« Quand mourut Jonathan (17) » : différence entre les versions
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Les deux chats avaient cessé de venir. La belle saison leur offrait des ressources qui ne | |||
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Le petit lapin ne s’était pas sauvé. Serge le touchait, le caressait, l’amusait chaque jour. La bestiole était presque aussi joueuse qu’un jeune chat, mais on ne lui voyait pas de rire au visage. Elle avait une figure compassée, mignonne par distraction, vieillarde à l’ordinaire. L’inhabituel de sa race, c’était des oreilles très longues, très grandes et rondes, qui se dressaient. Jonathan, accoutumé aux lapins de choux, gris lapin, mous, timides, restait surpris devant ce lapin-là, plus sauvage et plus fort que les autres. À croire qu’il descendait d’une aïeule hase, tuée au collet et dont on avait recueilli les petits.
Le lapereau n’avait pas découvert les déchirures du grillage. Il sautillait par le jardin, grignotait les feuilles de chou, étudiait les herbes et les fleurs, dormait ou s’immobilisait souvent, reconnaissait les personnes, acceptait la main de Serge, qui usait de lui comme d’un écureuil apprivoisé, le mettait à son cou, lui embrassait la bouche, mêlait sa vivacité à celle de la bestiole. Il ne dédaignait pas de lui tenir des conversations, où généralement l’opinion du lapin prévalait, non sans luttes.
Et l’animal avait ses moments de folie : il tournait dans l’herbe, se roulait sur le dos, agitant les pattes comme un mourant qui tremble, galopait, reniflait, semblait intelligent pour son animation, mais égaré à cause de son œil vide. Il habitait dehors : on lui ouvrait la cuisine par temps de pluie, mais il préférait l’abri de certains gros feuillages.
Les deux chats avaient cessé de venir. La belle saison leur offrait des ressources qui ne dépendaient plus d’un seul lieu. Mais Jonathan continuait de leur mettre à manger dans le jardin en se couchant, et il retrouvait habituellement les écuelles vides. Les chats, soûls de parfums de vies, de bêtes, couraient la campagne comme des célibataires saisis d’amour : et, bredouilles le soir, ils revenaient honteusement dévorer leur pâté.
Le bassin qu’avait creusé Serge était devenu assez grand pour que, dans l’eau boueuse, couleur café au lait, il s’assoie entier. D’abord, il avait seulement trempé les pieds dans cette crème, qui moussait sur les bords pendant qu’il versait l’eau. En moins d’une heure, toute cette eau était absorbée et il fallait en remettre ; une pâte lisse, douce, brillante, veloutait les parois du trou.
Ensuite l’enfant, sur la suggestion de Jonathan, y baigna ses fesses nues. C’était froid, chatouillant, gluant au fond. Quand il se relevait, un liséré laiteux et terreux marquait ses cuisses, ses reins, son ventre, comme les moustaches du petit déjeuner marquent la lèvre quand on retire la figure d’un grand bol.
Ces bains étaient si agréables que Serge, irrité, détestait d’y être seul. Alors Jonathan glissait son pied entre les cuisses de l’enfant ; ou bien il s’accroupissait et, plongeant la main au fond de l’eau, il ramassait la boue onctueuse et il la poussait dans les intimités du petit.