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vie priv&eacute;e de Montherlant, telle que Roger Peyrefitte a eu l&rsquo;indiscr&eacute;tion g&eacute;niale de nous la
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crocodile&nbsp;: ce sera rigolo. Mais je crains qu&rsquo;ils ne pr&eacute;f&egrave;rent la jeunesse d&rsquo;Alexandre<ref>Ouvrage de Peyreffitte sur Alexandre le grand, très riche en anecdotes garçonnières.</ref> &agrave; la
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d&rsquo;&ecirc;tre mauvais. Sans rien qui nous y autorise, et en prenant des &laquo;&nbsp;risques&nbsp;&raquo; de plus en plus
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== Notes et références ==
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[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]
[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]

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Texte précédent : Les mules du pape

Chronique de Tony Duvert parue dans Gai Pied n° 28 (juillet 1981)


Depuis que la liberté sexuelle est une grande cause humaniste, et qu’on s’intéresse à nos « besoins » sexuels autant qu’à ceux des animaux d’appartement, il y a, dans les plaidoyers libérateurs, une grande zone de silence et de timidité qui, je l’avoue, m’intrigue.

On vous le reconnaîtra, le droit de les faire, vos besoins (un sac de sciure par personne, c’est la démocratie pour les chats) : Mais on préfère ne pas savoir comment vous vous y prendrez.

Le droit à la contraception, à l’avortement, n’est surtout pas une commodité pratique qu’on a mise au service des baiseuses effrénées. Ce serait sale. Ce sont donc de chastes libertés, de froides dignités abstraites : un soulagement pour les épouses contraintes à un devoir conjugal ingrat (la fameuse bestialité masculine), le libre choix de la maternité (l’être humain sous forme d’époux, c’est un fumier, mais sous forme d’enfant, c’est un dieu. Bizarre…). Prude et frigide, telle est l’étrange philosophie du droit de faire l’amour sans « conséquences ».

Faudrait-il, dans ce drôle de pays, s’habiller de bure et porter un cilice quand on défend l’amour physique ?

Même contradiction, chacun le sait, dans le militantisme homo. Car l’homosexualité, revue par nos combattants, est si sage et si gentillette, si réservée, si respectueuse, si affectueuse, si modeste, si brave et si bonne qu’on ne voit plus du tout quel rapport elle peut avoir avec les mœurs (dégoûtantes) des homos silencieux et des non-militants.

On compte ainsi chez nous les homos par millions (en laissant d’ailleurs de côté, crime statistique, les demi-homos, quarts d’homos et autres petits bouts de tantes) : mais, quand un groupe militant ouvre une permanence quelque part, ça attire moins de monde que la pissotière la plus vide de la rue la plus triste.

Les pédés auraient-ils donc horreur des leçons de morale ? On se demande pourquoi. Et l’on constate avec désespoir que plus une publication pédé est vicieuse, salope, porno, complaisante, dégueulasse (Gai Pied de mon cœur, tu n’es pas au bout de tes peines !), plus elle a de succès. Imaginez, d’après ça, ce qu’ils sont, les homos — les taciturnes. Ça fait froid dans le dos. Quels monstres ! Heureusement qu’ils se cachent !

La pensée des homos penseurs et discoureurs bute, coupée net et foutrement mal à l’aise, face aux comportements indéfendables de ceux pour qui ils militent. Abus sexuels, vilaines manies, cinglés de la braguette et des mauvais lieux, pornographie, prostitution, pédophilie, incestes, virées touristiques dans les tiers et quart mondes, plaisirs qu’on prend à ceux qui ne veulent pas les donner : voilà quelques unes des immoralités privées qui forment, je le crains, tout un quotidien homo qui reste en travers du gosier de nos orateurs.

Et le vertueux émoi qu’entraîne la lecture des annonces de contact — spécialement les « Chéri(e)s » de Libé, plus gratinées qu’ici. Ils sont maniaques, ils sont obsédés, ils sont racistes, ils aiment ceci et pas cela, ils veulent des amants qui se déguisent en Mickey, ou qui mouillent leur slip, ou qui élèvent des chèvres, ils détestent les folles et les vieilles, leur trou du cul halète dès qu’un mâle a la peau foncée ou porte du cuir noir, il leur faut des queues énormes ou des sentiments éléphantesques, ils sont écœurants, pas intelligents, pas normaux. Un peu pervers, pour tout dire.

Les journaux d’annonces étrangers, américains ou allemands par exemple, sont plus épouvantables encore : on peut y publier sa photo. Et quelles gueules, et quelles anatomies ! Tératologiques. Aussi laids que les foules du métro, les familles sur les plages, la clientèle des prisons, des hôpitaux et des bordels.

Non. C’est impossible ! L’homosexualité est une petite chose très douce, un peu bébête, un peu débile, qui se fait timidement entre garçons gentils-gentils, jeunes et mignons. Le reste c’est pas beau, c’est pas frais. C’est du vice.

Pourtant, je ne fais pas d’hypothèse audacieuse quand je suppose que la grosse majorité des homos, hommes ou femmes — car nos consœurs lesbiennes sont assez croustillantes, elles aussi — ressemble à la majorité des citoyens français. Tout simplement. Moches, décatis, analphabètes, flemmards, égoïstes, emmerdants, imbaisables, etc. D’ailleurs, ceux qui ne le sont pas le deviendront, ce n’est qu’une question de temps…

Et, dès que vous ressemblez, même un tout petit peu, à ce portrait-robot, dites-moi à quoi elle vous sert, la liberté « sexuelle » de faire ami-ami ? Coucher avec des ringards comme vous ? Faisable, mais pas très recherché.

Alors ? On se tape des pornos, des images ; on s’offre des gigs quand on a le sou. Et si tout ça vous paraît trop maigre, on force un peu la main d’autrui (la main, façon de parler). C’est très, très mal : mais c’est ça ou rien. Et la plupart des gens qui n’ont rien ont plutôt tendance à devenir voleurs qu’à crever d’inanition. Bande d’affreux !

À propos d’homos silencieux et « indéfendables », je pense souvent avec admiration à la vie privée de Montherlant, telle que Roger Peyrefitte a eu l’indiscrétion géniale de nous la dire (Propos Secrets I). On comprend pourquoi le petit grand homme fut un écrivain si médiocre : rien n’est entré de sa vie dans son œuvre ; biographe de ses mauvaises mœurs, au contraire, il aurait peut-être eu du génie. Manteau grisaille, œil fou, main baladeuse, lieux sordides, honte, cynisme, gosses paumés, quéquettes tristes, culs mis à mal, mépris, police et mauvais coups, ce rôdeur cinglé m’évoque M le Maudit. J’en bave de jalousie, naïvement. Quel roman noir ce serait à écrire !

Une seconde « Université homosexuelle d’été » va se tenir à Marseille. Je n’ai pas accepté de participer à ses travaux. La flemme ! Mais je me demande si nos homos à tête chercheuse réussiront à inviter un seul pédé qui ait des choses à ne pas dire. Organiseront-ils, à défaut, un séminaire consacré à ce superbe chapitre de Peyrefitte ? Des poules devant un œuf de crocodile : ce sera rigolo. Mais je crains qu’ils ne préfèrent la jeunesse d’Alexandre[1] à la vieillesse d’Henry. Celle-ci est pourtant plus banale que celle-là, et plus répandue, plus représentative de l’existence que vivent beaucoup de ceux qui n’iront pas à Marseille.

Bien sûr, on dira que la vie intime immorale et vaguement délictueuse des homos défraîchis n’est qu’un regrettable effet des préjugés esthétiques et des racismes d’âge qui règnent en notre temps. On oubliera pudiquement que le « scandale » du désir n’est pas celui de l’amitié idéale et virile, platonique ou non, telle que l’a prônée dans ce journal Michel Foucault. Le comble et le scandale de la sexualité, c’est l’égoïsme : le refus d’aimer, l’indifférence à la « personne » d’autrui, le désir sans réciprocité, les jouissances qu’on arrache et non celles qu’on reçoit.

Je ne veux évidemment pas faire l’apologie du viol. Mais comment nier que le plaisir de violer, d’abuser, de jouir de vous sans savoir si ça vous plaît ou non, est au cœur de nos actes érotiques, de nos amours, de nos amitiés les plus tendres elles-mêmes ? La drague, sauvage ou bien élevée, joue avec le viol ; nos accouplements, nos possessivités, notre bonheur qu’on nous dise oui, jouent avec le viol ; la sexualité collective des saunas, des jardins, est un jeu complexe de petits viols mutuels et consentis ; les passions amoureuses les plus marquées d’idéalisme et de beaux sentiments transposent, émiettent, consument en jolies phrases et en pouvoirs abstraits un rage délirante de violer.

S’y résignera-t-on un jour ? Les puritains ont raison : la sexualité est bestiale. On peut en inventer un idéal qui en exclut toute malfaisance, certes : mais il risque de ressembler aux utopies politiques selon lesquelles l’homme est bon et que, dans une « bonne » société, il le reste.

La chasse aux mauvaisetés que notre monde intégrait est baptisée aujourd’hui « progrès social ». La liste des nouveaux interdits donne le vertige.

Comment était-ce avant qu’on décide de vivre « heureux » ? C’était simple. Des milliards de vices s’exerçaient impunément au sein de l’ordre même.

Être mari permettait d’être violeur et tyran. Être père ou mère permettait d’être bourreau, despote, dictateur. Être enseignant permettait d’être espion, flic, patron, censeur, propagandiste et chien de garde. Être commerçant, industriel, permettait d’être filou, malfrat, voleur, marchand de vent, marchand de merde. Être Français moyen permettait d’être raciste, antisémite, antipédé, gros con, gros cul, gros dégueulasse, bâfreur, ivrogne, juré assassineur d’assassins, colon tortionnaire, électeur de salauds, de fayots et de brutes. J’en passe !

À présent, tous ces abus de droits, ces bassesses, ces ignominies qui formaient le tissu de la France quotidienne, on s’emploie à les combattre. Pour une meilleure société, et au nom du bonheur.

Quel bonheur ? Sûrement pas celui des gens que tant de vertus nécessaires vont priver de leurs plaisirs. N’est-ce pas trente ou quarante millions de vicieux, de fumiers, qu’on veut mettre au chômage ? Trouvez-moi des raisons de vivre, si me voilà obligé d’être bon, quoi que je fasse.

Aucune société n’a jamais eu l’imprudence d’en demander tant à ceux qui la composaient. Elle aurait été invivable.

Que l’ordre social, économique, les institutions, les valeurs courantes ne favorisent plus, n’entérinent plus les inégalités, les abus de pouvoir, les dominations, les vols et les viols, rien de plus souhaitable ; et peu de gens peut-être le désirent autant que moi. Mais en même temps, je pense à cette masse immense de mal sans emploi, de violence sans cible, d’abominations sans structures sociales qui les accueillent, qu’on libère du même coup.

Demain ou après-demain, ou, en tout cas un jour ou l’autre, on ne pourra réellement plus vivre et exercer les malfaisances et les jouissances que permettaient, j’y insiste, l’état de mère, de patron, de soldat, d’hétéro, de « blanc », de chrétien, etc., les mille et une manœuvres sournoises qu’inventait le plaisir sous l’ordre des choses et sous l’autorité.

Et s’il n’y a plus aucun droit, aucun rôle, aucun code qui puisse couvrir et absoudre nos méfaits, de quel côté les commettrons-nous ? Avec le consentement de qui ?

La vie privée, et elle seule, peut devenir cette étendue sauvage où nous aurons la liberté d’être mauvais. Sans rien qui nous y autorise, et en prenant des « risques » de plus en plus concrets. Les mauvaises têtes ont un bel avenir.


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Notes et références

  1. Ouvrage de Peyreffitte sur Alexandre le grand, très riche en anecdotes garçonnières.