Antipédophilisme de politiciens français

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Depuis le milieu des années 1990, un antipédophilisme ouvertement exprimé est apparu chez certains politiciens français. Ceux-ci ne semblent pas en avoir retiré un réel bénéfice électoral : au contraire, cette irruption inhabituelle du moralisme sexuel dans le domaine politique pourrait avoir contribué à les dévaloriser dans l’opinion publique.


Les principaux personnages ci-dessous sont présentés de façon chronologique, dans l’ordre de leurs interventions publiques concernant la pédophilie.

Alain Juppé

Le 20 novembre 1996 est décrété « Journée nationale des droits de l’enfant » par le premier ministre RPR Alain Juppé (droite parlementaire). Il déclare à cette occasion que la protection de l’enfance maltraitée sera « la grande cause nationale de 1997 ». Il utilisera en particulier à cet effet son épouse Isabelle Juppé, une ancienne journaliste n’ayant aucune qualification en la matière, ni aucun mandat politique.

Le contexte national et international (préparation de l’affaire Toro Bravo en France, affaire Dutroux en Belgique, etc.) permet de comprendre qu’il s’agit surtout pour le gouvernement de médiatiser à son profit la lutte contre la pédophilie, dans l’optique des élections législatives anticipées qui seront annoncées le 21 avril suivant. Par exemple, outre la création d’un « livret de procédure » de l’enfant victime, sont mis en place dans les hôpitaux des centres d’accueil des victimes de sévices sexuels, et un projet de loi sur le suivi des délinquants sexuels est prévu.[1]

Mais la défaite électorale du RPR, début juin 1997, entraîne la chute du gouvernement Juppé.

Malgré ces agissements d’inspiration populiste, Alain Juppé aura été le premier ministre le plus impopulaire de la Ve République française. Il a été condamné par la justice, en 2004, pour son rôle dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.

Jacques Chirac

Courant mai 1997, à la veille des élections législatives, le président Jacques Chirac (droite) intervient depuis le perron du palais de l’Élysée pour condamner la pédophilie. Cette prise de parole malhabile et inattendue, de la part du plus haut personnage de l’État et sur un tel sujet, suscite un étonnement général, parfois accompagné de moquerie.

Après la défaite électorale de son parti, quelques jours plus tard, Jacques Chirac ne reviendra plus sur ce sujet.

En décembre 2011, il sera condamné à deux ans de prison avec sursis pour détournement de fonds publics, abus de confiance, prise illégale d'intérêts et ingérence, tous délits dont il a été « l’initiateur et l’auteur principal », ayant ainsi « manqué à l’obligation de probité qui pèse sur les responsables publics, au mépris de l’intérêt public des Parisiens ». C’est à ce jour le seul ancien président de la République française qui ait été condamné en justice.

Ségolène Royal

Du 4 juin 1997 au 27 mars 2000, la politicienne socialiste Marie Ségolène Royal est ministre déléguée à l’Enseignement scolaire du gouvernement Lionel Jospin auprès du ministre de l’Éducation nationale Claude Allègre.

Le 26 août 1997, elle signe une circulaire concernant la lutte contre la pédophilie dans l’Éducation nationale, dite circulaire Royal. Le juge Hayat, conseiller technique au cabinet de Ségolène Royal de 1997 à 1999, affirma aux représentants du SNEP[2] venus le rencontrer en février 1998 que « les ministres estiment que, si un enfant est préservé au prix de neuf enseignants accusés à tort, l’objectif est rempli ».[3]

Lors d’une conférence prononcée le 13 décembre 2007 à la librairie Mollat de Bordeaux, dans le cadre du colloque international « Viol, violence, corps et identité », Gabriel Matzneff rappelle certains propos de l’ancienne ministre :

« Lorsque, dans les dernières années du vingtième siècle, un malheureux instituteur, dont le nom avait été jeté en pâture à la presse, « jeté aux chiens », aurait dit mon vieil ami François Mitterrand, pour une histoire de réseau Internet de pédophiles ou prétendus tels, se donna par désespoir la mort, le ministre délégué à l’Enseignement scolaire, future candidate à la présidence de la République, Mme Ségolène Royal, laissa tomber des mots d’une méchanceté, d’une dureté de cœur, d’une sottise qui horrifièrent beaucoup d’entre nous, et même celui qui était alors ministre de l’Éducation nationale, M. Claude Allègre.[4] »

Lors de l’élection présidentielle de 2007, réputée « imperdable » par la gauche, Ségolène Royal sera battue au second tour par Nicolas Sarkozy. À l’intérieur de sa propre famille politique, elle échoue en 2008 lors de l’élection au poste de premier secrétaire du Parti socialiste ; puis au premier tour de la primaire socialiste de 2011, avec 7 % des suffrages. En juin 2012 enfin, elle échoue aux élections législatives dans la première circonscription de Charente-Maritime, face au socialiste dissident Olivier Falorni.

François Bayrou

Le 4 juin 2009, au cours de l’émission télévisée À vous de juger, François Bayrou attaque Daniel Cohn-Bendit pour avoir « poussé et justifié des actes à l’égard des enfants » qu’il « ne peut pas accepter ». Cette agression soudaine, qui n’a rien à voir avec le sujet du débat en cours, ternit fortement l’image de sérieux, de respectabilité et d’honnêteté dont bénéficiait Bayrou jusque là.

Candidat du MoDem (centre) à l’élection présidentielle de 2012, François Bayrou y réunira 9,13 % des voix, soit deux fois moins que lors de la présidentielle précédente, en 2007, où il avait obtenu 18,57 %.

En revanche Daniel Cohn-Bendit ne semble pas avoir souffert dans l’opinion du rappel de cet épisode, qu’il avait lui-même rapporté dans un livre de souvenirs.

Nicolas Sarkozy

[à compléter]

Luc Ferry

Luc Ferry avait succédé à Jack Lang en 2002 comme ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche dans le gouvernement Raffarin (UMP, droite), fonction qu’il exerça jusqu’en mars 2004. Le 30 mai 2011, invité de l’émission Le Grand Journal sur Canal+, il affirme qu’un ancien ministre « s’est fait poisser à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons ». Selon lui, cette affaire lui a été « racontée par les plus hautes autorités de l’État, en particulier par le premier ministre ».

Suite à ces déclarations, il est entendu quatre jours plus tard par la Brigade de protection des mineurs.

Toute la classe politique française étant alors en pré-campagne pour les élections présidentielle et législative du printemps 2012, on peut penser que ces propos avaient pour but réel de dévaloriser le parti socialiste, en laissant planer sur lui des accusations diffamatoires qui allaient nécessairement susciter un grand émoi médiatique. Même si l’ancien ministre en question n’était pas nommé, on se doutait bien en effet que Luc Ferry n’aurait pas tiré contre son propre camp en dénonçant, même anonymement, un politicien de droite.

Cette prétendue « révélation » n’empêcha pas les socialistes de remporter les élections de 2012. L’affaire sera classée sans suite à la fin de la même année.

Autres politiciens

Un certain nombre de politiciens français moins importants ont essayé de se faire valoir en prenant des positions antipédophiles. Parmi ceux-ci on peut citer Jacques Remiller et ses interventions fantaisistes contre la pédopornographie.

Le cas de Christian Vanneste est un peu particulier, puisqu’il développe un discours tendant à montrer qu’homosexualité et pédérastie ne sont pas si éloignées l’une de l’autre qu’on le dit souvent aujourd’hui.

Inefficacité de l’antipédophilisme dans la politique française

Les exemples évoqués ci-dessus montrent de façon constante que l’antipédophilisme, dans la vie politique française, n’a aucune efficacité : elle serait plutôt contre-productive, les électeurs jugeant peu sérieux des politiciens qui s’adonnent à un tel populisme puritain, plus adapté aux mentalités anglo-saxonnes.

On peut rapprocher cette constatation des propos plus généraux tenus en 2019 par Emmanuelle Mignon, ex-conseillère de Nicolas Sarkozy (droite) :

« Il faut clairement abandonner les sujets de mœurs. Je l’avais dit à Nicolas Sarkozy quand il avait repris la tête de l’UMP en 2014. Les Français sont devenus libéraux : les gens vivent comme ils veulent. D’ailleurs, si la droite avait été plus intelligente et avait tenu ses promesses, elle aurait fait l’union civile et il n’y aurait peut-être pas eu les débats sur le mariage pour tous. Il faut à mon avis d’urgence abandonner ces thématiques-là.[5] »

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. Les Échos n° 17277, 21 novembre 1996, p. D.
  2. SNEP : Syndicat des enseignants d’éducation physique et sportive.
  3. Marc Dupuis, « Pédophilie : moins de suspicion, plus de raison », in Le Monde de l’Éducation, mai 2005.
  4. Gabriel Matzneff, Séraphin, c’est la fin !, Paris, La Table Ronde, 2013, p. 84.
  5. Emmanuelle Mignon, « Emmanuelle Mignon : “Il faut clairement abandonner les sujets de mœurs” » / propos recueillis par Florent Barraco, in Le Point, 8 juin 2019.