Abécédaire malveillant : Y

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Y

YEUX


Enfant, adolescent, j’étais surpris, découvrant des chefs-d’œuvre que leur prestige rendait menaçants, qu’ils soient si faciles à lire, à voir, à écouter. Miracles évidents comme l’eau des sources. Mais je ne comprenais pas qu’on les admire à ce point, et qu’on les dise ardus.

Les années passant, leur singularité m’est apparue. À l’inverse des autres ouvrages, qui tournent comme du vieux lait, ceux-là duraient en leur fraîcheur, s’imprégnaient de mes souvenirs, de mon savoir, révélaient peu à peu un espace plus vaste, plus construit, plus ombré, plus habitable, plus vertigineusement imparfait. Ainsi, avec une humble fidélité de chien, cette musique, ce livre me furent naïfs quand je l’étais, et m’accompagnèrent, mûrissant avec moi, me devançant de quelques pas sur le chemin, juste assez pour m’intriguer, me séduire encore, et que je pense : « Demain, qui seront-ils ? »… Sans doute me rendaient-ils la confiance, l’affection immédiate que je leur avais portées : toute œuvre aimée est de vous.


YOYO


Certaines femmes parlent sans cesse toutes seules devant vous, apparemment pour ne rien dire. Habitude qui a inspiré trois millénaires de lamentations masculines dans toutes les écritures de la planète.

Le bruit de ces femmes ne communique clairement qu’un message : MOI. Psychologie conformiste, graphologie, souvenirs faux, flatteurs, dramatisés, astrologie, voyance, paranormal, psychanalyse, religiosité, morale bornée, mensonges en cascade, peurs agressives, savoirs définitifs, phobies, hypocondrie, intuitions tranchantes, contradictions instantanées, diffamations et sentimentalisme constituent les outils de leur onanisme buccal, le piapia de leurs livres.

Ce langage hétéroclite privilégie tout ce que l’humanité a pensé de faux, d’absurde et de fumeux. Il diffuse son indicatif « moi » telle une phéromone sexuelle : il est sans partenaire précis et sans limite de temps ou de lieu. C’est une odeur.

Son outrance évoque la congestion et le rougissement des callosités fessières de la guenon du babouin à l’époque du rut. Chez le cynocéphale papion, en effet, il faut cette boursouflure pour intriguer les jeunes mâles, très indifférents aux femelles quand elles n’ont ni cul rouge ni pestilence vulvaire. Une demoiselle babouin vous séduit en mettant le derrière en l’air, corps pyramidal, la tête posée au sol près des pieds. Voici qu’elle projette ses fesses écarlates dans la figure d’un adolescent : ne dirait-on pas qu’elle joue Ève et la pomme dans le jardin d’Éden (et sa queue le serpent tentateur) ? Le jeune et vierge Adam renifle l’énorme fruit, puis il fornique dedans – ou, plus souvent, il refuse. L’Ève poilue passe alors à un autre promis, à moins qu’elle ne préfère épucer son bel indifférent. Aucun Dieu n’interrompt ces plaisirs.

L’analogie avec nos bavardes aux mamelles remontées, aux calcanéums surélevés, aux figures peintes en rouge, est vraiment confondante.

Les fesses tuméfiées des babouins ont un rôle biologique : elles attirent les géniteurs. Par leur narcissisme, au contraire, les femelles sapiens, qu’elles aient ou non la face enduite de cramoisi fessier, consternent les mâles, les dégoûtent du coït, éteignent leur pauvre cervelle sous un torrent boueux.

En outre, elles volent les petits et les soumettent à un vice cannibale : leur amour abusif. Ces mœurs nient toute éducation au profit d’un croupissement organique qui détruit l’humanité des jeunes. La famille dominée par ces mères n’est plus la base de la société, mais l’ennemie de toute société possible. Elles sont donc un obstacle à l’hominisation du genre humain – qui n’en finit plus de descendre du singe par les garçons et d’y remonter par ces dames, fort assistées de leurs piteux maris.


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