Voir la source de Idée sur Narcisse (droit de réponse)

''[[Idée sur Narcisse|Texte précédent : Idée sur Narcisse]]''<br><br>
<center>
Lettre de [[Tony Duvert]] parue dans le n° 5 de <i>[http://www.revuemasques.fr Masques]</i> (&eacute;t&eacute; 1980) en r&eacute;ponse &agrave; une critique de
son article <i>Id&eacute;e sur Narcisse</i>, parue dans Masques n&deg; 4 et sign&eacute;e &laquo;&nbsp;quatre collaboratrices de
Masques&nbsp;&raquo;.
</center><br>
{{Citation longue|<p>Ch&egrave;res Quatre,</p>
<br>
								  <p>Merci de votre r&eacute;ponse &agrave; mon article&nbsp;: j&rsquo;esp&eacute;rais, sans trop y croire, &ecirc;tre un peu chatouill&eacute; sur
les c&ocirc;t&eacute;s qui vous inspirent cette calme et savante col&egrave;re. On &eacute;crit des choses, personne ne r&eacute;agit
jamais, et on reste enferm&eacute; dans des id&eacute;es qui, faute d&rsquo;&eacute;change, de controverse, pi&eacute;tinent sur
place.</p>
								  <p>Maintenant, je ne vais pas vous r&eacute;pondre pr&eacute;cis&eacute;ment pour <i>justifier</i> mon image &laquo;&nbsp;fausse et
grossi&egrave;re&nbsp;&raquo; du matriarcat. Je ne suis ni historien ni universitaire ni arch&eacute;ologue, et ce qu&rsquo;&eacute;taient
les soci&eacute;t&eacute;s voici 20, 30 ou 100 si&egrave;cles m&rsquo;est plut&ocirc;t indiff&eacute;rent. 
C&rsquo;est le pouvoir maternel &mdash;&nbsp;pr&eacute;f&eacute;rez-vous l&rsquo;appeler pouvoir f&eacute;minin&nbsp;?&nbsp;&mdash; dans la soci&eacute;t&eacute;
<i>contemporaine</i> qui me pr&eacute;occupe&nbsp;; mais ce n&rsquo;&eacute;tait pas l&rsquo;objet de cet article, o&ugrave; je me suis amus&eacute; &agrave;
r&eacute;employer tout un tas de vieilleries antiques qui sont des lieux communs de la mythologie
&laquo;&nbsp;arcadienne&nbsp;&raquo; (ce Narcisse, ce Corydon, cette Gr&egrave;ce, ces m&eacute;g&egrave;res, ce Caravage, etc.) et qui
m&rsquo;agacent&nbsp;; je les ai mis &agrave; la sauce piquante, je les ai sollicit&eacute;s &agrave; ma guise &mdash;&nbsp;bref, je me suis veng&eacute;
d&rsquo;un certain cucuisme homo.</p>
          <p>Un d&eacute;tail important, &agrave; ce propos&nbsp;: vous me r&eacute;pondez comme si j&rsquo;&eacute;tais l&rsquo;un des intellectuels
qui ont pour m&eacute;tier d&rsquo;&eacute;mettre des th&eacute;ories d&eacute;finitives avec mille arguments d&rsquo;autorit&eacute; et mille
notes en bas de page. Or je n&rsquo;ai jamais fait cela et je m&rsquo;y refuse. Je n&rsquo;ai aucune id&eacute;e &agrave; imposer&nbsp;; je
gagne ma vie en &eacute;crivant des romans, et non en ayant une opinion sur tout. Les romans, c&rsquo;est
s&eacute;rieux&nbsp;; le reste, au contraire &mdash;&nbsp;ces petits essais en particulier&nbsp;&mdash; ne m&rsquo;int&eacute;resse qu&rsquo;&agrave; titre de
r&eacute;cr&eacute;ation mentale. Et il me semble que le ton de mon &eacute;criture le montre clairement, et emp&ecirc;che
tout malentendu. &Ccedil;a ne signifie pas que j&rsquo;avance n&rsquo;importe quelle id&eacute;e sans y croire, ou &agrave; la
l&eacute;g&egrave;re&nbsp;: &ccedil;a veut dire seulement que je n&rsquo;ai pas une vocation de prof. Je serais constern&eacute; qu&rsquo;on
sente la moindre volont&eacute; de domination dans ce que j&rsquo;&eacute;cris. D&rsquo;o&ugrave; mon impression que vous
m&rsquo;avez lu de travers&nbsp;; il me semblerait, moi, avoir montr&eacute; depuis longtemps que je n&rsquo;&eacute;tais pas le
genre d&rsquo;auteur que vous croyez. Vous me prenez pour un m&acirc;le, dirait-on. Ce n&rsquo;est gu&egrave;re
aimable&nbsp;!</p>
          <p>Passons. Vous me reprochez d&rsquo;avoir donn&eacute; une image patriarcalis&eacute;e du matriarcat l&eacute;gendaire.
Vous avez raison. J&rsquo;ai tendance &agrave; croire que, s&rsquo;il y a domination d&rsquo;un sexe sur l&rsquo;autre, les
techniques de domination sont les m&ecirc;mes, quel que soit le sexe qui commande. J&rsquo;ai donc pr&ecirc;t&eacute; au
r&egrave;gne des m&egrave;res ces conduites qui sont celles de toutes les classes dominantes, dans quelque
syst&egrave;me que ce soit.</p>
          <p>Et ici je trouve vos objections curieuses. Vous me dites que penser ainsi, c&rsquo;est projeter sur
&laquo;&nbsp;les soci&eacute;t&eacute;s matristiques&nbsp;&raquo; mon image &mdash;&nbsp;narcissique-patriarcale-masculine&nbsp;&mdash; du patriarcat. Peut-&ecirc;tre.
Mais, quant &agrave; vous, vous projetez sur <i>votre</i> image du patriarcat <i>toutes vos repr&eacute;sentations du
pouvoir</i> (et de la violence sexuelle)&nbsp;: vous tenez &agrave; me prouver, exemples &eacute;rudits &agrave; l&rsquo;appui, que la
soci&eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;matristique&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas, n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute;, une soci&eacute;t&eacute; de domination, de violence, etc. Quand
c&rsquo;&eacute;tait les femmes qui dominaient, la soci&eacute;t&eacute; &eacute;tait, bien s&ucirc;r, pacifique et &eacute;galitaire. L&rsquo;innocence
rousseauiste y &eacute;tait pouss&eacute;e au point qu&rsquo;on ignorait m&ecirc;me comment se font les enfants.</p>
          <p>Une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; un sexe r&egrave;gne&hellip; sans exercer de pouvoir, voil&agrave; un myst&egrave;re qui m&rsquo;enchante.
Non je ne crois sinc&egrave;rement pas qu&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; de m&egrave;res r&eacute;gnantes ait pu &ecirc;tre une soci&eacute;t&eacute;
&eacute;galitaire et vivable&nbsp;; certes, la communaut&eacute; des femmes-ma&icirc;tres devait y &ecirc;tre fort agr&eacute;able pour
elles, et, comme vous le sugg&eacute;rez, probablement lesbienne &mdash;&nbsp;comme la cit&eacute; d&rsquo;hommes &agrave; la
grecque devait &ecirc;tre un d&eacute;lice pour eux. Et alors&nbsp;? Moi, je vois que vous faites un &eacute;loge
mythologique de la domination f&eacute;minine&nbsp;; et je vous r&eacute;ponds que le sexe &mdash;&nbsp;et les modalit&eacute;s&nbsp;&mdash; du
pouvoir me sont indiff&eacute;rents, du moment qu&rsquo;il y a pouvoir.</p>
          <p>Que j&rsquo;aie pr&ecirc;t&eacute; au matriarcat des meurs &laquo;&nbsp;masculines&nbsp;&raquo;, soit, le reproche est fond&eacute;. Mais, &agrave;
mon image des m&egrave;res-reines-h&eacute;t&eacute;ro-baiseuses, vous opposez celle de m&egrave;res qui pondent peu,
s&rsquo;aiment entre elles, s&eacute;parent gracieusement les sexes d&egrave;s la naissance.<ref>Les interlocutrices de Duvert &eacute;voquaient les Amazones qui rendaient les enfants m&acirc;les &agrave; leurs g&eacute;niteurs au lieu de 
les tuer comme il a &eacute;t&eacute; pr&eacute;tendu&hellip;</ref>
J&rsquo;aime bien cette id&eacute;e-l&agrave;, mais est-elle cr&eacute;dible&nbsp;? J&rsquo;ai peur que mon hypoth&egrave;se, quoique
&laquo;&nbsp;grossi&egrave;re&nbsp;&raquo;, soit tristement plus vraisemblable. Vous cr&eacute;ditez les femmes de toutes sortes de
qualit&eacute;s dont le moins qu&rsquo;on puisse dire est que rien de connu ne les prouve. Dommage pour les
deux sexes, mais l&rsquo;espace humaine n&rsquo;en est pas encore l&agrave;&hellip;</p>
          <p>Voil&agrave; pour le principe de vos objections. J&rsquo;en viens aux d&eacute;tails ponctuels, maintenant.</p>
          <p>1 &mdash; Oui, je me suis r&eacute;f&eacute;r&eacute; &agrave; la version ath&eacute;nienne, h&eacute;t&eacute;rosexualis&eacute;e et divinis&eacute;e, du mythe de
Narcisse, puisque c&rsquo;est celle-l&agrave; qui a &eacute;t&eacute; r&eacute;cup&eacute;r&eacute;e par notre culture &agrave; nous. La version b&eacute;otienne,
que je connaissais par les <i>Histoires</i> de Conon, j&rsquo;ai toujours raison de la pr&eacute;f&eacute;rer, mais elle n&rsquo;a pas
pr&eacute;valu chez nous&nbsp;: et c&rsquo;est un vrai roman-photo, d&eacute;pourvu de la richesse symbolique de la
version h&eacute;t&eacute;ro. &Agrave; noter, au passage, que les Ath&eacute;niens d&eacute;non&ccedil;aient la B&eacute;otie pour sa p&eacute;d&eacute;rastie
&eacute;hont&eacute;e. C&rsquo;est-&agrave;-dire tr&egrave;s mat&eacute;rialiste (sodomie syst&eacute;matique) et tr&egrave;s populaire &mdash;&nbsp;ceci &agrave; l&rsquo;oppos&eacute;
de la p&eacute;d&eacute;rastie aristocratique-p&eacute;dagogique, et aux affectations de puret&eacute;, qui &eacute;tait celle qu&rsquo;on
affichait &agrave; Ath&egrave;nes.</p>
          <p>Mais l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rosexualisation du mythe de Narcisse est surtout int&eacute;ressante parce qu&rsquo;elle fait
intervenir, pr&eacute;cis&eacute;ment, des d&eacute;esses. Et ces d&eacute;esses-l&agrave; &mdash;&nbsp;choisies dans un panth&eacute;on o&ugrave; tous les
comportements masculins et f&eacute;minins sont repr&eacute;sent&eacute;s &mdash;&nbsp;ces d&eacute;esses-l&agrave; sont bel et bien des
fouteuses. Et on n&rsquo;observe pas de dichotomie foutage&ne;reproduction. Le plaisir enfante, engendre&nbsp;:
c&rsquo;est la le&ccedil;on obstin&eacute;e de ces mythes &eacute;rotiques. Qu&rsquo;y puis-je&nbsp;? Sinon &ecirc;tre d&rsquo;accord avec vous sur
le fait que ce sont des hommes qui les ont invent&eacute;s. Leurs d&eacute;esses avides de bites et, plus
s&eacute;rieuses, leurs d&eacute;esses-m&egrave;res (veuillez vous rappeler que, dans le panth&eacute;on grec, ce sont trois
femmes qui donnent et qui filent la vie, ce n&rsquo;est pas un dieu-p&egrave;re&hellip;), expriment peut-&ecirc;tre une
hantise du pouvoir maternel. Qui sait si, dans certaines civilisations, on n&rsquo;a pas confin&eacute; les
femmes dans cet emprisonnement conjugal-familial-domestique, parce qu&rsquo;on (on, les mecs) les
jugeait trop dangereuses &mdash;&nbsp;trop violentes, trop stagnantes, trop brutes, bref, trop <i>biologiques</i>&nbsp;?
Qu&rsquo;est-ce donc qui a pouss&eacute; ces hommes &agrave; consid&eacute;rer les femmes comme des sales b&ecirc;tes &agrave; mettre
en cage&nbsp;? Le fantasme du vagin dent&eacute;&nbsp;? Peut-&ecirc;tre bien. Mais je vous rappellerai, tant que j&rsquo;y suis,
que ce fantasme est le propre des mecs qui, enfants, ont subi&hellip; une m&egrave;re abusive.</p>
          <p>Et une m&egrave;re dans sa pl&eacute;nitude de pouvoir &mdash;&nbsp;relisez Bellotti&nbsp;&mdash; <i>&laquo;&nbsp;ch&acirc;tre&nbsp;&raquo; les fillettes aussi</i>. Sale
b&ecirc;te&nbsp;? Au moins il faut poser la question. J&rsquo;admire que les f&eacute;ministes italiennes, elles, aient pris
de face, et comme probl&egrave;me central de la &laquo;&nbsp;f&eacute;minitude&nbsp;&raquo;, cette question du pouvoir maternel et
&mdash;&nbsp;vous connaissez les s&eacute;minaires de Macciochi &agrave; Vincennes&nbsp;&mdash; celle du rapport entre pouvoir
maternel et fascisme. Pourquoi &laquo;&nbsp;les m&egrave;res&nbsp;&raquo; ont-elles &eacute;t&eacute; les ennemis d&rsquo;Allende et le soutien de
Pinochet&nbsp;? Ne r&eacute;pondez pas toutes &agrave; la fois&hellip;</p>
          <p>Je r&eacute;p&egrave;te que ce n&rsquo;&eacute;tait pas le sujet de mon article. Le mythe de Narcisse, matriarcalis&eacute; par
ces interventions de d&eacute;esses, me semblait plus int&eacute;ressant, voil&agrave; tout.</p>
          <p>Et, parall&egrave;lement, faut-il aussi rappeler que, chez les catholiques, le culte de la Vierge-m&egrave;re
est r&eacute;pandu, jusqu&rsquo;au fanatisme, chez les&hellip; m&acirc;les des soci&eacute;t&eacute;s les plus machos, m&eacute;diterran&eacute;ennes
et sud-am&eacute;ricaines&nbsp;? Qui donc les fabrique, ces machos qui v&eacute;n&egrave;rent Maman&nbsp;? Bellotti a
parfaitement r&eacute;pondu&nbsp;: ce sont les mamans. Fini le vagin dent&eacute;&nbsp;: ici, c&rsquo;est <i>la m&egrave;re-phallus</i>.</p>
          <p>Vous me direz qu&rsquo;elles sont t&eacute;l&eacute;guid&eacute;es, les pauvres, par leurs maris-p&egrave;res etc. Mais qui les a
t&eacute;l&eacute;guid&eacute;s, ces maris, qui les a amput&eacute;s pour les changer en mecs&nbsp;? L&rsquo;&oelig;uf pr&eacute;c&egrave;de-t-il la poule,
ou la poule pr&eacute;c&egrave;de-t-elle l&rsquo;&oelig;uf&nbsp;?</p>
          <p>Mieux vaut, me semble-t-il, surprendre <i>le pouvoir en action</i> et le d&eacute;noncer, le d&eacute;samorcer, <i>l&agrave;
o&ugrave; il se trouve</i>. Reporter syst&eacute;matiquement sur le p&egrave;re la responsabilit&eacute; des saloperies que les
m&egrave;res commettent sur leurs gosses des deux sexes (comme si elles le faisaient &agrave; leur corps
d&eacute;fendant et les larmes aux yeux&hellip;), c&rsquo;est jouer &agrave; &laquo;&nbsp;c&rsquo;est pas moi c&rsquo;est lui&nbsp;&raquo; &mdash;&nbsp;et &ccedil;a ne risque
s&ucirc;rement pas d&rsquo;am&eacute;liorer les choses. Dire &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; ali&eacute;n&eacute;e par la phallocratie&nbsp;&raquo; et en profiter
pour &ecirc;tre une salope finie ne me semble pas un progr&egrave;s.</p>
          <p>2 &mdash; J&rsquo;ai une terrible tendance &agrave; croire que les gar&ccedil;ons ont un horrible penchant &agrave; &ecirc;tre homos,
et qu&rsquo;il existe tout un jeu des femmes-m&egrave;res pour h&eacute;t&eacute;rosexualiser de force ces pauvres b&ecirc;tes qui
n&rsquo;en ont aucune envie, et les &laquo;&nbsp;viriliser&nbsp;&raquo; &agrave; mort.</p>
          <p>Vous me r&eacute;pondrez que les filles aussi sont h&eacute;t&eacute;rosexualis&eacute;es de force (par leur maman&nbsp;!)&nbsp;:
mais les choses ne sont pas comparables, puisque, autant que je sache, pas mal de lesbiennes,
misandres ou pas, ne renoncent aucunement &agrave; leur &laquo;&nbsp;capacit&eacute;&nbsp;&raquo; ut&eacute;rale d&rsquo;&ecirc;tre m&egrave;res &mdash;&nbsp;ce qu&rsquo;elles
con&ccedil;oivent comme l&rsquo;id&eacute;e non d&rsquo;enfanter mais de <i><b>garder</b></i> un enfant&nbsp;&mdash; de le s&eacute;questrer sous leur
&laquo;&nbsp;amour naturel&nbsp;&raquo;. Autre question dont je serais heureux que les femmes discutent un peu plus
souvent&hellip;</p>
          <p>3 &mdash; Non, l&rsquo;exemple des Esquimaux ne me convainc pas que les &laquo;&nbsp;soci&eacute;t&eacute;s matristiques&nbsp;&raquo;
ignorent la domination sexuelle. J&rsquo;avoue n&rsquo;avoir pas lu le livre de Borneman&nbsp;; je n&rsquo;ai gu&egrave;re
souvenir que de celui de Malaurie, o&ugrave; on voit un patriarcat sans tabous sexuels, mais non pas sans
<i>ordre sexuel</i>&nbsp;; la propri&eacute;t&eacute; du m&acirc;le sur la femelle, et des adultes sur les enfants, et de tous les gens
valides sur les vieux, y est &eacute;vidente. Sous l&rsquo;igloo, c&rsquo;est la loi du plus fort. Si Borneman a vu le
contraire, je m&rsquo;en r&eacute;jouirai, certes&nbsp;! Il n&rsquo;y aura plus qu&rsquo;&agrave; raser Paris et &agrave; y construire une banquise
en neige carbonique&nbsp;: et, de cet instant, les mamans fran&ccedil;aises s&rsquo;emploieront, chose bien in&eacute;dite,
&agrave; diffuser l&rsquo;&eacute;galit&eacute;, le respect de l&rsquo;enfant et le droit &agrave; l&rsquo;homophilie. Elles en r&ecirc;vent&nbsp;!&hellip;</p>
          <p>4 &mdash; Vous me reprochez le mot &laquo;&nbsp;nazi&nbsp;&raquo;. Il est parfaitement exact que s&eacute;lectionner les &ecirc;tres
humains est fasciste. Il est parfaitement exact que, dans le mythe que j&rsquo;ai rappel&eacute;, les nymphes
s&eacute;lectionnent. Il est tr&egrave;s vraisemblable que, lorsque les &laquo;&nbsp;Amazones&nbsp;&raquo;, pour faire &mdash;&nbsp;selon vos
hypoth&egrave;ses&nbsp;&mdash; leurs rarissimes enfants, se d&eacute;cidaient &agrave; inviter un &laquo;&nbsp;spermophore&nbsp;&raquo;, elles ne
choisissaient s&ucirc;rement pas le plus bancal et le plus moche&nbsp;!</p>
          <p>Vous m&rsquo;expliquerez aussi pourquoi des femmes qui, selon vous, ne connaissaient, comme
amour, que le lesbianisme et, comme moyen de procr&eacute;er, que les &laquo;&nbsp;invocations &agrave; la lune&nbsp;&raquo;, ces
femmes se d&eacute;cidaient pourtant <i>&agrave; s&rsquo;accoupler &agrave; un homme quand elles voulaient se reproduire</i>. &Ccedil;a
me para&icirc;t contradictoire&hellip; Serais-je ind&eacute;crottablement &laquo;&nbsp;patriarcal&nbsp;&raquo;&nbsp;?!</p>
          <p>5 &mdash; D&rsquo;accord, bien s&ucirc;r, pour concevoir la violence arm&eacute;e des &laquo;&nbsp;Amazones&nbsp;&raquo; comme r&eacute;ponse &agrave;
l&rsquo;agression m&acirc;le. Mais ceci ne r&eacute;sout en rien la question des rapports entre sexes <i>&agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur</i> des
soci&eacute;t&eacute;s qui s&rsquo;affrontaient ainsi. Je maintiens qu&rsquo;&agrave; mes yeux ces rapports, dans les deux cas,
devaient &ecirc;tre de domination&nbsp;; vous me dites que les femmes &eacute;taient de bonnes ma&icirc;tresses tandis
que les mecs sont de mauvais ma&icirc;tres&nbsp;: c&rsquo;est l&agrave; une nuance dont je me fous, et dont le simple
&eacute;nonc&eacute; me r&eacute;volte.</p>
          <p>Au passage, je trouve amusant que vous &eacute;criviez &agrave; la fois que les violences d&rsquo;&laquo;&nbsp;Amazones&nbsp;&raquo;
ne sont pas v&eacute;rifi&eacute;es, pas prouv&eacute;es, et que vous expliquiez ce qui les a produites. Il faudrait
choisir, non&nbsp;?&hellip; L&rsquo;assassin n&rsquo;a pas tu&eacute;, et d&rsquo;ailleurs, messieurs les jur&eacute;s, il a eu raison de tuer.
Oh&nbsp;!</p>
          <p>6 &mdash; Je n&rsquo;ai pas le sentiment que les soci&eacute;t&eacute;s patriarcales n&rsquo;aient pas &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;cr&eacute;atives&nbsp;&raquo;&nbsp;; en tout
cas, si j&rsquo;en crois, disons, les derniers 25 ou 30 si&egrave;cles de l&rsquo;histoire du monde&nbsp;! Ce qui n&rsquo;infirme
en rien ce c&ocirc;t&eacute; accumulateur, possessif, th&eacute;sauriseur, dudit patriarcat. Personnellement,
j&rsquo;opposais surtout le c&ocirc;t&eacute; &laquo;&nbsp;biologique&nbsp;&raquo; (nid, enfant, maintien r&eacute;p&eacute;titif du statu quo) du pouvoir
maternel, et le c&ocirc;t&eacute; capitalisateur de la famille-du-p&egrave;re. En v&eacute;rit&eacute;, c&rsquo;est un probl&egrave;me historique
d&rsquo;une difficult&eacute; insoluble, qui ne peut inspirer que ces partis-pris.</p>
          <p>7 &mdash; La famille comme invention de p&egrave;res (vieille th&egrave;se marxiste&nbsp;!) c&rsquo;est, faut-il le pr&eacute;ciser, la
famille &eacute;tendue, avec ses 3 ou 4 g&eacute;n&eacute;rations, ses nombreux collat&eacute;raux, bref, c&rsquo;est une tribu. Par
contre, la famille restreinte (couple + 1,8 enfants, selon les statistiques&hellip;) de la soci&eacute;t&eacute;
contemporaine est ind&eacute;niablement f&eacute;minine, centr&eacute;e sur l&rsquo;amante-maman. C&rsquo;est le dernier chic.
C&rsquo;est une catastrophe&nbsp;; c&rsquo;est l&rsquo;enfant-objet (l&rsquo;amant/amante obligatoire de ses parents)&nbsp;; c&rsquo;est l&rsquo;&icirc;le
d&eacute;serte&nbsp;; c&rsquo;est ce qu&rsquo;on a invent&eacute; de plus imb&eacute;cile, de plus salaud, de plus bestial depuis qu&rsquo;il y a
famille. Je tenais &agrave; pr&eacute;ciser cela. Car cette famille affreuse, c&rsquo;est bel et bien la cr&eacute;ation du
&laquo;&nbsp;pouvoir maternel&nbsp;&raquo; &mdash;&nbsp;l&rsquo;accession &agrave; l&rsquo;&eacute;galit&eacute;, chez les femmes, passerait-elle par
l&rsquo;asservissement absolu des enfants&nbsp;?&hellip; &Agrave; mes yeux, la maternitude actuelle est un authentique
kidnapping, les m&egrave;res sont l&rsquo;agent principal d&rsquo;incarc&eacute;ration, de normalisation des nouveaux &ecirc;tres
humains &mdash; les pr&eacute;tendus &laquo;&nbsp;enfants&nbsp;&raquo;. La famille patriarcale &eacute;tait peut-&ecirc;tre un fl&eacute;au&nbsp;: mais la
nouvelle famille, incestueuse et mortif&egrave;re, qu&rsquo;est-ce que c&rsquo;est&nbsp;?</p>
          <p>Non, je ne suis pas en train de d&eacute;fendre le &laquo;&nbsp;bon vieux&nbsp;&raquo; patriarcat. Mais je m&rsquo;indigne que
l&rsquo;on pr&eacute;sente comme des progr&egrave;s, des libert&eacute;s (!), ce droit exorbitant qu&rsquo;entendent s&rsquo;accorder
d&eacute;sormais, sur les gosses, tout ce qu&rsquo;il y a d&rsquo;<i>ut&eacute;rophores</i>. Appelez-les des femmes si vous y
tenez.</p>
          <p>Oui, en d&eacute;finitive, il se pourrait bien que l&rsquo;image de la femme-m&egrave;re en tant que &laquo;&nbsp;monstre&nbsp;&raquo;,
selon votre mot, ait une certaine cr&eacute;dibilit&eacute;. Je ne le dis certes pas pour disculper les monstres de
l&rsquo;autre sexe&nbsp;: vous avez bien compris, j&rsquo;esp&egrave;re, que j&rsquo;en veux simplement &agrave; l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rosexualit&eacute;
conjugale-familiale-parentale &mdash;&nbsp;et peu importe les pr&eacute;tendus &laquo;&nbsp;sexes&nbsp;&raquo; dont elle se dit compos&eacute;e.
Il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;craser l&rsquo;inf&acirc;me&nbsp;: une bestialit&eacute; totalitaire o&ugrave;, vraiment, les responsabilit&eacute;s des deux
sexes sont &eacute;gales. Est-ce ce genre-l&agrave; d&rsquo;&eacute;galit&eacute; que vous d&eacute;fendez&nbsp;?</p>
<br>
<center>Bien amicalement<ref>La signature et le post-scriptum n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; inclus dans le texte publi&eacute; dans <i>Masques</i>.</ref></center>
<center>Tony Duvert</center>
<br>
<p>Il va sans dire que je serais tr&egrave;s heureux qu&rsquo;un prochain num&eacute;ro de <i>Masques</i> publie cette r&eacute;ponse. (Elle est un peu faite pour &ccedil;a&nbsp;!). Merci&nbsp;!</p>}}<br>
''{{droite|[[Lorsque l’enfant paraît - La mère et le pédophile|Texte suivant : Lorsque l’enfant paraît - La mère et le pédophile]]}}''
<center>[[Tony Duvert : Un homme parle (collection de textes rares et inédits)|Retour au sommaire]]</center>
== Voir aussi ==
[[Idée sur Narcisse]]<br>
[[Lettres de Tony Duvert à Jean-Pierre Joecker|Lettres à Jean-Pierre Joecker]]
== Notes et références ==
<references />
[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]