Paysage de fantaisie (16)

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Gérard se promène à travers le dortoir il tient un crayon et un double décimètre il mesure les pines il note le chiffre et le prénom sur son papier les garçons seront classés par âge croissant on raidit soigneusement les bites avant l’épreuve on sait déjà qui a la plus petite et la plus longue mais les autres on n’a pas d’idée exacte c’est difficile parce que si on appuie contre le bas du ventre ça ajoute presque un centimètre et du côté du bout on voit mal où ça finit Gérard vise le gland sous la règle transparente le garçon mesuré se penche vérifie chicane les millimètres Gérard mesure aussi la largeur lorsqu’il faut en départager deux on discute on compare à la main

c’est pas juste moi mes couilles c’est les plus grosses

moi du jus j’en ai plus que lui

seulement moi moi je bande plus haut

lui il a pas de peau dessus

moi j’ai pareil que toi mais je suis moins grand que vous

moi j’étais malade       Gérard loyalement se laisse mesurer par un autre il recopie la liste au gros marqueur rouge et il l’affiche sur un mur du dortoir

ils n’expliquent pas ce qui les a retenus dans la campagne jusqu’à une heure du matin ils prétendent avoir gagné la bataille en un clin d’œil       ils réveillent les petits à leur retour deux ou trois se rendorment aussitôt       c’est la fête on sort les friandises la charcuterie et une bouteille de muscat que boivent les grands quand ils fument

et des culs-merdeux vous en avez attrapé beaucoup ?

presque tous oui même René je l’ai eu tout de suite remarque il savait se battre mais j’étais le plus fort et Bernard aussi on l’a eu et des tas on a flanqué leurs vélos à la rivière tu peux y aller on sera tranquille maintenant ils oseront plus montrer le nez

mais vous leur avez fait quoi après ?

ça si on te le demande tu diras qu’t’en sais rien

Yann dit aux petits On peut pas jouer bien dans le dortoir on va au grand salon d’accord ?

c’est défendu et la nuit en plus s’i nous entendent ?

on fera attention       ils gagnent le premier étage en passant par l’escalier en colimaçon de la tour octogonale ses murs sont couverts d’un papier crème à traits blancs qui imite la pierre de taille ils marchent sur la pointe des pieds ils poussent doucement la porte du salon la pièce offre une moitié presque vide ils joueront là il y a des étagères et des crédences qui portent de nombreux bibelots c’est ce qui représentera la Chine

tâchez de pas roupiller hein parce qu’on fait une orgie nous on s’est bagarré tiens on tire une femme au sort Yann ça sera toi

pourquoi moi ?

t’es tiré au sort moi je t’encule va t’habiller en nana tu sais où c’est les frusques

je veux pas

obéis

non vous pouvez pas me forcer Claude il me défendra

cette blague       Claude hausse les épaules il dit Faut bien que ce soit quelqu’un toi t’as l’habitude       Yann fixe sur lui des yeux surpris et coléreux il murmure lâcheur

dépêche-toi la môme j’ai ma crampe dit Jacky

François se place au fond du salon et croise les bras les garçonnets cueillent des objets fragiles ils les éparpillent par terre ce sont les obstacles du paysage Yann explique On te bande les yeux et tu dois traverser la pièce de là à là sans rien bousculer alors regarde bien où ils sont les trucs t’as le droit d’essayer le parcours une fois avant qu’on te mette le foulard François s’est tirebouchonné la tempe droite avec le doigt pendant que Yann parlait mais il se décide à circuler entre les potiches les tasses les vases les sucriers les bougeoirs les lampes les flacons de cristal les figurines de vieux saxe il dit J’vais tout casser j’me rappellerai pas

ah voilà dit Yann on te guidera on te dira oui oui ou non non t’iras pas vite tu comprends ? maintenant retourne où t’étais eh qui c’est qu’a un foulard toi Mimi passe le tien       Dominique dénoue son foulard d’éclaireur et le tend à François

j’en ai marre du dortoir pas vous si on descendait ? dit Claude

oui mais où ?

dans les petits salons moi j’ai envie d’y foutre le feu

oh oui merde si on

attendez dit Jacky ils sont combien ici ?

quoi ?

attends y a le dirlo la dirloche y a Marco Dédette elle est gâteuse et les autres ils couchent pas au château écoutez un peu dit Jacques qui fait signe qu’on se rapproche ce soir on a battu au moins vingt ennemis

trente

ouais vingt prisonniers alors deux mecs et une gonzesse ça sera facile moi je suis pour

t’es fou eh t’es fou d’abord il a un fusil

on lui pique

mais si on gagne après ?

faut réfléchir on restera ici i raconteront sûrement rien dehors vu la boite ils ont pas intérêt et nous on commandera

ça collera pas y aura plus d’argent si on travaille plus

t’appelles ça travailler toi moi ça me dégoûte et puis y a des tas de machins à vendre

touche pas le foulard tourne-toi contre le mur et compte jusqu’à cent à voix haute

pour quoi faire ?

c’est le jeu       tandis que François compte ils ramassent silencieusement les objets disposés sur le parquet qui est bientôt tout à fait nu François dit soixante et un soixante-deux les garçons reprennent leur place dans un coin et se retiennent de rire François n’a rien deviné

Jacky ouvrit lentement la porte de la chambre le directeur ronflait Jacky envoya Claude s’emparer du fusil qui était sur une chaise près du lit Claude cœur battant accomplit sa mission dans le noir les autres derrière la porte surveillaient les ronflements du vieux on entendit un choc Claude en rampant s’était cogné à un meuble le type ronflait toujours et Claude revint enfin avec le fusil

bon à moi       Jacky entra bruyamment et appuya sur l’interrupteur la lumière jaillit il hurla Allez vieux con debout ! il tenait le directeur en joue Tu te grouilles oui ? il pointa le canon du fusil contre la poitrine molle du type Poussez-vous les gars toi suis-les on va à la cave et reste pénard ou je te descends Jacky surexcité bourra de coups de crosse la braguette du prisonnier qui glapit et s’écroula Vieille lope c’est ton tour t’as pas fini d’en chier

au sous-sol ils le ligoteraient et ils remonteraient capturer sa femme Jacques déteste la vieille il la matraque elle chancelle ils la précipitent en bas

si tu gueules j’te fous le canon dans ta sale connasse et j’tire avance sale pute

ils l’attachent près de son mari ensuite avec des ciseaux ils découpent le pyjama du directeur et la chemise de nuit de sa femme ils prennent une mine dégoûtée pour les toucher Jacky pense qu’il a oublié Marco on remonterait encore       lui c’est au second qu’il crèche une petite chambre puante pleine de photos pornos collées aux murs des filles des mecs des gosses à poil ça se tripote ça se bouffe la chatte le zob et le trou du cul ça s’enfile des bites énormes ça s’envoie de la jute au pif Marco a une panoplie de fouets et dans sa table de nuit il laisse pourrir un tas de mouchoirs en papier froissés et jaunes de foutre il ramène quelquefois un gamin coucher avec lui il n’a pas le droit mais il fait du chantage il les menace de dénoncer une bêtise ou une autre Jacques y est passé Marco l’a enculé et réenculé et s’est fait enculer et réenculer c’est un pauvre mec la bite moins grosse qu’un doigt les Corses ils l’ont tous comme ça c’est connu a raconté Jacky le lendemain

lui on va te le soigner attends voir Jacques rêve cela et remue sous ses draps il entend le souffle de ses voisins qui dorment puis il y a un bruit de pieds nus Encore deux qui vont s’en tailler un pense Jacky ou pense Claude on serait orphelins on serait pensionnaires dans un asile sordide le directeur serait fourbe mielleux avare et la directrice une garce qui nous donne rien à bouffer ils nous battent alors je dirige la révolte et un soir je dis aux copains

quatre-vingt-dix-huit       quatre-vingt-dix-neuf       cent

démarre

par là ça va ?       François risque timidement un pied sur le parquet

non non y a un vase mets le pied plus à gauche       François retire son pied et esquisse un tout petit pas Et maintenant ?

essaie de te souvenir       François glisse doucement le pied à ras du sol pour sentir s’il y a un objet devant lui il lève les mains et oscille comme un équilibriste il pose enfin son pied que l’autre rejoint prudemment

alors c’est beau la Chine ? demande Yann

mince si je casse un truc eh dis c’est plutôt le jeu de con ça ! il avance à nouveau le pied droit il s’arrête brusquement Oh y a quelque chose là c’est la carafe bleue non ?

t’as des visions elle est pas là la carafe y a que dalle

non tu le dis exprès pour que je tape dedans       son pied tâtonne le vide

mais où elle est passée je l’ai touchée pourtant

t’as rien touché il est marrant lui

mais si ou alors vous venez de la retirer eh si vous enlevez des trucs je m’y retrouverai plus moi       François tente un autre pas Dominique a une idée il s’approche avec précaution du joueur aveugle et il place son propre pied tout près de celui de François les deux chaussures butent et repartent en arrière aussitôt

là c’est quoi ? demande François d’une voix alarmée

c’est une girafe fais gaffe de pas i marcher dessus dit Yann qui pour parler a ôté la main de sa bouche crispée de rigolade Tes pas au milieu avance ta jambe droite à gauche vingt centimètres non vingt-cinq

voilà comme ça ?

non attention non recule pas ! attention derrière !

c’est le coin des petites tasses alors ?

ouais c’est les tasses faut que tu les enjambes tu pourras pas passer le pied entre

mais qu’est-ce qu’y a après ? je tombe où ?

à la cave on leur ferait quoi à la cave ils sont à poil le vieux la vieille on oblige Marco à leur sucer la merde et le type doit chier dans la bouche de sa femme il n’y arrive pas il pète un peu on dit à la vieille Pisse-lui sur la gueule lâche tes ours elle ne peut pas pisser et c’est pas son jour j’ai emporté plusieurs fouets de Marco on est là les plus costauds on a un fouet chacun on les met en sang et ils obéissent la vieille faut qu’elle coupe la moche bite de Marco avec ses dents Marco serait un mec qu’on haïrait je dirais ton heure est venue et il tremble de peur on a des machines effrayantes pour les y torturer la bonne femme couchée en croix chaînes aux quatre membres et qu’on tend avec des treuils ses jambes s’écartent de plus en plus ça craque horrible aux hanches sa moule bâille on y enfonce une massue hérissée de pointes mouillées de liqueur qui rend fou

c’est grand la Chine François guidé par les garçons a recommencé quatre fois le tour du salon vide on lui débande les yeux il voit le parquet nu les obstacles sagement rangés en ligne à l’autre bout de la pièce il comprend qu’on s’est moqué de lui il ne rit pas il ne proteste pas il est perdu il hésite à pleurer Yann satisfait réfléchit à d’autres farces François sera sa victime préférée ils montent se coucher les grands sont toujours à la guerre

Claude ou Jacky ordonne que Yann déguisé en fille fasse un strip-tease et une danse du ventre la scène représente le campement d’un seigneur barbare il est assis sur un amas d’étoffes bariolées il fume des herbes aromatiques ses guerriers et ses favoris l’entourent et face à lui danse la captive aux yeux fiers       le seigneur fasciné bande démesurément dans ses oripeaux crasseux silence de mort tous les regards suivent les mouvements rythmés de la sauvageonne dont l’expression hautaine n’est pas d’une enfant le seigneur se lève et saisit la danseuse par le poignet il l’entraîne sous sa tente la fille trébuche le barbare a le cœur serré de convoitise son sang bat dans ses oreilles et sa verge se tend si douloureusement qu’il a l’impression qu’une horde de loups la lui mord son désir est colère déchirement panique et en lui un animal s’étire gronde s’enfonce griffes sorties dans sa chair et l’occupe toute       un sang noir brûle ses veines son haleine lourde empeste et ses yeux rapides aux éclairs de faim hypnotisent ceux de son esclave Claude étreint Yann il croque la fillette il la blesse et sa langue goûte la saveur du sang cru il contraint la gamine à le branler elle exécute gauchement le grand mouvement de bras que réclame le long membre du seigneur il enfonce sa main entre les jambes de l’enfant il empaume sa vulve et son anus il les meurtrit de ses doigts d’acier la fille qu’envoûte cette violente caresse gémit et des flammes crèvent ses joues le barbare l’empoigne par les cheveux il l’agenouillé elle le sucera jusqu’à ce que le foutre en saccades d’hémorragie lui inonde la gorge ou les yeux puis les voici qui roulent par terre la fille frissonne sous les doigts du nomade elle se frotte follement à sa cuisse puissante ils sont tous deux poisseux de sueur et de poussière collée ils sont sales du sang que leurs dents et leurs ongles ont fait sourdre enfin la fille est chassée par le barbare assouvi elle regagne son village incendié et elle pleure à la lumière de la lune Yann a bien joué son rôle de prisonnière il emporte le revolver un vrai Colt modèle 1851 que Claude lui avait promis avec quatre rouleaux d’amorces c’est un revolver à barillet et on tire vingt coups de suite Yann sur son lit fait parler la poudre tandis que les grands continuent à jouer aux Huns ils vont envahir le château des Douches et le duc des Douches cède déjà au conquérant le lit à gauche de Yann est occupé par un garçon blond il a des yeux gris vert il est très beau il lit calmement un roman d’aventures il le pose lorsqu’un garçon qui se promène à travers le dortoir lui demande de se retrousser une manche pour qu’on lui mesure le biceps il y a concours de biceps le garçon qui lisait s’appelle Claude il n’a pas les plus gros muscles mais le bras qu’il dégage est admirablement formé

serre le poing pour gonfler       Claude serre et l’autre dit Pas mal


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