La fugue (Maurice Balland)

De BoyWiki

La fugue est une nouvelle pédérastique de Maurice Balland.





LA FUGUE



« — Quelle meilleure méthode d’éducation conseillez-vous ?
— Mais l’expérience, bien sûr ! »

Les propos du Sage.



Depuis qu’il est revenu de vacances, Luc ne vit plus. Il pense continuellement au moniteur de la colonie qui s’est si bien occupé de lui. Ah, s’il pouvait encore le voir, comme il serait heureux. Il lui avait totalement fait confiance. C’est à lui qu’il venait conter ses difficultés et toujours, en véritable ami, celui-ci trouvait une réponse à ses angoisses, un moyen de le tranquilliser. Au début de la colonie, Luc s’était mal accoutumé. Cela avait commencé au cours du voyage d’aller lorsque certains des garçons et des filles s’étaient moqués de lui. Il avait d’ailleurs pris dès cet instant les filles en grippe, ce qui ne lui facilita pas la suite du séjour. Il s’était fait des copains de deux ou trois garçons qui avaient accepté ses fréquents accès de colère et n’en faisaient pas trop cas. Le moniteur également passait outre et trouvait toujours le moyen d’arranger les choses et de calmer le garçon.

Il faut dire que Luc n’est pas d’un tempérament bien facile. Cela provient de ce qu’à la maison, étant l’aîné de trois enfants, une sœur et un frère en plus de lui, on le rend continuellement responsable de tout ce qui ne va pas. Il a l’épiderme sensible et se tient sans cesse sur la défensive. Il s’imagine aussi que ses parents l’aiment moins que leurs autres enfants. Il est vrai qu’ayant grandi, il n’est plus un charmant bambin comme l’est encore son petit frère. S’il approche de ses quinze ans, il en paraît beaucoup plus. Sa puberté s’étant déclenchée tôt, il s’est développé et a forci plus rapidement que beaucoup de garçons de son âge, au point que l’on est souvent abusé par sa corpulence, ce qui provoque certaines méprises.

Dès son retour de la colo, Luc retrouva l’atmosphère de la maison qui lui parut toujours hostile. Du moins en eut-il la conviction. À son sens, cela ne pouvait plus durer. Il lui faudrait retrouver le moniteur qui l’avait si bien compris et qui l’aiderait à supporter la vie. D’ailleurs, celui-ci ne lui avait-il pas dit qu’il l’aimait bien, qu’il serait toujours à ses côtés quand il en aurait besoin. Bref, qu’il pourrait toujours compter sur lui.

Dans son ingénuité, le garçon avait pris comme durables des promesses que certainement, dans son esprit, le moniteur avait limitées à la durée du séjour, ce qui paraît normal. Mais, allez deviner ce qui se passe dans la cervelle d’un adolescent. Toujours est-il qu’il se mit dans la tête de le retrouver et, pourquoi pas, de lui demander de le garder avec lui.


Une semaine après la rentrée scolaire de septembre, un mercredi matin, il mit dans un sac de sport divers objets qu’il jugea indispensables et, faisant croire qu’il allait à des activités sportives, il se dirigea, vers la limite de la ville, sur la route de Paris pour faire du stop.

Comme c’était jour de congé scolaire, un automobiliste ne s’étonna pas de le voir et le prit en charge. Après tout, cela lui faisait de la compagnie. C’était un voyageur de commerce du Mans qui allait à Nogent-le-Rotrou. En près d’une heure de route, il parvint à sonder l’adolescent qui lui parut intéressant. Quelques kilomètres avant d’arriver à sa destination, avisant un petit bois, il fit un léger détour et, parvenu là, il se mit à peloter le garçon, puis tenta de lui ouvrir la braguette. Luc songea aussitôt à son ami de la colo, le moniteur, et par fidélité pour lui, refusa les avances de l’automobiliste. Celui-ci, furieux, le traita d’imbécile, l’éjecta de la voiture, et le laissa sur le bord de la route. Déconcerté par ce qui venait de lui arriver, le garçon pensa retourner à la maison. Mais dominé par son désir de revoir son ami il attendit la prochaine voiture allant vers Paris. Assis sur une borne, il songea au moniteur dont le totem pour les jeux était « Castor habile ». Oui, ce moniteur avait été un vrai castor ayant construit pour lui une amitié qui fut comme un barrage pour le protéger. Habile aussi car il avait su capter la confiance du garçon. Ce n’est pas lui qui l’aurait agressé comme le fit l’automobiliste. Non, c’est doucement, avec patience, qu’il l’amena à accepter des câlineries puis des caresses plus intimes. Luc se rappelle le jour où, après la baignade, comme il était resté plus longtemps que d’habitude en caleçon de bain, Castor habile lui titilla le sexe à travers l’étoffe et l’invita à baisser son léger vêtement. Ce qu’il fit et il laissa le moniteur le branler. Il avait éprouvé une jouissance tellement plus intense, plus forte que les fois où il se livrait seul à cette pratique, qu’il lui demanda un autre jour de recommencer. Dès lors, Castor habile fut son seul véritable ami.


Il n’y avait pas grande circulation ce jour-là. Il dut attendre assez longtemps et commença à désespérer. Il lui fallait arriver sans trop tarder à Paris s’il voulait retrouver son ami avant le soir. Enfin, une voiture conduite par une femme. Il hésita, se rappelant comment à la colo il eut particulièrement à se plaindre des filles. La conductrice lui fit un large sourire rassurant. Elle allait jusqu’à Chartres. Cela le rapprochait beaucoup de la capitale. Il accepta mais, sitôt assis dans la voiture, il eut l’impression d’être emprisonné seul avec une femme, ce qui jamais ne lui était arrivé. Il se tint sur ses gardes. Au demeurant, la conversation fut des plus banales. Loquace, parlant de tout et de rien, la conductrice lui apprit qu’elle était visiteuse médicale et par ailleurs elle sembla ne pas s’intéresser particulièrement à lui. Cela le rassura. Quand elle lui eut dit qu’elle vivait seule et n’était pas mariée, il flaira une intention cachée dont il s’efforça de ne pas tenir compte. Il se persuada qu’il n’aurait rien à craindre d’une femme, ces genres de créatures étant dépourvues de ce qui sert au plaisir puisqu’elles ne sont pas bâties comme les hommes, du moins certainement pas comme Castor habile.

À leur arrivée à Chartres, il était plus d’une heure après-midi. Ils avaient faim. La femme proposa au garçon de l’accompagner chez elle et de lui donner à manger puis de le conduire après à la sortie de la ville pour qu’il puisse continuer son stop. Il accepta, heureux de l’aubaine et persuadé qu’il n’aurait rien à redouter d’une femme. Celle-ci étant bonne cuisinière, il apprécia le repas et se régala. Il but du vin, ce qui ne lui était pas habituel. Il en abusa même, au point de perdre sa réserve. Au café, lorsqu’elle s’approcha de lui et le cajola, n’osant la repousser par gratitude pour avoir été restauré, il la laissa faire. Elle s’enhardit et chercha à l’exciter. Pour cela, tout en relevant sa jupe pour lui faire constater qu’elle avait ôté son slip, elle lui tâta le sexe à travers l’étoffe du pantalon. Ne sachant quelle contenance prendre et ne se contrôlant plus suffisamment, il ne réagit pas. La femme estima alors qu’il lui revenait de prendre l’initiative et lui ouvrit sa braguette. Luc la laissa agir et fut étonné de se voir bander. Bientôt, sans savoir comment, il se trouva fiché dans la femme. C’était la première fois qu’une telle aventure lui arrivait. Il se souvint qu’il avait fait de même avec Castor habile, mais pas de ce côté. Il éprouva une sensation bizarre, il lui parut que sa verge plongée dans une cavité plus spacieuse que l’anus de son ami avait pénétré par trop facilement, en plus sans le recours à un lubrifiant, et en outre se trouvait moins comprimée. Il apprécia peu et ne jouit pas autant qu’avec son ami. Étant moins satisfait, il estima le contact féminin sans intérêt et se résolut à poursuivre la recherche de Castor habile. La femme le trouva peu ardent. Inassouvie, elle se consola à la pensée d’avoir dépucelé un garçon apparemment vierge de tout rapport sexuel.


Il se faisait déjà tard, Luc eut la chance d’être pris par une voiture dès qu’il fut parvenu à la sortie de Chartres. C’était une deux-chevaux conduite par un curé qui s’empressa de lui rendre service. Voyant l’homme en soutane, à ses yeux un être indéterminé, le garçon pensa être tranquille pour la suite de son voyage. L’ecclésiastique allait à Versailles, c’était presque Paris. Enfin, Luc avait la certitude de parvenir dans la capitale avant la nuit. Il osa se confier au conducteur qui lui parut sympathique. Ou plutôt, il arrangea une histoire, disant qu’il allait rejoindre un oncle devant s’occuper de ses études. L’abbé lui ayant demandé s’il avait une petite amie, il se tint à nouveau sur ses gardes et répondit que non, ça ne l’intéressait pas. Le prêtre ne parut pas étonné et lui fit remarquer que ce n’était pas nécessaire et que l’on pouvait très bien être heureux sans femme. N’était-ce d’ailleurs pas son propre cas ? La conversation prenant un tour plus précis et fort de ses récentes expériences, Luc comprit les allusions et pensa à son tour prendre les initiatives au cas où cela se montrerait nécessaire. Arrivés à Versailles, l’abbé eut l’intention de le conduire à la gare des Chantiers, ainsi il serait plus rapidement à Paris par le train. La gare étant proche de son domicile, il l’amena auparavant chez lui pour lui offrir un goûter. Luc accepta car il avait faim, mais aussi par curiosité de savoir ce qu’un être hybride, ni homme ni femme, pourrait bien proposer. Ce qu’il avait prévu advint. Mais il prit d’emblée la direction des opérations et exigea la pénétration anale qui lui fut aussitôt accordée. Luc estima n’avoir pas trahi son ami à qui au contraire il sut gré. N’était-ce pas grâce à lui s’il possédait une certaine habileté utile dans une circonstance comme celle-ci où il se montra pour une fois maître de lui-même ?


Luc arriva à la gare Montparnasse au début de la nuit. Il était tard pour procéder à la recherche de son ami. Il ne connaissait pas son adresse, mais il savait qu’il était professeur d’éducation physique dans un collège. C’est donc à la porte de cet établissement qu’il lui faudrait le lendemain tenter de le repérer. En attendant, il lui fallait un gîte pour la nuit. Ne sachant où aller, il resta dans la salle d’attente de la gare et le matin, après s’être rafraîchi à une fontaine, il prit un petit déjeuner qu’il put payer grâce à l’argent que lui avait donné l’abbé, et chercha sur un plan l’emplacement du collège. C’était tout à côté.

Quelle chance était la sienne ! À peine parvenu devant l’entrée de l’établissement, il repéra Castor habile et courut aussitôt vers lui. Celui-ci paniqua :

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je suis venu vous retrouver. Vous êtes mon ami, j’ai besoin de vous.

— Tu n’as pas vu le journal ?

— Quoi donc ?

— Mais il y a ta photo, on te recherche.

Il la lui montre. Luc est effondré. Ses parents avaient alerté la police dès qu’ils ne le virent pas revenir à la maison à midi pour le repas. Les choses n’avaient pas traîné, et Castor habile ne put que le conduire au commissariat.

Luc fut confié à un foyer en attendant la venue de ses parents pour le récupérer. Il apprit qu’au collège où professait son ami, des soupçons pesant sur lui avaient été confirmés par son escapade pour le retrouver, ce qui le fit conduire en prison sur le motif d’attentats à la pudeur. Il ne comprit pas très bien pourquoi on condamnait quelqu’un si bon, si compréhensif, avec qui on ne pouvait que se sentir heureux et qui lui avait appris comment aimer.

Les parents de Luc empêchés, ne pouvant aller à Paris, envoyèrent à leur place un de ses oncles pour le ramener au Mans. C’était celui avec qui il s’entendait assez bien et volontiers il accepta de le suivre. Il n’avait que cela à faire d’ailleurs, son rêve de rester avec Castor habile s’étant lamentablement évanoui.

L’oncle l’amena à son hôtel pour passer la nuit de façon à lui permettre de se reposer et pour ne reprendre le train que le lendemain matin.

Le garçon en avait gros sur le cœur. Éprouvant le besoin de vider son sac, il raconta pourquoi il avait agi ainsi. Ou plutôt, il s’expliqua à sa manière, n’exposant qu’une partie de la vérité, exprimant comment il lui pèse toujours de se sentir seul et mal compris et qu’il avait trouvé dans le moniteur de la colo la seule personne à l’avoir réellement estimé.

L’oncle qui pendant plusieurs semaines avait observé le garçon après son retour de la colo, trouva en l’écoutant la réponse à ses propres intuitions. Jusqu’alors il n’avait pas osé faire quoi que ce fût avec Luc, ne s’estimant pas suffisamment sûr de lui. Mais ce qu’il avait appris au sujet du moniteur de la colo le confirma dans ses suppositions. Ne voulant pas encore se hâter, il se réserva d’en avoir le cœur net le lendemain au réveil.

La chambre n’ayant qu’un lit, ils couchèrent ensemble. Le garçon fatigué s’endormit rapidement. Au matin, l’oncle sachant que tout se décide dans la chaleur du lit, et à présent sûr de lui, caressa délicatement son neveu. Dans son demi-sommeil, Luc sentit une main lui passer sur les fesses et le ventre puis s’approcher de son sexe. Réveillé, il feignit de dormir encore pour ne pas rompre le charme. Bientôt la main empoigna sa verge raidie et hardiment l’amena à l’orgasme.


Totalement réveillé, Luc embrassa son oncle qui l’avait compris. Désormais, il pourrait oublier Castor habile, maintenant remplacé par un « Tonton gâteau » que mieux encore il aura à sa disposition et qui certainement l’aidera à surmonter les emmerdes de sa vie d’adolescent au caractère pas toujours facile. « Ce n’était pas la peine d’aller si loin, songea-il, pour trouver ce qui, en fin de compte, était proche de chez moi ! »


*



Voir aussi

Articles connexes