« Lettre de Tony Duvert à Bernard Duvert » : différence entre les versions
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Ce couple corrézien eut un fils – mon grand-père – dont je porte le prénom (il s’appelait Antoine mais tout le monde l’appelait Tony, c’est ce diminutif que reprit mon papa pour me déclarer à l’état civil, c’était en 45 et ce qui était américain était très bien vu (et pour cause !) sinon l’administration aurait refusé cet exotisme). Ce grand-père fut professeur de français, puis militaire, capitaine de cavalerie ; il participa à la « pacification » du Maroc sous Lyautey (ce dernier, grand amateur de jeunes garçons), et exerça là-bas les fonctions de juge militaire. Ce qui ne l’avait pas empêché d’épouser une Parisienne d’origine espagnole, venue avec lui au Maroc et qui mit au monde un Georges en 1918 et à Meknès. (Cette naissance, plus celle de ma mère à Mayence, en Rhénanie, me vaut de me trimbaler partout avec un certificat de nationalité française, c’est-à-dire un papier qui atteste que je suis français « quand même ».) Ce monsieur est mort jeune (1929) et je ne l’ai pas connu. Son fils – mon défunt père – regagna la France après sa mort. À ma connaissance, aucun lien d’aucune sorte n’a donc été conservé entre ma famille et ses origines corréziennes, côté paternel ; le lien avec le côté allemand, rompu lui aussi, a été, en revanche, préservé fort longtemps – j’ai eu le plaisir d’apprendre que mon arrière-grand-père teuton, un avocat de là-bas, consacra sa vieillesse, après avoir fait deux filles et s’être trouvé veuf, aux jeunes, puis très jeunes, puis petits, puis très petits garçons. Il était très beau ! Voilà donc, cher monsieur Duvert, tout ce que je sais de mon pedigree. Il y a quelques années, un Marius Duvert, boulanger je ne sais plus où, mais qui avait, lui, trouvé son nom sur des romans très, très fâcheux, m’avait posé les mêmes questions que vous.}}<br> | Ce couple corrézien eut un fils – mon grand-père – dont je porte le prénom (il s’appelait Antoine mais tout le monde l’appelait Tony, c’est ce diminutif que reprit mon papa pour me déclarer à l’état civil, c’était en 45 et ce qui était américain était très bien vu (et pour cause !) sinon l’administration aurait refusé cet exotisme). Ce grand-père fut professeur de français, puis militaire, capitaine de cavalerie ; il participa à la « pacification » du Maroc sous Lyautey (ce dernier, grand amateur de jeunes garçons), et exerça là-bas les fonctions de juge militaire. Ce qui ne l’avait pas empêché d’épouser une Parisienne d’origine espagnole, venue avec lui au Maroc et qui mit au monde un Georges en 1918 et à Meknès. (Cette naissance, plus celle de ma mère à Mayence, en Rhénanie, me vaut de me trimbaler partout avec un certificat de nationalité française, c’est-à-dire un papier qui atteste que je suis français « quand même ».) Ce monsieur est mort jeune (1929) et je ne l’ai pas connu. Son fils – mon défunt père – regagna la France après sa mort. À ma connaissance, aucun lien d’aucune sorte n’a donc été conservé entre ma famille et ses origines corréziennes, côté paternel ; le lien avec le côté allemand, rompu lui aussi, a été, en revanche, préservé fort longtemps – j’ai eu le plaisir d’apprendre que mon arrière-grand-père teuton, un avocat de là-bas, consacra sa vieillesse, après avoir fait deux filles et s’être trouvé veuf, aux jeunes, puis très jeunes, puis petits, puis très petits garçons. Il était très beau ! Voilà donc, cher monsieur Duvert, tout ce que je sais de mon pedigree. Il y a quelques années, un Marius Duvert, boulanger je ne sais plus où, mais qui avait, lui, trouvé son nom sur des romans très, très fâcheux, m’avait posé les mêmes questions que vous.}}<br> | ||
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Texte précédent : Lettres à Jean-Pierre Joecker
Lettre de Tony Duvert à l'écrivain Bernard Duvert, datée de février 1985. Citée dans Retour à Duvert de Gilles Sebhan (2015).
J'ai sous les yeux un « sauf-conduit » délivré à un monsieur Georges Duvert – mon arrière-grand-père – et qui indique qu’il est né à Lamazière-Basse en Corrèze (et en 1862). Il épousa une dame Louise Boussac, née au même endroit en 1869 ; il fut, d’après une note de mon papa, « cultivateur, marchand de draps, crieur public, colporteur, brocanteur » avant de laisser sa veuve fermière à Laval (Mayenne), fort riche, elle, dont j’ai connu les fermes et la personne, car elle mourut bien vieille (1956 : j’avais onze ans). (Mais pas vu l’argent !).
Ce couple corrézien eut un fils – mon grand-père – dont je porte le prénom (il s’appelait Antoine mais tout le monde l’appelait Tony, c’est ce diminutif que reprit mon papa pour me déclarer à l’état civil, c’était en 45 et ce qui était américain était très bien vu (et pour cause !) sinon l’administration aurait refusé cet exotisme). Ce grand-père fut professeur de français, puis militaire, capitaine de cavalerie ; il participa à la « pacification » du Maroc sous Lyautey (ce dernier, grand amateur de jeunes garçons), et exerça là-bas les fonctions de juge militaire. Ce qui ne l’avait pas empêché d’épouser une Parisienne d’origine espagnole, venue avec lui au Maroc et qui mit au monde un Georges en 1918 et à Meknès. (Cette naissance, plus celle de ma mère à Mayence, en Rhénanie, me vaut de me trimbaler partout avec un certificat de nationalité française, c’est-à-dire un papier qui atteste que je suis français « quand même ».) Ce monsieur est mort jeune (1929) et je ne l’ai pas connu. Son fils – mon défunt père – regagna la France après sa mort. À ma connaissance, aucun lien d’aucune sorte n’a donc été conservé entre ma famille et ses origines corréziennes, côté paternel ; le lien avec le côté allemand, rompu lui aussi, a été, en revanche, préservé fort longtemps – j’ai eu le plaisir d’apprendre que mon arrière-grand-père teuton, un avocat de là-bas, consacra sa vieillesse, après avoir fait deux filles et s’être trouvé veuf, aux jeunes, puis très jeunes, puis petits, puis très petits garçons. Il était très beau ! Voilà donc, cher monsieur Duvert, tout ce que je sais de mon pedigree. Il y a quelques années, un Marius Duvert, boulanger je ne sais plus où, mais qui avait, lui, trouvé son nom sur des romans très, très fâcheux, m’avait posé les mêmes questions que vous.