« Lettres de Tony Duvert à Michel Longuet » : différence entre les versions
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là on aura renoncé ? J’ai laissé de côté mon éloge des mamans, <i>Jonathan</i> m’occupe trop. Ce | là on aura renoncé ? J’ai laissé de côté mon éloge des mamans, <i>[[Quand mourut Jonathan|Jonathan]]</i> m’occupe trop. Ce | ||
travail mis à part, je ne fais rien de bon, pas même draguer. Impossible de devenir nécrophile | travail mis à part, je ne fais rien de bon, pas même draguer. Impossible de devenir nécrophile | ||
et je ne supporte décidément plus les Français. J’espère faire un petit tour à Paris début mars. | et je ne supporte décidément plus les Français. J’espère faire un petit tour à Paris début mars. | ||
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sûrement le livre avant, et toi aussi bien sûr. Il sera déguisé d’une jaquette illustrée due au | sûrement le livre avant, et toi aussi bien sûr. Il sera déguisé d’une jaquette illustrée due au | ||
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sentimental. Diable.</p> | sentimental. Diable.</p> | ||
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2. voir si la sublime école Desbonnet existe | 2. voir si la sublime école Desbonnet existe | ||
toujours [dans le {{rom|XVIII}}{{e}}, sans garantie], c’est la salle de gym que je fréquentais (endroit que tu aurais adoré et je te connais) | toujours [dans le {{rom|XVIII}}{{e}}, sans garantie], c’est la salle de gym que je fréquentais (endroit que tu aurais adoré et je te connais) | ||
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==Voir aussi== | ==Voir aussi== | ||
[[Lettre marocaine (Tony Duvert)|Lettre marocaine]]<br> | [[Lettre marocaine (Tony Duvert)|Lettre marocaine]]<br> | ||
[[Quand mourut Jonathan]]<br> | [[Quand mourut Jonathan]]<br> | ||
[[L’île atlantique]] | [[L’île atlantique]] |
Dernière version du 6 avril 2016 à 16:09
Texte précédent : Lettres à Claude Navarro
Extraits de lettres de Tony Duvert à son ami le dessinateur Michel Longuet, citées dans Tony Duvert : l'enfant silencieux (2008) et Retour à Duvert (2015)) de Gilles Sebhan.
Mais où trouver l’argent. Moi je n’en ai toujours pas et même de moins en moins. L’État me néglige, la clientèle boude, les intellectuels préfèrent X…, les pédés préfèrent Y…, on ne sait plus à qui se vendre. J’ai un bon lit, c’est d’ailleurs tout mon mobilier. Quand je pense que, dans un an au plus tard, je serai millionnaire, cette indigence me déprime. Pourquoi nous font-ils attendre ce que de toute façon ils seront obligés de nous donner. Espèrent-ils que d’ici là on aura renoncé ? J’ai laissé de côté mon éloge des mamans, Jonathan m’occupe trop. Ce travail mis à part, je ne fais rien de bon, pas même draguer. Impossible de devenir nécrophile et je ne supporte décidément plus les Français. J’espère faire un petit tour à Paris début mars. Je n’ose inviter personne en province pour l’instant faute d’argent et de meubles, mais patience.
J’ai honte d’être resté silencieux tout un an. Mais ce travail était horriblement difficile et il me flanquait d’énormes cafards. En principe, Jonathan sera en librairie le 12 avril. Mais j’aurai sûrement le livre avant, et toi aussi bien sûr. Il sera déguisé d’une jaquette illustrée due au talent de l’éditeur et que je ne verrai pas avant, j’en tremble. Je me réjouis que tu deviennes célèbre quoique pauvre. Je suis très impatient d’en savoir plus long et de te voir. Mais j’ignore quand j’irai à Paris, je suis fatigué comme trente-six mille vieux ânes, ça devrait être bientôt quand même, et je te préviendrai bien sûr, pourvu que tu sois là. C’est une toute petite lettre. Me voilà déjà épuisé, pardonne-moi.
Cher Michel,
les dessins de Teugnol[1] sont délectables et Sud Ouest est impardonnable de ne pas avoir continué. J’ai ri toute cette journée à chaque fois que je les regardais. Et tu devines que le dessin de ta lettre qui est le plus teigneux des trois (grrrr) m’a fait plus rire encore. Je te vois et je t’imagine écrasé d’ennuis. Et je suis honteux de ne pouvoir te soulager en rien. À moins que si je te raconte les miens, ça puisse te distraire un peu. Oui, j’espère aller quelques jours à Paris dans l’automne et qu’on se verra. Mais je ne sais pas quand au juste. Quant à ma « santé », rassure-toi. Je n’ai rien et les tonneaux sont innocents de cela. Simplement une énorme fatigue et d’énormes insomnies c’est-à-dire trop de travail et trop de soucis. En revanche, j’aurai probablement fini mon nouveau roman, assez gros, vers octobre ou novembre. Mais vraiment, le travail n’est pas la santé (le chômage non plus, il est vrai). Donne-moi bien de tes nouvelles et songe à entrechoquer pour moi quelques tonneaux avec Alain, il t’aidera sûrement à les finir.
Ma grande,
J’ai toujours honte quand je t’écris, car cela sous-entend que j’ai laissé sans réponse plusieurs superbes lettres de toi. Mais nous sommes ainsi faits, auteurs : tout pour notre public immense & bien-aimé et rien pour les copains. En tout cas, tu avais raison, j’ai mis beaucoup plus de temps que prévu pour finir ce nouveau livre[2]. Il n’y a pas perdu, d’ailleurs. Tu vas voir ça. J’ose à peine y croire !
Je te montrerai aussi un incroyable projet de couverture pour ledit livre avec un dessin d’André (le fils de son père, tu vois non…) Bien sûr j’ai refusé avec indignation. Les Lindon ne sont pas près de me le pardonner. Mais vraiment je ne voulais pas qu’on me refasse le coup de la jaquette de Jonathan. Un sabotage que je ne digérerai pas de ma vie. Ah l’édition en famille. J’ai vu aussi que le petit Mathieu dont le Nouvel Obs publie imperturbablement les couches-culottes d’essais s’intitule désormais directeur de Minuit (la revue). Je finirai par croire que le papa s’épuise tellement les yeux à chercher les puces aux gens de talent qu’il n’a plus ensuite qu’un regard fatigué, complaisant et chassieux à porter sur sa progéniture. Canard, va. Mais pucelle. Quelle famille bis. Et ça me publie.
Tu as raison je suis un monstre de répondre si rarement à tes délicieux envois, mais comment faire. Je n’en finis plus de tartiner des livres et il ne me reste plus une goutte de salive pour les jolies bavantes que je voudrais t’adresser. Quel métier impossible. Je me suis mis à maigrir comme un malheureux, j’ai perdu ma belle gidouille, je vais retrouver toute la folle beauté de ma jeunesse, je me demande bien ce que je pourrais en faire, si tu as une idée. Et ceci encore : ma grande puce merci de ta patience.
Cher Michel,
Merci de ces mémoires d’un colon[3] ; tu m’as bien fait plaisir. Mais te voilà foutrement sentimental. Diable.
Mon silence (comme tu dis) : simplement, j’ai des ennuis épouvantables, un cafard affreux et une fort mauvaise santé. Je ne suis pas allé à Paris en juillet ; j’irai peut-être en septembre, mais j’ai plutôt envie de me clouer dans un tonneau. Avec ou sans saumure.
N’empêche que je pense bien à toi ; est-ce que tu continues ton œuvre journalistique (que tu avais promis de me montrer, au fait) ? Surtout, pardonne-moi d’être si bref : je sais que c’est presque pire que de ne pas écrire du tout, mais vraiment je ne vais pas fort.
N’oublie pas de dire toutes mes amitiés à Alain et de m’excuser auprès de lui ; mes malheurs ne seront pas éternels et je deviens bien impatient de vous voir l’un et l’autre.
Tu as été adorable de ne pas m’en vouloir de mes silences à répétition et d’être sûr que je suis fidèle à mes amitiés. C’est fait, une fois pour toutes, ou jamais. Tes vœux me sont allés droit au seul endroit du corps que la pudeur ne nomme pas et je t’en aurais remercié bien avant aujourd’hui si j’avais eu la cervelle plus libre et une vie moins rugueuse. Tu ne peux pas savoir à quel point je me suis serré. Mais, dès que je sors des années de supplice que m’ont valu mes projets, un livre infaisable[4] et la parcimonie de Jérôme[5], je file à Paris. Ce sera à vélo et je veux te voir. Si tout s’arrange, car je suis maintenant un Bernard Palissy malgré moi, pour achever mon bouquin à mon idée. Je dois quatorze mois de loyer. J’ai un propriétaire en or mais qui n’en peut plus, on va me virer, sauf si je vends mes livres, pas ceux de moi, hélas, ceux que j’ai qui sont revendables pour assurer faute de mieux les menues dépenses de chaque jour. J’ai dû vivre si sec que pendant la grande vague de froid je n’étais pas chauffé, vu qu’on m’avait coupé le gaz depuis six mois, chose que même Palissy qui alimentait follement son four n’a pas connu. Cet hivernage m’a ravi. Il faut mériter les livres qu’on fait.
Au fait, toi qui aimes les annuaires de téléphone (si si), pourrais-tu 1. aller place Saint-André-des-Arts, près de la fontaine Saint-Longuet[6], voir le numéro et l’adresse exacte de N. Boubée & Cie, le magasin naturaliste. Impossible de trouver leurs coordonnées ici, l’annuaire justement n’indique que l’adresse commerciale 2. voir si la sublime école Desbonnet existe toujours [dans le XVIIIe, sans garantie], c’est la salle de gym que je fréquentais (endroit que tu aurais adoré et je te connais) quand j’étais fou d’escalade (je vais m’y remettre dès que j’ai trois sous) et que je me trouvais trop faible. Ni pédés ni culturistes, c’était un bon coin de bons petits gars gentils et braves comme ce printemps qui vient, où je commence moi l’année et qui m’inspire pour toi mille milliards de vœux de plaisir et de bonheur de vivre.
Voir aussi
Lettre marocaine
Quand mourut Jonathan
L’île atlantique
Notes et références
- ↑ Teugnol = Longuet
- ↑ L’île atlantique
- ↑ Michel Longuet et Alain Prique (cité plus bas) s'occupaient de colonies de vacances.
- ↑ D’après Gilles Sebhan, Duvert travaillait à cette époque (années 80) sur un roman intitulé Les amours fous puis La passion de Thomas. Le manuscrit serait aujourd’hui la possession de son fidèle ami Jean-Pierre Tison, et promis à la BNF…
- ↑ Jerômé Lindon, son éditeur
- ↑ La fontaine Saint-Michel !