Abécédaire malveillant : H
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HEUREUX
Je suis heureux que mes pires défauts aient un peu nui à des gens que je n’aimais pas.
HIPPOPOTAMES
J’ai, pour l’art romanesque de Balzac, de Victor Hugo, la fascination d’un enfant qui, à l’entrée d’un chantier boueux, contemple en action les pelleteuses, les grues, les camions à bascule. Ça n’est pas beau, mais qu’est-ce que c’est gros – et ça bouge – et ça défonce – et ça en trimbale des tonnes !
Au contraire, Zola me paraît à chaque lecture et en ses meilleures années plus subtil, plus nerveux, plus délié sous ses culottes d’éléphant. Je comprends mieux l’admiration qu’il inspirait à Mallarmé. En plus de l’élan, du simplisme nécessaires au roman romantique, il a ce que Balzac et Hugo n’ont pas : cet imparfait nostalgique, au pouvoir poétique infini, de Shakespeare, de Rimbaud, de Céline et de Proust.
HISTOIRE
Notre intérêt pour le passé s’accroît à mesure que notre présent perd en diversité et en désordres agréables.
Cette civilisation, bientôt planétaire, est celle du camp de travail, des ploutocrates et des dresseurs. L’histoire nous chante quelles libertés nous rêvions, quelle misère, mais créatrice et affectueuse, nous rejetons au nom de notre sécurité, de notre bien-être – cette prison – ce tombeau.
HOMME
Ne redouter – ou n’aimer – qu’un homme : celui qui se connaît mieux que je ne me
connais moi-même. Mais le reconnaîtrais-je ?
L’homme n’est bon que seul : c’est-à-dire privé de toute victime possible.
Un homme sur cent est un homme. Et il l’est seulement parce que les autres l’en
empêchent.
L’Homme est grand, disent les humanistes : il a écrit les Pensées de Pascal, composé les symphonies de Beethoven, construit le Parthénon… – suivraient quelques milliers d’œuvres et d’actes incontestés, ceux qui ornent les discours officiels bien rassis. Un trésor que la plupart des terrestres ignorent, d’ailleurs. J’ai peut-être la vanité d’avoir publié quelques livres innommables, mais mon épicière n’est pas fière du tout, elle, d’avoir écrit les Pensées de Pascal : à peine y songe-t-elle parfois.
En tout cas, le patrimoine qui illustre notre « grandeur » appelle une remarque affligée : si l’on en croit nos apologistes, l’Homme est surtout posthume.
HUMEUR
Chez la Française ordinaire. Sécheresse de l’âme, laideur des traits, lourdeur du corps, manières brutales, acerbes, aveugles, voix glapie, ânonnée, monotone, hérissante, mauvaise humeur sans trêve, méchanceté à fleur de figure. Elle ne se met en frais que pour soi : elle est toujours en savates pour ses proches.
Dehors, elle traîne son petit comme un bagnard sali de crimes irrémissibles, qui ne mérite que chaînes, secousses, menaces, refus, reproches, soupirs excédés. Il a tort à chaque pas. Elle le cajole d’insultes et d’yeux furieux. Elle le gifle s’il tombe. Elle a un enfant comme une chienne a un os.
Dedans, elle régale son mari de mépris, de piques, d’acrimonies, de colères, de sévices, de psychodrames difformes, sournois, définitifs. Elle est un ciel de guerre, noir et sifflant d’orages : sa maison prend feu chaque jour.
Mary McCarthy écrivait tendrement : « Une Française ne sourit que lorsqu’elle aperçoit un morceau de viande saignante dans la vitrine d’un boucher. »
HUMOUR
Nous n’avons pas assez de larmes pour tous les malheurs du monde, il faut bien rire de quelques-uns d’entre eux. Les vôtres, par exemple.