Hervé (musicien)
Florimond Roger dit Hervé né à Houdain (Pas-de-Calais) le 30 juin 1825 et mort à Paris le 3 novembre 1892 est un compositeur français, considéré comme le père de l’opérette française au même titre que son rival Jacques Offenbach.
Biographie
Lorsque son père décède, Florimond Roger n’a que dix ans, et sa mère, veuve, monte à Paris avec ses trois enfants. Elle trouve un emploi à l’église Saint-Roch. Florimond y apprend le chant et le solfège comme choriste. Il n’est pas impossible qu’il y ait connu intimement, à 12 ans, le chanteur d’opéra Alexis Dupont (47 ans) qui officiait alors comme maître de chant à l’église Saint-Roch[1] et qui sera condamné en 1856 pour une affaire de mœurs avec des filles mineures.
Florimond continue son apprentissage de la musique au conservatoire avec Esprit Auber. Il trouve ensuite une fonction comme organiste et commence à rédiger des opérettes sous le pseudonyme d’Hervé. Il a également enseigné le chant à des aliénés de Bicêtre et de la Salpêtrière, ce qui fait que certains biographes l’ont décrit (à tort) comme l’introducteur de la musicothérapie en psychiatrie.
Les succès de ses opérettes s’enchaînent, il devient chef d’orchestre, dirige un café-concert (les Folies Concertantes) et par la suite une salle de spectacle : les Folies Nouvelles.
Marié, et père de quatre enfants élevés en pension, le compositeur Hervé détourne un jeune garçon de 12 ans et tente de le séduire : c’est l’affaire Hervé qui fissure sa carrière : condamné à 3 ans de détention lors d’un procès jugé à huis-clos, il sort de prison au bout de 18 mois et tente de reprendre une place dans un domaine où Jacques Offenbach triomphe déjà. Il y parvient peu à peu et remporte de grands succès coup sur coup avec L’œil crevé (1867), Chilpéric (1868) et Le petit Faust (1869). Il se produit en province et dans la capitale, voyage beaucoup, et ses succès ne faiblissent pas, jusqu’à Mam’zelle Nitouche (1883) son opérette sans doute la plus célèbre inspirée de sa propre vie.
En 1886, il s’installe à Londres et l’un de ses biographes, Dominique Ghesquiere, découvre qu’Hervé s’y marie sans avoir divorcé de sa première femme, ce qui fait de lui un bigame.
Il rentre en France en 1892, peu de temps avant de mourir, le 3 novembre 1892.
Une affaire de mœurs que ses biographes s’efforce d’escamoter
Jusqu’à la thèse en musicologie du Québécois Pascal Blanchet, qui a publié le compte rendu avant huis-clos du procès par La Gazette des Tribunaux tout en émettant un doute sur la culpabilité d’Hervé[2], tous les biographes du compositeur avaient balayé avec désinvolture l’affaire Hervé. Il est vrai que l’intéressé lui-même avait tenté, au tout début du récit des faits par la presse, d’opposer « un démenti formel à ces infâmes accusations. »
Afin de rédiger un compte-rendu de cette affaire, Jean-Claude Féray a déniché dans les archives de l’avocat Charles Lachaud conservées à l’Institut Marc Sangnier[3] le dossier ROGER et s’est appuyé sur les journaux de l’époque. Il a aussi tenté de reconstituer la vie ultérieure du garçon de 12 ans (métier, mariage, paternités).
L’affaire Hervé en résumé
Déjeunant un jour (le 1er août 1856) dans un restaurant de Neuilly, avenue de la Porte Maillot, Hervé remarque un jeune garçon de 12 ans qui officie comme apprenti sommelier chez son oncle, François Botreau. Le garçon se prénomme Pierre et n’ayant pas été reconnu par son père, porte le nom de sa mère : Botreau. Le compositeur note que l’apprenti est mal vêtu, mal chaussé, qu’il travaille dur. Aussi lui propose-t-il de changer de vie en l’accueillant chez lui. Pierre Botreau accepte facilement. Son séducteur dit qu’il viendra le chercher le soir, et qu’il lui apportera des vêtements. Ce qu’il fait. L’oncle, constatant la disparition de son apprenti, va déposer plainte auprès du commissariat de police et en parle à ses amis cochers de fiacres afin de bénéficier de leur aide dans les recherches du disparu.
Hervé habitait boulevard Bonne Nouvelle et sa femme qui travaillait comme lingère à l’hôpital Salpêtrière logeait alors sur son lieu de travail. Le soir, le compositeur pria le garçon de venir dans son lit et entreprit ce que l’on devine et que la morale commune réprouve. Mais le garçon protesta qu’il avait mal, ce qui coupa court aux gestes du séducteur. Le jour suivant, devant travailler, Hervé confia l’enfant à sa femme à l’hôpital Salpêtrière. Pierre Botreau revint deux jours plus tard boulevard Bonne Nouvelle. Alors qu’il effectuait une course pour Hervé, un cocher le reconnut : l’affaire était dès lors lancée. Le garçon dut retourner chez son oncle, alors qu’il n’en avait jamais exprimé la moindre envie…
À noter qu’un médecin examina physiquement le compositeur et notifia dans son rapport que le fameux signe de pédérastie active décrit par Ambroise Tardieu et auquel lui-même ne croyait pas était absent chez Hervé.
Lors de son procès, Hervé plaida l’instabilité nerveuse, les crises de folie – ce qu’accréditait déjà le titre de son opérette Le compositeur toqué et ce dont témoignera un directeur de théâtre.
Durant ses dix-huit mois de détention, Florimond Roger continua de composer sous les pseudonymes de Jules Brémond puis de Louis Heffer (tiré de ses initiales F.R.).
Bibliographie
• Louis Schneider, Hervé, Charles Lecocq, coll. « Les Maîtres de l’opérette française », librairie académique Perrin et Cie, 1924
• Renée Cariven-Galharet et Dominique Ghesquiere, Hervé, un musicien paradoxal, Paris, éd. des Cendres, 1992.
• Jacques Rouchouse, Hervé, le père de l’opérette - 50 ans de Folies parisiennes, préface de Jacques Martin, éd. Michel de Maule, 1994.
• Pascal Blanchet, Hervé par lui-même. Écrits du père de l'opérette, Actes Sud/Palazzetto Bru Zane, 2015.
• Jean-Claude Féray, l’affaire Hervé in Le Registre infamant, Quintes-feuilles, 2012, pp. 500-509.
Notes
- ↑ Jean-Claude Féray – L’affaire Hervé (1856) in Le Registre infamant, Quintes-feuilles, 2012, p. 507.
- ↑ Pascal Blanchet – La contribution de Florimond Roger, dit Hervé au développement de l’opérette (1848-1870). Thèse de l’université de Montréal pour l’obtention du Ph. D. en musicologie, août 2010, pp. 309-318.
- ↑ Maitre Charles Lachaud qui fut l’avocat de la célèbre Mme Lafarge comme de Bazaine, est le grand-père de Marc Sangnier.