Les Huit Nuits de BoyWiki 2011 — Questions C1-C8
Les questions C1 à C8 de la troisième des Hůit☻Nũits♫dє♥B♂yWíki ont été postées le 26 décembre 2011[1] sur le forum La Garçonnière. Un texte de présentation, reproduit ci-dessous, les accompagnait.
Les réponses proposées par BoyWiki, du 2 au 9 février 2012, figurent dans des boîtes déroulantes en bas de page.
Questions
Les réponses aux questions des deux premiers jours sont décidément aussi diverses que parfois... inattendues ! Ce qui ne veut pas dire qu’elles soient toujours exactes : il reste encore beaucoup de points à gagner, et encore plus d’étoiles.
Les solutions et les scores viendront plus tard, afin de laisser à de nouveaux participants le temps de se manifester (il paraît que certains se sacrifient au rythme d’un réveillon par jour ! Alors forcément, ils n’ont plus vraiment le temps de fureter sur LG et sur BoyWiki ;-)
En les attendant, voici les huit questions de la troisième des Huit*Nuits*de*BoyWiki (pas de question internationale aujourd’hui, nous n’avons pas eu le temps de voyager assez loin).
Question C1 (bleue)
• La vie de l’illustrateur des Amitiés particulières a été jalonnée par deux amitiés artistiques, l’une avant, l’autre après la deuxième guerre mondiale. Donnez les noms de ces deux personnages, qui ont été ses mécènes.
Question C2 (bleue)
• Quelle action de mai 1968 se trouve à l’origine du mouvement homosexuel militant FHAR ?
Question C3 (bleue)
• Le mot paidérastie a-t-il été inventé par Roger Peyrefitte pour se moquer de l’orthographe de son correspondant Henry de Montherlant ? Précisez votre opinion.
Question C4 (bleue)
• Ce joli garçon nu expose ses fesses au spectateur, et son sexe à un groupe d’hommes qui le contemplent. D’une main, il tient par le cou celui qui l’enlace doucement, tandis que de l’autre il lui saisit la queue, sous le regard d’un vieillard à moitié dénudé qui embouche son instrument... Quel est l’auteur de cette œuvre hautement érotique ?
Question C5 (bleue)
• Où Pierre a-t-il parlé à Djino pour la première fois ?
Question C6 (violette)
• Dire qu’un enfant aime à se divertir avec les tas de récipients de son ami n’est ni drôle, ni même très compréhensible. Pourtant, en le formulant d’une façon légèrement différente, on comprend mieux pourquoi tant de garçons sont habités par les muses... Pourrez-vous reconstituez l’expression d’origine ?
Question C7 (violette)
• Pour un aristocrate grec (de l’époque classique), et pour un aristocrate romain (de la période augustéenne), il était socialement acceptable d’avoir des relations sexuelles avec un jeune garçon. En quoi leur pratiques et leurs règles morales différaient-elles ?
Question C8 (rouge)
• André Gide m’a écrit à propos de mon premier ouvrage, publié sous un pseudonyme arabe et qui raconte les relations entre un vieil homme et un jeune garçon dans le désert algérien. Je me suis intéressé aussi à un haut lieu de l’homosexualité et de la pédérastie en Grèce moderne. Pourtant j’étais périgourdin d’adoption et de cœur, et suis mort trop tôt, à l’âge de quarante-six ans. Qui suis-je ?
Bonne chance à tous !
Le Conseil du BoyWiki francophone
Réponses
• La vie de l’illustrateur des Amitiés particulières a été jalonnée par deux amitiés artistiques, l’une avant, l’autre après la deuxième guerre mondiale. Donnez les noms de ces deux personnages, qui ont été ses mécènes.
Réponse :
Le galeriste lyonnais Renaud Icard, avant la deuxième guerre mondiale, a soutenu Gaston Goor en faisant la promotion de ses œuvres. Roger Peyrefitte fut ensuite son mécène, et lui demanda en particulier d’illustrer une édition de luxe des Amitiés particulières.
Deux passages de la page de BoyWiki Gaston Goor donnent plus de détails sur ces relations à la fois professionnelles et amicales :
C’est par l’intermédiaire d’un tableau de 1 m 50 représentant un jeune homme (Jean Joerimann) nu sur pied, qu’il entre en relation avec un admirateur, l’écrivain et galeriste lyonnais Renaud Icard (1886-1971). Ce dernier lui permet d’exposer ses œuvres à Lyon, dans sa galerie « l’Art français » et une longue amitié s’établit entre les deux hommes. Gaston Goor réalise gracieusement les illustrations d’un conte de Renaud Icard, Mon Page, qui sera publié de manière posthume en 2009 par les éditions Quintes-Feuilles.
[...]
C’est pendant son séjour en Angleterre qu’il est sollicité par les éditions Flammarion et par Roger Peyrefitte pour réaliser les illustrations des Amitiés particulières qui paraissent en 1953. Ce travail marque un tournant dans la vie de Goor, qui regagne alors la France et s’installe à Paris. Roger Peyrefitte devient pour Goor un véritable mécène, le sollicitant pour réaliser nombre d’œuvres érotiques (comme l’illustration de l’épisode de « l’Éphèbe de Pergame » du Satyricon) et le présentant à des amis fortunés qui passent à Goor de nombreuses commandes.
Les deux volumes des Amitiés particulières illustrés par Goor et tirés à 740 exemplaires forment l’une des trente-sept éditions en huit langues qui sont répertoriées sur la page de référence du roman de Peyrefitte. Si vous en connaissez d’autres versions, merci de les signaler ! (On peut, par exemple, traduire « amitiés particulières » dans une langue et mettre le résultat dans Google...)
Quelle action de mai 1968 se trouve à l’origine du mouvement homosexuel militant FHAR ?
Réponse :
Huit affiches signées par un « Comité d’Action Pédérastique Révolutionnaire » inconnu jusqu’alors furent placardées à la Sorbonne en mai 1968. Ces affiches ayant été arrachées par des gauchistes puritains, cinq cents tracts en furent tirés puis distribués à l’Odéon et à la Sorbonne. Cette action est à l’origine du MLF créé par des lesbiennes et des féministes, groupe qui à son tour donnera naissance au FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire), où de nombreux pédérastes ont milité.
Le détail de cet épisode est décrit dans BoyWiki à la page sur le Comité d’action pédérastique révolutionnaire. Le texte du tract y est partiellement reproduit :
« Émus et profondément bouleversés par la répression civile et policière qui s’exerce à l’endroit de toutes les minorités érotiques (homosexuels, voyeurs, maso., partouzes), le Comité d’Action Pédérastique Révolutionnaire dénonce la restriction des possibilités amoureuses qui sévit en Occident depuis l’avènement du judéo-christianisme. Les exemples de cette répression odieuse ne manquent pas ; vous les avez sous les yeux à chaque instant ; les inscriptions et les dessins dans les chiottes de la Sorbonne et autres ; les passages à tabac d’homosexuels par la police ou par des civils rétrogrades ; la mise en fiche policière, en général, l’attitude de soumission, les yeux de chiens battus, le genre rase-les-murs de l’homosexuel type ; les carrières brisées, l’isolement et la mise au secret qui sont le lot de toutes les minorités érotiques. Pour un glorieux Jean Genet, cent mille pédérastes honteux, condamnés au malheur.
Le C.A.P.R. lance un appel pour que vous, pédérastes, lesbiennes, etc..., preniez conscience de votre droit à exprimer en toute liberté vos options ou vos particularités amoureuses et à promouvoir par votre exemple une véritable libération sexuelle dont les prétendues majorités sexuelles ont tout autant besoin que nous. […]
(Un homme sur 20 est pd ; sur 4 milliards de la population mondiale, ça fait 200 millions de pd).
NON PAS L’AMOUR ET LA MORT. MAIS L’AMOUR ET LA LIBERTÉ. »
Manifestement, le terme « pédéraste » est ici pris au sens large d’« homosexuel », englobant la pédérastie mais ne s’y limitant pas.
• Le mot paidérastie a-t-il été inventé par Roger Peyrefitte pour se moquer de l’orthographe de son correspondant Henry de Montherlant ? Précisez votre opinion.
Réponse :
Non, la graphie « paidérastie », attestée au XVIIe siècle dans les œuvres de Théophile de Viau, a été proposée comme un retour au sens originel du mot : « amour des garçons », quel que soit l’âge de ceux-ci.
Une page de BoyWiki est consacrée à la graphie Paidérastie :
Le mot pédérastie a eu, au cours de son histoire, de multiples significations implicites ou explicites, dont celle de pédication due aux médecins légistes (d’où l’emploi du mot « pédérastie » à propos de coït anal exercé par l’homme sur la femme ou sur un animal, notamment le chien).
La graphie « paidérastie », attestée en français au XVIIe siècle, a donc été proposée comme un retour au sens originel du mot. Elle correspond à une transcription plus stricte de l’étymon grec paiderastia. [Les très jolies lettres grecques ont été remplacée ici, LG ne sachant plus les afficher, contrairement à la quasi-totalité des sites du web.]
Paidérastie est un synonyme strict d’amour des garçons. Ce mot a l’avantage de ne préjuger en rien ni de l’âge du garçon, adolescent ou impubère, ni du mode de relation sexuelle, lorsqu’il y en a.
La première proposition d’utiliser à nouveau paidérastie dans ce sens a été formulée par Jean-Claude Féray à la page 59 de son ouvrage Grecques, les mœurs du hanneton ? : histoire du mot pédérastie et de ses dérivés en langue française, édité par Quintes-Feuilles en 2004. Y est également cité, p. 196, un extrait de Théophile de Viau daté de 1656 :
Faire des vers de Sodomie, ne rend pas un homme coulpable du fait : Poëte et Paideraste sont deux qualitez differentes.
Deux extraits d’Octave Delepierre, en 1861, donnent une orthographe légèrement différente (p. 145 et 202) :
Le professeur Waecker a émis l’étrange opinion que la pæderastie fortifiait, ches les Grecs, les liens de l’amitié.
Les rapports que nous considérons comme de pure amitié entre Achille et Patrocle, Pylade et Oreste, Hercule et Iolaus, rentraient dans la catégorie de l’amour pædéraste.
On trouve enfin dans cet ouvrage fort érudit d’autres mots peu connus, tels que pédérastement, pédérer, pédéraster, pédérastiser, pédérastisme, pédérastomanie, pédérastophile, et même pédareste !
Quant à Roger Peyrefitte et Henry de Montherlant, ils ont toujours employé la graphie pédérastie, comme les montrent diverses citations de la page sur la définition de ce mot :
• Rome nous rappelle que suicide et pédérastie sont faits communs chez des hommes parfaitement équilibrés, et l’honneur de leur pays. — (Henry de Montherlant, Carnets : années 1930 à 1944)
• La pédérastie est la forme la plus inépuisable de l’amour, parce que c’est l’amour de la jeunesse. — (Roger Peyrefitte, Notre amour, 1967)
• Ce joli garçon nu expose ses fesses au spectateur, et son sexe à un groupe d’hommes qui le contemplent. D’une main, il tient par le cou celui qui l’enlace doucement, tandis que de l’autre il lui saisit la queue, sous le regard d’un vieillard à moitié dénudé qui embouche son instrument... Quel est l’auteur de cette œuvre hautement érotique ?
Réponse :
Il s’agit de Jean-Léon Gérôme, auteur du tableau orientaliste Le charmeur de serpent.
Ce tableau de 1880 est accessible sur BoyWiki à la page de la galerie de peintures françaises du XIXe siècle sur le thème Animal et garçon. Il figure également sur la page de la galerie Nu de garçon.
Bien entendu, et comme souvent dans la peinture orientaliste, il s’agit plus là d’un Orient « rêvé » par un artiste occidental que de la description d’une réalité authentique. Jamais sans doute un chef musulman n’a fait danser ainsi un jeune garçon nu devant sa petite cour, au mépris de toute pudeur sociale !
Reste à savoir pourquoi le très officiel et très académique Jean-Léon Gérôme, membre de l’Institut de France et de la Royal Academy, professeur à l’École des beaux-arts, officier de la Légion d’honneur, considéré alors comme l’un des plus grands peintres et sculteurs de son temps, choisit de traiter un sujet aussi scabreux au lieu d’une banale danseuse égyptienne…
On notera au passage l’énoncé assez « piégeux » de cette question : cela montre qu’il n’est pas forcément facile de trouver les réponses du jeu en cherchant sur BoyWiki (où elles figurent toutes, pourtant). D’ailleurs, même les collaborateurs habituels du wiki ont parfois eu de sérieuses difficultés à découvrir la bonne piste, y compris dans des domaines dont ils étaient spécialistes !
• Où Pierre a-t-il parlé à Djino pour la première fois ?
Réponse :
Dans le roman L’Élu d’Achille Essebac, Pierre Pélissier parle pour la première fois au petit vendeur de fleurs Luigi, qu’il surnommera Djino, en montant les escaliers de la place d’Espagne à Rome.
(Wikimedia Commons propose plusieurs photos des escaliers de la fameuse Piazza di Spagna. On peut en voir ici une carte postale de 1908 ; faute d’avoir une grande qualité esthétique, elle permet au moins de se faire une idée du cadre à l’époque du récit — avec au sommet l’église de la Trinité des Monts et son obélisque.)
C’est au début de L’Élu, roman publié par Achille Essebac en 1902, dans le cours du chapitre II, que Pierre rencontre le jeune Sicilien peu après neuf heures du matin. Il a commencé par s’intéresser à un petit vendeur de treize ans :
Pierre en quittant la Barcaccia consent à prendre des petites pattes sales d’un ciociaro de treize ans – qui est bien, dans sa culotte de velours bouton d’or, sa veste héliotrope et sa ceinture écarlate, le plus mutin de tous les petits ciociari – un bouquet de pensées que l’enfant met, en lui souriant, hors la pochette du veston de son client. Un autre gamin a vu qui arrive avec des fleurs aussi et prétend être le cousin du premier. Comment refuser aussi son bouquet à ce petit cousin en culotte de velours réséda et veste amarante ? Et le petit drôle a des mollets tellement têtus dans ses chausses bleues que ses beaux yeux enjôleurs sous les boucles soyeuses de sa chevelure, sont comme d’un angelot qui serait diable aussi, beaucoup…
Mais quelques instants plus tard c’est un autre garçon qui l’aborde timidement :
Il n’avait pas la tête coiffée d’un chapeau, comme les ciociari, mais une course affolée de boucles presque blondes charriait de l’or sur son jeune front… Pierre demeura une minute immobile, extériorisé, bien que les yeux fixés sur le page florentin. Ce que voyant, l’adolescent osa proposer à nouveau ses petits bouquets d’un sou puisque le forestiere ne le repoussait plus… Et Pierre sentit que l’enfant le considérait sans effronterie mais avec une sorte de confiance apeurée avec, aussi, dans ses yeux bleus adorables, deux perles brillantes contenant de l’espoir…
Ébloui par son charme et sa douceur, Pierre achète cinq bouquets au petit marchand :
Tandis que Pierre marchandait – il eût vidé l’or de sa bourse pour l’amour d’elles dans les petites mains d’une délicatesse inouïe qui lui offraient des fleurs – il regardait cette vision magnifique et l’invraisemblable beauté de ces yeux dans la tristesse simple de cette apparition…
Mais au moment de le quitter :
Il venait de faire à peine quelques pas qu’une sorte d’invincible force le repoussa vers le gamin. Comme s’il n’avait pas eu son cœur prêt à se rompre d’abandonner là, sur les pavés hostiles aux malheureux, cet adolescent très charmant et très fin, avec une négligence qui refoulait mal son inquiétude il l’interrogea :
— Comment vous appelez-vous, mon petit ami ?
L’enfant intéressé d’abord parut craindre beaucoup cette intrusion d’un étranger dans sa pauvre existence navrée. Pourtant il répondit :
— Luigi, monsieur.
— Mais, petit Luigi… votre autre nom !
— …
— … Le nom de votre papa ?
— J’aime mieux ne pas le dire, monsieur.
— … De quel pays êtes-vous ?
— De Palerme, monsieur.
BoyWiki est le premier site internet qui permette de lire l’intégralité de ce roman.
• Dire qu’un enfant aime à se divertir avec les tas de récipients de son ami n’est ni drôle, ni même très compréhensible. Pourtant, en le formulant d’une façon légèrement différente, on comprend mieux pourquoi tant de garçons sont habités par les muses... Pourrez-vous reconstituez l’expression d’origine ?
Réponse :
Un amateur de contrepèteries préfèrera dire que ce garçon aime jouer avec ses piles de boîtes ! Ce qui n’empêche certes pas les muses de l’habiter…
La page Contrepèterie de BoyWiki comporte une quarantaine de tels jeux de mots. Plutôt que de les recopier, on a préféré les compléter ici — sans avoir la verve à Gide, bien sûr :
Le charmeur de serpent. (Encore lui)
Il faut embrasser ce garçon pour sentir l’effet Kiss Cool !
L’enfant a refusé de dîner avec son vieux pépé.
L’enfant de chœur admire les prés des villas. (Comme dirait un ex-évêque belge)
Il y a souvent de petites pannes sous les platines.
Ne badinez pas avec les rites. (Oui, mais plus c’est court, plus c’est cher)
Quelle glu, ces jeunes censeurs !
Ce lumignon est cassé.
J’ai eu mal au foie après l’avoir dénoncé. (Un adhérent d’Enfonce et Partage)
À Noël, on voit de jolies petites biches dans la Crète. (Il est nu, le divin enfant)
Les Scythes n’étaient pas effrayés par l’éphèbe.
Il y a beaucoup de crapauds parmi les dédales.
Ce petit myope rêve trop de la Chine ! (Ça rend sourd)
À Rome, les petits esclaves devaient supporter la peine des licteurs.
Parfois des clans de garçons arrivent à pénétrer les groupes d’hommes. (C’est le monde à l’envers)
Un petit Breton m’a montré une tourte qui sentait le pineau.
Les garçons se sont tordus en se mouchant.
Oh ! Les piscines ! (Hésiode très entouré)
L’enfant de chœur a lassé la pitié des moines.
J’ai pris les petites fèves au sol.
Le moinillon voudrait trouver un plan de Gap. (C’est bientôt fini, cet anticléricalisme primaire ?)
Des nobles abbés proposent leurs gîtes !
Le petit chanteur a crié au vol derrière le piano ! (Monseigneur Maillet, arrêtez tout de suite)
Est-ce que le jeune Isaac est passé sur la berge du ravin ? (Ah ben voilà, il n’y en a pas que pour les curés)
Mets ta casquette ! (Par ce temps glacial, c’est encore la meilleure chose à faire)
Signalons enfin une curiosité historique, pour ceux qui ne se sont pas encore précipités vers l’article évoqué plus haut : les termes « contrepèterie » et « pédéraste » sont apparus pour la première fois en français dans le même ouvrage, publié en 1584 (sous le règne d’Henri III — lequel, comme chacun sait, mouillait ses quignons…).
• Pour un aristocrate grec (de l’époque classique), et pour un aristocrate romain (de la période augustéenne), il était socialement acceptable d’avoir des relations sexuelles avec un jeune garçon. En quoi leur pratiques et leurs règles morales différaient-elles ?
Réponse :
« Une règle semblait universelle à l’aristocrate romain mâle : il ne devait pas avoir de rapport sexuel avec un autre mâle libre de naissance, qu’il s’agisse d’un homme ou d’un garçon. En cela, il différait de l’aristocrate grec de l’époque classique, qui pouvait faire la cour et l’amour à des adolescents de la même classe sociale que lui. »
L’énoncé ci-dessus est tiré de la page de BoyWiki sur la Coupe Warren. En effet, cette différence de conception des rapports homme-garçon est importante dans la discussion sur l’authenticité de ce vase.
Il y aurait bien d’autres choses à dire et à développer sur un sujet aussi vaste, abordé par nombre d’historiens depuis deux siècles.
En résumé, si la pédérastie grecque était réservée aux hommes et aux garçons libres, c’est en raison de sa vocation fondamentalement éducative : dans la mentalité de l’époque, un esclave n’a pas à être éduqué, et il n’est pas non plus capable d’éduquer. (Certains chercheurs pensent qu’en outre, la pédérastie avait pour fonction de canaliser les ardeurs sexuelles des jeunes gens, leur permettant ainsi d’attendre un mariage plus tardif : c’était donc, aussi, une forme de régulation de la démographie !)
Avant tout, l’éraste adulte grec devait faire de son éromène adolescent un bon citoyen, tout particulièrement en lui enseignant la pratique militaire et la sagesse : la pédérastie était moralement orientée vers le garçon et vers la sauvegarde de la société, le désir de l’homme n’étant qu’une motivation pour l’inciter dans cette voie.
L’aspect éducatif explique pourquoi le pédéraste ne devait s’intéresser qu’aux adolescents et pré-adolescents – de douze à dix-sept ans environ. Plus jeune, l’enfant recevait une éducation familiale, et s’intéresser sexuellement à lui aurait été inutile, infantile et honteux. Plus vieux, une fois l’éducation achevée, ç’aurait été de l’homosexualité, également inutile, et peu appréciée par la société grecque.
À l’époque hellénistique, l’idéal originel s’est plus ou moins dégradé, en raison des contacts avec les peuples d’Asie Mineure et du Proche-Orient : l’existence de bordels de garçons en Grèce est prouvée, et les épigrammes de La muse garçonnière sont en général plus sensuels qu’amoureux ou éducatifs.
À l’opposé des principes grecs, le Romain ne pouvait théoriquement avoir des relations sexuelles qu’avec un garçon non libre. Le seul objectif poursuivi était son propre plaisir : ni l’intérêt ou le plaisir du garçon, ni même l’intérêt de la société n’entraient en ligne de compte. Il arrivait cependant qu’un petit esclave soit réellement aimé par son maître, qui parfois l’affranchissait, et pouvait même faire de lui son héritier (d’où la fortune de Trimalchion dans le Satyricon).
Dans un tel contexte, la prostitution des garçons était monnaie courante : les prostitués mâles avaient même leur fête, qui était célébrée le 25 avril. De même, l’âge importait peu : ce n’était qu’une question de goût personnel, et certains maîtres utilisaient sexuellement leurs petits esclaves longtemps avant la puberté.
L’hellénisation de la société romaine, surtout l’aristocratie de l’Empire — en partie par réaction contre la morale républicaine — a néanmoins fait évoluer peu à peu cette mentalité purement « machiste » : l’amour du poète Catulle pour le jeune Juventius, qui était de naissance libre, ou celui d’Hadrien pour Antinoüs, par exemple, ne sauraient être interprétés comme une simple recherche de plaisir sexuel.
• André Gide m’a écrit à propos de mon premier ouvrage, publié sous un pseudonyme arabe et qui raconte les relations entre un vieil homme et un jeune garçon dans le désert algérien. Je me suis intéressé aussi à un haut lieu de l’homosexualité et de la pédérastie en Grèce moderne. Pourtant j’étais périgourdin d’adoption et de cœur, et suis mort trop tôt, à l’âge de quarante-six ans. Qui suis-je ?
Réponse :
Voyageur, peintre et écrivain, François Augiéras naquit aux États-Unis en 1925 et mourut à Périgueux en 1971. Son premier ouvrage, Le vieillard et l’enfant, fut publié sous le pseudonyme d’Abdallah Chaanba (puis Chaamba) — la troisième édition comportant un extrait d’une lettre d’André Gide. Le roman autobiographique Un voyage au Mont Athos fut publié en 1970.
Le vieillard et l’enfant, édité à compte d’auteur en 1949, fut salué par André Gide, qui écrivit au mystérieux Abdallah Chaanba : « Qui dois-je remercier pour cette intense et bizarre joie ? ». Profondément remanié à plusieurs reprises jusqu’à l’édition définitive de 1963, ce récit autobiographique décrit les relations d’amour-haine entre un jeune garçon et un colonel français au seuil du Sahara (dans la réalité, il s’agissait de son oncle Marcel Augiéras, militaire en retraite à El Goléa).
À part cet ouvrage primordial, c’est L’apprenti sorcier qui présente le caractère pédérastique le plus affirmé. Il raconte une étrange relation, triangulaire et partiellement sadomasochiste, entre un curé de campagne (bien avant Benoît XVI !), l’adolescent qu’il héberge et un garçon de treize ans :
Pendant quelques jours notre vie fut délicieuse. Il n’était qu’à moi ; le pays ne se doutait de rien. Dans la grotte je le façonnais comme on pétrit de l’argile, une argile fraîche, charmante. Quel travail dans la pleine chaleur de l’été ! Tandis qu’on rentrait les foins j’adorais un enfant dans la terre. Ma voix accompagnait, presque chantée, sa naissance dans mes bras. Au fond d’un couloir je l’éveillais à la connaissance de lui-même, et ses petites lèvres émues me remerciaient en balbutiant dans l’obscurité de la grotte où il donnait libre cours à son besoin de caresse et d’étreinte amoureuse. Un jour, je frottai une allumette pour le voir ; il s’était dévêtu de lui-même ; tout son corps était blanc. Les habits sur les chevilles, c’était la plus radieuse apparition qui soit. Aux sources de la vie, piétinant le sol de la grotte, ivre, sans un mot, sans hâte, très loin du jour, il dansait. Je grattai une seconde allumette pour le revoir, que j’éteignis presque aussitôt, bénissant les ténèbres qui le jetaient dans mes bras.
De nombreux passages d’autres œuvres évoquent également les amours garçonnières : Une adolescence au temps du Maréchal et de multiples aventures, Un voyage au Mont Athos, Domme ou L’essai d’occupation, ainsi que La chasse fantastique, écrite en collaboration avec son ami l’instituteur Paul Placet — qui passera le reste de sa vie à éditer et à mettre en valeur l’œuvre littéraire et picturale d’Augiéras.
La page Bibliographie garçonnière – A de BoyWiki comporte une bibliographie détaillée de François Augiéras.
(L’œuvre d’Augiéras reste à redécouvrir, mais il n’a pas été oublié par les meilleurs de ses pairs : au moment de publier cette réponse, on nous signale un long article très éclairant de Dominique Fernandez, intitulé « Une aristocratie morale » et publié dans la revue Europe de novembre-décembre 2006, n° 931-932).
Liens
Textes publiés sur La Garçonnière :
- Les Huit*Nuits*de*BoyWiki — Questions C1 à C8 (posté le lundi 26 décembre 2011)
- Réponse illustrée à la question C1 (26 décembre) (posté le jeudi 2 février 2012)
- Réponse révolutionnaire à la question C2 (26 décembre), avec la complicité du FHAR et du MLF (posté le vendredi 3 février 2012)
- Réponse paidérastique à la question C3 (26 décembre) (posté le samedi 4 février 2012)
- Réponse à la question érotique C4 (26 décembre), avec des fesses et une queue (posté le dimanche 5 février 2012)
- Réponse fleurie à la question C5 (26 décembre) (posté le lundi 6 février 2012)
- Réponse contrapétique à la question C6 (26 décembre), avec plein de mots avilis (posté le mardi 7 février 2012)
- Réponse gréco-romaine à la question C7 (26 décembre) (posté le mercredi 8 février 2012)
- Réponse périgourdine à la question C8 (26 décembre), avec un enfant nu (posté le jeudi 9 février 2012)
Voir aussi
Articles connexes
Questions A1 à A9 (samedi 24 décembre 2011) |
Questions B1 à B9 (dimanche 25 décembre 2011) |
Questions C1 à C8 (lundi 26 décembre 2011) |
Questions D1 à D9 (mardi 27 décembre 2011) |
Questions E1 à E9 (mercredi 28 décembre 2011) |
Questions F1 à F8 (jeudi 29 décembre 2011) |
Questions G1 à G9 (vendredi 30 décembre 2011) |
Questions H1 à H8 (samedi 31 décembre 2011) |
(lundi 26 mars 2012)
Notes et références
- ↑ Le message est daté du 27 en raison d’un décalage horaire.