Paysage de fantaisie (17)

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une tribu il y aurait des années la grande maison carrée jaunâtre tous libres comme l’air parfois un château de village parfois une villa sur l’Atlantique même asile ce sont eux ils sont là nous et nous joli visage d’enfant il avait appris à fouetter des deux mains pour ne pas se muscler qu’un seul bras ses muscles étaient longs souples peau très fine qui dorait au soleil les fesses restaient plus pâles on aimait ses fesses et on les mangeait dehors et dedans les enfants ne sont pas mangeurs de fesses les siennes nous si u n blockhaus sur la plage

allant venant se recouvrant laissant une longue écume blanche mousseuse les vagues clapotaient et le sable brun noir de la grève brille quand la vague se retire puis il absorbe la dernière pellicule d’eau et redevient mat mais comme gonflé lisse arrondi les traces de pied n’y sont plus nettes bords émoussés l’eau les a cuites c’est la nuit il n’y a d’autre bruit que ce ressac il résonne entre les murs des chambres le sommeil des enfants s’y étale et oscille paisiblement par-dessus lui

soleil trop brutal ils n’allaient pas à la plage ils préféraient la roseraie elle était plantée en pente très forte sur un bord de coteau qui descendait vers les prés les bocages ou elle couvrait une esplanade les roses avaient depuis longtemps dégringolé

ils ignoraient comment leur maison était construite ils connaissaient chaque recoin ils s’y déplaçaient à Taise mais ils ne suivaient que le souvenir de leurs pas les pièces défilaient jouaient en cercle en cascade en succession de wagons ou de boîtes ils étaient joyeux comme des singes ils s’aimaient par les joues

bonheurs la mer noire furieuse l’océan se brise sur les rochers ils ont peur ces jours-là ils se réfugient sous les branches parfumées qui ornent le coteau la pente est très forte un escalier de terre y est ménage ses contremarches renforcées par des planches coincées à l’aide de deux piquets       dans la pente même la terre herbue une piste nue écorchée tracée droit jusqu’en bas par les fonds de culotte les semelles qui l’ont dévalée depuis l’âge

ils remontaient l’escalier ils atteignaient le plateau l’arrière-pays la campagne ou plutôt le haut de la roseraie que bordent d’anciennes balustrades de pierre ouvertes sur des escaliers en grandes dalles effondrées qui descendent vers où       face à ce quadrilatère de grands rosiers emmêlés ils voient la fuite buissonneuse de la pente la maison et le jardin à colonnades et plus loin la plage grise jusqu’à l’océan venté et bleu courbé sur l’horizon

et franchir le fond de la roseraie comme une paroi de labyrinthe à travers un fouillis de tiges piquantes et de pétales ils se mettent à quatre pattes et pénètrent dans ce tunnel

ils le tabassent le mur résonne à chaque secousse ils l’enchaînent ils viendront soir après soir découper un centimètre de peau sur son ventre avec des ciseaux ébréchés à présent les muscles au-dessus du nombril sont à nu dans deux mois ils en seront au pubis dans six mois aux doigts de pied dans un an ils auront dépouillé toute la figure et lorsqu’il sera entièrement écorché sa chair à vif rose tannée ils l’ouvriront soigneusement sans abîmer les vaisseaux ni les nerfs et ils enlèveront ses os un par un le type désossé mis en tas sur le ciment il ne se branlera plus avec ses membres en caoutchouc il se liquéfiera doucement il rêvera comme il sera léger

une écume un nuage l’enfant brandit sa ceinture et frappe les autres se carapatent dans l’escalier ils se retrouvaient sur la plage il ne s’était rien passé

murs tachés de cris les nuages ils vont voir la mer la plage les rosiers les champs ils cueillent des fleurs et ramassent des patelles il y a un grillage électrifié haut de trois mètres autour du parc s’ils s’y accrochent pour renifler l’océan ils grillent crispés aux mailles métalliques carbonisés hideux personne ne les décroche ça sèche ça craque la pluie dilue les cendres et dénude l’intérieur bleu vert comme la mer ils appellent ça la mer ils sont libres de se promener mais sous les arbres du bois il y a des pièges à loups cheville brisée on peut rester là trois jours on est enfin ramené et battu à mort

les plus naïfs faisaient des petits pâtés les plus adroits bâtissaient des châteaux de sable ou jouaient à la cuisine avec des dînettes de poupée et du sable des algues un ragoût de coquillages immangeables Y en a deux chacun servez-vous en ordre toi t’en as pris trois rends-en un

hein trois

rends un éclair tu seras privé de sortie

il tournait sous les ombrages il s’en fichait bien des sorties il avait des arbres et des oiseaux dedans il croit que ce sont des merles il va les dénicher il sait grimper aux troncs une femelle brime et trois œufs qu’elle couve un mâle noir plus gros une femelle un mâle c’est la nature J’i chie dessus la nature il renverse le nid d’un coup de poing la femelle s’envole en sifflant les œufs se brisent et le nid s’éparpille allez vous enfiler ailleurs murmure l’enfant ses cheveux châtain clair courts mal peignés son profil mignon ses yeux noisette le nez en l’air

les mignons logeraient dans les étages leurs prisonniers du bourg seraient enfermés à la cave les uns sont beaux comme des anges les autres laids comme des poux chacun son sort les nez en l’air les nez en bas les jolies pines les vilains zobs les yeux brillants les yeux éteints les lèvres vives les lèvres blêmes les petits pieds les grands pieds les grosses pattes les coquines menottes et le reste pareil les moches feraient la soupe le ménage les chiottes les beaux se promènent jouent et s’aiment les moches sont fessés ils s’habillent de vieux chiffons ils ne se lavent jamais ils sont couverts de puces et de glaviots ils bouffent leurs croûtes leur tanière souterraine n’est ni chauffée ni éclairée ils se craignent s’entretuent forniquent en hurlant comme des aveugles ils souffrent de maladies de peau chancres blessures brûlures ils sentent le cul et la terre humide ils sont trop endurcis pour pleurer on choisit une fois par semaine un affreux à torturer ils somnolent dans leur paille le joli petit bourreau armé fait lentement le tour du cachot en scrutant chaque recoin il aperçoit un gosse aux oreilles décollées un crotté morveux qui se terrait il s’approche le silence devient lourd il tire le bras du mioche pour l’emmener le gosse crie aussitôt il supplie il se fait traîner par terre la salle de torture est juste à côté de leur bauge ils entendent toute la nuit le cliquetis et le grincement des machines les hurlements les sanglots qui n’en finissent pas toujours plus aigus plus désespérés à mesure que les supplices se succèdent interrompus repris longuement appliqués et gradués jusqu’à ceux qui arrachent aux poumons enfantins des cascades sonores qui ne sont plus des cris

un fouet à la ceinture une lanière assez longue pour les attraper à deux trois mètres quand ils se sauvent ils avaient des jambes zébrées de haut en bas on disait ce sont les ronces du jardin les oursins des rochers       à peine conscients d’être nus ils vont sur les brisants ils s’assoient ils s’écorchent ils reviennent on leur met du mercurochrome fesses à taches rouges une figure d’auguste ils se les voyaient les fesses ils rigolaient Eh ses fesses ah ses fesses Ah oui de vraies pommes d’api disait la vieille bonne il a roulé par terre si abruti qu’il ne crie pas il se relève en titubant il sort et sanglote il a volé de la nourriture Je t’ai défendu de pleurer tu entends il pleurait quand même il recevait une autre gifle et une troisième il pleurait de plus en plus fort on décrochait le fouet les autres enfants se groupaient et regardaient la scène le visage atterré les joues en feu       cul nu le dos tourné la tête appuyée dans les bras contre un mur et le fouet valse et son bruit sec hache les hurlements

à l’infirmerie huit jours on lui guérit le cul il se branlait sans arrêt ça lui passait la douleur son lit défoncé craquait vibrait à toute allure on avait un peu honte pas pour les branlages mais pour son pauvre cul

il n’aurait pas dû voler tous les enfants volent c’est l’innocence quand on était lassé d’eux ils étaient jetés du haut de la falaise ils tombaient lentement jusqu’à la mer avec un long cri d’oiseau vorace et parmi les vagues d’un vert profond leur corps englouti laisse à peine une écume

ils n’avaient pas de corps ils se regardaient dans les yeux leur petit cœur battait sous leur petite poitrine blanche si blanche on les fendait au couteau les os jaillissaient le sang giclait on fouillait des deux mains dans les corps éventrés et vivants


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