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| ''[[Quand mourut Jonathan (35)|précédent]]''<br><br> | | ''[[Quand mourut Jonathan (35)|précédent]]''<br><br> |
| {{Citation longue|Jonathan lui servit un nouveau whisky, en faisant remarquer que l’alcool, sur la route… | | {{Citation longue|L’heure du car avait passé : si Jonathan avait voulu aller à Paris, il aurait dû attendre le |
| | lendemain. Mais il n’y pensait déjà plus. La crainte de revoir Serge grandi le retenait. Rester |
| | ici, patienter jusqu’à ce qu’on amène l’enfant, était plus sage. |
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| — Oh, je m’en fous. S’il y a un contrôle, je ferai sauter le pévé, dit négligemment
| | D’ailleurs, qu’aurait-il fait là-bas ? Il y aurait eu les mêmes obstacles qu’auparavant, |
| Simon.
| | même si Barbara, préoccupée désormais de mari plutôt que de chiot impubère, en rabattait sur |
| | ses droits de maman. |
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| L’enfant ne redescendait pas. Ils parlèrent de lui. Simon raconta que, depuis que Serge
| | Jonathan n’avait rien reçu d’elle depuis plusieurs mois. Il avait craint que les calomnies |
| savait tout sur les hommes et les femmes, il était devenu pudique : il fermait la salle de bains
| | parisiennes dont son marchand lui avait fait le récit soient parvenues aux oreilles de la jeune |
| au verrou, même pour se laver les mains. Il avait changé. | | femme. Elle n’avait guère accès au milieu confidentiel où cela prospérait, mais, avec ses amis |
| | richissimes… |
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| — Ah oui, insista Simon, parce qu’avant il te sortait tout ! C’est tous les gosses
| | Il fallait croire qu’elle les avait lassés, ou déçus. Et puisque Simon, de son côté, |
| remarque. Y a un âge où… Et Barbara aussi elle se baladait à poil, on se gênait pas.
| | semblait n’éprouver aucun soupçon, l’affaire de Sade n’avait pas transpiré. Ou encore, le |
| | marchand avait exagéré les choses, et décrit la situation en noir afin d’avoir simplement un |
| | prétexte pour diminuer les mensualités qu’il versait. |
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| — Ah. Oui, c’est bien, dit Jonathan.
| | Après l’angoisse que lui inspira l’idée d’un Serge inconnu, Jonathan réussit à se |
| | raisonner. Il suffisait de ne rien imaginer, ne rien essayer, ne rien prévoir. Être là, être prêt. |
| | L’avenir serait doux, puisqu’il y aurait Simon entre l’enfant et Barbara. Elle n’aimait |
| | personne, dans sa folie narcissique de jeter un amour grandiloquent et visqueux à la figure de |
| | tout le monde ; il aimait bien les gens, dans sa pauvre cervelle de raté. Ils se neutraliseraient, |
| | et la liberté de Serge était là. |
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| — Oui ! Seulement, y avait des petits inconvénients, ajouta Simon en riant. Je te parle,
| | À chaque jour qui passerait, Serge serait plus indépendant et plus fort. À chaque jour, si |
| quand il avait six ans, par là, quand j’étais tout le temps chez Barbara. Enfin, presque.
| | Jonathan en était digne, leur amitié se consoliderait. La vraie vie n’aurait plus d’ombre. Aucun |
| Imagine une fois, je prenais ma douche, bon, ce petit con-là il se ramène, gnnn p’pa j’peux
| | obstacle, en tout cas, que l’on ne puisse mesurer et franchir. Les difficultés ne viendraient plus |
| rentrer ? Je dis oui, je croyais qu’il veut pisser, et bon : et toc, il me regarde comme ça et puis
| | du dehors. Les malheurs, s’il y en avait, ne regarderaient qu’eux, et seraient à taille humaine. |
| il m’attrape le machin sans prévenir ! Mais il tire, hein, il tire ! Pire qu’une vraie sonnette !
| | Brouilles, maladies, accidents, caprices, laideurs, divergences, érections fatiguées, discussions |
| | | aigres, énervements, blessures, temps qui passe : bref, le bonheur tout cru.}}<br> |
| — Qu’est-ce que tu as fait ?
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| — Alors là, tu sais, une baffe, mais c’est parti tout seul. Même pas réfléchi. C’est que,
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| la vache, il me faisait mal ! Il s’imaginait pas ! Je te promets il a pas recommencé ! Et puis ça
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| surprend hein, ils sont costauds quand ils s’y mettent. Ça ça surprend.
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| — Les baffes ?
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| — Oh les baffes… Après il s’est fait consoler pendant un quart d’heure. Ça a son petit
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| avantage, non.
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| — Tu l’as pris sous la douche ?
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| — Non, c’est Barbara qui l’a emmené, bien sûr. De toute façon, à cet âge-là, un
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| homme…
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| — Bien sûr.
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| — Non ! Parce que tu comprends, c’est des habitudes aussi, à six ans d’accord.
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| Seulement après ? La liberté c’est bien gentil, seulement si tu vois jusqu’où ça peut aller tu
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| fais quand même un peu gaffe. Sans rigoler. Bon, je te dis pas pour ça, mais enfin, en général.
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| Parce qu’un gosse il comprend pas si tu lui expliques pas. On vit en société bordel, on peut
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| pas toujours tout se permettre.
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| — Ah oui. Ta façon d’expliquer, dans la salle de bains…
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| — Mais attends ! Ç’a pas été le plus beau ! Barbara elle était furieuse ! Mais furieuse !
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| Elle te l’a bichonné pendant une demi-heure. C’est pas bien non plus. Un gosse il chiale tu
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| t’occupes pas de lui, deux minutes après il écrase. Mais si tu fais attention t’es foutu, t’en as
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| pour la soirée. Mais c’est contre moi qu’elle faisait ça.
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| — Ça arrive, oui, il paraît.
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| — Ouais. Alors elle me sort : Oui, t’es complètement con, qu’est-ce que t’avais besoin
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| de le taper pour ça, si t’as envie qu’il soit complètement complexé, etc. ! Non eh, tu parles !
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| Mais c’était ses idées à l’époque. Elle t’aurait dit tout pareil qu’une gifle ça rend pédé ou ça
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| fout le cancer, quand elle s’y mettait… Enfin moi je suis comme toi, je préfère en rigoler. Et
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| puis bon, t’as qu’à voir Serge, dans le genre complexé y a pire ! Ce qu’il y a, c’est qu’il était tellement comédien, tu le prenais au sérieux : en fait t’étais complètement à côté de la plaque.
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| Bon, il te cherchait avec ses singeries, d’accord, mais enfin…
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| — Sûrement. Enfin, si Barbara le pelotait pour t’attaquer et que toi tu le giflais pour
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| rire, ça a dû lui donner le sens de l’humour.
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| — Oh, pour rire… T’es un peu comme elle, hein, t’exagères tout. D’abord je l’ai jamais
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| tapé Serge. Qu’est-ce que j’en avais à foutre. Moi le problème, à l’époque, c’est que Barbara
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| j’en étais dingue et elle elle en avait marre. Bon. Voilà. Alors les problèmes, c’était quand
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| même à un autre niveau que le gosse, tu crois pas ? C’est pas que
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| — Oui, je comprends, coupa Jonathan. Encore un verre ?
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| — T’as un scotch on croirait pas en pleine campagne, pur malt dis donc, t’as les
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| moyens ! Tu l’achètes loin ?
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| — Oh non, je buvais trop, c’est fini. Maintenant, j’aime le vin blanc avec beaucoup
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| d’eau.
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| — Avec de l’eau ? T’es français toi !… Enfin, tout ça ça s’est tassé maintenant.
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| Maintenant Serge est plus trop mioche, Barbara ça va, disons, ça redémarre, je pense qu’après
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| les vacances ça sera au poil : tu vois, c’était pas la peine de tout compliquer, au fond. On va
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| faire les bons petits bourgeois — bon, ris pas ! C’est quand même un peu ça, moi je
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| reconnais ! De toute façon, ça c’est l’extérieur, c’est pas ça qui est important.
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| — Je suis bien de ton avis, Simon. Mais… vous allez partir deux mois alors ?
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| — Ah non non ! Un mois ! J’ai qu’un mois, je suis pas artiste, hein ! Non, on part dans
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| un mois, pour un mois.
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| — Mais, et Serge là-dedans ?
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| — Ben… Tu m’avais dit que tu étais d’accord, pour deux mois, non ? Bon, ben lui c’est
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| pareil, comme c’est ce qu’il préférait comme vacances, si tout le monde était d’accord, c’était
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| con qu’il reste à la maison. Mais enfin, ne t’inquiète pas hein : tu nous dis ce que ça te coûte,
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| moi je te rembourse, de toute façon. Si tu veux un chèque maintenant, d’ailleurs ? C’est pas
| |
| qu’on est riches, riches, mais enfin, y a pas de raison que ce soit à ta charge. Non, moi, déjà,
| |
| ça m’embête pour toi : je te jure, si tu m’avais pas juré que…
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| — Oui, c’est vrai ! dit Jonathan. J’aime vraiment Serge, et ça me fait du bien. J’ai plutôt
| |
| peur qu’il s’emmerde, moi.
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| — Ben ! Depuis le temps qu’il ne me parle que de ça, il l’aura bien cherché, hein ! Non,
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| moi je suis pour, mais — bon, alors je te fais un chèque.
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| — Non, Simon, ce n’est pas la peine. J’ai tout ce qu’il faut. On verra après. Le
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| principal, c’est que tes vacances avec Barbara ça marche bien. Je trouve… qu’elle a quand
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| même un caractère pas facile.
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| — Ça oui, reconnut Simon, je sais de qui il tient ça Serge ! Tu sais, au fait, elle était pas
| |
| tellement chaude pour qu’il vienne ici : ça a été des bagarres, et tout. Ah ouais… Tu sais pas
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| où elle voulait le mettre ? Dans son machin de toqués, là, yoga, carottes râpées, tout ça.
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| — Hein ?
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| — J’te l’dis ! Ils font des espèces de stages l’été, dans je sais pas quel château. Tu vois
| |
| Serge là-dedans !… Non, et puis je sais pas, elle a vaguement l’air d’avoir une dent contre toi,
| |
| je sais pas ce qui se passe. Remarque, tu l’as un peu snobée, hein, depuis deux ans — et puis
| |
| moi aussi, au fait !…
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| — Oui, tu as raison. Mais tu sais, je travaille tellement. Pour moi, aller à Paris, c’est
| |
| toute une expédition. D’ailleurs, elle ne m’écrit pas.
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| — Enfin, bon, c’est arrangé. Mais je te dis, elle était pas chaude, chaude. Moi, c’est pas
| |
| pareil : je trouve que c’est au gosse de décider. Si c’est ça qu’il veut, ben tant mieux. Sauf si ça t’emmerde, toi, bien sûr. Remarque, si tu te fais trop chier, tu le dis franchement : on pourra
| |
| toujours le reprendre et le mettre un peu chez ma mère ou chez celle à Barbara.
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| — Non, je crois pas, murmura Jonathan.
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| — … Et qu’est-ce qu’il fout, lui, là-haut ?}}<br>
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L’heure du car avait passé : si Jonathan avait voulu aller à Paris, il aurait dû attendre le
lendemain. Mais il n’y pensait déjà plus. La crainte de revoir Serge grandi le retenait. Rester
ici, patienter jusqu’à ce qu’on amène l’enfant, était plus sage.
D’ailleurs, qu’aurait-il fait là-bas ? Il y aurait eu les mêmes obstacles qu’auparavant,
même si Barbara, préoccupée désormais de mari plutôt que de chiot impubère, en rabattait sur
ses droits de maman.
Jonathan n’avait rien reçu d’elle depuis plusieurs mois. Il avait craint que les calomnies
parisiennes dont son marchand lui avait fait le récit soient parvenues aux oreilles de la jeune
femme. Elle n’avait guère accès au milieu confidentiel où cela prospérait, mais, avec ses amis
richissimes…
Il fallait croire qu’elle les avait lassés, ou déçus. Et puisque Simon, de son côté,
semblait n’éprouver aucun soupçon, l’affaire de Sade n’avait pas transpiré. Ou encore, le
marchand avait exagéré les choses, et décrit la situation en noir afin d’avoir simplement un
prétexte pour diminuer les mensualités qu’il versait.
Après l’angoisse que lui inspira l’idée d’un Serge inconnu, Jonathan réussit à se
raisonner. Il suffisait de ne rien imaginer, ne rien essayer, ne rien prévoir. Être là, être prêt.
L’avenir serait doux, puisqu’il y aurait Simon entre l’enfant et Barbara. Elle n’aimait
personne, dans sa folie narcissique de jeter un amour grandiloquent et visqueux à la figure de
tout le monde ; il aimait bien les gens, dans sa pauvre cervelle de raté. Ils se neutraliseraient,
et la liberté de Serge était là.
À chaque jour qui passerait, Serge serait plus indépendant et plus fort. À chaque jour, si
Jonathan en était digne, leur amitié se consoliderait. La vraie vie n’aurait plus d’ombre. Aucun
obstacle, en tout cas, que l’on ne puisse mesurer et franchir. Les difficultés ne viendraient plus
du dehors. Les malheurs, s’il y en avait, ne regarderaient qu’eux, et seraient à taille humaine.
Brouilles, maladies, accidents, caprices, laideurs, divergences, érections fatiguées, discussions
aigres, énervements, blessures, temps qui passe : bref, le bonheur tout cru.
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