Alcibiade enfant à l’école (Texte intégral – 1)

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(Traduction française attribuée à Édouard Cléder, 1866.)


AU LECTEUR



Les philosophes anciens, quand ils enseignaient les belles lettres, commençaient à inculquer à leurs élèves toute leur science par le trou de derrière. Ils leur assuraient que, par ce moyen, ils deviendraient parfaitement savants, lorsque, par cette voie, ils auraient reçu toute la science de leurs maîtres.

Mais si jamais les vices ont foisonné dans les écoles, on peut dire aujourd’hui qu’ils sont arrivés au nec plus ultra.

On en est à ce point, qu’elles peuvent s’appeler un théâtre d’opprobre et d’ignominie, un réceptacle de tous les vices. Les maîtres de notre temps ont gardé la méthode antique d’enseigner aux enfants. Et si tu t’es occupé de ces choses, tu auras entendu dire de plusieurs que le maître, dans sa fougueuse ardeur d’infuser sa science à son élève, lui a plus d’une fois, dans sa hâte, effondré le derrière.

Donc la lecture d’Alcibiade à l’école t’apprendra que, pour rendre tes enfants parfaits, il faut d’abord les soustraire aux maîtres de Sodome.

— Et sur ce, vis heureux.





D. M. V.
AUX MAÎTRES D’ÉCOLE



Écoutez, maîtres babouins,
Qui poussez par le cul la science
Aux enfants de l’école, et qui faites toujours
Reposer dans l’anus votre béatitude.

Pythagoriciens, infâmes pédérastes,
C’est à vous que j’en ai, à vous
Qui, d’un œil effronté, ne visez jamais qu’au cul,
Comme si la vulve était pour vous ruelle fermée

Reconnaissez le grand maître, archi-poltrons,
Qui découvre aujourd’hui toutes vos turpitudes ;
Donc, vieux buffles, coupez-vous le vit.

Et maintenant quand vous entendrez un garçon gaillard
Dire
couilles ou vit,
Lui foutrez-vous au cul telles vilenies ?





L’ÉDITEUR
À L’HONORÉ LECTEUR



Cet opuscule m’étant tombé par hasard dans les mains, je l’ai jugé assez curieux et assez digne de votre attention, lecteur, pour le livrer à l’impression. Vous y apprendrez à veiller attentivement sur vos enfants pour les soustraire à l’influence pernicieuse des mauvais maîtres, détestable engeance qui n’abonde que trop par le temps qui court.

Je vous promets prochainement la seconde partie, qui paraîtra sous ce titre : Le Triomphe d’Alcibiade ; ouvrage d’autant plus curieux qu’il sort d’une des plus savantes plumes de notre pays. Attendez-vous donc à le recevoir au plus tôt, et honorez-moi de votre estime.



Chapitre I


ALCIBIADE ENFANT À L’ÉCOLE



Alcibiade était à cet âge où la nature industrieuse se fait un jeu charmant de répandre sur des formes divines des traits indécis, où l’œil amoureux cherche en vain à distinguer les sexes. Il avait sans doute cet air de jouvencelle, le beau Ganymède, quand il força Jupiter à descendre du ciel sur la terre, pour le ravir à la terre et le donner au ciel, où il devait devenir dieu sous une forme humaine ; âge charmant, trésor inépuisable de volupté, où chacun peut puiser, entre toutes les jouissances de l’amour, celles qui lui sont les plus chères ! but glorieux, offrant aux tireurs une double perspective : à l’une courent à l’envie les jeunes filles haletantes de désirs, à l’autre se précipitent, pleins de dévotion et de respect, les plus doctes et les plus sages.

Tel était, dis-je, alors Alcibiade, quand, par la prévoyance de ses tuteurs, il fut envoyé à l’école. L’heureux mortel élu entre tous pour son maître fut Philotime. Parvenu à l’âge viril, vénérable d’aspect et de maintien, il savait mesurer dans de si justes proportions ce qu’il donnait à l’esprit et aux sens ; il avait une prudence, une prévoyance si parfaites, qu’il se conciliait tous les cœurs : il se faisait tout à tous, et pour infuser ses solides et profondes connaissances dans l’intelligence des autres, il montrait qu’il avait la véritable vocation de son métier.

Les grands d’Athènes étaient jaloux de confier à sa fidélité, de soumettre à sa conduite les plus tendres gages de leur affection. Ils étaient sûrs que ces chères images d’eux-mêmes, tirées au vif par la nature, ces fils bien-aimés, trouveraient en lui un refuge contre tout accident ; sa réputation éprouvée leur en était garant. Il n’y avait pas à cette époque de jeune homme vraiment instruit qui n’eût puisé son savoir à la source pure de ce grand homme.

C’est donc à lui que l’on confia Alcibiade, et, sauf les égards commandés par la politesse, on lui donna tout pouvoir sur l’enfant. Au lever radieux de ce nouveau soleil, la beauté de tous les autres garçons de l’école pâlit, perdant sa lumière et son prix, comme font les étoiles aux premières blancheurs de l’aube. Diane au bois, parmi ses nymphes, est moins brillante et moins pleine d’attraits ; Cérès, aux enfers, rayonnait de moins d’éclat et de grâce que ne fit Alcibiade en entrant chez son maître.

À son port souple et gracieux, à ses mouvements aisés et harmonieux, on voyait bien qu’il n’était fait que pour s’ouvrir tous les cœurs, et devenir le maître de toutes les âmes. Les boucles de ses beaux cheveux, s’épanouissant comme des fleurs, et tombant sur ses épaules en anneaux séparés, faisaient honte à l’éclat de la pourpre et de l’or ; ses yeux, ombragés sous le voile de ses grands cils, cachaient sous leurs paupières, comme sous un royal pavillon, leur attrayant éclat ; nuancés d’ivoire et de rubis, bleus comme l’azur, rayonnants, bien proportionnés, pleins de noblesse et de grâce, ils dardaient plus de flèches d’amour au cœur de ceux qui les voyaient, qu’ils ne reflétaient eux-mêmes d’images des objets extérieurs. Son front large et majestueux était pur et serein comme une belle matinée de printemps ; ses joues, où les roses se confondaient aux lis sur un visage plein et ovale, surpassaient en attraits les délices des jardins de Tempé.

Le corail animé qui, sur ses lèvres divines, répandait avec une juste proportion ses teintes rougissantes (ô cruelle puissance de l’amour !), aurait invité aux baisers les statues insensibles et leur aurait fait puiser la vie à leur contact. Les perles orientales qui, rangées en ordre dorique, étincelaient dans sa bouche divine, délicatement effleurées par une langue fluette et purpurine, invitaient non pas les abeilles à y faire leur miel, mais les dieux du ciel à venir y cueillir l’ambroisie de leurs banquets divins, et à y composer la cire céleste, pour leurs éternels foyers de gloire. Et comment les étoiles n’auraient-elles pas rougi de se comparer à elles !…

Son nez, dont la courbe gracieuse se dessinait au-dessus de la bouche, vraie merveille pour les yeux, résumé accompli de la beauté, symbole d’autres trésors cachés, admirable déjà par lui-même, ne l’était pas moins par les mystères pleins de promesses que révélaient deux narines disposées avec une symétrie savante et voluptueuse ; des ailes fines et délicates, blanches comme le lait, ombrageant la lèvre supérieure, relevaient encore l’éclat de sa suprême beauté. Son cou éblouissant soutenait sans désavantage la comparaison avec les autres parties découvertes de son corps ; plein, rondelet, vermeil, ni trop long ni trop court, nuancé de veines d’un sang vif et chaud, il semblait admirablement fait pour servir de base aux beautés surhumaines de son visage.

Les mains bien assorties à tout le reste, mignardes, potelées, fluettes, pleines de je ne sais quelle grâce morbide, les doigts faits au tour, se montraient déjà capables de manier voluptueusement les armes de l’amour, en attendant que, plus viriles et plus fortes, elles pussent manier celles de la guerre.

Quant aux autres membres, couverts, hélas ! de voiles jaloux, qui, formant une barrière à la convoitise des yeux, semblaient inviter le désir à les soulever pour contempler les sanctuaires les plus secrets, et pour jouir par les sens plutôt que par la pensée, les autres membres, dis-je, ne le cédaient en rien à ceux que nous avons dépeints. Mais, par une merveilleuse symétrie, et bien que destinés chacun à un plaisir et à un usage différents, ils avaient avec eux une singulière analogie. Ainsi la poitrine correspondait au front ; les deux fesses aux deux joues ; le v… au nez ; le jardin de volupté à la bouche ; au nombril le menton ; aux mains les pieds ; aux bras les cuisses ; au ventre le profil du visage, et partout le teint à la coloration.

Mais l’inestimable joyau de ce trésor était l’angélique accent de sa parole. Il exprimait d’une voix si suave l’harmonie propre à chaque mot, il faisait retomber les périodes de ses discours sur des pauses si musicales que, semblable à une sirène, il faisait couler dans les âmes une douceur enivrante, non pas pour les frapper de mort, mais pour les livrer vivantes aux tourments de l’amour.

Quand s’ouvrait cette bouche céleste, les assistants stupéfaits, ravis en extase, laissaient passer leur âme sur leurs lèvres béantes, pour aller au-devant de la sienne. La voix humaine avec ses notes articulées a le don de soumettre les bêtes féroces et fait sentir sa puissance même aux pierres, comme le témoigne l’ingénieuse fable d’Orphée et d’Amphion.

La langue de cet ange était une foudre qui abattait les cœurs ; une chaîne qui, dans la prison d’amour, tenait les âmes pour toujours captives. Sa toge d’enfant, brodée de fleurs nuancées, aux couleurs vives et brillantes, semblables aux rayons du soleil qui s’échappent des nuages chargés de pluie, éclatait comme un nouveau soleil aux yeux éblouis des hommes étonnés. Son rire modeste et charmant était un trésor de joies, un fidèle messager d’amour, un jardin de volupté. Tout respirait en lui la grâce, ce don immortel de Dieu, qu’on ne connaît pas par les sens, qu’on n’explique pas par la parole, qui ne parle qu’au cœur, qui l’attire à lui par sa douce magie, qui le captive, qui n’éveille pas des sentiments impies et idolâtres, mais qui, les purifiant par la contemplation de la beauté céleste et divine, les dépouille de tout ce qu’ils ont de terrestre et d’humain.

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Qui pourrait jamais détailler les incroyables merveilles répandues à profusion sur ce petit abrégé des splendeurs de l’univers ? Les deux hémisphères arrondis, pareils aux globes célestes, colorés d’un sang chaud, étaient semés de touffes vivantes de troènes et de narcisses. Au moindre toucher de la main, on les voyait tressaillir et s’empourprer de mille rubis, qui éclataient sur un fond de lait et de cinabre. Tout n’était là que prairies charmantes, jardins fleuris, arcs-en-ciel nuancés, blancs rayons, étoiles scintillantes. Leurs mouvements réguliers, graves, amoureux, comme on pouvait l’attendre de ce glorieux enfant, auraient fait bander les statues de bronze et de marbre. Oh ! quel spectacle majestueux et royalement beau que celui de ce bouton, aux plis serrés et délicats, pareil à celui d’une rose naissante, fleurette aux mille couleurs diaprées où la neige partout le disputait à la pourpre.

À l’apparition de ces suprêmes merveilles, vous auriez vu se pâmer de joie le maître fortuné. Mais ranimé soudain, il tombe aux genoux de l’enfant ; sa langue muette d’émotion, collée pour ainsi dire à sa bouche, donne à son idole le premier tribut : avide, errante, elle se fraie un chemin dans ce lieu désiré : furieuse, elle s’y plonge, et, plus avide que l’enfant qui se colle au sein de sa nourrice, elle lèche, elle suce, elle boit, elle engloutit cette délicieuse liqueur d’ambroisie. Bientôt, débordant d’une joie immense et s’apprêtant à une plus haute entreprise, il fait éclater cette hymne d’allégresse :

« Si les sages appellent Paradis le lieu où les âmes jouissent de la félicité céleste, tu seras le paradis d’Athènes, toi en qui les hommes vivants trouvent leur félicité. Et si l’homme est un composé plus parfait que l’âme seule, tu seras un Paradis d’autant plus glorieux que, dans le premier, les âmes seules sont heureuses, tandis qu’avec toi les corps le sont aussi.

» Si tu es le siège de la félicité, où réside le vrai Dieu d’amour, donne le bonheur réel ; je me consacre à toi avec une entière dévotion ; et s’il y a d’autres paradis, j’en donne volontiers ma part pour jouir du tien.

» Qu’est-ce que la gloire du ciel au prix de la tienne ? Il épouvante les hommes avec ses foudres ; tu les invites, tu les attires à toi, par tes douces promesses ; ses foudres réduisent tout en cendres ; les tiennes donnent à tout la vie et la fécondité.

» Ton mouvement, uniforme comme celui des cieux, est productif, tandis que le leur a des effets languissants et infructueux ; le tien avec son va-et-vient tantôt plus lent, tantôt plus rapide, produit des effets variés, mais féconds, tout pleins d’une joie calme et d’une volupté suprême ; aux mouvements célestes préside une intelligence oisive ; sur les tiens veillent des légions d’esprits amoureux qui ne se lassent jamais d’en régler le cours, que dis-je ! ils y puisent toujours une force et une vigueur nouvelles. Le ciel s’estime incorruptible, éternel ; toi, l’érection de tant de glorieux trophées, l’offrande de tant de vœux dont les témoignages sont suspendus en ton honneur, tant de prières efficaces, tant de larmes versées sur tes autels, tant de soupirs ardents exhalés vers toi, perpétuent ta gloire et ton souvenir dans la mémoire des hommes.

» Tu seras donc désormais le centre de mes pensées, le principe de leurs mouvements, la règle infaillible de mes actions, le but et la fin de mon plaisir et de ma félicité. C’est à toi comme à mon Dieu que je consacrerai mon cœur. »

Et en parlant de la sorte, le passionné maître, multipliant ses douces étreintes, continuait à jouir de l’adorable enfant. Et il sut si bien faire, que quand Alcibiade n’avait pas le vit de son maître dans le cul, il ne savait pas ce que c’était que le plaisir, et il ne croyait pas qu’il lui fût possible par une autre voie de devenir aussi parfait que son maître.

Bienheureux précepteur qui sus, en te faisant l’esclave d’une telle beauté, en jouir dans toute l’étendue de tes vœux !

Comment ils continuèrent leurs ébats, leurs caresses amoureuses, c’est ce que nous dirons dans une seconde partie plus lascive encore.





DI M. V.



L’art que l’on nomme bougrerie
Fut inventé par la docte Grèce ;
Les anciens l’ont cultivé, puis bientôt tous les hommes,
Pour éteindre l’ardente flamme de leurs vits.

Mais depuis eux,
Nous l’avons tant perfectionné,
Qu’il n’y a aujourd’hui fils de bonne mère
Qui ne prenne pour femme un garçon.

Foutez en cul, fuyez le con ;
Ânes bâtés, archipoltrons,
Cloîtrez vos vits dans le même ermitage.

Mais si vous chevillez au con, mes maîtres,
Vous tirerez de vos vits maigre profit,
Et n’y gagnerez que d’être appelés archicouillons.






DU MÊME



Comprenez poètes pécores,
Que vous n’avez cervelle ni génie.
Ne sauriez-vous dire si mieux vaut
Le faire sous la cotte ou dans la culotte ?

Je le sais bien, vous êtes tous bougres,
Je me connais à la physionomie ;
Mais dites-moi, sur votre honneur, lequel vaut mieux ;
Sinon, je dirai que vous êtes des buffles.

Vous ne répondez pas, ô buses,
Chats-huants, mamelouks, crétins,
Bélîtres, pendards, têtes de vits !

Pour moi, jamais un de mes couillons
N’a goûté la sauce du con ;
Du cul seul ils ont été les patrons.






DU MÊME



Con, je ne veux médire de personne,
Mais j’enrage quand je pense
Que les gens d’esprit, comme la canaille,
Fourrent leur entonnoir dans ta bonde.

Les bœufs aussi, les chiens, les cerfs, toutes bêtes
Foutent bravement en con,
Si le savoir n’apprend pas au fouteur à mieux faire,
Adieu l’étude ! qu’on ne m’en parle pas !

Nous devons foutre alors, nous les savants
(Passez-moi le mot, je ne veux pas vous blesser),
Où foutent les bêtes brutes.

Ô ! bénie sois-tu, docte Athènes,
Où Socrate et Platon, avec les jolis garçons
Prenaient tant de plaisir à se soulager les reins.






DU MÊME



Ô vous qui étudiez les sciences
Et écrivez chaque jour mille couillonneries,
Noircirez-vous le papier de mensonges
Et ne cesserez-vous de vous alambiquer le cerveau ?

Les bougres sont les prêtres et les moines,
Toujours rêvant à telle ribauderie ;
Ah ! que je reconnais bien là vos plagiats,
Mendiants des écrits d’autrui.

Si vous voulez que je dise vrai,
Vous êtes tous gibier de carcan,
Et de votre charlatanerie je ne donnerais pas une poire.

Mais voulez-vous acquérir une bonne instruction,
Dégagée de toute erreur et ne visant qu’à la vérité ?
Passez une matinée à lire ce livre.



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Notes


Source

  • La première version de cette page a été partiellement récupérée de Wikisource [1], le 29-8-2009 (crédits : voir historique).