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{{Citation longue|— Est-ce que vraiment j’ai l’air fatigué ?… demanda soudain Jonathan.
{{Citation longue|Si Serge revenait. Mais l’année avançait, et rien de neuf, et déjà les signes du printemps,
malgré le froid.


— Fatigué ? T’es fou non, t’es superbe ! dit Simon. Superbe ! Bien moins crevé qu’à
Simon écrivait assez souvent à Jonathan. Il parlait de lui-même, de Barbara, du mariage,
Paris. C’est la campagne, ça, tu dois te rendre compte. Putain, moi, à ta place… Au fait, et le
certain mais retardé. Il avait déniché, dans les falaises calcaires de la Seine près de Rouen, des
travail ?
blocs curieux, renfermant des silex, et qu’il s’amusait à sculpter sur place, le dimanche. Oh, juste pour s’exercer un peu les bras et prendre l’air : la sculpture est un art sportif.


Ça va, oui. Mais j’ai trop fait de dessins, il faut que je recommence un peu à peindre.
Il enviait Jonathan d’être célibataire, d’échapper à tous les problèmes des couples, et de
C’est moins difficile et ça se vend mieux. C’est abstrait, c’est subversif, ça fait riche, les gens
gagner sa vie sans sortir de chez lui à distance, en somme. Un paradis ! Il racontait peu de
payent.
choses à propos de l’enfant.


— Moi, ça empêche pas, je t’aime mieux comme peintre, remarqua Simon. Tes dessins,
Cependant, il s’en occupait davantage : Serge était très bien comme fils, vraiment c’était
sans te vexer, c’est un peu conformiste, je trouve. T’es peut-être trop doué, c’est ça qui fait
chouette. D’ici que le gosse ait quinze ou seize ans, ils seraient des vrais copains, ils se
académique !
comprendraient. Phénomène curieux, Barbara lui abandonnait complètement le petit. Elle
devenait végétarienne, d’ailleurs : elle se nourrissait de riz complet, de verjus, de germes de
blé, de pollen. Elle suivait des cours d’expression corporelle et assistait à des séminaires de cri
primal. Lui, Simon, c’était les steaks-salade et la moto.


— Oui, il faut croire, dit Jonathan. Tout ce travail, et finalement faire du déjà vu, hein.
Quant à Serge, on lui laissait de l’argent, il se débrouillait, il était pas con. Il s’achetait à
Mais je te promets de ne plus dessiner. On va dans le jardin ?… Et tes sculptures, au fait ?
manger, ou son linge, ses frusques, ses godasses, ses cahiers. Il avait fumé, une fois. Il était
 
démerdard, il était marrant, à pas dix ans, c’était pas mal. Mais un caractère de cochon. Simon
— Pfff… soupira Simon. Je m’amuse. Je m’amuse, c’est tout. Pratiquement, y aura rien
aurait bien aimé avoir autant de liberté quand il était gosse. Aujourd’hui, l’époque était mieux,
de sérieux tant qu’il faudra que je fasse un autre boulot. Alors, ça peut durer comme ça
on pouvait pas dire le contraire. Même l’éducation sexuelle : ça, Simon était pour. À quatorze
jusqu’à la retraite… Soixante ans, soixante-cinq… Pas marrant.
ans, lui, il croyait que les filles avaient trois trous à la queue leu leu, comme des boutons de
 
veste. Y avait quand même un progrès. Ils avaient un paquet de pornos danois, à la maison :
— C’est un bon âge, dit Jonathan. Ça fait gagner au moins dix ans, de commencer à cet
Serge les avait vus, on ne lui cachait rien. Ça ne lui avait fait ni chaud ni froid, évidemment, il
âge-là.
était tout de même un petit peu jeune. Enfin, moi, si mon père… disait Simon. Mais on ne naît
 
jamais quand il faudrait, concluait-il philosophiquement.}}<br>
Simon éclata de rire.
 
— Non, je ne plaisante pas, dit doucement Jonathan. Vraiment pas. Mais il se cache, ton
fils.
 
Simon revint dans la cuisine, appela l’enfant et se servit un dernier whisky : l’heure
tournait, il devenait temps de partir.}}<br>
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Si Serge revenait. Mais l’année avançait, et rien de neuf, et déjà les signes du printemps, malgré le froid.

Simon écrivait assez souvent à Jonathan. Il parlait de lui-même, de Barbara, du mariage, certain mais retardé. Il avait déniché, dans les falaises calcaires de la Seine près de Rouen, des blocs curieux, renfermant des silex, et qu’il s’amusait à sculpter sur place, le dimanche. Oh, juste pour s’exercer un peu les bras et prendre l’air : la sculpture est un art sportif.

Il enviait Jonathan d’être célibataire, d’échapper à tous les problèmes des couples, et de gagner sa vie sans sortir de chez lui — à distance, en somme. Un paradis ! Il racontait peu de choses à propos de l’enfant.

Cependant, il s’en occupait davantage : Serge était très bien comme fils, vraiment c’était chouette. D’ici que le gosse ait quinze ou seize ans, ils seraient des vrais copains, ils se comprendraient. Phénomène curieux, Barbara lui abandonnait complètement le petit. Elle devenait végétarienne, d’ailleurs : elle se nourrissait de riz complet, de verjus, de germes de blé, de pollen. Elle suivait des cours d’expression corporelle et assistait à des séminaires de cri primal. Lui, Simon, c’était les steaks-salade et la moto.

Quant à Serge, on lui laissait de l’argent, il se débrouillait, il était pas con. Il s’achetait à manger, ou son linge, ses frusques, ses godasses, ses cahiers. Il avait fumé, une fois. Il était démerdard, il était marrant, à pas dix ans, c’était pas mal. Mais un caractère de cochon. Simon aurait bien aimé avoir autant de liberté quand il était gosse. Aujourd’hui, l’époque était mieux, on pouvait pas dire le contraire. Même l’éducation sexuelle : ça, Simon était pour. À quatorze ans, lui, il croyait que les filles avaient trois trous à la queue leu leu, comme des boutons de veste. Y avait quand même un progrès. Ils avaient un paquet de pornos danois, à la maison : Serge les avait vus, on ne lui cachait rien. Ça ne lui avait fait ni chaud ni froid, évidemment, il était tout de même un petit peu jeune. Enfin, moi, si mon père… disait Simon. Mais on ne naît jamais quand il faudrait, concluait-il philosophiquement.


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