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{{Citation longue|Mais que ces deux mois furent courts ! Serge n’aimait plus guère s’occuper seul.
heures, ou plutôt ses minutes, de désincarnation, pendant lesquelles il fallait que Jonathan, en
Jonathan était embauché comme manœuvre. On lui demandait conseil quand on avait un
contrepartie, reprenne tout son poids.
problème technique ; sinon, on lui refilait les corvées qu’un grand corps fait mieux. Serge
gardait pour lui d’inventer et de fignoler.


Ce n’est pas que, aux autres moments, Jonathan tînt absolument à s’effacer. Mais il
Jonathan, enfin, toutes les trois ou quatre heures, était tiré dans un coin et servait au
avait la certitude qu’en se montrant, en étant tel quel, il nuirait à l’enfant. Les adultes fiers de
repos du guerrier. Ces pauses étaient brèves et simples : Serge désirait être sucé et masturbé ;
l’être, et même les meilleurs d’entre eux, n’ont, pensait-il, que des miasmes à répandre :
il masturbait le jeune homme en même temps, par plaisir de faire coulisser la peau du gros
autorisés — par l’amour, par l’intérêt qu’autrui leur porte — à se manifester, à être libres, à
membre. Et Serge, dès son orgasme à lui, disait, sans un battement de cil :
jouer les épanouis, ils ne sauront étaler qu’un épouvantable fatras d’infirmités, de sincérités
 
grotesques, d’affectivité maladive, de possessivité maniaque, de narcissisme avide. L’époque
— Ça y est. Arrête !
ne permettait que cela, en guise d’humanité : mieux valait le savoir et, à défaut d’y pouvoir
 
remédier, s’interdire d’en engluer ceux qu’on aimait — et surtout les enfants.}}<br>
Jonathan s’arrêtait. On refermait les braguettes. Jonathan ne s’occupait pas, quant à lui,
de jouir ou non. Ils reprenaient d’autres activités corporelles qui avaient l’avantage de ne pas tourner court à cause d’un orgasme. On aurait dit que, dans l’économie de ses journées, Serge
était sollicité tour à tour par telle ou telle partie de son corps, et l’assouvissait selon ses
besoins. Certaines parties, comme les jambes ou les yeux, étaient presque insatiables ;
d’autres, comme la pine ou l’estomac, étaient faciles à contenter d’un geste, heure après
heure ; quant aux circulations par l’anus, étrons ou bite, leur intensité compensait leur peu de
durée.
 
Cette distribution des activités de l’enfant évoquait le travail d’un fermier qui, du matin
au soir, aurait eu à nourrir des élevages innombrables. Vaches, cochons, canards, pigeons,
poules, et les oies à gaver, et les agneaux à dorloter, les poulardes à engraisser de riz au lait,
l’herbage des lapins, l’écuelle des chats, la salade des tortues, les mouches du caméléon, les
souris du boa — et bouchonner le cheval, peigner la girafe, doucher l’éléphant, caresser les
chiens, graisser le vélo, arroser les fleurs, enterrer les morts, chatouiller les crocodiles et
bercer les baleines : cela formait un corps démesuré autour duquel, inlassablement, s’affairait
le petit. Son corps : le monde même.}}<br>
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Mais que ces deux mois furent courts ! Serge n’aimait plus guère s’occuper seul. Jonathan était embauché comme manœuvre. On lui demandait conseil quand on avait un problème technique ; sinon, on lui refilait les corvées qu’un grand corps fait mieux. Serge gardait pour lui d’inventer et de fignoler.

Jonathan, enfin, toutes les trois ou quatre heures, était tiré dans un coin et servait au repos du guerrier. Ces pauses étaient brèves et simples : Serge désirait être sucé et masturbé ; il masturbait le jeune homme en même temps, par plaisir de faire coulisser la peau du gros membre. Et Serge, dès son orgasme à lui, disait, sans un battement de cil :

— Ça y est. Arrête !

Jonathan s’arrêtait. On refermait les braguettes. Jonathan ne s’occupait pas, quant à lui, de jouir ou non. Ils reprenaient d’autres activités corporelles qui avaient l’avantage de ne pas tourner court à cause d’un orgasme. On aurait dit que, dans l’économie de ses journées, Serge était sollicité tour à tour par telle ou telle partie de son corps, et l’assouvissait selon ses besoins. Certaines parties, comme les jambes ou les yeux, étaient presque insatiables ; d’autres, comme la pine ou l’estomac, étaient faciles à contenter d’un geste, heure après heure ; quant aux circulations par l’anus, étrons ou bite, leur intensité compensait leur peu de durée.

Cette distribution des activités de l’enfant évoquait le travail d’un fermier qui, du matin au soir, aurait eu à nourrir des élevages innombrables. Vaches, cochons, canards, pigeons, poules, et les oies à gaver, et les agneaux à dorloter, les poulardes à engraisser de riz au lait, l’herbage des lapins, l’écuelle des chats, la salade des tortues, les mouches du caméléon, les souris du boa — et bouchonner le cheval, peigner la girafe, doucher l’éléphant, caresser les chiens, graisser le vélo, arroser les fleurs, enterrer les morts, chatouiller les crocodiles et bercer les baleines : cela formait un corps démesuré autour duquel, inlassablement, s’affairait le petit. Son corps : le monde même.


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