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{{Citation longue|Si Serge revenait. Mais l’année avançait, et rien de neuf, et déjà les signes du printemps,
{{Citation longue|Jonathan substitua, aux représentations de singes que les hommes lui inspiraient, des
malgré le froid.
images de cadavres. Ce travail le captiva au point qu’il monta à Paris exécuter une série
d’eaux-fortes. Il ne laissa à personne le soin de graver ses dessins et, les délaissant lui-même,
il improvisa placidement ses fureurs dans le vernis du cuivre.


Simon écrivait assez souvent à Jonathan. Il parlait de lui-même, de Barbara, du mariage,
Ce furent les premières œuvres figuratives qu’il osa montrer. Leur férocité plut ; on
certain mais retardé. Il avait déniché, dans les falaises calcaires de la Seine près de Rouen, des
l’excusa de ce qu’on pouvait juger être une régression artistique ; on l’en félicita. Les
blocs curieux, renfermant des silex, et qu’il s’amusait à sculpter sur place, le dimanche. Oh, juste pour s’exercer un peu les bras et prendre l’air : la sculpture est un art sportif.
gravures eurent du succès et disparurent vite dans le portefeuille des petits investisseurs.


Il enviait Jonathan d’être célibataire, d’échapper à tous les problèmes des couples, et de
Pendant ce séjour parisien, Jonathan se décida, un soir qu’il était ivre, à sonner chez
gagner sa vie sans sortir de chez lui — à distance, en somme. Un paradis ! Il racontait peu de
Barbara. Les arguments qu’il s’était répétés contre une telle visite ne tenaient plus, quand il
choses à propos de l’enfant.
était si proche du lieu où vivait Serge.


Cependant, il s’en occupait davantage : Serge était très bien comme fils, vraiment c’était
— Il faut que j’essaie. On verra bien, après.
chouette. D’ici que le gosse ait quinze ou seize ans, ils seraient des vrais copains, ils se
comprendraient. Phénomène curieux, Barbara lui abandonnait complètement le petit. Elle
devenait végétarienne, d’ailleurs : elle se nourrissait de riz complet, de verjus, de germes de
blé, de pollen. Elle suivait des cours d’expression corporelle et assistait à des séminaires de cri
primal. Lui, Simon, c’était les steaks-salade et la moto.


Quant à Serge, on lui laissait de l’argent, il se débrouillait, il était pas con. Il s’achetait à
Chance ou malchance, on ne répondit pas. Il griffonna un mot pour dire qu’il était venu,
manger, ou son linge, ses frusques, ses godasses, ses cahiers. Il avait fumé, une fois. Il était
le plia, mit dessus le nom de Serge, le glissa sous la porte.
démerdard, il était marrant, à pas dix ans, c’était pas mal. Mais un caractère de cochon. Simon
 
aurait bien aimé avoir autant de liberté quand il était gosse. Aujourd’hui, l’époque était mieux,
Mais, cette nuit même, dégrisé et désespéré, il repartit par le train. Il n’en trouva pas
on pouvait pas dire le contraire. Même l’éducation sexuelle : ça, Simon était pour. À quatorze
pour sa ville, il prit le premier qui pourrait le déposer aux environs, débarqua dans une ville
ans, lui, il croyait que les filles avaient trois trous à la queue leu leu, comme des boutons de
inconnue, endormie et glacée, et, au matin, il rejoignit la sienne par un autorail. Il était
veste. Y avait quand même un progrès. Ils avaient un paquet de pornos danois, à la maison :
surexcité et il regardait les enfants avec un air dangereux. Il lui fallut encore attendre
Serge les avait vus, on ne lui cachait rien. Ça ne lui avait fait ni chaud ni froid, évidemment, il
l’après-midi pour gagner son village par le car. Il s’en voulait d’avoir sonné chez Barbara et
était tout de même un petit peu jeune. Enfin, moi, si mon père… disait Simon. Mais on ne naît
laissé ce mot ; aussi, il avait tort de boire.
jamais quand il faudrait, concluait-il philosophiquement.}}<br>
 
Son humeur s’assombrit encore. Deux jours sur trois, maintenant, il déchirait les lettres
sans les ouvrir, en murmurant :
 
— Alors, ''ils'' s’imaginent qu’ils m’écrivent. Salauds.}}<br>
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Dernière version du 8 juin 2016 à 17:35

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Jonathan substitua, aux représentations de singes que les hommes lui inspiraient, des images de cadavres. Ce travail le captiva au point qu’il monta à Paris exécuter une série d’eaux-fortes. Il ne laissa à personne le soin de graver ses dessins et, les délaissant lui-même, il improvisa placidement ses fureurs dans le vernis du cuivre.

Ce furent les premières œuvres figuratives qu’il osa montrer. Leur férocité plut ; on l’excusa de ce qu’on pouvait juger être une régression artistique ; on l’en félicita. Les gravures eurent du succès et disparurent vite dans le portefeuille des petits investisseurs.

Pendant ce séjour parisien, Jonathan se décida, un soir qu’il était ivre, à sonner chez Barbara. Les arguments qu’il s’était répétés contre une telle visite ne tenaient plus, quand il était si proche du lieu où vivait Serge.

— Il faut que j’essaie. On verra bien, après.

Chance ou malchance, on ne répondit pas. Il griffonna un mot pour dire qu’il était venu, le plia, mit dessus le nom de Serge, le glissa sous la porte.

Mais, cette nuit même, dégrisé et désespéré, il repartit par le train. Il n’en trouva pas pour sa ville, il prit le premier qui pourrait le déposer aux environs, débarqua dans une ville inconnue, endormie et glacée, et, au matin, il rejoignit la sienne par un autorail. Il était surexcité et il regardait les enfants avec un air dangereux. Il lui fallut encore attendre l’après-midi pour gagner son village par le car. Il s’en voulait d’avoir sonné chez Barbara et laissé ce mot ; aussi, il avait tort de boire.

Son humeur s’assombrit encore. Deux jours sur trois, maintenant, il déchirait les lettres sans les ouvrir, en murmurant :

— Alors, ils s’imaginent qu’ils m’écrivent. Salauds.


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