Quand mourut Jonathan (9)
Comme le soleil était vif chaque jour, Jonathan mit le linge à sécher dehors. D’ailleurs il y en avait trop maintenant pour le pendre dans la cuisine comme à l’accoutumée.
Il lavait à la vieille façon, avec un matériel vétuste qu’il avait trouvé dans la cave : lavoir de ciment, lessiveuse avec son tube à champignon, réchaud à gaz, battoir et brosse en chiendent à moitié dégarnie. Il aimait ce travail solide — qui l’enchanta davantage quand se mêlèrent à ses vêtements les habits sales de Serge. Il leur consacra un soin extrême. Curieux, Serge l’observa tout au long : il ne connaissait que les blanchisseries des villes, cette grande lessive familière lui plut. C’était l’avant-dernier jour. Tout serait sec, visité et repassé pour son départ.
Jonathan avait ressenti l’envie sourde de voler quelques habits de l’enfant, de les cacher. Il n’osa pas. Barbara ou Serge étaient assez désinvoltes pour que le larcin reste inaperçu, mais, dans la solitude de Jonathan, ces vêtements prendraient trop de place, seraient trop présents au fond de leur recoin, où Jonathan n’irait jamais les regarder, sauf peut-être, une seule fois, avant de les ramasser en boule et de les jeter, très loin d’ici, dans la rivière, bien lestés de cailloux.
La voisine s’assombrit quand elle vit Jonathan étaler la jolie lessive. Ces petites tailles d’habits étaient propriété de femme, aucun monsieur ne touche cela. Elle haussa les épaules, murmura pour elle-même, ne se montra pas. C’était bien lavé, le blanc blanc, les couleurs très vives, les choses en laine légères et floconneuses, tout net comme la gaieté. Du mauvais travail l’aurait, bien sûr, mieux satisfaite : elle aurait pu intervenir, dire ce qu’elle savait, régner un peu.
Serge aida à pendre la lessive. Il tirait du baquet ses dépouilles à lui, car il n’osait pas toucher les vêtements de Jonathan. Puis il se décida à en exhiber un, et un autre, avec un rire crapule et presque une danse. Jonathan, la bouche suçant quelques épingles à linge, ne réagit pas. Leurs silhouettes d’étoffe s’agitèrent au vent, brillèrent sous le soleil, très nues, très naïves, parmi les draps et les serviettes.
Serge ne manifestait pas la même ironie quand ils se lavaient ensemble : la vraie nudité effaçait les différences que les habits accusaient ou créaient. On chauffait une grande marmite d’eau, on préparait le tub au milieu de la cuisine, en poussant table et chaises. Pour que Serge n’ait pas froid, cela se passait au meilleur de l’après-midi — cela durait presque jusqu’au dîner. Jonathan lavait d’abord l’enfant ; il exécutait cet office sans fantaisie et restait vêtu. Serge se tenait bien, droit comme un militaire. Mais ensuite Jonathan se déshabillait, rallongeait l’eau du bassin, y entrait debout : aussitôt le gamin, la figure écarlate de chaleur et le corps perlé de gouttelettes, commençait les agaceries, les niches, les gros mots. Le mardi gras d’être nu, mouillé, les fesses fraîches et le bout dressé, à la cuisine, à l’heure des tartines et des sorties d’école.
— Ta grosse couille ! gloussait-il, lorgnant de biais le membre de Jonathan, qu’il finissait par saisir, gifler, tordre, avant de déclarer :
— Moi j’te lave.
Il savonnait vigoureusement Jonathan, partout, à fond, jusqu’au plus indiscret, avec le sans-gêne et l’énergie d’une ménagère qui torche ses moutards. Jonathan ne lavait lui-même que son visage et ses cheveux, régions trop éloignées pour que le petit puisse les traiter sans maladresse.
Ce récurage achevait d’énerver Serge. Il semblait affamé. Il avait évité de se remouiller, puis il s’en était moqué et il avait attrapé du savon en se plaquant à Jonathan. Des taches mousseuses, rondes, ovales, en chapelets, indiquaient sur sa peau les points de contact entre les corps.
Leurs bousculades produisaient un océan d’éclaboussures. Il fallait déserter la cuisine. Serge et Jonathan montaient dans la chambre et, couchés le grand sous le petit, ils s’enveloppaient du même drap de bain. Le gamin reprenait ses facéties sur le ventre, sur le dos du jeune peintre. Les peaux moites, poisseuses de savon, émettaient en se collant, se décollant selon les tortillements de Serge, des bruits de pets et de succion.
Le calme revenait après la circonstance qui assouvit les garçons. Serge, désormais, se jugeait assez sec et il en venait à l’essentiel : s’asseoir sur Jonathan, tête-bêche, comme sur un fauteuil créé à cet usage. Les jambes de Jonathan un peu repliées formaient le dossier du meuble, dont son abdomen, sexe apaisé, était le siège. Selon les jours, Serge s’allongeait là-dessus à plat dos, ou en chien de fusil, ou même à plat ventre ; l’inclinaison du dossier serait réglée en conséquence. Dans tous les cas, le but était d’offrir à Jonathan, très disjointe, une partie que ce dernier devrait caresser aussi longtemps que Serge le jugerait bon. Invariablement, cette caresse était un effleurement de l’index, ou plutôt de sa pulpe, qui suivait une course précise, sans appuyer ni modifier son rythme. Le doigt touchait la raie des fesses, quatre ou cinq centimètres au-dessus du trou, glissait, frôlait un bord de l’anneau ou chatouillait son milieu, continuait plus bas, plus vite, dessinait le tour des bourses, puis il s’évanouissait. Trois secondes plus tard, il renaissait là-haut, et reprenait sa glissade. Après mille parcours, le grain délié de la peau enfantine paraissait à Jonathan grossi, presque râpeux, tandis que la chair de son doigt était comme mise à vif.
Les autres caresses intéressaient moins Serge ou lui inspiraient des entreprises. Cette chatouille-là, au contraire, se suffisait à elle-même. Bientôt, l’érection de l’enfant retombait : il prenait son pouce dans la bouche et fermait les yeux, plus immobile et plus amolli qu’un dormeur. Occupé à ce devoir monotone, Jonathan s’engourdissait aussi ; mais que son doigt abandonne, et la voix de Serge éclatait sur-le-champ :
— Continue ! Continue-le !
Ils avaient inauguré ce rituel l’année d’avant, un matin qu’ils étaient seuls et avaient dormi nus. Serge, admis à visiter les ressources d’un garçon adulte, avait découvert la position où Jonathan servait de chaise-longue, et, satisfait qu’une anatomie soit aussi habitable, il se l’était appropriée, gracieusement mais sans réplique. Jonathan avait embrassé les nudités ouvertes à son visage. La petite caresse était née parmi d’autres, et Serge l’avait élue, en expliquant, sous le plus gras des rires qu’il savait :
— Ça m’fait d’l’électricité dans mon cul !
— On mettra une lampe, avait suggéré Jonathan.
— Ah ouais dis donc eh une lampe ! Allez, refais-le !
En même temps avaient commencé la succion de pouce et la torpeur. Sinon, pour s’endormir, Serge à six ans mâchait une serviette à thé qu’il serrait dans un poing.
Son premier matin à la campagne, avant le véritable éveil, la posture s’était recomposée spontanément, avec l’étrange perfection du mouvement des oiseaux, du sommeil des renards. Mais Jonathan l’éprouvait comme un rite d’éclosion, végétal, lent et secret, dans sa monotonie, son oubli du temps, des actes, des images. Leurs autres intimités sensuelles étaient banales : celle-ci devait sa rareté à la répétition et à l’hypnose qu’elle produisait.
Ce n’était pas un plaisir du soir, ni du jardin. Serge ne le recherchait qu’au lit, en s’éveillant, ou après le tub.
Les moments consacrés à la toilette du corps, deux ou trois fois par semaine, condensaient toutes les idées et toutes les extravagances que sa nudité et celle de Jonathan lui dictaient. Il s’amusait à uriner de loin dans le tub, et il savait comment se retrousser et se pincer pour obtenir une projection raide et longue comme celle d’une lance d’incendie. Il réclamait que Jonathan l’imite : d’un naturel pudique, Jonathan prétextait qu’il manquait des eaux nécessaires.
— T’aurais qu’à boire, insistait le petit.
— Ça ne ressortira pas tout de suite, disait Jonathan. Serge visait le bassin depuis la porte de la cuisine, ou prétendait chercher une souris à arroser. Mais ces tumultes les effrayaient, on n’en voyait pas une.
Elles se montraient plutôt le soir après dîner, et leur théâtre favori était le dessus du fourneau. Elles y grignotaient ce qui avait débordé des casseroles ; ces résidus demi-brûlés, que Jonathan nettoyait le matin, leur plaisaient mieux que les petits repas qu’on disposait par terre et qu’elles laissaient souvent intacts. Le lait caillait, la confiture se croûtait, le lard suintait. Puis on retrouvait les soucoupes vides, nettes comme si une armée de rats avait envahi cette cuisine de cocagne.
Le goût de Serge pour les animaux était plus faible que ne l’aurait fait croire l’attention qu’il leur consacrait. Il était surtout curieux de Jonathan, des espaces de Jonathan avec ce qu’il y avait dedans, choses vives ou inertes.
La chambre, par exemple, était un lieu où, nu sous des draps tièdes, et si on restait à lire, à veiller, sans bouger, sans parler, les souris, non, une souris, elle ou son frère, ferait une audacieuse apparition, et se hasarderait même sur le couvre-lit, à leurs pieds, comme si elle suivait un chemin nécessaire, inévitable quels qu’en soient les dangers nouveaux.
Et elles dévisageaient les deux garçons avec une telle malice et mêlaient tant d’hésitations, de retours et d’avances effrontées dans leur passage que, de vermine, elles devenaient êtres nains, êtres fées, proches des gnomes, des lutins, des servans, de toutes les canailles miniatures qui, autrefois, peuplaient le monde et ricanaient derrière les gens avant de leur jouer un tour. Mais Serge aurait préféré que la souris apparaisse lorsqu’il étreignait Jonathan, et il se la serait mise là.
C’est ce qu’il tenta de faire avec le lapereau, le soir où ils dormirent ensemble. Après s’être distrait à le courser gentiment par terre, Serge l’emporta sur le lit et le posa dans le nid de ses cuisses : l’animal n’eut pas un coup de museau pour son sexe. En vérité, il n’aimait pas être là, et Serge peinait à le contenir. Mais cette boule tressaillante excita les audaces de l’enfant : il entrebâilla les jambes, montra son trou au petit lapin et le pelotonna tout contre, mots grossiers à l’appui. Entre deux rires aigus, il reçut les chatouilles que lui fit l’animal velouté, qui frissonnait du pelage, des oreilles, et essayait de bondir.
Le cynisme de Serge troubla Jonathan ; il refréna une tentation de l’imiter (en une scène où Serge serait le lapin).
Il désira plutôt être brutalisé lui-même, quand l’enfant changerait de jouet.
Car Serge, délicat et très doux en amour, devenait batailleur dès qu’on s’occupait de son beau petit membre : et il querellait le sexe de Jonathan comme si ç’avait été un bâton incassable. Serge, aussi, mordait volontiers. Dans sa première année d’école, plusieurs enfants de sa classe l’avaient craint pour cela. Il osait parfois éprouver jusqu’au sang l’endurance de Jonathan, lui mordait la joue, l’avant-bras, la tétine, le flanc, qu’il mâchait près du foie après avoir pincé un pli de peau. Les yeux humides de douleur, Jonathan se soumettait à ce mystère et n’y voyait nulle cruauté, sinon celle des initiations primitives, des liens tribaux et des pactes enfantins — le plus tendre, s’il ressemblait à l’émotion qu’il laissait après lui.
Un autre bonheur de Jonathan, ces jours de grande toilette, était de renifler sur le crâne du gamin les effluves sidérants du shampooing bon marché, quand, les draps tirés au cou, le plaisir pris, la lampe éteinte, leurs têtes se rapprochaient étroitement pour dormir.
Jonathan surveillait le calendrier, mais l’enfant semblait ne pas penser au retour de Barbara. Le dernier soir, pourtant, Jonathan lui dit :
— C’est demain.
— C’est quoi demain ?
— Demain qu’elle revient.
— Quoi ? ma mère ?
Jonathan guetta malgré lui l’expression de Serge. Mais nul signe de déception, de tristesse, de révolte. La petite tête oscilla avec un air de doute et un peu d’amusement :
— Elle viendra pas, dit simplement Serge, elle est toujours en retard !… Je te parie qu’elle vient pas.
— Alors, ce sera après-demain.
— Non ! Elle va pas venir ! Moi je sais. Elle change tout le temps d’idée. On a bien vu, toi !
— Oui, c’est vrai.
— Alors !
L’attitude irréelle, le refus naïf que Serge opposait à ce retour préoccupa Jonathan. L’enfant craignait-il tellement qu’on les sépare, ou appréhendait-il aussi que sa mère le néglige ? Il vivait sous elle, il lui était forcément attaché. Mais Serge et Barbara, Serge et Jonathan étaient des couples incompatibles — deux mondes inégaux en force. L’enfant le savait : il avait déjà vécu ce conflit, il connaissait la fin, la seule fin possible. Au mieux, il serait un peu abandonné de l’une, puis arraché à l’autre : battu, puis soulagé des coups pour être brûlé vif. Jonathan doutait qu’il eût envie de choisir.
— … Ce qui serait bien, reprit l’enfant, c’est des grenouilles, parce que moi mon bassin il est tout fini, on en mettrait dedans, tu sais pas où y en a ?
— Je crois, oui, dit Jonathan. Sinon, je me rappelle un magasin qui en vendait, des belles vertes.
— Oh où ça ?
— Non, la ville à côté… Écoute, Serge, tu… Tu aimerais rester ici ?
Jonathan se haït de poser cette question sans objet. Serge resterait si sa mère décidait qu’il reste, il partirait si sa mère décidait qu’il parte, il reverrait Jonathan si sa mère décidait qu’il le revoie, il ne le reverrait pas et ne l’aimerait plus si sa mère décidait qu’il ne le revoie pas et ne l’aime plus. C’était son affaire à elle seule, et surtout pas celle d’un mioche. Mais la sérénité de l’enfant mettait Jonathan au supplice.
— D’abord je m’en vais pas, expliqua le petit. Et puis je reste.
Il attrapa Jonathan par la chemise, il sourit et le fixa dans les yeux comme pour le gronder :
— T’inquiète pas ! Elle viendra pas je te dis ! On est tranquilles ! Moi si tu me crois pas ça fait rien, tu vas bien voir.
Et Serge avait raison. Le jour venu, Barbara ne se montra pas. Jonathan, qui avait discrètement, honteusement préparé la valise de l’enfant, fut obligé de la défaire sous ses yeux, le soir même. Serge n’y attacha pas d’importance.
Le lendemain, ni mère ni nouvelles. Pas de grenouilles non plus : Jonathan n’osait pas quitter la maison, il attendait.
Encore un jour sans rien, et ce fut dimanche. Pour les grenouilles, Jonathan avait demandé à l’épicier si son gamin, par hasard, ne pourrait pas en pêcher deux ou trois : mais le gosse fut bredouille. D’ailleurs l’étang ne donnait plus, il était dévasté.
Le lundi enfin, il y eut une lettre de Barbara. Enveloppe avion, timbre des États-Unis. La mère de Serge était à San Francisco.
— Peut-être tout l’été, dit Jonathan, résumant pour l’enfant le contenu de la lettre. Il lui lut aussi quelques phrases maternelles rédigées à son intention. Serge écouta attentivement, puis :
— M’en fous, j’sais pas écrire, commenta-t-il en haussant les épaules.
… une grande aventure, peut-être inoubliable… l’amour — c’est vrai… — comment le dire, l’exprimer ?… confiait Barbara à Jonathan. Il y avait des détails sur l’homme qu’elle avait rencontré (c’était son habitude, en chemin de fer ou à l’auberge). Son voyage avait bien tourné : d’Aix, où elle avait déniché cet amateur, elle s’était retrouvée en Sicile puis en Grèce. Alors une femme merveilleuse s’était jointe au merveilleux couple : elle admirait le talent pictural de Barbara, était résolue à la lancer sur la planète entière, notamment loin d’Europe, et elle estimait, par-dessus tout, que Barbara avait un don inouï pour guérir par imposition des mains, un authentique on ne sait quoi.
… le fluide… si tu voyais mon vieux c’est fou… moi-même je ne me l’explique pas… — mais c’est vrai… je peux tout sur elle… ses migraines terribles… une dimension psychique profonde… Et l’invitation en Californie.
L’absence de points d’exclamation frappa Jonathan, qui ne l’interpréta pas.
Le vague à propos de Serge. Des excuses pour la charge financière. Des conseils enfin, inattendus, médiocrement diplomatiques. Jonathan l’avait connue plus habile, cette négligence lui fit espérer que Barbara était, aux États-Unis, séduite et pour longtemps. D’ailleurs elle ne leur proposait pas de la rejoindre, ou qu’au moins Jonathan mette le petit dans un avion.
… j’étais incertaine — est-ce que Serge et toi ça pouvait accrocher — autrement qu’en apparence… — je veux dire une communion des êtres… une compréhension totale… qui est absolument fondamentale pour un enfant… ils ont un instinct, ils sentent quand on les aime réellement — je suis comme eux, je peux le sentir pour eux… je glisse dans leur âme, c’est une osmose… j’étais sceptique… Peut-être je me suis trompée l’an dernier, je n’ai pas bien comprise, mais j’ai trouvée qu’il y avait trop d’égoïsme — trop d’égoïsme au fond… — en toi quand tu étais avec lui… je me suis demandée — c’est ça qui me choquait je crois… je me suis sans doute trompée je m’excuse — mais maintenant je prends un risque — je t’accorde ma confiance, sincèrement, une confiance totale… Je te demande quand même absolument — Respecte sa personnalité, c’est un enfant… — tu peux l’étouffer, le détruire sans t’en rendre compte — c’est si important — un gosse… si tu l’aimes pense à ça… — laisse-le s’épanouir comme il veut lui, pas comme tu veux toi… c’est lui que je veux retrouver cet automne — ce gosse merveilleux… mon fils… Je sais absolument qui est Serge, je sentirai tout de suite… — mais non aucune menace de ma part !… — mais mets-toi à ma place — une situation… merveilleuse — terrible — c’est pas simple !… réfléchis — tu te rendras compte… mets-toi à son écoute — oui sors de toi-même — mais est-ce qu’un homme le peut vraiment… difficile… — mais tu dois te l’imposer… pour lui… sinon c’est trop facile… voilà je suis sa mère c’est ridicule tant pis… tu peux le comprendre mais… je connais ton
— Oui, jusqu’à la rentrée des classes, confirma Jonathan. Et elle dit qu’il faut que je t’oblige à faire tout comme tu veux.
— Elle ?… Mais qu’est-ce qu’elle fout en Amérique ? s’écria Serge, pensif. Eh ! je ais ! Elle a encore trouvé un mec.
— Oui, c’est ce qu’elle écrit.
— … Il a du pognon ? Elle elle en a toujours des pas riches elle des mecs.
— Elle ne parle pas d’argent.
— Alors il est riche, déduisit Serge.
Et il rit. Mais il était visiblement dépité, bien qu’il fût accoutumé aux abandons comme aux abus périodiques (Barbara embauchait surtout son fils lorsque, se sentant en veine de féminité puérile, languide, maternelle et douillette, elle coulait dans la chasteté : cela durait parfois plusieurs mois, puis elle recommençait à faire l’amour et rendait Serge à ses loisirs). D’ailleurs, une pareille liberté passait l’imagination du gamin, comme un chiffre en milliards. Il fut distrait, peu actif, tout ce jour-là, et ne quitta pas Jonathan un instant.