Paysage de fantaisie (12)

De BoyWiki
Version datée du 18 mai 2016 à 12:50 par Crazysun (discussion | contributions) (Page créée avec « {{Bandeau citation|aligné=droite|d|b]}} ''précédent''<br><br> {{Citation longue|je vais chercher notre prisonnier il est au poulailler co... »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Il est possible que ce document ne soit pas libre de droits …Si vous possédez des droits sur ce document
et si vous pensez qu’ils ne sont pas respectés,
veuillez le faire savoir à la direction de BoyWiki,
qui mettra fin dès que possible à tout abus avéré.

précédent

je vais chercher notre prisonnier il est au poulailler contre la maison j’espère qu’il ne se débattra pas ils ont confiance je suis le gendarme costaud

il y avait une table ronde en fer un âne un vieux mur avec des fleurs les garçons attendent assis autour de la table l’enfant sera jugé puis condamné puis exécuté

je lui dis T’es accusé Lulu défends-toi       je juge c’est moi qui choisirai les tortures après mais on doit d’abord inventer ce qu’il a commis et je ne sais pas quoi dire Lulu paraît si petit et si maigre que j’ai un peu honte il est debout tenu par le gendarme qui lui tord le bras on serait embêté s’il chiâlait mais il a les sourcils froncés et un air de reproche presque méchant

je dis à Jacques dans l’oreille Dis qu’il a volé mon couteau je serai témoin

oui       Lulu t’as volé son couteau

menteur j’ai rien volé

il était sous ton oreiller

c’est pas moi qui l’ai mis vous êtes tous des menteurs       le juge perché sur une branche de pin y assurait ses jambes puis se jetait en arrière et nous regardait tête en bas il dit On t’a vu Lulu il mange un esquimau t’as mangé nos papiers d’esquimau les dossiers secrets on t’a entendu crac crac

la victime en barque s’approche du tribunal qui siège sur la plage comme un conseil de Sioux il a mangé mes billes mes bites mes biches mes bises mes bides mes bibles mes biques mes bibis s’écrie le rameur je l’ai vu Lulu leur montre le derrière Menteurs menteurs menteurs son cul cambré il le secoue il projette des crottes imaginaires il a mangé j’ai mal au ventre les crèmes glacées que je ne digère pas le coca-cola s’y mélange les bulles le gras bulleux la vanille blême

accusé Lulu débinez vos nom prénom âge adresse le juge se coule du sable sec dans les oreilles puis il ébroue ses cheveux blonds et soulève son slip de bain pour y dénicher des friandises élastiques guimauve ou boules de gomme il les mâchouille à grands coups

non j’ai pas mal au ventre non personne m’a rien volé dit Lulu

si l’accusé parle encore je mets sa langue dans ma poche silence ! et maintenant avance là       Jacky a dessiné sur le sable un cercle magique Saute dedans Lulu tu peux plus sortir hein

si je peux si je peux       Lulu ricane dansotte fait mine d’enjamber le tracé

t’as pas le droit t’es ensorcelé c’est le jeu sinon t’es mort

je suis l’avocat qui défend je dis Oh Lulu l’a des poils au cul

le juge perplexe dit C’est très grave il pend toujours au trapèze je croyais qu’ils auraient vraiment fait semblant mais ils ne pensaient déjà qu’à gâcher le jeu Jacky a la plus grosse bite il est tranquille comment ça va finir lui       l’autre idiot dans sa barque s’ensable il crie Au secours les sables mouvants c’est Lulu ! un garçon attrape Lulu qui se révolte

t’as pas le droit d’entrer dans mon rond

il a raison lâche-le dit Jacky il fait un demi-saut périlleux et quitte les agrès il se reçoit sur le sable ce qu’il a sous son slip de bain vert est très allongé et gonfle de plus en plus fort on devine tout

il manque des crimes dis-je les garçons réfléchissent se grattent le menton ou le cou je dis Quoi c’est facile qu’est-ce qu’il a fait d’autre ?

d’autruche suggère une voix plusieurs petits rires s’envolent

il a tué une puce

il a cassé une noix

il a couru

oui pendant cinq minutes et après il s’est arrêté

six minutes même j’ai compté

oui il s’est pas lavé les pieds

il a pissé deux fois

il a dix doigts pas pareils

son nez il est troué

il s’appelle Lulu comme Lulu

euh il m’a dit bonjour

moi aussi

moi aussi

ouais moi aussi il le fait exprès

il a trois mains on le voit pas parce qu’il s’en sert que deux à la fois

oui et il a trois bites et il se les branle en même temps avec ses trois mains

ça suffit crie Jacques en se frappant une cuisse Lulu t’as bien entendu c’est vrai ?

c’est pas vrai si j’mens nargue Lulu qui tire une langue frétillante et allonge son nez d’une main en drapeau il était minuit un enfant sur la plage déserte dessinait un cercle avec la pointe de son pied un peu retourné eau eau et eau nocturne derrière lui le sable et le sable devant lui je moi à sa gauche ma barque une barque je l’ai prise dans un garage de villa elle avait deux roues j’ai deux bras musculaires vasculaires osseux j’ai tirépoussé poussétiré alternativement y avait la chouette descente de la rue jusqu’à la plage je me suis assis dans la barque et elle a roulé il observe la pleine lune avec attention il se tient au milieu du cercle il a écrit des pour invoquer le ou les rien que cette nuit où je suis encore là ma dernière nuit sans fin mes dernières heures qui n’ont pas d’après et se mordent la queue s’accrochent vivent fantasquement et je vis libre et léger enfin léger l’enfant s’accroupit il pousse un petit cri comme un glapissement il lève les yeux vers moi il tremble de peur il ne fallait pas m’appeler on m’appelle je viens le cercle m’interdit de toucher l’enfant mais je rôde à la frontière je tourne et peu à peu mes foulées déplacent du sable qui comble le tracé protecteur le garçon ne s’en rend pas compte il est muet et sauvage il tourne autour de moi et bientôt sa main effleurera ma main ou mon coude ou mon menton ma nuque n’importe quel endroit que les adultes tarent aux marmots qu’ils croisent sur le trottoir laisse-moi passer petit allons et la caresse dans les cheveux le garnement peloté vous échappe avec un air d’aller je ne sais où qui presse le voici à cheval sur moi et de gratitude je ferme les yeux je me dissous tout mon corps devrait avoir une peau aussi buveuse et douce et tactile que mon visage mon ventre sous ses fesses aurait des paupières à clore et des joues à baiser       une nuit un arrêt le moment immobile le char du soleil plus rien une immobilité d’encre noire nous deux inventés dans le noir et le sable qui n’est aucun sol

t’es un traître tu nous as trahis tu nous as traînés Lulu

déconnez pas les gars laissez-moi j’ai rien dit

ah il avoue torturez-le

non pas ça non       il y a cinq cents bâtons de sucette piqués dans le sable les terribles pointes dépassent et le condamné est jeté dessus corps percé en dix mille endroits le sable boit son sang et un mugissement monte des entrailles de la terre le dieu assouvi gronde c’est bon Lulu       pas ça ! Tu vas parler tu parleras on veut savoir c’que t’as fait Mais j’en sais rien Nous non plus Mais vous êtes fous j’ai rien fait Prouve-le Mais quoi quand Prouve que t’as rien fait par exemple ce matin Quoi ce matin Tu t’es réveillé Ben oui tout le monde Tu t’es levé Oui Ah t’aurais pas dû Non il aurait pas dû Lulu maintenant tu vas avouer tout le reste attachez-le ils l’ont soi-disant ficelé et à quatre un par membre ils le portent dans l’eau Parle ou on te noie ils lui trempent le cul Parle

un vieux mur fleuri je l’ai longé je m’y appuyais d’une épaule j’ignore le nom des fleurs giroflées perce-murailles et des rosettes de feuilles grasses en artichaut tiges nues roses ornées de petits lobes d’oreille joubarbe minuscules fougères aux feuilles en lentilles sagement alignées sur des pétioles noirs ou violacés fins et longs comme un cheveu ou deux ou quelques-uns j’ai des cheveux je frôle ce pelage de n’importe quel temps j’ai des nattes pour attirer les garçons espiègles je chantonne et mes petits pas dansants ont la douceur des colchiques et des mauves ô ils me suivent ô je les aime et mes yeux brillent ô garçon prends-moi dans tes bras garçonnet lâche mes nattes et que tes lèvres encore humectées de gros mots joyeux viennent plaquer leur sourire à mes joues avec un mmssschuuiiiii ou un bffoh

bien mouillées les jeunes bouches et barbouillées comme un trou du cul beurre crème anglaise confiture miettes de pain aux commissures écailles de gaufrette incisives laiteuses et moustaches de cacao je lèche tout ça et je mousse dans leur cul c’étaient ces choses-là je les avais oubliées un doigt de gant qui m’étreignait à faire mal je recompte les culs jadis mon épaule pèse plus lourd contre le mur les fleurs s’emmêlent à mes cheveux et les arrachent l’anus mollasson où glissait ma bite ensalivée je fonçais droit pour qu’après ils disent c’est bien d’dans et lâchent leurs fesses caoutchouc rond coussins péteurs où je et donc j’avais ce       je ne mets pas la main à ma braguette aucun besoin de vérifier par où ils m’ont pendu

pas la tête arrêtbbblb blbbbbb

tu l’as bue ta tasse alors tu causes oui ? Je sais rien je l’jure c’est pas moi Si c’est toi on t’a vu J’étais pas là Pff il est têtu allez au jus un deux trois Non écoute d’accord j’étais là mais sortez-moi de l’eau Pas si vite d’abord t’étais où ? Là où vous avez dit On a rien dit qu’est-ce qu’i raconte tu t’fous d’nous Non je me fous pas Tu veux une p’tite tasse toi Non non oui je me fous d’vous Ah tu t’fous d’nous allez au jus ! ils plongent l’enfant dans l’eau et l’un de ceux qui lui tiennent les bras applique sur sa face une grande paume à plat doigts ouverts ils l’immergent en comptant trente secondes le gosse gesticule sous les vagues légères et se dégage avec une énorme aspiration qui le défigure Bon ça c’était ta punition maintenant dis-nous où t’étais Non pas ici je dirai tout sur la plage T’as peur ? Oh vous pouvez quand même pas me noyer pour de vrai Tiens on peut pas la bonne blague tiens

ils le flanquent à l’eau mais sans insister puis ils le tirent sur la grève On le met où ? On l’attache au toboggan ils le couchent de façon que sa tête soit sous l’arrivée de la piste ils feront glisser un peu de sable d’en haut puis des poignées de plus en plus grosses ou bien ils glisseront eux-mêmes et leurs fesses bolides écraseront le supplicié T’as compris ? alors t’as pas intérêt à la bouder vas-y maintenant répète où t’étais

à quelle heure ?

fais pas l’idiot t’es prévenu

mais

bon eh là-haut envoie le sable       une coulée s’achemine sans hâte le gosse ferme les yeux et crispe tous les muscles de sa figure il reçoit le sable en sursautant il secoue la tête ses mains sont soi-disant liées il demande qu’on l’essuie Tu rigoles ça t’empêche pas de causer non ? des grains de sable lui chatouillent les paupières il penche le visage très à gauche et très à droite ses cheveux mouillés sont emplâtres blondis il ouvre enfin chaque œil prudemment Ah c’est pas trop tôt dit Jacky alors c’était à quelle heure ? l’enfant se décide il invente À midi T’es sûr ? Oui Moi je te crois pas Mais si ou midi cinq je me souviens plus Faudrait p’têt choisir Mais je sais pas moi à la fin ! crise de nerfs il éclate en sanglots Ça y est crie Jacky il chiâle envoie le sable tout c’que t’as

un âne j’ignore comment c’est fait une queue des dents des naseaux des feuilles comme celles des dromadaires avec de longs poils urticants la queue s’achève en touffe où deux yeux méfiants épient les mouches bleues celles qui pondent dans les cadavres les mangeuses de lèvres purulentes et d’abcès crevés je n’ai vu qu’un âne mort ses deux roues qui tournaient sous l’azur et l’ânier pleurait assis sur l’énorme ventre pelé la mamelle inutile ses pis trop sucés par les belettes bouts roses sanguinolents nageoires affaissées ternies et son regard tendre et vitreux de singe en amour on tirait l’âne par la queue jusqu’aux vagues il était attaché à un anneau du mur il frottait sa couenne contre les moellons rugueux et suçait des pointes d’ortie aliboron cueille son chardon il avait une hotte elle contenait des petits enfants découpés et salés l’autre hotte contenait la moutarde le chou les patates le bon sang boudin en boyau de cul l’ânier pleure et pleure ses hoquets le font rebondir sur la panse de l’âne qui pète et foire

le long du mur pour être joli bien brossé oreilles droites ses sacs de lavande ils embaumaient toute la rue petits pavés montants et sonnant clair je reçois le sable les fesses du garçon qui a descendu le toboggan mon nez se casse j’ai encore des pleurs à pleurer et du sang à saigner il n’y a plus de douceur nulle part ils me tuent vraiment et je ne verrai jamais les poils de zizi que j’aurais eus sauf au paradis si ça y pousse

deux oreilles deux antennes deux palpes labiaux deux cornes rétractiles et deux crochets venimeux dissimulés sous les dents jaunes un vrai âne porte des sabots sans foin dedans parce qu’il le mangerait les deux pattes avant servent à avancer et les pattes arrière servent à reculer il a une bite d’âne le jouet de la meunière et l’ébahissement des oiseaux mon biberon animal inconnu j’avais un aquarium mais seuls y nageaient les cigales les menstrues de sirène les artichauts médusés l’eau bouillait il y plonge la main du coupable c’est qu’ils n’ont pas pu acheter d’huile Bouilli c’est moins bon que frit remarque Jacky en croquant un charbon praliné ce sont des boulettes grumeleuses dans son slip près des grosses boules lisses à peau d’œuf

l’enfant au pied du toboggan se relève et tapote le sable qui poudre ses fesses Alors je suis libre ou je suis condamné ? demande Lucien On réfléchit tais-toi

le vent plus frais le ciel couvert de nuages floconneux le soir tombe ils rentrent ils n’ont que cent mètres à faire ils ramènent la barque je ne m’y accroche pas la plage est longue au loin comme si je devais marcher       ciel d’encre sale il était midi ou midi cinq dans le dortoir retour de la promenade du matin ils posaient leurs cannes leurs béquilles leurs jambes artificielles et dévissaient leur anus en cuivre pour y glisser un thermomètre si je vivais je deviendrais cela je cherche où prendre les vraies vies de cette nuit ultime ni les sexes ni les cuisses belles comme des nuques rasées ni les doigts les dix doigts aux mouvements coordonnés ou d’autres beautés d’insecte je ne les retrouve pas ni les villes les forêts les faubourgs un cercle de champignons

bleus à cloques merdoie le chapeau gluant sucé effondré le pied maigre et vermoulu les gants troués la cravate à rayures froissée de plis noirâtres je boirais bien d’une eau fraîche la cravate est dans une poche de ma veste et j’ai un slip sale dans l’autre poche il ne m’irait pas il est beaucoup trop occupé il creuse un tunnel à l’intérieur du château de sable humide il extrait une gadoue qui lui goudronne les doigts je frotte mes mains à ma culotte ils soulevaient le couvercle et humaient la soupe aux moules C’est toi qu’as fait ça Mimi ? C’est pas de la soupe dit Mimi c’est le jus des moules Quoi encore des moules ? Quoi j’y peux rien c’est à l’œil les moules si t’avais passé la journée à les ramasser Moi ça m’est égal j’aime ça mais on chie vert et ça c’est quoi de vert dans l’eau ? De la salade de mer ça donne du goût       ils se cachent ici depuis deux jours ils venaient de loin par les chemins secrets leur âne était mort à Poitiers ou Camaret ou Saint-Michel-d’Eau-Douce près des fontaines ils ont envahi la villa pendant la nuit

je n’aurais pas dû me lever j’ai eu tort de commencer ce mouvement vers l’extérieur comme si les gosses tirés du lit lavés gavés culottés pénis sage de bébé qui ne pisse plus partout allaient me saluer dehors il appelle Viens voir ah tu sais c’est intéressant ça viens tu veux pas ? les boutons de sa braguette sont durs à défaire il trousse sa blouse de classe pour mieux y voir et la brise vanillée du matin mouillée de soleil ras remue les branches de noisetier et les pans de la blouse à carreaux sa main cherche longtemps Ah c’est bête attends c’est mon slip qui me dérange zut tant pis je la tire en dessous t’as vu c’est à moi et tout fier il part ensuite pour l’école il entraîne le soleil qui brille sur ses mollets et bientôt lui mangera les cheveux moi aussi j’en avais une à moi s’il savait

heureux gentils insouciants la jolie vie de chaque jour impatients des heures à bien remplir petit bonheur en yaourt ils ne perdent rien pour attendre j’ai eu tort de détourner mon regard de ce mur paysan les pierres sauteront elles laissent des trous en meurtrières qui révèlent mille scènes clandestines puis le mur s’écroule tout à fait et mon spectacle part en fumée je n’aurais pas dû j’étais à plat ventre nez dans le sable et protégé par l’ombre d’une pinasse j’entends un peu leurs cris mais le vent et les vagues sont plus forts et ressassent à mes oreilles le rythme d’un sang qui n’est plus en moi je refroidis vite je ne m’engourdis pas ils me prennent pour un gros poisson échoué pieds sans godasses je pue ils pincent leur nez ils disent ça chlingue ça fouette ça coince ça cocote

une table ronde en fer elle vient du jardin qui est derrière le mur où s’appuie l’âne c’est la campagne je n’ai pas les yeux assez longs pour deviner la mer à l’horizon l’épicerie est un sous-sol dont je montre la porte basse maison écrasée entre les maisons qui longent la rue cave ampoule à chiures paquets de savons saucissons layette et le journal d’ici un tas qui sent l’huile de machine l’orthographe et le papier humide       table dix poings dessus ils tapent en cadence la tôle résonne ils vont hurler leur cri de guerre je force deux enfants à se lécher l’anus devant moi je sodomise un garnement de huit ans et demi qui passera trois semaines alité je pends un gosse par les pieds et je lui flagelle le ventre avec un fil électrique j’électrocute à la fois le nez et les couilles d’un petit blond boudeur autre électrode dans un trou de couteau montrant l’os du genou j’urine dans la bouche d’un nourrisson affamé je contrains trois enfants innocents à des actes lubriques réciproques réfléchis simultanés mutuels et contre nature ils frappent sur la table ils s’écrient Condamné à mort Lulu ça t’apprendra t’es le plus maigre et tu manges trois fois plus que nous t’es condamné à mourir de faim bourreau fais ton office Lulu agenouillé ouvre la bouche et reçoit à la régalade un demi-litre d’apéritif

l’entonnoir de zinc vigoureusement introduit dans les fesses on y verse une pleine casserole de vinaigre bouillant les moules bâillent ils sont bruns mal mouchés mal peignés ils ont des nez crochus et des yeux noirs étroits et bigles ils sentent l’étron de chien ce sont des gitans ils bouffent du chou-fleur à la Polonaise rien qu’eux dans la maison abandonnée je voulais mourir en compagnie de petits lapins roses minous enrubannés perroquets babillards et multicolores et non cette racaille qui parle nos langages avec des accents et qui va me rosser       les baigneurs mignons venaient un à un me porter les moules crues et les crevettes à mesure qu’ils en ramassaient et ils les abandonnaient près de ma tête comme du pain près d’un oiseau qu’on a recueilli et qui ne vole pas gestes touchants paroles timides désolation sincère de leurs yeux sans chiures Il est peut-être blessé le type mais ça se mange quand même dit un petit gitan à voix basse on l’égorgé ou on le laisse crever ? On l’égorgé sinon ça s’ra p’têt empoisonné après       je me roule sur le carrelage en suppliant ils cherchent ma pomme d’Adam couteau tendu je me cogne à la cloison du fond le noir est un tissu de satin rouge sans éclairage qui le rougisse et le sol matelassé m’évite des bleus les gamins nus à quatre pattes malicieux comme des chatons chassent ma bite souris prise entre leurs griffes ils la mordillent et dépelotonnent ses poils à légers coups de patte les points de catgut qui retiennent les lèvres de mes blessures cèdent en déchirant la peau boursouflée je veux vider mes boyaux hors de moi et que cette souffrance s’arrête je m’empoigne je me dilacère un sable mêlé de piquants noirs pénètre mes plaies ce sont les fourmis de plage attirées par mon sang elles explorent chaque garçon équarri

derrière les rideaux bonne-femme en coton crème l’enfant à la fenêtre contemple la pluie qui tombe l’océan est gris noir les pins luisants voilés de vapeur Eh il a sûrement du pognon des sèches une tocante Moi j’ose pas lui prendre faut pas toucher aux morts ça porte malheur Crache d’abord dessus crache mouille ton doigt dedans et frotte-toi le front       les rideaux l’enfant immobile assis là l’air triste ou plutôt ému un bout de sourcil tremblotant les yeux trop ouverts prêts à fondre en larmes personne ne lui a rien fait et ce n’est pas la pluie mes charnures décomposées la plage la mer humbles sous l’averse aux traits flous et brillants milliers de gouttes qui gonflent mes cellules étanchent ma soif une main m’essuie le front elle est peut-être à moi deux mains s’efforcent de détendre celle de mes jambes dont le genou brisé ne se déplie plus ne sont mes mains et un morceau d’ouate trempé d’alcool tapote précautionneusement mes couilles et ma verge je me réveille ça me brûle trop ils mettent le feu à ma toison ils ont vêtu mon sexe d’un san-benito de poix soufrée on pèse patiemment sur ma poitrine pour qu’à nouveau je m’allonge Ne bouge pas essaie de dormir la voix je la connais celle des larmes les miennes quand j’avais l’âge puisque ces glandes aussi       source incertaine de la voix peut-être hermaphrodite contralto de certains garçons impubères basse de virago aigu d’eunuque

corps imperceptible sauf un chapelet de pulsations dans la crosse de l’aorte et un nœud de salive derrière le larynx billes qui se promènent se bloquent repartent autre sensation couleur rose comme si à l’extérieur de mes paupières serrées il faisait jour danger je me raidis sous mon drap je comprends que je suis visible les billes se déplacent en moi et de l’eau coule sur mes joues je la ravale une terrible douleur me tire l’abdomen j’ai mal aux testicules il y a du plomb dedans

la flamme d’un éclair sous moi pas un lit un éclair je suis couché sur des fils électriques nus on me mouille au jet d’arrosage le drap moite plissé par mon agitation me coupe les fesses et une omoplate ma tête sur l’oreiller trop lourde pour mon cou On ne peut pas le garder au dortoir on va le porter à l’infirmerie aidez-moi vous trois on l’enroule dans cette couverture-ci attention

papillons en forme de spirales puis d’angles en éventails noirs puis violets éparpillés puis cernant mes yeux qu’ils dilatent empilements et puzzles de carrés noirs et d’hexagones ils ne bougent plus ils descendent grossissent sur place je suis aplati dessous comme une image les trois arêtes à l’angle du plafond et de deux murs une existence avide s’y tapit elle m’hypnotise m’aspire descend à son tour je crois qu’on m’a tué il y eut ce couteau ma bouche béante la lame enfoncée entre deux dents et secouée manipulée comme un levier pour les écarter les déchausser une dent se cassa l’autre est tombée la pointe de ma langue colmate ce trou elle s’y maintient jusqu’à la crampe et si je la retire un froid solide occupe ma bouche je ne dois pas dire ils

j’en ai laissé là-bas en brun en blond en sale en propre en drôle en triste vieux papiers que je n’aurais pas déchirés avant mon départ et chacun lira ce que       couchés debout vivants morts et moi sans doute d’une certaine façon là-bas aussi       très loin maintenant inapprochable à jamais détruit par ma faute j’ai compris je ne m’acharnerais plus sur eux je saurais même détourner mon regard pour qu’ils demeurent insignifiants semblables à moi une dernière heure que je leur consacre celle pour oublier

opposer à cette chambre une chose comme un talon un petit doigt l’observer très longtemps une main seule elle n’agit pas ne se montre pas elle contient tout après toute mort dans la nudité de ce moment

ne pas la décrire trop encombrante avec ses doigts serrer son poing pouce rentré savoir combien ma main est différente creusée de tunnels dévorée par le jour et immuablement double attendant l’autre       je peux effacer cela et même supporter l’image du mur sa peinture mate et beige l’enduit pauvre du lieu qu’on a choisi pour m’y protéger mais je ne dois pas dire on

comme chaque dent d’une roue délicatement ciselée qui tourne avec des à-coups d’horlogerie un temps saccadé me dépose ici gramme par gramme de ma chair et m’y installe je ne devrais pas dire je mais ce serait le dernier mot quatre à cinq mots par minute les verbes surtout difficiles à venir ou simplement la chaleur de mes tempes et la peur que des paroles trop rapides fassent couler une sueur plus douloureuse que les larmes et extirpée de plus loin

prêt à ce que s’ouvre la porte à gauche de mon lit mais inquiet de ce qui suivra il faudrait que personne n’emprunte cette porte sinon moi qui entrerais me voir je sais ce qui m’est bon je ne me nuirais pas je n’en ai plus besoin

ou j’écarterai tout risque si un autre est dans ce lit à ma place et si ce n’est pas moi qui entre je serai en tiers de la scène apaisante je goûterai le bienfait reçu et donné j’éviterai le malaise de perdre et de subir       deux chaussettes par terre non trouées gris perle pointure enfantine les pieds pourraient être d’un nain je crois que c’est un nain mais de l’espèce médiocre qui grandira

une main ramasse les chaussettes et les enfourne dans un sac à linge de plastique orange à gros cordon mou elle prend sur la chaise un slip grisâtre et d’autres effets il y a une pile de linge propre qui ne peut pas tenir seule en l’air il faudrait un meuble dessous

lent déplacement de la tête du malade vers la gauche côté de la pièce opposé au mur où le lit       lent déplacement des yeux vers le pied du lit côté où le visiteur       mouvement d’une main sous le drap la main remonte et débouche à droite de la figure les doigts se replient sur le bord du drap et l’abaissent un peu en découvrant un pyjama vert pomme col aux pointes fripées

drap rabattu davantage veste de pyjama exhibée jusqu’au troisième bouton poche de poitrine sur le cœur brodée d’un écureuil vert sapin emblème de club ou ornement pour habits de garçonnet

le visiteur agit en silence sa blouse est

ses semelles de crêpe font un bruit de ventouse ou de

qu’on appelle silencieux ce manège discret augmente l’anxiété du malade il ignore qu’il aimerait entendre des tambours des trompettes et les ovations qui accompagnent l’envol d’un ballon lancé très haut je surveille le ballon il va me tomber dessus je me gare je l’attraperai le premier mêmes pensées mécaniques tous les crânes ensemble mais ici semelles de crêpe silence mouvements réduits à d’infimes variations de posture

gorge blanche de l’enfant plus importante que sa figure insister il lève le menton il tourne la tête complètement de côté le muscle sterno-cléido-mastoïdien se tend la peau est d’une substance vivante mais qu’on imagine végétale protoplasme incolore donnant en masse l’illusion de blancheur irisée c’est la même peau que celle du visage mais elle ne masque rien elle est chair du cou au grain de papier blanc

le visiteur rompt l’irréprochable rituel de ses gestes il s’agenouille près du lit et regarde le malade il ne prend pas le pouls et n’administre aucun soin il ne s’occupe pas des yeux fiévreux qui le scrutent il regarde son malade et se le donne entier

maintenant la main gauche du petit remonte à son tour sous le drap et prend une place symétrique de l’autre

ongles courts phalanges minces et extrême propreté des mains inutiles qui attendent accrochées au drap

l’autre pouvait parler quand l’enfant délirait mais à présent tout lui commande de ne pas desserrer les lèvres son malade répondrait poserait des questions       agir baisser le drap déboutonner le pyjama enfiler à l’enfant une veste propre et recommencer avec le pantalon ce pyjama-ci est bleu lavande et la broderie de sa poche représente une barque de pêche en fil bleu foncé arc de cercle posé sur sa convexité pour la coque trait horizontal pour le pont trait vertical pour le mât voile au tiers sans cordages

le lit est ouvert le visiteur retend le drap de dessous puis couvre le malade en réordonnant la literie de dessus

il ferme les rideaux de la fenêtre il allume une très faible veilleuse rouge et quitte la pièce avec son sac de linge

l’enfant doit encore rester à jeun il peut boire de l’eau sucrée il en a un verre       la chambre est un carré de cinq mètres de côté le lit n’a pas de montants il est d’une taille prévue pour les grandes personnes le sol et les murs ont un même revêtement caoutchouté beige insonorisant dont l’aspect imite les irrégularités de surface et les éraflures rouillées du calcaire

il n’y a pas de miroir

des jeux qu’on peut utiliser au lit attendent sur la table de formica boîtes de puzzles figurant des fables de La Fontaine modules à emboîter pour construire des animaux stylisés ou des objets quotidiens pâte à modeler qui ne tache pas il y a aussi un grand taquin en plastique bleu un solitaire anglais en carton à fiches de plastique jaune et d’autres jeux de patience

l’enfant regarde la veilleuse qui est un minuscule voyant rouge fiché dans une prise de courant au-dessus de la plinthe à gauche de la porte il se couche sur le côté il fixe cette lampe ses yeux clignent par intervalles de plus en plus longs et il s’endort


Retour au sommaire