Abécédaire malveillant : F

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F

FAIM


Un tiers de l’humanité ne souffre pas de la faim. Dans l’histoire du monde, c’est la seule masse vivante qui ait jamais joui d’un tel sort.

Paradis terrestre qui ne rend ses hôtes qu’abrutis, somnolents, égoïstes, adipeux, grognonnants comme des porcs à l’engraissage. Ceux qui restent beaux évoquent le lion pantouflard des parcs naturels, ce roi des animaux qui bâille aux visiteurs en attendant la soupe.


FAUTEUIL


Il y a une tradition d’insulter longtemps l’Académie puis, l’âge venu, d’y quémander une place.

Les académiciens sont donc les seuls Français qui crachent dans un fauteuil avant de s’y asseoir. Ils ne s’y assoient que pour faire sous eux, il est vrai : le crachat sert d’amorce.

*

L’Académie, en élisant à la suite deux taupes à voix caverneuse, nourries de racines grecques et de tropes fanés, nous montre qu’une dame érudite est autrement virile que des messieurs ignares : et quelle basse paternelle aura noblement vibré parmi les faussets pépiants de ces vieillards en bas âge !


FAUX


Cet homme est tellement fourbe qu’il voit une ruse dans l’honnêteté d’autrui. Il nous prête les vices qu’il se sait : il les estime universels, et ne soupçonne jamais qu’on est meilleur que lui.

*

Étonnant : il n’y a que sept moyens de penser faux. Penser ceci – penser cela – penser entre les deux – penser comme tout le monde – ne penser comme personne – penser n’importe quoi – ne rien penser du tout. La vérité est désespérément ailleurs, c’est-à-dire nulle part.

Aucune importance. On aura toujours raison si, au secours de ce qu’on pense, on montre un fusil, un laboratoire, une croix, un entrecuisse ou de l’argent.


FEMMES DE LETTRES


Bitouillent des texticules qu’on apprécie les yeux fermés.


FICELLE


Meneur d’hommes, triste joie. On ne mène que des vaincus, les autres ne suivent pas. Un chef me fait l’effet de traîner derrière lui un chapelet de rats morts pendus à une ficelle.


FIERTÉ


Au petit lycée, aucun garçon ne se plaignait de ses parents. Nous avions tous, enfants, des mères tendres, des pères justes et bons, une maison chérie. Quelle fierté coupante, et quels mensonges douloureux elle nous faisait commettre, et quelle tristesse que cette servitude et ces larmes à jamais ravalées.


FIN


« Alors c’est tout ? C’est déjà fini ? Ce n’était que ça ? Si j’avais su, je n’aurais pas fait tant d’histoires pour si peu. »

À penser vers l’heure de mourir. Surtout pas avant.


FLATTERIE


On s’entoure de flatteurs parce qu’on ne les soupçonne pas : leurs compliments nous semblent justifiés, ils restent loin en dessous du bien que l’on pense de soi.


FOI


Croire en Dieu ? Alors il faudrait croire les croyants. Foi insensée. Qu’ils se rendent crédibles : puis on verrait si leur idole est croyable.


FOLLES DU ROI


Les efféminés, les folles me sembleraient chez elles, tel un fou du roi, là où règne une autorité archaïque.

On devrait les imposer en nombre dans les armées, les administrations, les commissariats, les évêchés, les hôpitaux, les prisons, les tribunaux, les usines : et chaque patron, chaque ministre serait contraint d’avoir sa folle qui le devance partout et lui serve de porte-parole obligé – afin qu’il n’ait plus de figure et de voix que celles de la dérision.


FRANCE


Qui peut aimer un pays où chaque citoyen dit merde à l’autre ?

Ça glapit liberté, fraternité, la larme à l’œil, puis ça rentre à la maison, son égalité sous le bras, vous bricoler une bonne raison d’envoyer les flics ou du plomb à un « mauvais Français » : son voisin.

*

Si la France a, comme on le dit, la droite la plus bête du monde, c’est qu’en réalité sa droite intelligente affirme être de gauche – et s’est baptisée parti socialiste. Froide et géniale fourberie, qui a gagné.

*

La démocratie française est bonne pour les champs ou la ville : mais on reste violemment autocrate chez soi.

Notre pays fédère vingt millions de seigneuries médiévales. Riante forteresse, fusil, chien, jongleurs et troubadours dans la petite boîte à cons, bâfrerie et pinard, pont-levis gardé à mort. Un homme et une femme sans attrait y règnent sur une poignée d’enfants serfs assommés de bêtise, que la loi républicaine maintient sous leurs pieds et leurs culs.

D’ailleurs, l’esclave adore son maître, sa niche et son sort. Jamais il n’affectionnerait d’autres humains ou d’autres lieux : toute liberté lui paraît receler d’indicibles menaces, tout désir éveille en lui des craintes insurmontables.

Un idéal l’anime : plus tard, il aura lui aussi un palais verrouillé et sera roi des siens.

*

Environ chaque année, la famille s’offre auprès des mineurs, grâce à l’État ou aux médias, un plébiscite de dictateur roumain : cent dix pour cent de oui.

Personne n’a bourré les urnes, bien sûr. Un hasard négligeable veut que les « mêmes » adultes aient commandé le sondage, rempli les questionnaires, rédigé le journal ou préparé l’émission, puis aient découvert le résultat, l’aient approuvé, l’aient assené à leurs enfants.

— Tu es heureux en famille. À la télévision, des jeunes comme toi l’ont dit d’un air heureux. Des experts l’ont prouvé d’un air compétent. Des doctoresses l’ont confirmé d’un air maternel, la secrétaire d’État s’en est félicitée avec un air de gauche, et l’intègre journaliste en a ainsi conclu avec un sourire très jeune. Alors arrête de faire la gueule : tu es LE SEUL qui râle.


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