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{{Citation longue|Le petit lapin ne s’était pas sauvé. Serge le touchait, le caressait, l’amusait chaque jour.
{{Citation longue|Jonathan surveillait le calendrier, mais l’enfant semblait ne pas penser au retour de
La bestiole était presque aussi joueuse qu’un jeune chat, mais on ne lui voyait pas de rire au
Barbara. Le dernier soir, pourtant, Jonathan lui dit :
visage. Elle avait une figure compassée, mignonne par distraction, vieillarde à l’ordinaire.
L’inhabituel de sa race, c’était des oreilles très longues, très grandes et rondes, qui se
dressaient. Jonathan, accoutumé aux lapins de choux, gris lapin, mous, timides, restait surpris
devant ce lapin-là, plus sauvage et plus fort que les autres. À croire qu’il descendait d’une
aïeule hase, tuée au collet et dont on avait recueilli les petits.


Le lapereau n’avait pas découvert les déchirures du grillage. Il sautillait par le jardin,
— C’est demain.
grignotait les feuilles de chou, étudiait les herbes et les fleurs, dormait ou s’immobilisait
souvent, reconnaissait les personnes, acceptait la main de Serge, qui usait de lui comme d’un
écureuil apprivoisé, le mettait à son cou, lui embrassait la bouche, mêlait sa vivacité à celle de
la bestiole. Il ne dédaignait pas de lui tenir des conversations, où généralement l’opinion du
lapin prévalait, non sans luttes.


Et l’animal avait ses moments de folie : il tournait dans l’herbe, se roulait sur le dos,
— C’est quoi demain ?
agitant les pattes comme un mourant qui tremble, galopait, reniflait, semblait intelligent pour
son animation, mais égaré à cause de son œil vide. Il habitait dehors : on lui ouvrait la cuisine
par temps de pluie, mais il préférait l’abri de certains gros feuillages.


Les deux chats avaient cessé de venir. La belle saison leur offrait des ressources qui ne
— Demain qu’elle revient.
dépendaient plus d’un seul lieu. Mais Jonathan continuait de leur mettre à manger dans le
jardin en se couchant, et il retrouvait habituellement les écuelles vides. Les chats, soûls de
parfums de vies, de bêtes, couraient la campagne comme des célibataires saisis d’amour : et,
bredouilles le soir, ils revenaient honteusement dévorer leur pâté.


Le bassin qu’avait creusé Serge était devenu assez grand pour que, dans l’eau boueuse,
— Quoi ? ma mère ?
couleur café au lait, il s’assoie entier. D’abord, il avait seulement trempé les pieds dans cette
crème, qui moussait sur les bords pendant qu’il versait l’eau. En moins d’une heure, toute
cette eau était absorbée et il fallait en remettre ; une pâte lisse, douce, brillante, veloutait les
parois du trou.


Ensuite l’enfant, sur la suggestion de Jonathan, y baigna ses fesses nues. C’était froid,
Jonathan guetta malgré lui l’expression de Serge. Mais nul signe de déception, de
chatouillant, gluant au fond. Quand il se relevait, un liséré laiteux et terreux marquait ses
tristesse, de révolte. La petite tête oscilla avec un air de doute et un peu d’amusement :
cuisses, ses reins, son ventre, comme les moustaches du petit déjeuner marquent la lèvre quand on retire la figure d’un grand bol.


Ces bains étaient si agréables que Serge, irrité, détestait d’y être seul. Alors Jonathan
— Elle viendra pas, dit simplement Serge, elle est toujours en retard !… Je te parie
glissait son pied entre les cuisses de l’enfant ; ou bien il s’accroupissait et, plongeant la main
qu’elle vient pas.
au fond de l’eau, il ramassait la boue onctueuse et il la poussait dans les intimités du petit.}}<br>
 
— Alors, ce sera après-demain.
 
— Non ! Elle va pas venir ! Moi je sais. Elle change tout le temps d’idée. On a bien vu,
toi !
 
— Oui, c’est vrai.
 
— Alors !
 
L’attitude irréelle, le refus naïf que Serge opposait à ce retour préoccupa Jonathan.
L’enfant craignait-il tellement qu’on les sépare, ou appréhendait-il aussi que sa mère le
néglige ? Il vivait sous elle, il lui était forcément attaché. Mais Serge et Barbara, Serge et
Jonathan étaient des couples incompatibles — deux mondes inégaux en force. L’enfant le
savait : il avait déjà vécu ce conflit, il connaissait la fin, la seule fin possible. Au mieux, il
serait un peu abandonné de l’une, puis arraché à l’autre : battu, puis soulagé des coups pour
être brûlé vif. Jonathan doutait qu’il eût envie de choisir.
 
— … Ce qui serait bien, reprit l’enfant, c’est des grenouilles, parce que moi mon bassin
il est tout fini, on en mettrait dedans, tu sais pas où y en a ?
 
— Je crois, oui, dit Jonathan. Sinon, je me rappelle un magasin qui en vendait, des
belles vertes.
 
— Oh où ça ?
 
— Non, la ville à côté… Écoute, Serge, tu… Tu aimerais rester ici ?
 
Jonathan se haït de poser cette question sans objet. Serge resterait si sa mère décidait
qu’il reste, il partirait si sa mère décidait qu’il parte, il reverrait Jonathan si sa mère décidait
qu’il le revoie, il ne le reverrait pas et ne l’aimerait plus si sa mère décidait qu’il ne le revoie
pas et ne l’aime plus. C’était son affaire à elle seule, et surtout pas celle d’un mioche. Mais la
sérénité de l’enfant mettait Jonathan au supplice.
 
— D’abord je m’en vais pas, expliqua le petit. Et puis je reste.
 
Il attrapa Jonathan par la chemise, il sourit et le fixa dans les yeux comme pour le
gronder :
 
— T’inquiète pas ! Elle viendra pas je te dis ! On est tranquilles ! Moi si tu me crois pas
ça fait rien, tu vas bien voir.
 
Et Serge avait raison. Le jour venu, Barbara ne se montra pas. Jonathan, qui avait
discrètement, honteusement préparé la valise de l’enfant, fut obligé de la défaire sous ses
yeux, le soir même. Serge n’y attacha pas d’importance.
 
Le lendemain, ni mère ni nouvelles. Pas de grenouilles non plus : Jonathan n’osait pas
quitter la maison, il attendait.
 
Encore un jour sans rien, et ce fut dimanche. Pour les grenouilles, Jonathan avait
demandé à l’épicier si son gamin, par hasard, ne pourrait pas en pêcher deux ou trois : mais le
gosse fut bredouille. D’ailleurs l’étang ne donnait plus, il était dévasté.
 
Le lundi enfin, il y eut une lettre de Barbara. Enveloppe avion, timbre des États-Unis.
La mère de Serge était à San Francisco.
 
— Peut-être tout l’été, dit Jonathan, résumant pour l’enfant le contenu de la lettre. Il lui
lut aussi quelques phrases maternelles rédigées à son intention. Serge écouta attentivement,
puis :
 
— M’en fous, j’sais pas écrire, commenta-t-il en haussant les épaules.
 
<i>… une grande aventure, peut-être inoubliable… l’amour — c’est vrai… — comment le
dire, l’exprimer ?…</i> confiait Barbara à Jonathan. Il y avait des détails sur l’homme qu’elle
avait rencontré (c’était son habitude, en chemin de fer ou à l’auberge). Son voyage avait bien
tourné : d’Aix, où elle avait déniché cet amateur, elle s’était retrouvée en Sicile puis en Grèce.
Alors une femme merveilleuse s’était jointe au merveilleux couple : elle admirait le talent
pictural de Barbara, était résolue à la lancer sur la planète entière, notamment loin d’Europe,
et elle estimait, par-dessus tout, que Barbara avait un don inouï pour guérir par imposition des
mains, un authentique on ne sait quoi.
 
<i>… le fluide… si tu voyais mon vieux c’est fou… moi-même je ne me l’explique pas…
— mais c’est vrai… je peux tout sur elle… ses migraines terribles… une dimension psychique
profonde…</i> Et l’invitation en Californie.
 
L’absence de points d’exclamation frappa Jonathan, qui ne l’interpréta pas.
 
Le vague à propos de Serge. Des excuses pour la charge financière. Des conseils enfin,
inattendus, médiocrement diplomatiques. Jonathan l’avait connue plus habile, cette
négligence lui fit espérer que Barbara était, aux États-Unis, séduite et pour longtemps.
D’ailleurs elle ne leur proposait pas de la rejoindre, ou qu’au moins Jonathan mette le petit
dans un avion.
 
<i>… j’étais incertaine — est-ce que Serge et toi ça pouvait accrocher — autrement qu’en
apparence… — je veux dire une communion des êtres… une compréhension totale… qui est
absolument fondamentale pour un enfant… ils ont un instinct, ils sentent quand on les aime
réellement — je suis comme eux, je peux le sentir pour eux… je glisse dans leur âme, c’est
une osmose… j’étais sceptique… Peut-être je me suis trompée l’an dernier, je n’ai pas bien
comprise, mais j’ai trouvée qu’il y avait trop d’égoïsme — trop d’égoïsme au fond… — en toi
quand tu étais avec lui… je me suis demandée — c’est ça qui me choquait je crois… je me
suis sans doute trompée je m’excuse — mais maintenant je prends un risque — je t’accorde
ma confiance, sincèrement, une confiance totale… Je te demande quand même absolument
— Respecte sa personnalité, c’est un enfant… — tu peux l’étouffer, le détruire sans t’en
rendre compte — c’est si important — un gosse… si tu l’aimes pense à ça… — laisse-le
s’épanouir comme il veut lui, pas comme tu veux toi… c’est lui que je veux retrouver cet
automne — ce gosse merveilleux… mon fils… Je sais absolument qui est Serge, je sentirai
tout de suite… — mais non aucune menace de ma part !… — mais mets-toi à ma place — une
situation… merveilleuse — terrible — c’est pas simple !… réfléchis — tu te rendras compte…
mets-toi à son écoute — oui sors de toi-même — mais est-ce qu’un homme le peut
vraiment… difficile… — mais tu dois te l’imposer… pour lui… sinon c’est trop facile… voilà
je suis sa mère c’est ridicule tant pis… tu peux le comprendre mais… je connais ton</i>
 
— Oui, jusqu’à la rentrée des classes, confirma Jonathan. Et elle dit qu’il faut que je
t’oblige à faire tout comme tu veux.
 
— Elle ?… Mais qu’est-ce qu’elle fout en Amérique ? s’écria Serge, pensif. Eh ! je ais ! Elle a encore trouvé un mec.
 
— Oui, c’est ce qu’elle écrit.
 
— … Il a du pognon ? Elle elle en a toujours des pas riches elle des mecs.
 
— Elle ne parle pas d’argent.
 
— Alors il est riche, déduisit Serge.
 
Et il rit. Mais il était visiblement dépité, bien qu’il fût accoutumé aux abandons comme
aux abus périodiques (Barbara embauchait surtout son fils lorsque, se sentant en veine de
féminité puérile, languide, maternelle et douillette, elle coulait dans la chasteté : cela durait
parfois plusieurs mois, puis elle recommençait à faire l’amour et rendait Serge à ses loisirs).
D’ailleurs, une pareille liberté passait l’imagination du gamin, comme un chiffre en
milliards. Il fut distrait, peu actif, tout ce jour-là, et ne quitta pas Jonathan un instant.}}<br>
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Dernière version du 8 juin 2016 à 18:06

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Jonathan surveillait le calendrier, mais l’enfant semblait ne pas penser au retour de Barbara. Le dernier soir, pourtant, Jonathan lui dit :

— C’est demain.

— C’est quoi demain ?

— Demain qu’elle revient.

— Quoi ? ma mère ?

Jonathan guetta malgré lui l’expression de Serge. Mais nul signe de déception, de tristesse, de révolte. La petite tête oscilla avec un air de doute et un peu d’amusement :

— Elle viendra pas, dit simplement Serge, elle est toujours en retard !… Je te parie qu’elle vient pas.

— Alors, ce sera après-demain.

— Non ! Elle va pas venir ! Moi je sais. Elle change tout le temps d’idée. On a bien vu, toi !

— Oui, c’est vrai.

— Alors !

L’attitude irréelle, le refus naïf que Serge opposait à ce retour préoccupa Jonathan. L’enfant craignait-il tellement qu’on les sépare, ou appréhendait-il aussi que sa mère le néglige ? Il vivait sous elle, il lui était forcément attaché. Mais Serge et Barbara, Serge et Jonathan étaient des couples incompatibles — deux mondes inégaux en force. L’enfant le savait : il avait déjà vécu ce conflit, il connaissait la fin, la seule fin possible. Au mieux, il serait un peu abandonné de l’une, puis arraché à l’autre : battu, puis soulagé des coups pour être brûlé vif. Jonathan doutait qu’il eût envie de choisir.

— … Ce qui serait bien, reprit l’enfant, c’est des grenouilles, parce que moi mon bassin il est tout fini, on en mettrait dedans, tu sais pas où y en a ?

— Je crois, oui, dit Jonathan. Sinon, je me rappelle un magasin qui en vendait, des belles vertes.

— Oh où ça ?

— Non, la ville à côté… Écoute, Serge, tu… Tu aimerais rester ici ?

Jonathan se haït de poser cette question sans objet. Serge resterait si sa mère décidait qu’il reste, il partirait si sa mère décidait qu’il parte, il reverrait Jonathan si sa mère décidait qu’il le revoie, il ne le reverrait pas et ne l’aimerait plus si sa mère décidait qu’il ne le revoie pas et ne l’aime plus. C’était son affaire à elle seule, et surtout pas celle d’un mioche. Mais la sérénité de l’enfant mettait Jonathan au supplice.

— D’abord je m’en vais pas, expliqua le petit. Et puis je reste.

Il attrapa Jonathan par la chemise, il sourit et le fixa dans les yeux comme pour le gronder :

— T’inquiète pas ! Elle viendra pas je te dis ! On est tranquilles ! Moi si tu me crois pas ça fait rien, tu vas bien voir.

Et Serge avait raison. Le jour venu, Barbara ne se montra pas. Jonathan, qui avait discrètement, honteusement préparé la valise de l’enfant, fut obligé de la défaire sous ses yeux, le soir même. Serge n’y attacha pas d’importance.

Le lendemain, ni mère ni nouvelles. Pas de grenouilles non plus : Jonathan n’osait pas quitter la maison, il attendait.

Encore un jour sans rien, et ce fut dimanche. Pour les grenouilles, Jonathan avait demandé à l’épicier si son gamin, par hasard, ne pourrait pas en pêcher deux ou trois : mais le gosse fut bredouille. D’ailleurs l’étang ne donnait plus, il était dévasté.

Le lundi enfin, il y eut une lettre de Barbara. Enveloppe avion, timbre des États-Unis. La mère de Serge était à San Francisco.

— Peut-être tout l’été, dit Jonathan, résumant pour l’enfant le contenu de la lettre. Il lui lut aussi quelques phrases maternelles rédigées à son intention. Serge écouta attentivement, puis :

— M’en fous, j’sais pas écrire, commenta-t-il en haussant les épaules.

… une grande aventure, peut-être inoubliable… l’amour — c’est vrai… — comment le dire, l’exprimer ?… confiait Barbara à Jonathan. Il y avait des détails sur l’homme qu’elle avait rencontré (c’était son habitude, en chemin de fer ou à l’auberge). Son voyage avait bien tourné : d’Aix, où elle avait déniché cet amateur, elle s’était retrouvée en Sicile puis en Grèce. Alors une femme merveilleuse s’était jointe au merveilleux couple : elle admirait le talent pictural de Barbara, était résolue à la lancer sur la planète entière, notamment loin d’Europe, et elle estimait, par-dessus tout, que Barbara avait un don inouï pour guérir par imposition des mains, un authentique on ne sait quoi.

… le fluide… si tu voyais mon vieux c’est fou… moi-même je ne me l’explique pas… — mais c’est vrai… je peux tout sur elle… ses migraines terribles… une dimension psychique profonde… Et l’invitation en Californie.

L’absence de points d’exclamation frappa Jonathan, qui ne l’interpréta pas.

Le vague à propos de Serge. Des excuses pour la charge financière. Des conseils enfin, inattendus, médiocrement diplomatiques. Jonathan l’avait connue plus habile, cette négligence lui fit espérer que Barbara était, aux États-Unis, séduite et pour longtemps. D’ailleurs elle ne leur proposait pas de la rejoindre, ou qu’au moins Jonathan mette le petit dans un avion.

… j’étais incertaine — est-ce que Serge et toi ça pouvait accrocher — autrement qu’en apparence… — je veux dire une communion des êtres… une compréhension totale… qui est absolument fondamentale pour un enfant… ils ont un instinct, ils sentent quand on les aime réellement — je suis comme eux, je peux le sentir pour eux… je glisse dans leur âme, c’est une osmose… j’étais sceptique… Peut-être je me suis trompée l’an dernier, je n’ai pas bien comprise, mais j’ai trouvée qu’il y avait trop d’égoïsme — trop d’égoïsme au fond… — en toi quand tu étais avec lui… je me suis demandée — c’est ça qui me choquait je crois… je me suis sans doute trompée je m’excuse — mais maintenant je prends un risque — je t’accorde ma confiance, sincèrement, une confiance totale… Je te demande quand même absolument — Respecte sa personnalité, c’est un enfant… — tu peux l’étouffer, le détruire sans t’en rendre compte — c’est si important — un gosse… si tu l’aimes pense à ça… — laisse-le s’épanouir comme il veut lui, pas comme tu veux toi… c’est lui que je veux retrouver cet automne — ce gosse merveilleux… mon fils… Je sais absolument qui est Serge, je sentirai tout de suite… — mais non aucune menace de ma part !… — mais mets-toi à ma place — une situation… merveilleuse — terrible — c’est pas simple !… réfléchis — tu te rendras compte… mets-toi à son écoute — oui sors de toi-même — mais est-ce qu’un homme le peut vraiment… difficile… — mais tu dois te l’imposer… pour lui… sinon c’est trop facile… voilà je suis sa mère c’est ridicule tant pis… tu peux le comprendre mais… je connais ton

— Oui, jusqu’à la rentrée des classes, confirma Jonathan. Et elle dit qu’il faut que je t’oblige à faire tout comme tu veux.

— Elle ?… Mais qu’est-ce qu’elle fout en Amérique ? s’écria Serge, pensif. Eh ! je ais ! Elle a encore trouvé un mec.

— Oui, c’est ce qu’elle écrit.

— … Il a du pognon ? Elle elle en a toujours des pas riches elle des mecs.

— Elle ne parle pas d’argent.

— Alors il est riche, déduisit Serge.

Et il rit. Mais il était visiblement dépité, bien qu’il fût accoutumé aux abandons comme aux abus périodiques (Barbara embauchait surtout son fils lorsque, se sentant en veine de féminité puérile, languide, maternelle et douillette, elle coulait dans la chasteté : cela durait parfois plusieurs mois, puis elle recommençait à faire l’amour et rendait Serge à ses loisirs). D’ailleurs, une pareille liberté passait l’imagination du gamin, comme un chiffre en milliards. Il fut distrait, peu actif, tout ce jour-là, et ne quitta pas Jonathan un instant.


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