Henri-Charles de Coislin
Henri-Charles du Cambout,[1] duc de Coislin, est un prélat français né à Paris le 15 septembre 1665 et mort le 28 novembre 1732.
Un père illustre et précoce
Henri-Charles du Cambout de Coislin est le fils cadet d’Armand du Cambout (1635 – 1702), duc de Coislin, pair de France, chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, gouverneur de Brest et lieutenant-général en Basse-Bretagne, puis prévôt de Paris de 1669 à 1685.
Ce père illustre issu d’une vieille famille bretonne, petit-neveu de Richelieu, avait été le plus jeune membre de l’Académie française : reçu le 1er juin 1652 à l’âge de seize ans et demi, il en mourut doyen. Son fauteuil, le n° 25,[2] fut ensuite occupé successivement par ses deux fils Pierre[3] et Henri-Charles.
Prince-évêque de Metz
Henri-Charles du Cambout était entré dans les ordres à l’insu de son père : il se croyait impuissant, et ne voulait donc pas s’exposer au mariage. Ordonné prêtre le 18 juillet 1694, à l’âge de vingt-huit ans, il fut nommé prince-évêque de Metz le 26 mai 1697, et sacré le 22 décembre suivant.
Incident controversé dans la cathédrale
Il arriva un jour qu’un enfant de chœur de la cathédrale de Metz, après avoir passé un long moment en tête à tête avec le prélat alors que les domestiques dînaient, s’enfuit soudain en pleurant. Il courut se réfugier auprès de son père, un chevau-léger de la garde : M. de Coislin, affirmait-il, l’avait cruellement fouetté.
Mais bientôt des rumeurs beaucoup plus graves coururent la ville : il ne s’agissait plus seulement de fouet, mais d’actes indécents. Le chapitre de la cathédrale était scandalisé. Le père du garçon, furieux, partit pour Versailles où il se jeta aux pieds du roi, lui remettant un placet pour demander justice et réparation.
La puissante famille du Cambout de Coislin avait de nombreux ennemis, qui prirent prétexte de ces remous pour tenter de la perdre. Afin de contrer les intrigues, le duc de Saint-Simon intervint auprès du secrétaire d’État de la guerre Michel Chamillard, proche collaborateur et ami du roi Louis XIV : c’est de ce ministre, en effet, que dépendait le chevau-léger accusateur, qu’il fallait faire taire.
Le prélat accusé aurait pu avoir un autre allié à la cour : son oncle paternel le cardinal Pierre-Armand du Cambout de Coislin, évêque d’Orléans et grand aumônier de France.[4] Mais celui-ci, personnage d’une grande rectitude morale, ne fut d’aucun secours. Loin de chercher à étouffer l’affaire, il supplia le roi de faire toute la lumière sur les faits reprochés à son neveu : si celui-ci était coupable, il devait être sanctionné par la perte de son évêché et de sa charge ; s’il était innocent, au contraire, la réparation d’une telle calomnie devait être publique.
Deux semaines plus tard, Louis XIV ordonna que le chevau-léger présentât des excuses publiques à l’évêque de Metz. En outre, les registres du chapitre de la cathédrale devaient être purgés de tous les documents susceptibles de porter atteinte à l’honneur du prélat.
Cette décision n’était cependant accompagnée d’aucune explication ou justification — ce qui peut faire douter de son bien-fondé. Le Roi-Soleil, certes, « haïssait à mort ces sortes de débauches », comme l’avaient bien montré sa sévérité dans le scandale des italianisants en 1681, et la disgrâce de Lully en 1685. Mais il savait aussi fermer les yeux quand l’intérêt de l’État était en jeu. A-t-il pris en compte l’ancienneté et les nombreux services de la famille du Cambout de Coislin ? S’est-il refusé à entacher gravement la réputation du haut clergé à travers l’un de ses membres ? Faute de documents probants, le doute reste permis.[5]
Quoi qu’il en soit, aucune nouvelle accusation de la même espèce ne s’éleva par la suite contre Henri-Charles de Coislin. Cet épisode malencontreux ne l’empêcha pas d’être élu en 1710 à l’Académie française, où il succéda à son père et à son frère aîné. La même année, il fut également nommé premier aumônier du roi.
Il convient de remarquer qu’en 1714, malgré ces faveurs royales, Mgr de Coislin osa tenir tête à Louis XIV, en refusant la bulle Unigenitus qui condamnait le jansénisme.
Voir aussi
Bibliographie
- Les bûchers de Sodome : histoire des « infâmes » / Maurice Lever. – Paris : Librairie Arthème Fayard, 1985 (Saint-Amand-Montrond : S.E.P.C., février 1985). – 432 p. : couv. ill. en coul. ; 22 × 14 cm. (fr)Bibliogr. p. 419-426. – ISBN 2-213-01553-8 (broché)
Articles connexes
Notes et références
- ↑ Parfois orthographié « du Camboust ».
- ↑ Le même fauteuil n° 25 sera occupé à partir de 2007 par Dominique Fernandez.
- ↑ Pierre du Cambout, né en 1664, duc de Coislin et pair de France, mort veuf et sans enfant le 7 mai 1710.
- ↑ Pierre-Armand du Cambout de Coislin (1636 – 1706). Nommé abbé de Jumièges dès l’âge de cinq ans, il fut à sept ans prieur d’Argenteuil et abbé de Saint-Victor, à onze ans chanoine de Paris, et à vingt-trois ans premier aumônier du roi, avant de devenir évêque d’Orléans et grand aumônier de France, puis d’être créé cardinal en 1697, avec la titulature de la Trinité-des-Monts.
- ↑ Maurice Lever, Les bûchers de Sodome, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1985, p. 178-179.
Dans cet ouvrage, Lever désigne à tort Henri-Charles comme « le cardinal de Coislin », sans doute par confusion avec son oncle Pierre-Armand.