Les embrassades (extraits) – 6
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Extrait du récit autobiographique de Jacques Pyerre Les embrassades.
Sixième chapitre
[…] Il était bien tard, nous étions les derniers et mettant chacun un des bras de Karl autour de notre cou, nous hissâmes ce gros balourd jusqu’à la salle de bains de notre chambre où je lui improvisai avec une couverture, un lit dans la baignoire ; après l’avoir enfermé à clef, je me trouvai face à Silvio. C’était son nom ; la chambre était obscure, toutes lampes éteintes et la lune dont le pâle reflet se mirait sur les miroirs par les fenêtres largement ouvertes, nous faisait ressembler à deux Pierrots.
— Qui c’est ce monsieur ?
Et moi, toujours doux et timide et sentant une belle scène à jouer : « C’est mon père. »
— Et s’il se réveille ?
— Sa porte est fermée à clef.
Il s’était approché de moi doucement et m’empoignant de ses larges mains, sans me laisser le temps de faire ouf, je me retrouvai nu, enfilé, heureux, entre les bras du barman délirant qui croyait violer un fils de bonne famille dont le papa ivre et distingué cuvait son vin dans la baignoire voisine.
Je ne sais pas si c’était à cause de l’habitude prise de faire la parlotte derrière son comptoir mais Silvio était bavard et je sentais que ça l’excitait de me faire parler, aussi lorsqu’il me dit :
— Quel âge as-tu ?
— Quinze ans, répondis-je.
« Quinze ans ! » Il était enchanté. J’en avais bien sûr un peu plus. Et lorsqu’il hasarda : « Mais comment as-tu fait cela pour la première fois ? » Je détournai la tête et haletai : « Tais-toi, tais-toi ». Pressentant quelque chose de pas ordinaire et comme il se remettait à bander fortement, il me dit : « Mais parle mon petit, parle, ça te fera du bien, soulage-toi. » Et tout en parlant il caressait mon cul et ses mains écartaient déjà mes fesses annonçant un nouvel outrage au plus profond de ma personne. Je lui répondis : « Fais doucement, il est terrible. Il me tuerait s’il se doutait de quoi que ce soit. »
— Ah ! C’est lui n’est-ce pas ?
« C’est lui, oui. » Et il se mit à me rebaiser avec fureur pour la troisième fois. C’était du cinéma rentable. Seulement il fallait les détails. Je crois que l’ombre de la grande Adélina Patti qui se reposait — mais mieux que moi je l’espère — à quelques centaines de mètres, m’inspira soudain.
— Le soir de ma première communion. Je n’ai jamais connu ma mère et comme je lui ressemble, quand il s’enivre il m’appelle Marguerite et me viole ; il a une force terrible, mais c’est mon père.
Je jouais Chimène au chabanais. Silvio était ravi.
— Le soir de ta première communion mon petit. Quelle horreur !
— Oh ! oui quelle horreur ! Je n’étais qu’un enfant, qu’un petit enfant, pur et ingénu et je me suis trouvé déculotté, sous le poids de mon père nu comme un ver, qui m’enfilait en criant : « Marguerite » et j’ajoutai mentalement : « Sois maudite ! » comme Satan du Faust de Gounod.
Des réminiscences de culture classique se mêlaient à mon récit ; j’étais Anastasia Philippovna, et comme elle, je décidai de faire ma vie ; peut-être aussi de faire un peu « la vie » et de laisser tomber le gros sac à vin et la Bugatti rouge, aussi j’enchaînai :
— Aide-moi, aide-moi, je veux m’évader ; je veux quitter ce père incestueux.
Et Silvio « Porca miséria ! Santa la Madonna. O Dio ! Poupette mia ! »
Et hop, il venait de jouir pour la quatrième fois. J’étais comblé, lui aussi d’ailleurs et il réalisa qu’il était tard.
— Mon pauvre petit, je vais t’aider, va de ma part à Gênes voir la Sophonisba ; tu ne trouveras jamais sa maison, mais voici son téléphone, installe-toi dans un hôtel près de la gare de Brignolle, il viendra te chercher, bonne chance, écris-moi.
— Mais qui est la Sophonisba ?
— Je t’en laisse la surprise, mais ta vie va changer. Au revoir ! ciao bello. Ciao amore mio !
Il referma la porte doucement, j’ouvris, quant à moi, celle de la salle de bains et m’assis sur le bidet après l’avoir rempli d’eau tiède pour rafraîchir un peu mon cul qui venait d’être soumis à rude épreuve. Qu’allais-je faire ? […]
… Quelques mots |
Je suis né à l’ombre des palmiers |
Crac ! Voilà le facteur ! |
Lucien exagère |
Ohhhh ! La marine américaine |
Ne me parlez plus de Genève ! |
Tant qu’on est à Gênes il y a du plaisir (extrait) |
La Sophonisba fait mon « éducation » |
Monsieur l’Administrateur |
Une soirée au cinéma |
Sur la mer déchaînée (extrait) |
Scandale au Caire |
Au bain de vapeur que les Arabes appellent « hammam » (extrait) |
En route pour le Sud |
La fière Albion n’est pas fière du tout |
L’hospitalité écossaise |
Ma nuit de Walpurgis |
Être « l’ami de la famille » ne me retient pas |
Voir aussi
Source
- Les embrassades / Jacques Pyerre. – Paris : Jérôme Martineau, 1969 (Le Chesnay : Presses des Yvelines, 1er juin 1969). – 184 p. ; 21 × 13 cm.Sixième chapitre, « Tant qu’on est à Gênes il y a du plaisir », p. 57-59.