Le Coran – Sourate 4 (extraits)

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Sourate 4, Les femmes, versets 14-18

Cette sourate est de la période médinoise (post-hégirienne). Elle comprend 176 versets.




14 Et quiconque désobéit à Dieu et à Son messager, et outrepasse Ses limites, Il le fera entrer dans un feu pour y être éternellement, et celui-là aura un supplice avilissant.
15 Celles de vos femmes qui commettent la turpitude, demandez à quatre d’entre vous de témoigner contre elles ; s’ils témoignent, enfermez-les dans les maisons jusqu’à ce que la mort mette fin à leur vie ou que Dieu leur aménage une issue.
16 Les deux d’entre vous qui l’ont commise, sévissez contre eux. S’ils reviennent ensuite au droit chemin et corrigent, laissez-les en paix. Certes Dieu est absoluteur et miséricordieux.
17 Dieu accueille seulement le repentir de ceux qui commettent le mal par ignorance et qui font suivre leur acte d’un retour à la bonne voie. Voilà ceux de qui Dieu accueille le repentir. Et Dieu est omniscient et sage.
18 Mais l’absolution n’est pas destinée à ceux qui font de mauvaises actions jusqu’à ce que la mort se présente à l’un d’eux et qu’il dise alors : « Maintenant je retourne à la bonne voie », ni pour ceux qui meurent mécréants. Et c’est pour eux que Nous avons préparé un supplice douloureux.




Une traduction nouvelle de Bruno Bonnet-Eymard, établie selon les méthodes de la critique scientifique, et principalement fondée sur l’hypothèse d’une origine hébraïque de la langue du Coran, donne de ce passage une interprétation assez différente, qui ne concerne plus du tout l’homosexualité.

En raison de l’intérêt majeur d’une telle innovation pour l’appréciation de la pédérastie en Islam, les cinq versets traduits et leurs commentaires sont reproduits in extenso ci-dessous (les commentaires sont insérés en petits caractères après chaque verset) :[1]



14 Mais quiconque s’endurcit [contre] le Dieu et son oracle, et transgresse ses énigmes, il le fera entrer dans un feu perpétuel. Pour cet homme-là : un abandon avilissant.

« s’endurcit [contre] », ya‘ṣi (sourate II 61+, 93+ ; sourate III 152+).

« un feu perpétuel », nâran ẖâlidan. « Mais les lâches, les renégats, les dépravés, les assassins, les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref tous les hommes de mensonge, leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre – c’est la seconde mort. » (Apocalyse 21 8)

15 Celles qui apportent le débordement parmi vos femmes, que témoignent contre elles quatre d’entre vous. S’ils témoignent, prenez-en soin dans les maisons jusqu’à ce que la mort les réduise en poussière, ou que le Dieu consacre leur fardeau.

« apportent », ya’tîna (sourate II 23+).

« le débordement », litt. : « la démesure », ’al-fâḥišata (sourate II 169+).

« prenez-en soin », fa’amsikûhunna. Le suffixe désigne les femmes coupables. Il nous faut corriger l’étymologie que nous donnions au verbe masaka en II 229. Hébreu biblique sâkan, 1° « profiter, être utile » (infra, sourate V 4+) ; 2° « avoir soin » (sourate II 229, 231). Au hiphil : « être accoutumé, être familiarisé avec une chose, connaître » (sourate II 256).

« les réduise en poussière », yatawaffâhunna (sourate II 234+).

« consacre leur fardeau », litt. : « consacre pour elle un fardeau », yaj‘ala la-hunna sabîlan. Blachère[2] écrit : « leur donne un moyen » et explique qu’il traduit « textuellement pour faire sentir la divergence des interprétations. À première vue, l’expression paraît signifier : Leur donne moyen [de se repentir, de se racheter]. Or, les commentateurs ignorent cette idée. Tabari, 198 sq., rassemble une série d’interprétations affirmant que sabîlan « un moyen » = une flagellation et une lapidation. En fait, une telle interprétation est forcée et entièrement suggérée par xxiv 2, qui ne fait d’ailleurs aucunement mention de la lapidation. »

Alors, quel sens donner à sabîlan ? Le mot hébreu sobèl, « charge, fardeau » (sourate III 75+) tranche le doute. Le présent verset prescrit d’enfermer l’adultère à la maison jusqu’à ce que mort s’en suive, à moins que ne se déclare le fruit de l’adultère, désigné ici par le « fardeau » que porte la femme enceinte.

16 Les deux qui l’apportent parmi vous, réduisez-les à la misère. S’ils reviennent et portent un fardeau, défiez-vous d’eux, car le Dieu est, faisant revenir avec miséricorde.

« Les deux qui », ’al-laḏâni. « L’expression est ambiguë, note Blachère, et les commentateurs se demandent s’il s’agit de deux célibataires ou de deux personnes mariées de sexe différent, ou de fornicateurs du même sexe. Dans ce dernier cas, le verset ne viserait pas l’adultère, mais l’homosexualité. » La supposition est gratuite et d’ailleurs inutile. « Tabari, écrit Blachère, sent très bien que ce verset est indépendant du précédent. La rémission de l’adultère (ou de la fornication) après châtiment corporel et repentir est ici nettement édicté. » S’il en est ainsi, ce verset n’est pas seulement « indépendant du précédent » : il en est la contradiction. Mais une exacte traduction montre la parfaite cohérence de ce verset avec le précédent. Le verset 15 énonçait le cas de femmes coupables de « débordement ». Il ne mentionnait pas le complice masculin. Le présent verset, en revanche, envisage le cas de l’homme et de la femme dont l’union coupable a porté un fruit.

« l’apportent », ya’tiyânihâ. Le suffixe, 3e p. f. sg., désigne le « fardeau ».

« réduisez-les à la misère », fa’aḏûhumâ (sourate II 196+, 222).

« S’ils reviennent », ’in tâbâ (sourate II 37+, 160+, 222+ ; sourate III 89+).

« portent un fardeau », litt. : « portent du fruit », ’aṣlahâ (sourate II 160 ; sourate III 89). Ici, l’expression désigne le « fardeau » que porte la femme.

« défiez-vous d’eux », fa’a‘riḍû ‘anhumâ (sourate II 224, 235+). Blachère traduit : « détournez-vous d’eux ! » et note : « L’expression peut être prise à la lettre ou signifier : Cessez de leur infliger des sévices ! » Masson[3] évite la difficulté en omettant l’expression. Mais alors le verset ainsi tronqué, en offrant aux coupables une rémission, contredit le verset 15.

L’appel à l’hébreu résout la difficulté. Tout en réservant la possibilité d’une véritable repentance, œuvre de Dieu, ce verset persiste dans la sévérité prescrite au verset 15.

17 Il n’y a de retour vers le Dieu que pour ceux qui font le mal de manière ordurière puis reviennent de près. Voilà ceux auxquels le Dieu revient. Car le Dieu est, jugeant avec puissance.

« le mal », ’as-suwâ’a. Hébreu šâwe’, 1° « fausseté, mensonge » (sourate II 49+, 81+, 169, 271 ; sourate III 30, 193, 195) ; 2° « ce qui est vain, inutile » (sourate III 120+) ; 3° « mal, destruction » (sourate III 174). Ici, le contexte indique le premier sens.

« de manière ordurière », bi-jahâlatin. Le mot a d’abord désigné ceux qui s’opposaient au sacrifice mosaïque de la vache (sourate II 67) avant de stigmatiser clairement les chrétiens (sourate II 273+ ; sourate III 154+). L’appartenance au christianisme est donc un péché rémissible : du christianisme à l’islam, il y a un « retour » possible (cf. sourate II 160+ ; sourate III 89+).

« de près », min qarîbin. Hébreu qârab, « être proche » (sourate II 186+, 214). Du christianisme à l’islam, il n’y a qu’un court chemin, tellement ces deux religions sont « proches » l’une de l’autre. Blachère n’a pas compris l’idée ; il traduit donc ici par « tout aussitôt » ce mot auquel il donne partout ailleurs le sens de « proche ».

« Voilà ceux auxquels le Dieu revient » : ce verset joue sur tous les sens du mot « retour », tawba (sourate II 37+) comme chez les prophètes (Jérémie 31 18) et dans les Psaumes (Psaumes 126 1, 4). L’islam est un « retour » de Dieu même (cf. sourate II 160).

18 Mais il n’y a pas de retour pour ceux qui font le mal jusqu’à ce que la mort fauche l’un d’entre eux. Il dit alors : « Moi, je reviens maintenant. » Mais non ! Ceux qui meurent en apostats, voilà ceux auxquels nous avons préparé un abandon muet.

« le mal », litt. : « les maux », ’as-sayyi’ât (supra, v. 17+), au pluriel, pour signifier un « mal » commis de façon répétée, habitudinaire.

« Mais non ! », wa-lâ. Blachère supplée le verbe « exister » et la préposition « pour », et traduit : « Elle (la rémission) n’existe pas [non plus] pour ceux qui meurent en étant infidèles. » Masson omet le verbe « meurent ».



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Sourate 4, Les femmes, versets 14-18 (Celui qui désobéit à Dieu et à son messager…)
Sourate 7, L’Aårâf, versets 80-84 (Et Lôt quand il dit à son peuple…)
Sourate 11, Hoûd, versets 69-83 (En effet Nos messagers vinrent à Abraham…)
Sourate 12, Joseph, versets 19-20 (Des voyageurs arrivèrent…)
Sourate 15, Le Hijr, versets 51-77 (Informe-les au sujet des hôtes d’Abraham…)
Sourate 18, La caverne, versets 60-82 (Et lorsque Moïse dit à son page…)
Sourate 21, Les prophètes, versets 74-75 (Et Lôt, Nous lui donnâmes sagesse, jugement et savoir…)
Sourate 26, Les poètes, versets 160-174 (Le peuple de Lôt traita les messagers de menteurs…)
Sourate 27, Les fourmis, versets 54-58 (Lôt quand il dit à son peuple…)
Sourate 29, L’araignée, versets 28-35 (Et Lôt quand il dit à son peuple…)
Sourate 37, Ceux qui sont en rangs, versets 101-107 (Nous lui annonçâmes un garçon…), versets 133-138 (Lôt est certainement l’un des messagers…)
Sourate 51, Les disperseurs, versets 24-37 (T’est-il parvenu le récit des honorables hôtes d’Abraham ?…)
Sourate 52, Le Toûr, versets 17-28 (Les gens pieux sont dans des jardins…)
Sourate 54, La lune, versets 33-39 (Le peuple de Lôt traita de mensonges les avertissements…)
Sourate 56, L’événement, versets 17-21 (Circuleront parmi eux des enfants éternisés…)
Sourate 76, L’homme, versets 5-22 (Ceux qui auront vécu dans l’obéissance de Dieu…)

Notes et références

  1. Frère Bruno Bonnet-Eymard, Le Coran : traduction et commentaire systématique, t. III, Saint-Parres-lès-Vaudes, La Contre-Réforme Catholique, 1997, p. 36-41.
  2. Régis Blachère (1900-1973), auteur d’une traduction française du Coran (Paris, G.-P. Maisonneuve, 1947-1950, rééditée en 1977-1980), œuvre que Bruno Bonnet-Eymard qualifie de « version dérivée d’une connaissance quasi exhaustive de la sîra, monument sans rival, dont la traduction de Denise Masson […] dépend entièrement. »
  3. Denise Masson (1901-1994), auteur d’une traduction française du Coran dans la collection de La Pléiade, Paris, Gallimard, 1967, rééditée en 1976, 1980, 1986, 1991, 1996.