Quand mourut Jonathan (48)
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— Maintenant je sais le faire le café ! Mais pas avec cette cafetière-là. Tu me montreras, après c’est moi qui l’f’ra. Il sera peut-être pas bon !
Serge voulut aider à tout, montrer ses talents. Moins patouilleur qu’avant, il appliquait son adresse, sa légèreté, sa rapidité neuves à des tâches inutiles ou saugrenues. Le buffet de la cuisine fut entièrement vidé par terre, inventorié et trié objet par objet ; un tas énorme de choses à jeter fut amassé : mais en réalité Serge les conserva pour lui. Batterie de cuisine, mécaniques, vaisselle, épicerie furent remises en place avec une minutie d’étalagiste. Ce buffet trop rangé n’était guère pratique : mais, si on ouvrait toutes les portes en même temps, quel spectacle ! Serge ne les referma qu’à regret. Ensuite, il ne demanda pas mieux que d’aller y prendre pour Jonathan les objets, les produits, histoire d’admirer ses piles, ses files, ses alignements, ses emboîtements, ses rangs par taille et ses quinconces. Jonathan aurait été peiné de troubler cet ordre, il attendit que l’enfant ne s’en préoccupe plus. Deux nuits y suffirent.
Le zèle de Serge connaissait ses périodes d’exaltation, ses moments de mollesse. Il n’avait certes pas renoncé à être aussi brouillon et aussi paresseux que tout honnête homme : mais il montrait qu’il n’était plus un petit qu’il faut servir et aider sans cesse. Sinon, il aimait sincèrement le travail : puisqu’il ne s’y livrait que de temps en temps, et seulement par envie. Le mot corvée n’avait aucun sens dans son vocabulaire. Dans le fond de saleté, de négligence, de désordre que produisent de telles convictions, l’enfant passait par éclairs, réparant avec une industrie subite l’effet de ses laisser-aller, rendant tout à coup des montagnes de services, émergeant, lumineux, transparent et rieur, d’une longue phase d’incurie. Jonathan suivait ces rythmes et s’en accommodait très bien : c’est ainsi qu’il aimait vivre lui-même. Seulement l’enchantait la complicité très vive, extrêmement intelligente, du petit garçon.