effectue un long voyage d’étude au Maroc, et retourne y travailler plus brièvement pour le Ministère des Beaux-Arts en 1933 ; puis il s’installe à Hyères, où sa famille s’est établie.
C’est par l’intermédiaire d’un tableau de 1,50 m., représentant un adolescent (Jean Joerimann) nu en pied, qu’il entre en relation avec un admirateur, l’écrivain et galeriste lyonnais Renaud Icard (1886 – 1971). Ce dernier lui permet d’exposer ses œuvres à Lyon, dans sa galerie L’Art Français, et une longue amitié s’établit entre les deux hommes. Gaston Goor réalise gracieusement les illustrations d’un conte de Renaud Icard, Mon page, qui sera publié de manière posthume en 2009 par les éditions Quintes-Feuilles. Durant cette période de sa vie, Goor est surtout sollicité pour effectuer des décorations d’intérieur pour le compte de clients fortunés et amateurs d’art. Parmi ceux-ci figure le propriétaire de l’hôtel Chateaubriant, le grand hôtel de luxe de la ville d’Hyères, lequel est le père de Jean Joerimann, modèle des illustrations de Mon page et dont Goor est amoureux. L’absence de réciprocité de cet amour provoque une souffrance dont sa correspondance avec Renaud Icard porte témoignage.
Appelé par le célèbre architecte Maurice Novarina (1907 – 2002) à décorer l’église de Douvaine en Haute-Savoie,[2] Goor s’installe dans ce département en 1942. Sa peinture ne se cantonne pas aux fresques murales : il se plaît aussi à peindre dans le style d’artistes classiques facilement identifiables.
Selon Peyrefitte, qui a recueilli son témoignage écrit, ce serait parce que Gaston Goor est accusé par la police allemande d’avoir aidé des juifs à franchir la frontière suisse qu’il se voit contraint d’accepter le statut de « travailleur volontaire » en Allemagne. Goor se retrouve dans le camp d’Hirschfelde, près de Zittau, en Saxe. Néanmoins, il y est repéré pour ses talents, et se trouve embauché à la réalisation de travaux artistiques importants auxquels, en février 1945, la destruction de la ville de Dresde par les bombardements alliés met un terme.
Après la guerre, Goor regagne d’abord Paris, où il tente de travailler notamment pour les Manufactures de Sèvres ; puis il s’installe à Cannes à l’occasion d’une exposition. Il y contracte un mariage blanc avec une émigrée polonaise, Marie Angèle Zajackowski, en mai 1947. Goor est ensuite invité en Angleterre par un architecte de jardins pour y réaliser de grandes sculptures. Il met au point à cette occasion un procédé de moulage sans armature métallique. C’est pendant son séjour en Angleterre qu’il est sollicité par les éditions Flammarion et par Roger Peyrefitte pour réaliser les illustrations des Amitiés particulières qui paraissent en 1953. Ce travail marque un tournant dans la vie de Goor, qui regagne alors la France et s’installe à Paris. Roger Peyrefitte devient pour lui un véritable mécène, le sollicitant pour réaliser nombre d’œuvres érotiques (comme l’illustration de l’épisode de « l’éphèbe de Pergame » du Satyricon), et le présentant à des amis fortunés qui passent à Goor de nombreuses commandes.
On connaît moins le reste de la vie de Gaston Goor, marquée par quelques déceptions comme la non-publication de ses illustrations pour le Satyricon (à ne pas confondre avec celles, presque pornographiques, du seul épisode de l’éphèbe de Pergame).
Retiré à Hyères, il meurt d’un cancer à l’hôpital de Toulon le 13 décembre 1977.
Sources
- Roger Peyrefitte, L’Innominato, Paris, Albin Michel, 1989, p. 201-203.
- Jean-Claude Féray, « L’histoire de Mon page, de ses illustrations et de l’amitié Goor-Icard », in Renaud Icard, Mon page, Paris, Quintes-Feuilles, 2009, p. 157-195.
- Correspondance Gaston Goor – Renaud Icard (1932-1960) [coll. particulière].
Citations
« | Au fond, je me suis jeté dans l’art comme d’autres dans l’eau. Un suicide.[3] | » |
Quelques œuvres
L’essentiel de la production de Gaston Goor facilement accessible est constitué de travaux d’illustration pour l’édition. Ses tableaux sont quasiment tous dans des collections particulières.
- 10 lithographies pour Les amours d’Ovide, traduction de Henri Bornecque, Paris, Flammarion (Les classiques de l’amour), 1953, 238 p., 20 × 14 cm (édition limitée à 4 000 ex.)
- 24 lithographies pour le roman de Roger Peyrefitte, Les amitiés particulières, [Paris], Flammarion, 1953 (édition limitée à 740 ex.).
- 32 illustrations pour le récit de Renaud Icard, Mon page, Paris, Quintes-Feuilles, 2009.
Voir aussi
Articles connexes
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des fichiers multimédias sur
Gaston Goor
- Gaston Goor (galerie)
- Gaston Goor (Les amitiés particulières)
- Gaston Goor (L’oracle)
- Gaston Goor (Le satyricon)
- Roger Peyrefitte
- Satyricon
Notes et références
- ↑ Lettre à Renaud Icard, datée de Hyères, le 7 octobre 1934.
- ↑ Ces fresques, dont on n’a pu retrouver à ce jour aucun témoignage photographique, ont été recouvertes, dans les années 1970-80, par l’œuvre d’un peintre local, sans aucun intérêt artistique. La réputation sulfureuse de Goor n’est sans doute pas étrangère à ce vandalisme.
- ↑ Lettre à Renaud Icard, datée de Messery (Haute-Savoie) le 18 mai 1943.