« Les mules du pape » : différence entre les versions

De BoyWiki
Crazysun (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
Crazysun (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
 
(Une version intermédiaire par le même utilisateur non affichée)
Ligne 1 : Ligne 1 :
''[[La casserole au bout de la queue|Texte précédent : La casserole au bout de la queue]]''<br><br>
''[[La casserole au bout de la queue|Texte précédent : La casserole au bout de la queue]]''<br><br>
<center>Chronique de [[Tony Duvert]] parue dans <i>Gai Pied</i> n&deg;25 (avril 1981)</center>
<center>Chronique de [[Tony Duvert]] parue dans <i>Gai Pied</i> n&deg; 26 (mai 1981)</center>
<br>
<br>
{{Citation longue|<p>
{{Citation longue|<p>
Ligne 133 : Ligne 133 :
<p>
<p>
Et voil&agrave;, &ocirc; p&eacute;dales cathos, une menace autrement plus angoissante que vos probl&egrave;mes de
Et voil&agrave;, &ocirc; p&eacute;dales cathos, une menace autrement plus angoissante que vos probl&egrave;mes de
touche-pipi.</p>
touche-pipi.</p>}}<br>
}}<br>
''{{droite|[[Le carnaval sans masques|Texte suivant : Le carnaval sans masques]]}}''
''{{droite|[[Le carnaval sans masques|Texte suivant : Le carnaval sans masques]]}}''
<center>[[Un homme parle (collection de textes rares et inédits)|Retour au sommaire]]</center>
<center>[[Tony Duvert : Un homme parle (collection de textes rares et inédits)|Retour au sommaire]]</center>
== Notes et références ==
== Notes et références ==
<references/>
<references/>

Dernière version du 24 mars 2016 à 22:28

Texte précédent : La casserole au bout de la queue

Chronique de Tony Duvert parue dans Gai Pied n° 26 (mai 1981)


Il est sévèrement défendu de ricaner devant un homo catholique. Ce pauvre homme est victime d’un drame, il est la Toute-Crucifiée : compatissons, respectons sa douleur !

Agir autrement serait une preuve de bêtise, de cruauté, de mauvais goût, d’intolérance. Les pédés cathos peuvent compter sur notre silence ému : tandis que passe leur cortège aux longs voiles de veuves, nous oublierons nos joujoux habituels, marteaux et faucilles, rires bêtes, queues en l’air, couteaux entre les dents.

Malgré tout, le matérialiste enviera un peu le dieu très masculin de MM. les cathos. Un dieu qu’on dirait créé exprès pour les pédés. Aimez-vous les grands barbus ? C’est Lui. Les charpentiers vigoureux ? C’est Lui. Les éphèbes rêveurs ? C’est Lui. Les coquins de douze ans ? Les très jeunes pisseux ? Les nourrissons dodus ? C’est Lui, encore Lui, toujours Lui. Vous l’aurez en folle mystique et en macho ivrogne ; en Oriental liquide et en Nordique gelé. Pédophile, adore Ses langes et Son prépuce. Sado-maso, adore Ses verges, Ses soufflets, Ses crachats, Sa crucifixion ! Nécrophile, cours à Turin vénérer Son suaire !

Quel fabuleux amant de poche, quel collage de toutes les séductions, quel dieu gigogne ! Ah vraiment, il y a à boire et à manger ! Il ne lui manque que la parole.

Et c’est là que les pédés cathos ont un petit problème. Le divin corps est celui d’un beau mec, mais la voix divine est celle d’une mégère gâteuse : leur sainte mère l’Église. Le Christ joue les allumeuses, l’Église joue les éteignoirs. Le petit Jésus, nu et grassouillet, vous tend les bras en écartant les cuisses, et l’Église vous hurle : « Pas touche ! »…

Cette déchirante contradiction, moi je la trouve risible : mais je n’ai pas de cœur, et j’ai vendu mon âme au Diable pour m’acheter Das Kapital. Il ne me reste que mon museau !

Conscient de cela, je me serais tu — si le « problème » des homos cathos avait été seulement le leur. Ils croient en un dieu ? Ça les regarde, certes. Leur religion impose une morale anti-sexuelle et anti-homo ? À eux de se débrouiller avec leurs prêtres, nous on s’en fiche. Chacun ses idées, hein. Tolérons, tolérons.

Malheureusement c’est impossible. Parce que les cathos (hétéros) sont notre ennemi numéro un, à nous qui ne sommes ni hétéros ni cathos.

Catholique de choc, monsieur Foyer — à qui nous devons le maintien de la loi anti-homo.

Catholique de choc, madame Dolto — la Bryant[1] française, et qui a inventé de supprimer à jamais les homos de cette terre en leur charcutant la libido au seul âge où on les tient prisonniers : dans l’enfance.

Catholiques, les troupes de choc (et les trésoreries) des mouvements, associations, syndicats et clubs qui défendent les « bonnes mœurs », la famille, l’enfance, préconisent la censure, contrôlent l’enseignement, imposent l’ordre hétéro-patriarcal.

Catholiques, les soutiens, les théoriciens, les propagandistes, les militants et les agents des pires formes d’homophobie.

Voilà pourquoi le « problème » des cathos homosexuels ne m’arrache aucune larme attendrie. Car, pour un pédé catho que sa conscience tourmente, c’est mille pédés incroyants que la morale catholique persécute dans leur chair, via les lois et les mœurs.

L’affaire Jean Foyer[2] nous a montré qui, en France, régente la morale publique et toutes les vies privées.

Les « gentils » cathos (style foi du charbonnier) n’empêchent pas leur religion d’être celle d’une bourgeoisie ploutocrate, nationaliste, militariste, fasciste, qui vend des canons et qui coupe les sexes. L’Église reste aussi malfaisante qu’en ses siècles de splendeur. Nous lui devons nos pires souffrances quotidiennes, nos lois les plus iniques, et les plus révoltantes de nos difficultés d’être. Vraiment, il faut un cœur trop tendre et une âme trop douce pour se contenter de ricaner quand passe, tapette à croix et à bannière, un zélateur homo de cet enfer terrestre : la chrétienté.

Mais les pédés cathos ont une « foi » qui leur cache l’Église, eux, les veinards ! D’où leur étonnement quand le pape se rappelle à leur attention.

Comment comprendre que les catholiques homos puissent se plaindre que l’Église les condamne ? Sa doctrine en matière de sexe est connue depuis toujours, et n’a jamais varié. Les pédés cathos ont choisi cette doctrine et cette Église — parmi les centaines de sectes monothéistes qui adorent (chacune avec sa morale, sa théologie et son rite) le dieu de la Bible, des Évangiles et du Coran. Le pape a donc entièrement raison de redire aux pédés de sa secte à lui sous quelle condition ils peuvent se prétendre catholiques : haïr le sexe, le corps, la vie en général.

Ces trucs physiques, en effet, sont strictement réservés aux athées (des misérables qui assument l’idée de leur mort). Un chrétien, lui, a la Vie éternelle devant soi : mais sans bites ni culs. L’alternative est simple, le bonneteau est évident. Donne-moi ta bite t’auras une âme : c’est encore plus clair, et plus cynique, que le pari pascalien.

Les cathos, hélas, vivent avec nous, c’est-à-dire en un âge positiviste, égalitaire et libéral. La morale sexuelle de l’humanisme athée s’est diffusée, a aboli des interdits, a imposé des droits : non seulement on a apprivoisé le « péché » (érotisme, perversions, union libre, divorce, avortement…), mais partout où il règne on vit plus paisiblement, on comprend, on tolère et respecte mieux autrui, on souffre moins et on aime moins mal. Les puritains des églises réformées eux-mêmes ont aperçu cela. En somme, il suffisait d’inverser exactement la morale sexuelle de l’Église pour accomplir ici-bas la lettre et l’esprit du message évangélique… Un comble !

Oui, les cathos ont dû s’en gratter le menton. Et de là à espérer que le Vatican révise ses positions et reconnaisse ses erreurs, il n’y avait qu’un pas. Mais l’Église n’en est qu’à réhabiliter Galilée. L’infaillible Jean-Paul II a enfin autorisé la Terre à tourner autour du Soleil : soyez certains que, d’ici quelques siècles, un Jean-Paul XXII autorisera les cathos à tourner autour des garçons. Patience !

Pour l’instant, l’Église a évidemment fait le meilleur choix en réaffirmant sa morale familiale, son obscurantisme, et sa répressivité. Certes, il y a des cathos progressistes que les furies jean-pauliennes ont blessés : mais ils sont une minorité. Il y a longtemps que l’Église n’attire plus d’hommes intelligents, et elle sera de plus en plus un asile de crétins. Elle le sait. Si elle affichait une morale permissive, cette morale resterait trop timide pour appeler à Dieu les esprits libéraux, mais elle suffirait pour effrayer le troupeau catholique et le patronat clérical. Ce serait une terrible gaffe.

Mieux vaut donc semoncer, ou franchement rejeter, les cathos de progrès — et tous ces croyants métissés d’athéisme, qu’ont troublés les succès de la morale et du savoir mécréants. Le vœu du pape : dominer un milliard de crétins et être énormément payé pour ça.

Le pouvoir, le succès de l’Église ne sont concevables que sous des régimes politiques de droite durs. Réciproquement, ces régimes ont besoin d’un ordre moral, familial et sexuel extrêmement rigoureux. Une perspective socio-politique très incertaine, dans les nations privilégiées. Tandis que le tiers et le quart mondes présentent fréquemment les conditions requises : pauvreté, superstition, analphabétisme, dictature militaire, absolutisme d’une maffia de possédants qui vendent au plus offrant le travail du peuple et les ressources du sol. Telle est exactement la « niche » historique où prospère l’Église, et d’ailleurs n’importe quelle religion à poigne.

On peut donc considérer la doctrine sexuelle qu’à réaffirmée Jean-Paul II comme une véritable offre de services à tous les régimes de droite de la planète. Le pape dit : « Le catholicisme ne change pas, nous restons les meilleurs flics de l’univers ». Embrigadement des jeunes, soumission des femmes, pouvoir de la famille, castration générale, obéissance aveugle, interdits, terreurs, milices tortionnaires, patriarcat musclé : tels sont quelques-uns des articles ménagers que Jean-Paul promène à travers le monde. Avis aux amateurs ! Et on n’oubliera pas que les nations dominantes — et-néanmoins-démocratiques — ont besoin, elles aussi, que les nations dominées aient des régimes autoritaires.

Bref, l’avenir de l’Église repose sur les souffrances des trois quarts de l’humanité. Perpétuez cette souffrance, et l’Église sera forte. À l’inverse, chaque homme qui se libère fait un peu crever Dieu. Comptez donc sur l’Église pour accroître la douleur et la servitude des peuples : sa propre survie en dépend.

Et voilà, ô pédales cathos, une menace autrement plus angoissante que vos problèmes de touche-pipi.


Retour au sommaire

Notes et références

  1. Anita Bryant, militante anti-homo évoquée par Duvert dans L’enfant au masculin. Elle a réussi à faire revenir la ville de Miami sur une loi contre les discriminations visant les homosexuels. Le thème de sa campagne, soutenue par les églises baptistes, était save our children.
  2. Duvert détaille cette affaire dans L’enfant au masculin : ce député de la majorité de droite avait fait maintenir, contre son gouvernement, le point de droit qui fixait la majorité sexuelle à 18 ans (au lieu de 15) pour les actes homosexuels. Cette réforme sera finalement votée à l'arrivée de la gauche aux affaires.

Voir aussi

L’enfant au masculin