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| ''[[Quand mourut Jonathan (27)|précédent]]''<br><br> | | ''[[Quand mourut Jonathan (27)|précédent]]''<br><br> |
| {{Citation longue|Quand on eut enlevé le corps, et que Jonathan le sut enfoui au cimetière, tout de l’autre | | {{Citation longue|Comme la pluie était venue, Jonathan l’entendait sonner dans son plafond. Car la |
| côté du village, il prit peur de la morte — naïvement, dès que la nuit tombait, la longue nuit
| | chambre, où il se réfugiait, était en mansarde : un grand pan de toit tombait sur le lit et empêchait de relever tout à fait la tête. |
| de l’hiver.
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| Le plus léger mouvement des rideaux l’effrayait ; si, chez lui, il apercevait, en allumant
| | Ce bruit régulier, presque gai malgré la grisaille du jour, malgré le froid visqueux et les |
| dans une pièce, la silhouette de sa veste, de son imperméable, pendus à un dossier de chaise, il
| | arbres dévastés, lui donnait une sérénité morne. Il ne ferait rien tant que cette pluie tomberait. |
| était saisi de terreur comme s’il l’avait vue, elle, qui venait pour lui. Elle se promenait dans
| | On ne se tue qu’un jour violent, qui vous rappelle le monde, les saisons, ou quelqu’un. |
| les jardins, poussait la porte du sien, rôdait parmi les herbes, se tenait droite et immobile au
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| milieu des fourrés, des branches noires. Elle avait des cheveux fous, des yeux globuleux, la
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| bouche entrouverte méchamment sur ses dents pourries, une main bleue, forte, osseuse,
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| appuyée à sa canne. Elle était faite de vent et d’ombres — mais pesante, carrée, qui passait
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| par miracle dans la maison de Jonathan et piétinait lentement à travers les pièces du
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| rez-de-chaussée dès que le garçon était au lit.
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| Pourtant, Jonathan était dépourvu de superstitions et de croyances, il n’avait ni dieu ni
| | Jonathan pensa encore à quitter tout, aller à Paris, rejoindre vite Serge, subir n’importe |
| âme. La hantise qu’il subissait était tout humaine ; il ne cessait de s’en plaisanter et d’en être
| | quoi — même ses contemporains — pourvu qu’il sauve le petit. |
| repris. Cette peur sans raison était inexplicablement bienfaisante.
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| Il remit un verrou à la porte de sa chambre, un cadenas aux volets. Lorsqu’il se préparait
| | Mais le sauver de quoi ? Le monde où l’on se croit heureux n’était pas celui de |
| à dormir, lampe éteinte, des angoisses l’agitaient, il sentait une présence qui patientait, qui
| | Jonathan. Serge avait passé ici trois ou quatre mois qui pouvaient ressembler au bonheur : |
| attendait son sommeil pour approcher ; il rallumait, inspectait la chambre, éteignait,
| | mais il n’avait pas encore l’âge de rechercher et reconnaître quelque bonheur que ce soit. Son |
| recommençait à plusieurs reprises. Pendant la nuit, il se réveillait soudain, alarmé, couvert de
| | séjour chez Jonathan lui ferait plutôt des souvenirs pour ses soixante ans, et des si-j’avais-su. |
| sueur, il cherchait désespérément le bouton de la lampe, il ne le trouvait pas, il risquait sa
| | Puisque en vieillissant on se rappelle enfin un certain âge heureux qu’on a vécu sans même |
| main plus loin avec la crainte horrible de toucher quelqu’un, il trouvait le bouton, mais ça ne
| | savoir qu’il ne reviendrait pas : et ce sont les premiers ans de la vie, et la seule vie à jamais. |
| s’allumait pas, il insistait, appuyait dix fois, tâtonnait le mur, rencontrait l’interrupteur du
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| plafonnier, ça ne marchait pas non plus, il suffoquait dans l’obscurité, et la vieille avançait, il
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| la devinait là, fétide et froide. Elle atteignait son lit. Il criait. | |
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| Il s’éveillait aussitôt de ce songe, allumait la lampe, retournait son oreiller trempé.
| | Et seulement par chance. Ce que Jonathan connaissait de la petite enfance de Serge lui |
| | semblait épouvantable. Ce qu’il se rappelait de la sienne propre ne valait pas mieux : et ce |
| | qu’on lui en avait dit après coup, avant qu’il abandonne sa famille, ses amis, son pays — et |
| | l’humanité avec, la soi-disant humanité —, lui avait seulement donné des envies de meurtre. |
| | En plus, ''ils'' (les vieux) étaient fiers de vous raconter ce qu’ils vous avaient fait, quand vous |
| | deveniez assez âgé pour comprendre. |
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| Lentement, sa respiration et son pouls redevenaient normaux. L’épouvante du rêve avait
| | La pluie tombait. D’une douceur et d’une régularité qui réconciliait, comme une |
| épuisé son angoisse, il se moquait de lui, il observait la chambre avec confiance. Pourtant, il
| | tendresse discrète, avec la vie, la vie toute seule et pour rien. |
| n’aurait pas descendu l’escalier pour aller tirer un verre d’eau.
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| Il évoquait Serge couché près de lui, dans la plus paisible, la plus claire des maisons.
| | Ne pas mourir. Ces gouttes d’eau qui faisaient leur bruit tranquille suffisaient, sûrement, |
| Évidemment une autre que celle-ci. Elle n’avait pas pu devenir ce piège, ce lieu de
| | pour aimer vivre pendant qu’elles étaient là. |
| cauchemar, en si peu de mois. La place de Serge était là, à gauche : une place très petite, on
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| n’imaginait pas que quelqu’un ait dormi là, un corps tout entier, vraiment sans rien qui
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| manque — et le plus encombrant des gamins. Jonathan n’avait jamais vu Serge ''petit'', et il aurait juré de bonne foi qu’ils avaient tous deux la même taille. Serge était grand, réellement
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| grand, on avait son visage à hauteur de soi, on lui prenait le cou en levant les bras, on n’avait
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| pas besoin d’approcher la figure pour le voir aussi bien qu’un autre. Mais cette place, à
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| gauche, n’aurait pas permis de coucher plus de deux chats. Où était-il ?
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| Les images de l’enfant s’effaçaient. Anxieux à nouveau, Jonathan tendait l’oreille et
| | Jonathan verrait les feuilles tomber, le temps passer, il écrirait des lettres à Paris le |
| épiait les bruits de la maison. Partout où elle était vide et sans lumière, elle était envahie
| | matin, quelques soirs après il devinerait qu’on les détournait. Un enfant de huit ans ne répond |
| d’êtres nocturnes. Ils cherchaient quelque chose. On ne produit pas ces grincements, ces
| | pas tout seul ; on ne ferait même pas mettre à Serge trois lignes dans les lettres emphatiques |
| chocs, ces craquements abrupts, quand on se déplace tranquillement quelque part. Ils le
| | que Barbara écrirait si elle avait besoin d’argent ou de raconter un nouvel amour éternel. |
| cherchaient, lui, patiemment, pas à pas ; ils exploraient tout, comme si Jonathan avait pu aussi
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| bien se réfugier dans un tiroir, ou un buffet, ou sous un meuble, que dans sa chambre
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| verrouillée. Ils examinaient longuement chaque trace de sa vie, chaque preuve qu’il était là.
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| L’obscurité ne gêne pas les morts.
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| Depuis qu’il n’avait plus de voisine, Jonathan supportait mal l’isolement de sa maison.
| | Jonathan n’était pas malheureux que soit finie, maintenant, sa vie à lui : elle avait |
| L’habitation la plus proche était à un kilomètre, peut-être davantage. Faute d’environnement
| | seulement commencé lorsque Serge l’avait empruntée et conquise pour vivre lui-même. Mais |
| humain, ses murs devenaient perméables, spongieux ; toute la campagne, toute la nuit les
| | Jonathan souffrait que ce ne soit pas assez pour que l’enfant survive. |
| traversait et s’emparait de Jonathan, ultime vivant d’une planète désolée.
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| Le jour, il n’éprouvait aucune crainte. La maison d’à côté était fermée à clef, mais on
| | Les pluies violentes qu’il y eut en septembre cédèrent à un immense éclat doré |
| pouvait pénétrer dans le jardin. Il y allait volontiers. Des vieilles, après l’enterrement, avaient
| | d’automne, un automne envahi de lumières tendres et belles qui, du levant au couchant, |
| emporté les poules, les lapins ; Jonathan leur avait même donné celui de Serge, gras et gros,
| | étaient comme le reflet d’un autre été. |
| bon à manger sans délai. La férocité de ce sacrifice, de cette séparation, même, car il aimait
| |
| beaucoup l’animal, lui avait procuré un plaisir amer, comme s’il avait restitué aux femmes la
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| dernière part vivante de Serge qui demeurait ici, et pour la même destruction.
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| Les vieilles avaient aussi arraché les légumes qui restaient en terre, des légumes rudes
| | Alors Jonathan ne mourut pas, et il aima tout seul un enfant disparu.}}<br> |
| qui supportent la gelée : carottes, navets, céleris, quelques poireaux.
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| Le clapier vide intriguait Jonathan : il conservait la chaleur moelleuse, douillette, des
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| petits animaux qu’il avait abrités. Mais on ne les égorgeait pas : les vieilles les pendaient par
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| les oreilles et, en leur enfonçant deux ongles dans une orbite ou en s’aidant d’un couteau à
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| légumes, elles leur arrachaient l’œil. La bête criait très longtemps ; les vieilles causaient.
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| Plus loin, près d’un cerisier mort, au tronc fendu et granuleux, il y avait la fosse où
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| Jonathan avait enfoui le chien. Petit garçon, il enterrait les oiseaux morts qu’il ramassait, puis
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| il les déterrait quelques jours après pour voir. Il s’imaginait vaguement que la terre préservait
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| de pourrir. Il découvrait des boules humides aux plumes gluantes qui se détachaient toutes
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| seules, percées et béantes de vers. II s’en rappelait deux sortes : les premiers, couleur ivoire,
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| épais comme du vermicelle cuit, pas trop nombreux, indépendants et assez calmes ; les
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| seconds, filiformes, d’un blanc pur, qui grouillaient les uns sur les autres à une vitesse
| |
| fantastique, en scintillant comme une moire, et qui semblaient représenter un plus grand
| |
| volume de chair que l’oiseau n’en avait contenu. Les vers que nourrissent les chiens et les
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| gens devaient être moins fins et moins répugnants que cela. Jonathan eut un désir violent de
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| découvrir un peu, avec la bêche, le cadavre du chien noir. Cela s’imaginait, mais sans les
| |
| détails malheureux qui tourmentaient Jonathan. La tête devait être vers ce côté-ci de l’arbre ;
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| non ; il renonça.
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| Maintenant, personne ne passait par ici. Au milieu de l’automne, cependant, un
| |
| garçonnet avait fait sonner le métal de la porte avec un bout de ferraille, et il avait demandé à
| |
| Jonathan si Serge était là. Jonathan expliqua que Serge était rentré à Paris.
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| — Ah… Parce que je l’connais, dit l’enfant (que Jonathan, lui, n’avait jamais vu).
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| — Alors, il est plus là ? insista le gamin, qui ne se décidait pas à partir.
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| — Non, il n’est plus là.
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| — … Il va revenir ?
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| — Je ne sais pas, dit Jonathan. Je ne crois pas, non.
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| — … Plus jamais ?
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| Puis l’enfant referma la porte et dévala le chemin. Depuis cette lointaine visite, un
| |
| silence brutal régnait sur ce bout de campagne, le silence des lieux abandonnés, des îles
| |
| désertes de l’océan arctique, au ciel verdâtre, aux falaises fuyantes, veloutées de lichen, où
| |
| planent et gémissent des oiseaux irréels.}}<br>
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Comme la pluie était venue, Jonathan l’entendait sonner dans son plafond. Car la
chambre, où il se réfugiait, était en mansarde : un grand pan de toit tombait sur le lit et empêchait de relever tout à fait la tête.
Ce bruit régulier, presque gai malgré la grisaille du jour, malgré le froid visqueux et les
arbres dévastés, lui donnait une sérénité morne. Il ne ferait rien tant que cette pluie tomberait.
On ne se tue qu’un jour violent, qui vous rappelle le monde, les saisons, ou quelqu’un.
Jonathan pensa encore à quitter tout, aller à Paris, rejoindre vite Serge, subir n’importe
quoi — même ses contemporains — pourvu qu’il sauve le petit.
Mais le sauver de quoi ? Le monde où l’on se croit heureux n’était pas celui de
Jonathan. Serge avait passé ici trois ou quatre mois qui pouvaient ressembler au bonheur :
mais il n’avait pas encore l’âge de rechercher et reconnaître quelque bonheur que ce soit. Son
séjour chez Jonathan lui ferait plutôt des souvenirs pour ses soixante ans, et des si-j’avais-su.
Puisque en vieillissant on se rappelle enfin un certain âge heureux qu’on a vécu sans même
savoir qu’il ne reviendrait pas : et ce sont les premiers ans de la vie, et la seule vie à jamais.
Et seulement par chance. Ce que Jonathan connaissait de la petite enfance de Serge lui
semblait épouvantable. Ce qu’il se rappelait de la sienne propre ne valait pas mieux : et ce
qu’on lui en avait dit après coup, avant qu’il abandonne sa famille, ses amis, son pays — et
l’humanité avec, la soi-disant humanité —, lui avait seulement donné des envies de meurtre.
En plus, ils (les vieux) étaient fiers de vous raconter ce qu’ils vous avaient fait, quand vous
deveniez assez âgé pour comprendre.
La pluie tombait. D’une douceur et d’une régularité qui réconciliait, comme une
tendresse discrète, avec la vie, la vie toute seule et pour rien.
Ne pas mourir. Ces gouttes d’eau qui faisaient leur bruit tranquille suffisaient, sûrement,
pour aimer vivre pendant qu’elles étaient là.
Jonathan verrait les feuilles tomber, le temps passer, il écrirait des lettres à Paris le
matin, quelques soirs après il devinerait qu’on les détournait. Un enfant de huit ans ne répond
pas tout seul ; on ne ferait même pas mettre à Serge trois lignes dans les lettres emphatiques
que Barbara écrirait si elle avait besoin d’argent ou de raconter un nouvel amour éternel.
Jonathan n’était pas malheureux que soit finie, maintenant, sa vie à lui : elle avait
seulement commencé lorsque Serge l’avait empruntée et conquise pour vivre lui-même. Mais
Jonathan souffrait que ce ne soit pas assez pour que l’enfant survive.
Les pluies violentes qu’il y eut en septembre cédèrent à un immense éclat doré
d’automne, un automne envahi de lumières tendres et belles qui, du levant au couchant,
étaient comme le reflet d’un autre été.
Alors Jonathan ne mourut pas, et il aima tout seul un enfant disparu.
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