Abécédaire malveillant : P

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P

PÂMOISON


Jadis, les femmes s’évanouissaient dès qu’on les contrariait. Dans la fiction moderne, théâtre, cinéma, publicité, au plus petit déplaisir elles balancent une queue menaçante, sifflent, sortent les crocs, gesticulent, hurlent à en effondrer Paris avant de vous arracher les yeux tant elles sont à plaindre. Elle est arrivée – quoi ? – l’égalité.


PARENTS


On aime ses parents faute de mieux, comme Robinson Crusoé aime les chèvres de son île déserte.

Or ces coquettes font mine d’en être dignes et de n’avoir, en somme, que leur dû.


PATHÉTIQUE


Pauvre Beethoven, si contrefait ! De belles jambes auraient profondément changé son existence.


PÉDOPHILES


La presse, hétérosexuelle et familiale, fait passer les pédérastes pour des agresseurs que les enfants ont à craindre. Mais, dans leur immense majorité, les viols d’enfants sont hétérosexuels et familiaux. En outre, ils demeurent presque tous impunis, cachés, couverts.

Records (officiels) de l’année 1988 : auraient un père incestueux, aux États-Unis une fillette sur huit, et une fillette sur six aux Pays-Bas.

Ce que les petits garçons doivent s’ennuyer.


PENSÉE


Crédibilité des pensées selon leur signataire. Un lieu commun suivi d’un grand nom fait réfléchir. Un trait génial signé Pétavy ne convainc pas. Car on se rend toujours à une personne plutôt qu’à une idée.

Il y a un effet de suggestion comparable quand, dans la presse, on a interverti les légendes de deux clichés. Sous la photo d’un étrangleur de fillettes on écrit qu’il est le nouveau ministre de l’Intérieur : et cette fonction lui va bien au visage. Sous la photo du vrai ministre, on dénonce un détraqué sexuel : et il a merveilleusement la figure de l’emploi.

*

Une philosophie ne serait honnête que contradictoire, incohérente, indéfendable.

Mais qui a besoin de cela ? On « pense » pour broyer ses semblables, non pour comprendre quelque chose. Or la pensée-pour-cogner doit fermer le poing : être univoque, logique, doctrinale. Une main doigts écartés n’assomme pas.

Cette main ouverte, c’est la pensée accablée de ses contradictions et qui ne les résout pas. Elle est juste ? Alors elle est faible : cache-la.


PLAIRE


Je jalouse les livres pour enfants : on n’en écrit que si l’on plaît aux parents, et je ne pourrai jamais.


POSTÉRITÉ


On ne devient immortel que cinquante ou cent ans après avoir restitué corps et âme au règne minéral.

Mais certains impatients ne supportent pas d’attendre si longtemps après leur décès : ils posent sans délai à l’homme que les siècles admireront, ils s’en font un habit à queue et le traînent en ville. Mieux vaut tenir que courir.


POUVOIR


Tout pouvoir est abus de pouvoir.

Un pouvoir modéré : chose aussi absurde qu’une torture indolore.


PRIX LITTÉRAIRES


Meutes saignantes, fleuve d’eau grise, troupeau d’ânonnements, puanteur de dortoirs nationaux, mouroirs de vieux, de gosses de vieux, crapotes centenaires aux urines séchées. C’est la rentrée romanesque, ses jurys, ses lauréats, son public.


PROFESSEUR


Un professeur que ses élèves supportent ensemble, chacun d’eux lui ferait la peau s’il fallait le subir en tête-à-tête, le connaître pour ami : inepte, méphitique, repoussant. Mépris des lycéens pour les fayots de la classe : lécher le raté, c’est en être un.


PUB


Je me crois bizarre, parce que les publicités me dégoûtent d’elles et des produits qu’elles vendent. Je casse les radios, je déchire les journaux, j’urine au cinéma, je fais sauter les panneaux et les murs, j’incendie les magasins sonorisés.

Puis j’apprends que, souvent, les téléspectateurs coupent ces spots où d’adorables créatures leur arrachent les nerfs au nom du yaourt, leur pèlent les fesses au papier ouaté, leur noircissent l’humeur au détergent, leur fraisent les caries au petit-beurre, les tuent en berline de la Régie, les jettent à la morgue rassasiés de chewing-gum sans sucre. Ouf, je suis normal.

*

La pub fait d’abord de la pub pour la pub. Elle a imposé, sans une preuve qui tienne, l’axiome que la publicité, viol légal des consciences, est nécessaire et efficace, mieux que les modestes réclames de jadis, qui respectaient nos cerveaux. Croyance qu’aucun annonceur ne met en doute. Les plus sceptiques s’y essaient comme au pari pascalien, sur un petit fond de peur. La publicité exerce l’empire cynique d’une religion à son apogée.

Aide-toi, le ciel t’aidera : une solide stratégie commerciale double toujours par-dessous vos campagnes de pub. Mais vous créditerez celles-ci des succès que vous ne devez qu’à celle-là. Ce n’est pas l’aspirine qui guérit, c’est qu’elle soit magnétisée par un beau parleur.

Dans l’ancienne Rome, pas un commerçant n’aurait osé conclure une affaire, affréter un vaisseau, ouvrir une échoppe, commencer sa journée de lucre sans sacrifier aux dieux, c’est-à-dire sans engraisser les temples. Mercure, dieu des fripouilles, est celui du Commerce : aujourd’hui, les publicitaires ont pour sacerdoce de voler les voleurs.


PUNIR


Notre barbarie commence par l’apprentissage familial d’un ordre des choses au sein duquel le « coupable » est possible, donc puni.

Mais comment renoncer aux coupables ? C’est le seul progrès moral qui importe, et il n’a pas encore inspiré une seule phrase en français de philosophe.

*

L’impatience de punir est brûlante, chez les jeunes parents. Les mères en ont des rages qui (avoue prudemment la ministre) mènent à l’hôpital cinquante mille petits torturés chaque année. Les sévices moindres restent inchiffrables. Mais nos familles sont unanimes pour éduquer par la douleur, et le châtiment est la première culture nationale que reçoive un enfant de France, avant même qu’il parle ou qu’il marche. Cette violence modèlera à jamais ses pensées et ses actes : et il transmettra fidèlement un si rare patrimoine à ses propres enfants.

Après cela, l’étranger nous juge renfrognés, sauvages, insociables, et la planète entière se plaint de notre sale gueule. Il faudrait lui expliquer pourquoi.


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