Les Huit Nuits de BoyWiki 2011 — Questions F1-F8
Les questions F1 à F8 de la cinquième des Hůit☻Nũits♫dє♥B♂yWíki ont été posées le 29 décembre 2011[1] sur le forum La Garçonnière. Un texte de présentation, reproduit ci-dessous, les accompagnait.
Les réponses proposées par BoyWiki, du 28 février au 6 mars 2012, figurent dans des boîtes déroulantes en bas de page.
Questions
Jour après jour les participants à notre grand jeu fouillent dans les richesses de BoyWiki – et nous aussi, d’ailleurs. Car même les contributeurs les plus actifs n’ont pas encore lu toutes les pages écrites par leurs collègues, et c’est une occasion pour eux de les découvrir.
Voici donc, pour l'amusement des petits et des grands, les énigmes du jour, ou plutôt, de la sixième des Huit*Nuits*de*BoyWiki. De tout un peu...
Question F1 (bleue)
• Quelles sont les particularités stylistiques du manga ?
Question F2 (bleue)
• Qu’est-ce qui peut laisser penser que Le livre de John de Michel Braudeau, sorte de road-movie littéraire et pédérastique, serait en partie autobiographique ?
Question F3 (bleue)
• Pourquoi faut-il utiliser de préférence le préfixe https avec TOR ?
Question F4 (bleue)
• Qu’est-ce qu’un puer delicatus ? Quelle mode capillaire suivaient ces jeunes garçons ?
Question F5 (bleue)
• Quel est le nom de la célèbre ressource garçonnière créée par Hínandil en 2005 ?
Question F6 (violette)
• Pourpoint rouge, Croix de Malte et braguette bien gonflée, quel est ce beau garçon de douze ans à l’air songeur ?
Question F7 (violette)
• Quel souverain grec est tombé amoureux d’un jeune nageur éclatant de blancheur, en l’honneur duquel il fit construire un sanctuaire ?
Question F8 (rouge)
• Cet ouvrage – interdit et inachevé – est le premier des temps modernes qui ait pris la défense de l’amour entre homme et garçon, en faisant principalement référence à la Grèce antique. Quel en est le titre complet ?
Souhaitons à tous bonne chance et réflexions profondes ! Que chacun s’amuse et s’instruise à son gré !
Le Conseil du BoyWiki francophone
Réponses
• Quelles sont les particularités stylistiques du manga ?
Réponse :
Parmi les codes stylistiques du manga, qui visent tous à renforcer l’expressivité, on note :
- De très grands yeux ;
- Des attitudes théâtrales, voire caricaturales ;
- Le recours à la symbolisation (traits pour le mouvement, yeux remplacés par des points d’exclamation, etc.) ;
- L’emploi de nombreuses onomatopées.
L’article de BoyWiki sur le manga est un bon début, mais il pourrait être fortement enrichi, et générer la création de nombreuses autres pages : Nekketsu (parcours d’un jeune garçon qui s’extrait de la banalité pour devenir exceptionnel) ; Pantsu (style plus ou moins grivois où un jeune garçon est entouré de nombreuses filles mais où les relations sont systématiquement contrariées) ; Shonen-ai (histoires romantiques entre jeunes hommes ou adolescents) ; Yaoi (histoires relatant des relations homosexuelles entre hommes, parfois adolescents) ; Shota ou Shotacon (histoires sexuellement explicites entre jeunes garçons et hommes ou femmes adultes) ; Bishonen (un certain canon de beauté pour jeune homme ou garçon, comme ça) ; etc.
Lorsqu’on trouve par exemple, dans la Wikipedia anglaise, un article traitant de la série Kaze to ki no uta (Le poème du vent et des arbres), on ne peut qu’être impatient de voir importer dans BoyWiki une étude sur une telle œuvre, ouvertement pédérastique et témoignant d’un réel talent pictural.
De plus, ces articles déboucheraient sur une meilleure connaissance de la pédérastie au Japon, tant à notre époque qu’au cours d’une histoire illustrée entre autres par les samouraïs et leurs jeunes amants.
Encore une fois, on voit combien la notion de culture est éloignée des accusations de « passéisme », de « coupure avec la vie » ou d’« érudition stérile » que certains esprits chagrins ou ignorants lancent parfois. Car enfin, quoi de plus actuel que les mangas ?! Quoi de plus ancré dans les préoccupations de nombreux garçons d’aujourd’hui, tout en restant fortement enraciné dans une tradition pédérastique millénaire et toujours vivante ?
Aux marges du manga existe aussi une création indépendante, artisanale, qui n’est pas forcément le fait d’Asiatiques, et qui tient plus de l’illustration que du récit illustré en cases. C’est la spécialité, par exemple, du site DeviantART (sur lequel sont hébergées des œuvres de DariusDay). Quelques dessins et planches amusantes ou expressives parmi des centaines d’autres : Rin Okumura.
Bref, le sujet des mangas est encore un puits sans fond…
• Qu’est-ce qui peut laisser penser que Le livre de John de Michel Braudeau, sorte de road-movie littéraire et pédérastique, serait en partie autobiographique ?
Réponse :
Le photographe ayant illustré la couverture de l’édition de poche du Livre de John signe des initiales M.B., qui correspondent à celles de l’auteur du livre. L’article de BoyWiki émet donc l’hypothèse qu’une partie du roman est autobiographique.
On trouve des explications plus détaillées dans la page de BoyWiki sur Le livre de John :
Anecdotes
Un point intéressant, si on a la chance de posséder l’édition poche de 1992 au Seuil (collection « Points »), est la photo de couverture : elle représente un jeune ado brun nageant sur le dos dans l’eau bleue d’une piscine. La légende de l’image dit « Piscine dans la vallée de la mort – Photo M.B. ». M.B. sont les initiales de l’auteur ; or une des scènes du roman se déroule précisément autour d’une piscine d’un hôtel isolé dans la Vallée de la Mort : le narrateur séduit et s’y fait séduire par un jeune touriste allemand de 14 ans, ressemblant beaucoup à John, et qui se prête à de rapides contacts sexuels dans les vestiaires. De là à imaginer que ce passage aurait quelque chose d’autobiographique – puis d’étendre cette présomption à d’autres parties du roman, il n’y a qu’un pas !
Mais il serait intéressant aussi de poser la question inverse : quels sont les récits pédérastiques (au sens large, incluant les relations amoureuses entre garçons) qui ne sont pas du tout autobiographiques ?
Si on limite l’enquête aux livres qui font actuellement l’objet d’une page sur BoyWiki, ça forme un échantillon d’une vingtaine d’œuvres assez variées. Pour commencer, Les amitiés particulières est incontestablement un livre de souvenirs sous forme romanesque, comme Les garçons et son jumeau théâtral La ville dont le prince est un enfant. Idem avec le récit néerlandais Pour un soldat perdu.
La mort à Venise s’est avéré finalement beaucoup plus autobiographique que Thomas Mann ne l’avait d’abord reconnu. En serait-il de même pour L’Élu d’Achille Essebac ? Difficile à dire : on peut tout au plus avancer l’hypothèse que l’ouvrage n’est pas totalement imaginaire ; idem pour Dédé, du même auteur. Et qu’en est-il de L’agneau chaste, qui n’est pas non plus donné pour autobiographique ? Et Un garçon naturel ?…
Certains récits se présentent ouvertement comme authentiques : Notre amour, Un petit tour en enfer, ou l’ouvrage récent Mon cœur, de ton visage, n’a pu oublier la douceur. D’autres l’avouent plus qu’à moitié sous forme d’un roman à clés : c’est le cas des Petits garçons. Ça ne veut d’ailleurs pas dire que tout est exact : la prudence peut imposer quelques dissimulations (comme dans Notre amour), et le goût d’enjoliver provoque parfois des entorses à la vérité.
Le roman poétique Jocelyn est un cas particulier : d’une part l’intrigue n’y est pas ouvertement pédérastique (mais tout le monde comprend que c’est quand même de ça qu’il est question dans la première partie) ; et d’autre part l’ouvrage a été écrit pour défendre une thèse — contre le célibat des prêtres. Lamartine semble donc n’y avoir rien mis de lui-même. De même pour Le prêtre et l’enfant de chœur — bien que la thèse ne soit pas identique, évidemment !
Les romans policiers aussi sont généralement imaginaires : témoin La Friponnière, qui même dans sa description de LG ne suit que d’assez loin la réalité. C’est également le cas, bien sûr, pour les romans historiques, comme The boy and the dagger, qui se passe au XVIème siècle.
Les anglophones ont peut-être plus que les francophones l’habitude d’écrire des récits complètement imaginaires, et en particulier des nouvelles. D’où la réussite et le succès des douze volumes de The Acolyte Reader, publiés par The Acolyte Press entre 1986 et 1996.
Enfin, on pourrait penser qu’un roman érotique comme Pédérastie active est complètement imaginaire. Ce n’est pourtant pas certain, les commentateurs y ayant trouvé d’intéressantes allusions à la vie réelle.
D’autres exemples, dans un sens ou dans l’autre ? C’est à coup sûr un vaste sujet… Il faut reconnaître quand même que les écrivains pédérastes sont loin de mettre toujours en application le conseil ultime d’Avinain : « Messieurs, n’avouez jamais ! N’avouez jamais ! ».
• Pourquoi faut-il utiliser de préférence le préfixe https avec TOR ?
Réponse :
TOR vous permet d’abord d’être anonyme. Et ensuite, de dissimuler votre activité entre le premier et le dernier relais de la chaîne TOR utilisée. Mais entre le dernier relais TOR et le serveur-cible (celui du site consulté), votre activité redevient visible si vous utilisez une adresse en http. Pour pallier ce risque, il vaut mieux se connecter en https.
Un cas typique : si vous envoyez un courriel à un ami en http et en passant par TOR, un hacker ne pourra pas connaître votre adresse IP, et donc savoir qui vous êtes. Mais si vous avez écrit dans le message « Je serai au McDo de la Porte Dorée demain midi avec le petit Nicolas, viens nous rejoindre, tu verras, il est très chaud ! », le hacker, ou un policier, pourra lire cette information et venir vous créer des ennuis sur le lieu du rendez-vous — même s’il continue à ignorer votre IP et qui vous êtes. Alors qu’en utilisant une connexion https, vous restez théoriquement à l’abri d’un tel espionnage.
(Disons que le http est à la sécurité ce que le McDo est à la restauration : ce qu’il y a de plus bas de gamme — voire nettement dangereux pour la santé ;-)
Connaissez-vous un site où vous pouvez trouver, clairement expliquées en français, toutes les informations sur la sécurité informatique qui vous concernent ? Non ? Eh bien, nous non plus !
Or l’endroit le plus logique et le plus accessible pour cet usage est BoyWiki. Bien sûr, il existe déjà quelques articles : Communiquer librement sur un réseau censuré, Freenet, Tor ou TrueCrypt, ainsi qu’une catégorie . Mais ces articles ne sont encore que des ébauches, et de plus ils devraient être mis à jour de façon régulière. Quant à des pages telles que Sécurité sous Windows XP, Sécurité sous Windows 7, Sécurité sous Linux, Sécurité sous Mac OS X, Cookie, Téléphone mobile, etc., elles attendent toujours d’être créées…
Il faut fournir à l’ensemble de la communauté les outils de défense dont elle a besoin ! Et d’abord une information complète et accessible.
• Qu’est-ce qu’un puer delicatus ? Quelle mode capillaire suivaient ces jeunes garçons ?
Réponse :
Les pueri delicati (littéralement enfants délicieux) étaient de jeunes esclaves qui recevaient une bonne formation — en particulier dans les paedagogia — en vue de servir un maître ou de remplir une fonction liturgique. Comme tout esclave, ils pouvaient être utilisés sexuellement, mais leurs fonctions étaient loin de se limiter à cela.
À l’époque julio-claudienne, leurs coiffures étaient inspirées de celles des femmes de la famille impériale : chevelures plutôt longues et coiffées vers le bas.
(Il faut noter cependant qu’à Rome, les cheveux longs n’étaient pas nécessairement signe d’esclavage ou de féminité : tous les garçons, libres ou esclaves, les portaient ainsi jusqu’à la puberté. La première coupe de cheveux donnait lieu à une petite fête familiale.)
C’est dans l’article de BoyWiki sur la Coupe Warren qu’on peut lire, dans la section « John Pollini », quelques notes (31 à 38) abordant le sujet des pueri delicati :
Pollini a consacré deux autres articles et plusieurs conférences à cette question des coiffures des pueri delicati et à leur formation dans les paedagogia impériales. Formés pour servir un maître, ils pouvaient aussi avoir une fonction cultuelle - des reliefs de sarcophage en sont un témoignage, et aussi l’anecdote rapportée par Suétone, Vita Tiberii 44, où l'empereur, après avoir assisté à un rite sacrificiel, débauche deux frères pueri delicati.
Wikipedia donne quelques indications en italien et en néerlandais sur le paedagogium annexé au palais impérial de Rome, ainsi que sur les autres établissements similaires où étaient élevés les pueri delicati :
Le paedagogium était aussi l’établissement où l’on instruisait des enfants esclaves destinés à servir les classes riches, en leur apprenant la lecture et l’écriture. Il est vraisemblable que le paedagogium ait été un élément habituel, caractéristique d’une maison opulente, pendant toute la période où les paedagogia sont attestés, à savoir depuis Tibère jusqu’aux Sévères. Cependant, on ne sait pas exactement quel type de formation y était normalement dispensée. Parfois on y enseignait à lire et à écrire, mais plus souvent les sources parlent d’un apprentissage à la préparation et au service des repas.
(…)
On a trouvé dans le bâtiment de nombreux graffitis des environs de l’an 200 après J.-C., écrits par les esclaves qui le quittaient. Dans ces graffitis le mot paedagogium est souvent utilisé dans l’expression exit de paedagogio (« sort du paedagogium »), par exemple Corinthus exit de paedagogio, Marianus Afer exit de paedagogio. C’est ainsi, apparemment, que les esclaves montraient leur satisfaction de pouvoir quitter le Paedagogium.
Parmi ces graffitis se trouve aussi la plus ancienne image qu’on ait découverte avec la croix chrétienne, dite « graffiti d’Alexamenos » (visible aujourd’hui dans l’Antiquarium du Palatin). Alexamenos y est dessiné à genoux, devant le Christ en croix avec une tête d’âne, sous lequel est inscrit en grec : « Alexamenos adore (son) dieu ».
Ces données archéologiques permettent d’imaginer, voire de rêver…
Jolis gamins de toute sorte, longtemps réunis dans une école pour y faire leur apprentissage, avec tous les à-côtés de la vie garçonnière ; et fiers finalement d’en sortir pour aller remplir leur office auprès de l’empereur ou de quelque autre maître…
Petits païens… petits juifs… petits chrétiens aussi parfois, un peu isolés au milieu de leurs camarades moqueurs — que vont-ils devenir après le paedagogium?…
Jeunes garçons délicieux faisant office de secrétaires, de lecteurs ; et d’autres servant à table de riches convives — empressés, souriants, souples et agiles… ou d’autres encore, plus guindés, officiant comme des enfants de chœur lors de cérémonies officielles…
Ah, tout ça mériterait assurément un péplum, avec de jeunes acteurs aussi bien choisis que le petit Thomas Sangster de La dernière légion ! Si quelqu’un pouvait en parler au ministre de la Culture…
• Quel est le nom de la célèbre ressource garçonnière créée par Hínandil en 2005 ?
Réponse :
D’après nos informations, il pourrait s’agir de BoyWiki…
À vrai dire, ce sujet aurait pu être classé parmi les questions internationales, l’histoire complète de BoyWiki étant surtout accessible en anglais. Pour résumer, disons que Hínandil, un pédéraste militant anglophone, a eu fin 2004 l’idée d’un site historique, puis, début 2005, d’un wiki consacré à l’amour des garçons. Après en avoir testé la possibilité technique, et avec l’aide d’autres militants de Free Spirits pour monter le projet, il put annoncer l’ouverture complète du wiki (en anglais) le 9 septembre 2005.
Suite à une mise à jour malencontreuse du logiciel en mai 2007, commença une période d’instabilité et de problèmes (vandalisme en particulier) qui mena à la fermeture temporaire du wiki. Mais dès 2008 fut entreprise la restauration des anciens articles en anglais, en même temps qu’étaient créées les versions allemande et française. Cette dernière fut ouverte au public en novembre 2008 (plus de trois ans déjà !).
Parcourir les trois BoyWikis permettra aux polyglottes de prendre conscience des points communs, mais aussi de certaines différences, qui tiennent aux domaines d’intérêt des scribes et aux psychologies nationales particulières. Il y a de la littérature partout (sauf la littérature francophone du Québec !), alors que les beaux-arts sont pour l’instant le parent pauvre. On ne parle pas beaucoup non plus (pas assez) de jeunes acteurs ou de musique — même la page française sur Justin Bieber n’est qu’une ébauche, c’est dire…
Sur le wiki anglophone, on trouve un grand nombre d’articles sur des sujets communautaires, comme l’histoire de Boychat, l’origine de telle expression courante sur un forum, l’histoire des channels, des radios, qui les a lancés, qui en était, etc. C’est un terrain qui intéresse apparemment moins les francophones, et qui n’a pas du tout été défriché pour La Garçonnière, le Salon Bleu, Radio Salon Bleu, Bibliobleue, les Plumes Bleue et Verte, RdG et son magazine, le channel bl-fr, etc.
En réalité, les possibilités sont presque infinies, et à peine explorées à ce jour…
Précisons que l’ensemble BoyWiki est géré (et non pas dirigé) par un conseil d’une dizaine d’administrateurs, appartenant aux trois « langues », dans lequel personne ne détient un pouvoir particulier.
Le BoyWiki francophone, qui est depuis 2009 le plus vivant et le plus fourni, compte aujourd’hui 905 articles (sans compter les pages techniques, les pages de discussion, les références, etc.) — ce qui correspond à une croissance moyenne d’environ 23 articles par mois. Patience et longueur de temps…
Les nouveaux contributeurs sont toujours bienvenus, quels que soient leur domaine d’intérêt garçonnier et leur compétence rédactionnelle. S’inscrire est une simple formalité qui permet, après une rapide procédure d’enregistrement comme “scribe”, de pouvoir créer et modifier des articles avec la même facilité que pour poster des messages sur LG (en réalité, c’est même plus simple : car sur LG il faut taper son mot de passe à chaque message, alors que sur BoyWiki on le fait au maximum une fois par session).
Ça vous tente ?!…
• Pourpoint rouge, Croix de Malte et braguette bien gonflée, quel est ce beau garçon de douze ans à l’air songeur ?
Réponse :
Il s’agit de Ranuccio Farnese, dont le portrait par Le Titien est conservé à la National Gallery of Art de Washington (collection Kress).
BoyWiki commence à présenter quelques galeries thématiques d’œuvres d’art, parmi lesquelles on trouve les portraits de garçons du XVIème siècle italien. Actuellement, la seule œuvre de cette page est un magnifique portrait grandeur nature de Ranuccio Farnese à l’âge de douze ans, en habit de l’Ordre de Malte (BoyWiki Media Repository contient également une reproduction du détail du visage).
Ce qui frappe d’abord, dans ce tableau, outre le talent du peintre qui fait admirablement ressortir le sujet par le contraste des couleurs, c’est la vérité psychologique du visage : on tomberait presque amoureux d’un tel garçon en regardant son portrait !
Notre regard moderne est également attiré par la proéminente braguette. Osera-t-on dire que cette représentation — pourtant destinée à la mère du modèle et réalisée sous le contrôle de son précepteur — est d’esprit quasi pédérastique ? En effet, le jeune Ranuccio n’est ni asexué, ni exagérément doté par la nature (au contraire de son grand frère Ottavio, ou d’Antonio Navagero dans ce portrait un peu plus tardif par Moroni). Bref, il est dans un juste et charmant équilibre entre enfance et virilité — équilibre qu’on retrouve dans un autre tableau de Moroni, presque contemporain, représentant un père et son fils.
(Le lecteur qui voudrait en savoir plus sur la mode des haut-de-chausses en Europe pourra se reporter au blog Le costume historique. On consultera aussi avec intérêt une étonnante collection de braguettes de la Renaissance — dont plusieurs juvéniles — sur cette page en russe.)
Né en 1530, petit-fils du pape Paul III, Ranuccio fut voué dès son enfance à la carrière ecclésiastique. Il n’avait que dix ans lorsque son grand-père le nomma prieur de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, auquel l’empereur Charles-Quint avait donné en 1530 la souveraineté sur l’île de Malte (d’où son nom coutumier d’Ordre de Malte1). Puis le petit garçon fut envoyé à Padoue pour y finir ses études, accompagné de son précepteur Gianfrancesco Leoni (il avait bien de la chance, celui-là !).
1 L’ordre de Malte est connu des pédérastes pour deux autres raisons au moins : les démêlés que Le Caravage eut à Malte avec le grand maître Alof de Wignacourt, dont il avait fait le portrait en compagnie d’un jeune page ; et le roman-enquête Chevaliers de Malte, qui n’est certes pas le meilleur de Roger Peyrefitte, mais qui se laisse tout de même lire avec intérêt quand on est curieux des intrigues vaticanes.
À l’occasion de son quatorzième anniversaire, Ranuccio fut nommé par Paul III archevêque de Naples. Cette capitale historique de la pédérastie n’avait peut-être jamais eu un aussi joli prélat ! Quelque temps après, le garçon, afin de prouver qu’il méritait cette promotion, tint devant le pape une conférence sur la littérature grecque et latine et sur la dialectique, qui fut très appréciée.
C’est l’année suivante, à l’âge de quinze ans, qu’il fut créé cardinal. On le surnomma ensuite affectueusement « le Petit Cardinal de Saint-Ange » — cardinalino di Sant’Angelo.
L’infographie Pédérastie dans le monde méditerranéen (cliquer en bas sur XVIe siècle, puis sur Rome dans la carte) nous apprend que ce n’est pas le seul de ses petits-fils que Paul III créa cardinal dès l’adolescence ! En effet, il avait déjà élevé à la pourpre cardinalice deux autres de ses très jeunes descendants : Alessandro Farnese (un des frères de Ranuccio), alors âgé de quatorze ans, et Guido Ascanio Sforza, âgé de seize.
Mort d’une mauvaise fièvre à l’âge de trente-cinq ans, Ranuccio Farnese laissa le souvenir d’un homme érudit, charitable et d’une grande droiture, mécène de nombreux artistes — qualités morales et intellectuelles qui transparaissent déjà dans son portrait juvénile par Le Titien. On peut remarquer que sa courte vie s’était déroulée presque entièrement sous les pontificats de son grand-père Paul III Farnese, pape de 1534 à 1549 et notoirement bisexuel ; de Jules III del Monte (1550-1555), amoureux du petit mendiant Innocenzo qu’il nomma cardinal à dix-sept ans ; et de Paul IV Carafa (1555-1559), dont on pense qu’il aima également les garçons.
Quelle belle époque !
• Quel souverain grec est tombé amoureux d’un jeune nageur éclatant de blancheur, en l’honneur duquel il fit construire un sanctuaire ?
Réponse :
Agamemnon, chef des Grecs pendant la guerre de Troie, tomba amoureux du jeune Argennos (éclatant de blancheur) en le voyant nager. Le garçon s’étant noyé, Agamemnon fit construire en son honneur un sanctuaire d’Aphrodite.
Les circonstances de cet épisode mythologique sont relatées dans les deux articles de BoyWiki Agamemnon et Argennos :
Agamemnon est un roi mythique de Mycènes et d’Argos, chef suprême des Grecs durant la guerre de Troie. Il devint amoureux du jeune Argennos, un jour qu’il le voyait nager dans le Céphise. Mais le garçon se noya, et Agamemnon l’ensevelit, avant de faire construire sur les lieux du drame un sanctuaire dédié à Aphrodite Argynnis.
(…)
La mythologie grecque évoque un garçon nommé Argennos, qui est souvent identifié avec Argynnos.
La légende dit qu’Argennos fut l’éromène du roi Agamemnon, et qu’Argynnos fut l’amant d’Hyménée. Il est difficile de décider si les deux personnages doivent être confondus ou non. Pourtant, si l’on considère qu’Argennos est mort à l’adolescence, donc avant de pouvoir être l’amant d’un autre garçon, il semble préférable de les distinguer.
Dans cette hypothèse, il faut remarquer qu’Argennos appartient à la protohistoire (la guerre de Troie), tandis qu’Argynnos fait partie d’une mythologie plus ancienne et plus « divinisée » : cela peut expliquer qu’Agamemnon, après la mort d’Argennos, ait dédié un sanctuaire à Aphrodite Argynnis, qualificatif qui devait exister bien avant cet événement.
Le mot grec ’argennós signifie « éclatant de blancheur ».
L’historien Bernard Sergent a mis en lumière que de nombreux mythes grecs relatant la mort d’un garçon (Apollon et Hyacinthe, Héraclès et Hylas, Poséidon et Pélops, Laïos et Chrysippe, etc.) symbolisent en réalité un processus initiatique dans lequel, sous la conduite d’un aîné, le garçon doit « mourir » à l’enfance pour renaître ensuite comme citoyen adulte. Chez les Grecs, comme chez les Germains et les Celtes, Sergent a montré aussi que cette initiation s’accompagnait d’un apprentissage des techniques de la guerre et de la chasse, au cours duquel des relations pédérastiques pouvaient officiellement exister entre le jeune initié et son mentor.
Il est probable qu’à l’origine, la période initiatique ait souvent pris la forme du fostérage, pratique qu’on retrouve chez de nombreux peuples indo-européens : elle consistait pour un homme à recevoir un garçon d’une autre famille, pendant une durée plus ou moins longue, et à lui dispenser la formation requise pour son accession au statut d’adulte. Les Anciens avaient bien compris, apparemment, que les parents sont loin d’être les meilleurs éducateurs possibles pour un jeune adolescent !
Au Moyen-Âge encore, dans les familles nobles (souvent d’origine germanique), on pratiquait une sorte de fostérage par la formation chevaleresque : un jeune garçon allait servir comme page auprès d’un seigneur ami ou allié (après avoir éventuellement été simple galopin, garçon d’écurie), puis comme écuyer, jusqu’à ce qu’il soit assez mûr et formé, vers la fin de l’adolescence, pour être enfin « armé chevalier » — ou adoubé — par son maître, qui était également son parrain.
(Chut ! Il ne faut pas le dire : les petits préférés étaient souvent « pages de chambre » — c’est-à-dire qu’ils aidaient le seigneur à se déshabiller avant le coucher…)
Note : Le nom d'Argynis a été donné à une famille de papillons par l'entomologiste et taxinomiste Johan Christian Fabricius en 1807. Il a aussi nommé un ordre de coléoptères paederus qui est la forme latine du grec paiderôs, dont le premier sens est synonyme de paiderastês (c'est aussi, accessoirement, le nom d'une pierre et d'une plante). Si ce n'est pas ce qui s'appelle enculer les mouches ?
• Cet ouvrage – interdit et inachevé – est le premier des temps modernes qui ait pris la défense de l’amour entre homme et garçon, en faisant principalement référence à la Grèce antique. Quel en est le titre complet ?
Réponse :
Le Suisse Heinrich Hössli a publié en 1834-1838 les tomes I et II d’un ouvrage prenant la défense de « l’amour grec », sous le titre : Eros, die Männerliebe der Griechen : ihre Beziehungen zur Geschichte, Erziehung, Literatur und Gesetzgebung aller Zeiten (ce qui signifie : Éros, l’amour viril des Grecs : ses relations à l’histoire, à l’éducation, à la littérature et à la législation à travers les âges). Le tome III fut bien rédigé, mais il a été perdu.
Il semblerait que cette première édition, réimprimée en 1996 et que nous n’avons pu consulter, ait eu pour second sous-titre : die Unzuverlässigkeit der äußeren Kennzeichen im Geschlechtsleben des Leibes und der Seele, oder, über platonische Liebe, ihre Würdigung und Entwürdigung für Sitten-, Natur- und Völkerkunde.
Une deuxième édition a été publiée en 1840 (et peut-être rééditée en 1892), avec un titre partiellement modifié : Eros, die Männerliebe der Griechen : ihre Beziehungen zur Geschichte, Literatur und Gesetzgebung aller Zeiten ; oder, Forschungen über platonische Liebe : ihre Würdigung und Entwürdigung für Sitten-, Natur- und Völkerkunde.
La complication du titre, des sous-titres et leurs différentes versions ne doivent pas faire oublier l’essentiel, qu’on peut retrouver sur la page de BoyWiki consacrée à Heinrich Hössli : ce modiste et décorateur suisse publia ainsi dès 1934, à la suite d’une affaire criminelle dont il avait deviné le motif passionnel pédérastique, un ouvrage érudit et bien argumenté sur le thème de « l’amour grec ». La vente du premier tome et l’impression du second furent interdites par les autorités religieuses du canton de Glaris, ce qui obligea Hössli à s’adresser à un imprimeur du canton voisin de Saint Gall. Découragé par ces épreuves, il ne put faire publier le tome III, dont le manuscrit semble avoir été perdu.
Il est intéressant de noter que Johann Ulrich, le fils cadet de Heinrich Hössli, fut également pédéraste, et qu’après avoir mené à bien l’éducation de deux jeunes garçons, il laissa une partie de son héritage à des institutions s’occupant d’enfants.
Mais…
La question portait sur « le premier ouvrage des temps modernes qui ait pris la défense de l’amour entre homme et garçon ». Or, qu’est-ce que les temps modernes ?
Pour les historiens français, les temps modernes vont de la fin du Moyen-Âge (par convention, soit la prise de Constantinople en 1453, soit la découverte des Amériques en 1492), au début de l’époque contemporaine (qui par convention commence avec la prise de la Bastille). Selon cette périodisation, l’ouvrage de Hössli n’appartenait déjà plus aux temps modernes, mais à l’époque contemporaine !
Cependant, pour les chercheurs anglophones ou allemands, l’époque moderne, qui commence également à la fin du Moyen-Âge, va jusqu’à nos jours. Dans ce sens, Eros, die Männerliebe der Griechen en fait bien partie. Mais alors… est-il le premier ?
On pourrait plutôt citer, avec raison, son sulfureux prédécesseur, le livre d’Antonio Rocco paru en 1651 et intitulé L’Alcibiade fanciullo a scola. BoyWiki est le seul site au monde à en donner simultanément le texte intégral en italien, la traduction française et une bibliographie détaillée et complète en cinq langues !
L’ouvrage fut condamné dès sa parution, et presque tous les exemplaires brûlés (il n’en resterait qu’une dizaine). Il fait abondamment référence à la Grèce antique pour justifier la pédérastie ; et puisque les dernières lignes annoncent « une seconde partie plus lascive encore » qui n’est jamais parue, on peut considérer qu’il est inachevé.
L’ensemble de ces similitudes entre l’ouvrage de Rocco et celui de Hössli est encore plus surprenant si l’on pense que le premier est antérieur au second de presque deux siècles. Quant à nous, sans choisir entre les deux, nous ne pouvons que nous incliner avec admiration devant ces précurseurs, en songeant à l’audace et à la liberté d’esprit qu’il leur fallut pour penser et écrire à contre-courant d’une société entière, ainsi qu’au courage dont ils ont fait preuve en publiant des argumentaires aussi dangereusement anticonformistes.
(On me glisse à l’oreille que bien des ouvrages antiques ont défendu la cause pédérastique dès le XVIème siècle — telles les éditions de Platon comme Le banquet, Phèdre et Lysis, qui ont manifestement influencé Antonio Rocco ; ou encore, plus tardives, les premières éditions de La muse garçonnière, comme par exemple les Stratonis aliorumque Poetarum veterum graecorum Epigrammata publiés en 1764. Mais ces ouvrages ne sont pas inachevés, et ils ne semblent pas non plus avoir jamais été interdits, grâce au prestige dont jouissaient les lettres grecques dans les siècles de l’humanisme et du classicisme.)
On trouve un dialogue dialectique sur la défense « de l’amour entre homme et garçon » aussi chez le Grec Achilles Tatius.
Liens
Textes publiés sur La Garçonnière :
- Les Huit*Nuits*de*BoyWiki — Questions F1 à F8 (posté le jeudi 29 décembre 2011)
- Réponse japonaise à la question F1 (29 décembre) (posté le mardi 28 février 2012)
- Réponse romanesque à la question F2 (29 décembre), avec plein de livres (posté le mercredi 29 février 2012)
- Réponse sécurisée à la question F3 (29 décembre), avec un rendez-vous dangereux (posté le jeudi 1er mars 2012)
- Réponse romaine à la question F4 (29 décembre), avec plein de petits esclaves (posté le vendredi 2 mars 2012[2])
- Réponse wiki-pédique à la question F5 (29 décembre) (posté le samedi 3 mars 2012)
- Réponse pontificale à la question F6 (29 décembre), avec une braguette bien gonflée (posté le dimanche 4 mars 2012)
- Réponse mythologique à la question F7 (29 décembre) (posté le lundi 5 mars 2012)
- Réponse italo-helvétique à la question F8 (29 décembre) (posté le mardi 6 mars 2012)
Voir aussi
Articles connexes
Questions A1 à A9 (samedi 24 décembre 2011) |
Questions B1 à B9 (dimanche 25 décembre 2011) |
Questions C1 à C8 (lundi 26 décembre 2011) |
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(lundi 26 mars 2012)