Vacances en Angleterre (Maurice Balland)
Vacances en Angleterre est une nouvelle pédérastique de Maurice Balland.
L’auteur avait une expérience personnelle de l’accompagnement d’adolescents lors de séjours linguistiques au Royaume-Uni.
Cette année-là, Thomas se demandait où il pourrait bien aller pour son congé annuel lorsqu’il apprit qu’une organisation envoyant en Angleterre au cours des vacances d’été des garçons d’âge scolaire pour se perfectionner dans la langue de ce pays recrutait des accompagnateurs. Ce lui était possible car son emploi dans la section linguistique d’une maison d’édition lui avait donné une certaine pratique de la langue de Shakespeare. En plus, cela l’intéressait puisque, étant payé, il aurait des vacances gratuites. Mais surtout, il y voyait l’avantage d’être pendant un mois avec des jeunes et ainsi de passer pour une fois d’agréables vacances.
Outre-Manche, les garçons devaient être réunis par groupes d’une trentaine chacun répartis en différents lieux. Thomas fut affecté à celui allant à Brighton, une station balnéaire du sud de l’Angleterre. Un autre accompagnateur serait avec lui.
Au jour du départ, fixé le premier août, il se rendit à la gare du Nord pour le train spécial de Calais. Là, à mesure de l’arrivée des garçons, se constituaient les différents groupes prévus pour le séjour et que chaque accompagnateur devait repérer et prendre en charge. Thomas trouva les garçons qui lui étaient confiés. Selon sa préférence, il avait obtenu de jeunes élèves de cours intermédiaires, autrement dit ceux entre treize et quinze ans. C’est la tranche d’âge qu’il préfère. En dessous, ce sont encore des enfants en qui il trouve peu d’intérêt, en dessus, dans les classes terminales, beaucoup sont trop évolués et ne l’attirent plus. Il s’accorde mieux avec les garçons en période pubertaire, en recherche comme on dit, et à qui il a la satisfaction de donner des réponses aux questions qu’ils se posent. Il s’imagine ainsi être utile aux jeunes.
Au départ, en dehors d’élèves provenant du même établissement scolaire ou de cousins d’âge égal, pratiquement personne ne se connaît dans un groupe. Le voyage est calme. Les garçons d’un même groupe sont installés dans des compartiments contigus. Thomas circule de l’un à l’autre afin de se faire une idée de chacun de ces jeunes qu’il aura à côtoyer durant un mois. Il les observe, repère comment ils ont tendance à s’assembler et former des équipes pour jouer aux cartes ou se vanter de leurs exploits juvéniles. Dans un compartiment pratiquement vidé, Thomas aperçoit un garçon resté seul à lire un livre. Ce jeune, qui a pour prénom Arnaud et le nom d’une vieille famille française ayant honorablement servi l’Ancien Régime, semble apparemment ne pas se mêler au commun des mortels. Thomas entre, s’assied près de lui, entame la conversation et apprend que, tout simplement, Arnaud est d’humeur maussade et préfère rester seul à ruminer l’inconvénient de son sort. Ses parents sont divorcés et ne s’occupent pas de lui. Durant l’année scolaire ils le mettent en pension et, pour les vacances, l’envoient un mois dans une colonie et l’autre mois en Angleterre. « Je ne les vois jamais, ils se débarrassent toujours de moi », dit-il avec amertume. Thomas éprouve un étrange sentiment de sympathie pour cet enfant qui pourrait être plus heureux, fils d’un avocat renommé du barreau de Paris et d’une mère connue dans le show-biz. Il se ressaisit, ne va-t-il pas encore s’apitoyer trop vite au risque d’encourir un déboire comme cela lui est parfois arrivé.
La traversée Calais-Douvres se fait par ferry. Les garçons s’éparpillent sur le bateau. Thomas circule, repère ceux de son groupe pour continuer de parler avec eux et mieux les connaître. Il remarque, là-bas, accoudé à la rambarde, Arnaud toujours solitaire. S’approchant à distance suffisante pour l’observer, il ne le voit que de dos. Ce garçon l’attire par l’harmonie des lignes de son corps, il a de la race. Âgé de quatorze ans, en pleine puberté certainement, ses proportions restent équilibrées sans présenter soit un buste trop court pour des membres démesurés, ou l’inverse, ce qui rend parfois si disgracieux les garçons à l’époque de leur formation. Arnaud l’envoûte. Il s’approche et s’accoude près de lui à la rambarde. Il le regarde de côté, examine son profil. Ses traits sont bien dessinés, un nez légèrement arqué, presque bourbonien témoigne d’un tempérament volontaire, comme d’ailleurs le menton porté légèrement en avant, un profil de médaille dont se dégage une certaine noblesse. Ses lèvres moyennement charnues sont à demi ouvertes comme s’il aspirait au bonheur. Sa chevelure ondulée, châtain foncé, partant d’un front haut marqué d’intelligence, remonte puis tombe sur son cou, laissant libres ses oreilles délicieusement ourlées. Le garçon ayant tourné sa tête vers lui, au fond de son regard, qui auparavant dans le train l’avait subjugué par ses yeux d’une magnifique couleur bleu-vert, Thomas décela à nouveau la détresse du jeune adolescent.
Après leur arrivée à Douvres, les groupes furent conduits, chacun par un car respectif au lieu de destination. Parvenus au terme de leur voyage, les garçons ne furent pas hébergés dans un même lieu, comme pour une colonie de vacances, mais répartis dans des familles d’accueil selon l’habitude en Angleterre. Cela devait les obliger à pratiquer la langue avec leurs hôtes et leur permettre de se familiariser à la vie et aux coutumes britanniques. De même les animateurs logeaient individuellement chez l’habitant, ce que Thomas apprécia grandement. Il eut des hôtes charmants qui s’ingénièrent à lui rendre le séjour aussi agréable que possible, l’homme prêt à rendre service, avec sa voiture, et à le conduire dans les différentes familles, assez éloignées les unes des autres, lorsqu’il eut à les visiter pour se rendre compte de la qualité de l’accueil.
Durant le séjour, les enfants et leurs accompagnateurs se revirent régulièrement chaque matin dans l’une des écoles de la ville pour les classes d’anglais. L’après-midi, les garçons devaient en principe participer aux activités de leurs familles d’accueil mais la plupart d’entre eux se retrouvaient sur la plage de Brighton. Autant qu’il lui fut possible, quand il n’était pas pris par les obligations de son emploi, comme la visite des familles, Thomas alla les y rejoindre pour se mêler à leurs jeux et surtout s’emplir les yeux du spectacle des garçons en caleçons de bain. Lorsqu’il vit Arnaud portant un minuscule slip du ton de sa peau le faisant apparaître quasiment nu, lumineux par le reflet du soleil, il crut avoir trouvé un Adonis. Il lui fut agréable de se plonger avec ces jeunes dans les eaux tièdes de la Manche puis de s’étendre au soleil pour se sécher. Il voulut s’ébattre avec eux dans les vagues, observer chez l’un ou l’autre le slip mouillé collant aux organes sexuels, les moulant en quelque sorte, et en évaluer par là les dimensions. Il se faisait ainsi une idée du développement pubertaire de chacun de ces jeunes. Pour son âge, Arnaud lui parut avantageusement nanti, pourvu d’un sexe immédiatement apte à procurer un maximum de plaisir. « Dieu ! songea-t-il, qu’il doit être ardent au lit ! Ah, si je pouvais… » Il se ressaisit : « Me voilà encore en train de fantasmer. Et puis, ce n’est pas évident, son slip cache tout. Comme pour mon saint patron, il me faudrait voir pour croire, mettre la main pour m’assurer. Mais voilà, où et quand ? Je vois mal comment nous isoler à deux. »
Au bout d’une semaine de séjour, un soir, après le repas, Thomas regardait la télévision en compagnie de ses hôtes lorsqu’on frappa à la porte. Des coups répétés comme si quelqu’un, affolé, demandait qu’on lui ouvrît d’urgence. C’était Arnaud, apeuré, venu pour qu’on lui vînt en aide. Essoufflé pour avoir traversé une partie de la ville en courant, il réussit à dire, la voix coupée de sanglots, qu’il avait fui de chez ses hôtes parce que l’homme l’avait malmené. Il dévoila que dans sa famille d’accueil le père rentrait ivre tous les soirs et battait sa femme et ses enfants. Ce soir-là il avait aussi rossé Arnaud qui, n’en pouvant plus, s’était enfui et avait pensé tout de suite retrouver Thomas, celui des deux accompagnateurs le plus proche.
Thomas ne fut pas étonné car au cours de l’une de ses visites aux familles d’accueil dans la première semaine, il avait constaté que, malgré le soin pris par le directeur anglais du groupe dans leur choix, celle affectée à Arnaud ne présentait pas de garanties sérieuses, le ménage mal tenu et le père de famille plutôt fruste. Arnaud ne pouvait pas rester là. Il fallait faire quelque chose immédiatement. Les hôtes de Thomas, un vraiment brave ménage, proposèrent de garder provisoirement le garçon pour la nuit. On aviserait le lendemain. En attendant, ils allèrent en voiture récupérer ses affaires. Quoique bien serviables, ces gens petitement logés n’avaient qu’une chambre d’accueil, celle occupée précisément par Thomas. Mais, en bons Anglais d’abord pratiques et pas embarrassés pour si peu, ils ne virent pas d’inconvénient à ce qu’Arnaud y passât la nuit puisque le lit suffisamment large permettait d’y recevoir deux personnes.
Quand ils furent seuls, Thomas rassura le garçon, se déclarant aucunement importuné de sa présence. Celui-ci, de son côté, ne parut pas tellement gêné de se trouver seul, et de façon si inopinée, avec l’animateur. Pudiquement, ils se déshabillèrent et enfilèrent leurs pyjamas en se tournant le dos. Comme il faisait chaud, orageux même, d’un commun accord ils s’étendirent sur le lit sans drap ni couverture. Heureux d’avoir été si bien tiré d’affaire, maintenant rassuré et confiant en celui dont il partageait la couche, le garçon fatigué s’endormit rapidement. Thomas au contraire ne trouva pas aisément le sommeil. Un garçon dans son lit, et Arnaud en fait, voilà de quoi le tournebouler. Il ne sait quel comportement prendre. La situation est si soudaine. Sur la plage il avait ardemment désiré ce garçon. Le voilà à portée de la main sans rien, hormis le tissu léger du pyjama, pour faire écran entre eux. Aux fenêtres de la chambre, comme d’usage dans la plupart des maisons en Angleterre, il n’y a pas de volets ni de doubles rideaux. À la clarté de la lune entrant dans la pièce et tombant sur Arnaud, Thomas le regarde attentivement pour localiser sur l’étoffe le relief de son sexe. Va-t-il le toucher ? En supputer les dimensions ? Le garçon ayant fait un mouvement et écarté ses cuisses, l’ouverture du pyjama s’élargit et bâilla, invitant à passer la main. Il pourrait saisir la verge, aller jusqu’à tâter les couilles. La touffe de poils, tentante, s’aperçoit par l’ouverture. Il avance la main, puis se ressaisit. Risque-t-il de réveiller le garçon ? Quelle sera sa réaction ? Jamais encore dans la conversation Thomas n’a osé, même de façon voilée, aborder de sujets pouvant lui permettre de le sonder, de déceler l’orientation et l’ardeur de ses besoins sexuels. Il est vrai que jusqu’à présent il n’a pas eu tellement le temps de le faire ni même, au moins une fois, d’être à nouveau seul avec lui en tête-à-tête comme dans le train ou sur le bateau au voyage d’aller. Il va attendre le réveil. Il aura à ce moment une occasion merveilleuse, au cours de la toilette, en s’habillant, d’ébaucher un geste révélateur, d’exprimer une parole significative…
Tandis qu’il réfléchit, Thomas sent ses paupières s’alourdir… Tout à coup, il surprend Arnaud se lever du lit et s’avancer totalement nu vers le milieu de la chambre puis se dresser, le sexe tendu vers lui, un organe puissant, magnifique, d’un diamètre extraordinaire, d’une longueur exceptionnelle, qu’il invite à saisir. Dès que Thomas tend la main, l’adolescent fait un bond en arrière et disparaît dans la nuit. Bientôt, Thomas le voit à nouveau mais comme s’il volait dans les airs, toujours tourné face à lui avec l’extraordinaire sexe tendu tel un dard et pointé vers lui, menaçant, comme pour le transpercer. À la manière d’un aigle, le garçon fond sur lui et, brusquement, de ses bras comme des serres, il lui saisit et emprisonne la poitrine en même temps qu’il lui immobilise les cuisses et les jambes, les encerclant des siennes. Thomas sent le dard s’appliquer sur son ventre puis s’y enfoncer. Immobilisé, comprimé par ce corps qui l’oppresse, il étouffe et fait effort pour se dégager…
Thomas se réveille en sursaut. Venait-il de faire un cauchemar ou d’avoir un rêve ? Arnaud est contre lui. Dans son sommeil, il s’est presque couché à plat ventre sur lui et l’enserre de ses bras. Une de ses jambes ayant passé par-dessus les cuisses de son compagnon de lit, il est dans la position de l’amour. Thomas sent la verge raide du garçon fichée sur son ventre. Il n’en demandait pas tant dès le réveil, ayant pensé procéder graduellement pour amener l’adolescent à quelque échange intime.
Thomas réfléchit. Son brusque réveil semble ne pas avoir perturbé le sommeil du garçon qui paraît dormir profondément. Il se garde de faire un mouvement pour le maintenir dans le rêve que certainement dans une telle position il doit avoir. Il lui est délicieux de sentir contre lui ce corps chaud d’adolescent en rut. Dégageant doucement un bras, il le passe sous la tête de l’enfant pour la maintenir et aisément presser ses lèvres contre les siennes. À ce moment, Arnaud entrouvrit sa bouche et aspira l’haleine de son compagnon. Il ne dormait plus, feignait seulement, afin de prolonger l’étreinte qu’il avait provoquée en fin de nuit alors que, réveillé avant Thomas, il s’était plaqué contre lui avide de sentir un corps chaud contre le sien, ventre contre ventre et d’aviver l’excitation qui était montée en lui car, pour la première fois de sa vie, n’étant pas seul dans un lit, il avait éprouvé un désir tout nouveau, celui de s’accoupler. C’est du moins ce que Thomas comprit au travers des explications embarrassées du garçon qui s’excusait, croyant avoir enfreint quelque loi morale dans son audacieux comportement. Il le rassura, lui déclarant qu’il était tout à fait normal de ressentir à son âge les premiers désirs amoureux : « Vois-tu, c’est la femme que tu as recherchée. À son défaut, en attendant, tu peux combler ton désir avec n’importe quel partenaire consentant. »
Que dire de plus ? Aussitôt Arnaud comprit. Sans attendre un quelconque consentement à présent inutile, il se mit à poil. Thomas n’eut qu’à faire de même. Étendus à nouveau sur le lit, ils se caressèrent, puis se pressèrent l’un contre l’autre, comprimant de leurs ventres leurs verges en contact jusqu’au moment de l’orgasme qu’ils éprouvèrent presque simultanément. Leurs semences se mêlèrent. Thomas constata que l’apport d’Arnaud fut loin d’être négligeable. Il fut surpris tant de l’ardeur au plaisir du garçon que de la capacité de ses bourses rebondies qu’il soupesa de ses mains en signe d’admiration… Ce jeune d’à peine plus de quatorze ans se montrait plein de promesses. N’avait-il pas de qui tenir de par ses origines ancestrales ? Certes, il jouissait noblement !
Le directeur anglais du groupe ne put trouver rapidement une autre famille d’accueil pour Arnaud. Le garçon dut rester quelque temps avec Thomas. Ils ne s’en plaignirent ni l’un ni l’autre et, chaque soir, l’adulte expérimenté put apprendre au jeune avide de savoir comment faire un usage judicieux des fonctions corporelles naturellement constituées pour exprimer l’amour. Jusqu’à la fin du séjour, ils purent encore se trouver seuls en intimité, le garçon venant en fin d’après-midi dans la chambre de Thomas pour faire réviser son travail d’anglais. Enfin aimé et sachant désormais comment aimer, l’adolescent oublia pour un temps les inconvénients de sa situation familiale et découvrit qu’en fin de compte la vie vaut la peine d’être vécue.
Au retour à Paris, au moment de se quitter à la gare du Nord, Arnaud embrassa Thomas qui le vit partir avec au cœur un peu de regret tempéré par la perspective de revoir entre deux trains le garçon au cours de ses déplacements lorsqu’il irait chez son père ou voir sa mère. L’accompagnateur resté sur le quai écarta un sentiment de nostalgie par sa conviction d’avoir révélé l’amour à cet adolescent, l’ayant ainsi armé pour affronter les obstacles qu’il rencontrera dans la vie.