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Dernière version du 2 janvier 2020 à 21:19

La relève est une nouvelle pédérastique de Maurice Balland.

Ce récit s’inspire pour une bonne part des circonstances et des problèmes qu’a connus l’auteur après ses deux procès.





LA RELÈVE




« Ce qui fut, à nouveau sera,
ce qui s’est fait, se refera ;
il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »

La Bible, Livre de l’Ecclésiaste, Ch. 1, v. 9.



Vraiment, le sort s’acharnait sur lui. Marcel ne savait que faire et se demandait jusqu’à quand les choses pourraient ainsi durer.

Cela avait commencé il y a une dizaine d’années avec son procès déclenché inopinément à cause d’un imbécile en qui il avait eu confiance et qui s’était stupidement fait prendre par la police. Il préfère ne plus en parler. Sans doute ne lui tient-il plus rigueur, les choses sont ce qu’elles sont, et il ne sert à rien de se lamenter sur des événements passés.

Toujours est-il qu’à la suite d’une perquisition chez lui, on avait découvert qu’il entretenait avec l’un de ses neveux, un charmant garçon âgé de moins de quinze ans à l’époque, des relations que la loi réprouve. Il fut bon pour être condamné à la prison. Le tribunal compréhensif ne l’avait pas trop sanctionné et il s’en tira avec seulement quelques mois fermes.

Étant alors professeur dans un établissement privé, il fut d’office mis à la retraite anticipée et il eut à chercher un logement, ne pouvant plus disposer de la chambre qu’il occupait dans l’enceinte du collège. Après avoir erré d’hôtel en hôtel, il finit par trouver un petit appartement à un prix très raisonnable dans un quartier périphérique de Paris. Sa modeste retraite lui permit de vivoter. Somme toute, il ne s’en tirait pas trop mal et maintenant il disposait de son temps. Il trouva un moyen d’arrondir ses faibles revenus par quelques menus travaux de traduction ou de frappe à la machine de thèses d’étudiants.


Il lui fallut un certain temps pour s’installer et se créer un univers personnel, ce qu’il n’avait pratiquement jamais connu puisque, jusque là, il était toujours demeuré dans des logements de fonction. Son plaisir, comme son repos, fut de regarder la télévision le soir après son repas et avant d’aller au lit. Un jour son appareil tomba en panne. Certes, il n’était pas neuf, ayant été acquis d’occasion. Marcel dut demander à un dépanneur de venir. Un spécialiste vint donc et eut pour une bonne heure de travail. Marcel intéressé à le voir opérer et curieux de nature lui posa quelques questions, et ainsi s’établit entre lui et l’ouvrier une conversation au cours de laquelle celui-ci apprit que Marcel était professeur en retraite. Il en fut enchanté car, tourmenté des échecs scolaires de son fils, il cherchait quelqu’un pour lui donner des cours particuliers et lui faire rattraper son retard scolaire. C’est ainsi que Marcel, sans l’avoir cherché, eut à s’occuper d’un garçon.

À vrai dire, il avait hésité. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit un proverbe. Comment recevrait-il chez lui un jeune et se contenterait-il d’un rapport purement platonique ? Après tout, il se sentait suffisamment fort moralement pour s’intéresser au progrès scolaire d’un garçon en faisant abstraction de ses autres constituants. Le fait de ne le considérer que dans l’optique intellectuelle neutraliserait toute recherche plus matérielle. Ce raisonnement le rassura et Marcel reçut le jeune Bernard deux fois une heure par semaine, bien déterminé à ne voir en lui qu’un enfant studieux. Sans doute, il lui fallut faire effort et se dominer, ayant près de lui mais intouchable, accoudé à la même table devant des livres et des cahiers étalés, ce jeune de douze ans attirant comme le sont les adolescents en début de puberté. D’autant que le garçon possédait un physique des plus agréables, un corps bien proportionné, ce qui n’est pas toujours le cas, un visage au regard intelligent n’expliquant pas ses échecs scolaires.

Marcel se prit d’affection pour le garçon. Mais, résolu à se tenir sur ses gardes, il s’efforça de ne pas attarder ses regards sur le point stratégique et provoquer une attirance comme naguère cela lui était arrivé avec son neveu. Il se retint également d’engager la conversation sur des sujets épineux, restant autant que possible dans des banalités qu’il jugea navrantes. Mais que faire de plus ?

S’il était lent dans l’étude, le jeune Bernard était cependant plus éveillé en d’autres domaines et Marcel eut la nette impression que, sans en avoir l’air, le garçon le provoquait et cherchait à percer sa cuirasse. Ne l’embrassa-t-il pas un jour, et colla son corps contre lui, demandant à être enlacé. Marcel feignit l’indifférence. L’enfant ne se tint pas pour battu. Il amena un jour une revue strictement réservée aux adultes qu’il prétendit avoir ramassée dans la rue et demanda quelques explications au sujet de photos d’hommes nus qui s’y trouvaient. Marcel aussi maître de lui que possible s’efforça de répondre honnêtement à une curiosité somme toute normale. L’enfant voulait davantage et laissa entendre qu’il serait disposé à des caresses intimes. Marcel stoppa net son élan :

— Non ! Je n’en ferai rien, tu n’as pas quinze ans.

— Que voulez-vous dire ?

Et Marcel d’expliquer au garçon assoiffé d’affection que toute recherche de ce genre lui était interdite avant l’âge fixé par la loi.

Grâce à la fermeté de Marcel, les choses en restèrent là et le garçon n’eût qu’à continuer de progresser uniquement sur le plan intellectuel tout en respectant la barrière des tabous.


Marcel reçut Bernard jusqu’à la fin de l’année scolaire et ne le revit plus après les vacances. Il ne pensa pas s’occuper d’un autre garçon, et même n’en rechercha pas, bien résolu qu’il était d’éviter les dangereuses occasions. Le sort en décida autrement car un copain de classe de Bernard vint, accompagné de sa mère sollicitant de lui donner également des cours de rattrapage. Marcel accepta, assuré de sa vigueur morale telle qu’il l’avait prouvée auparavant et s’occupa à partir de la fin de septembre du jeune Samuel.

Être à nouveau, assis à la même table à côté d’un garçon, le mit quelque peu à la torture. Mais sa détermination lui permit de surmonter l’épreuve. Le jeune Samuel, âgé de treize ans peinait en français, était moins nul en mathématiques, en tout cas il était un charmant garçon qui ne rechignait pas au travail. Marcel sentit que ce jeune lui faisait totalement confiance et que pour lui être agréable il s’efforçait d’exécuter de son mieux les exercices qui lui étaient proposés. Le garçon ne se gênait pas pour dire qu’il détestait l’école, mais qu’avec Marcel c’était différent et qu’il aimait bien être avec lui. « Que peut bien l’attacher de cette façon à moi ? » se demanda Marcel. « Après tout, pensa-t-il, ça n’a pas d’importance, car je me tiens sur mes gardes. »

Un jour, en fouillant dans un tas de revues que Marcel laissait dans un coin de sa salle de séjour, Samuel trouva celle qu’avait apportée Bernard et qui était restée là. Intéressé, il la feuilleta et tomba sur les photos d’hommes nus :

— Tiens ! fit-il remarquer, ils ont la pine comme moi.

Marcel qui avait appris peu auparavant que Samuel était juif comprit son allusion. Mais il paniqua lorsque le garçon proposa de lui montrer qu’il ressemblait aux sujets des photos qui étaient circoncis. Il intervint énergiquement :

— Non ! Tu n’as pas quinze ans !

Et, comme pour Bernard, il dut lui expliquer qu’il lui faudrait attendre d’avoir cet âge fatidique pour une exhibition en présence d’un adulte.

Les choses en restèrent là.


Au début de l’année suivante, Marcel donnait son cours à Samuel lorsque vint la police pour enquêter chez lui. Une fois encore, l’épée de Damoclès tomba sur sa tête à cause d’un ami qui, stupidement, s’était fait piéger et chez qui on avait trouvé son adresse. On sait comment les pédophiles qui se connaissent sont supposés faire partie d’un réseau, de sorte que s’ils capturent l’un d’eux, les services de police se croient autorisés à fouiller à toutes les adresses repérées dans son agenda personnel. En présence du garçon ébahi ils procédèrent à une perquisition puis emmenèrent Marcel, menottes aux mains, à la Police judiciaire. Une enquête fut menée. Non seulement Samuel fut interrogé mais encore Bernard. On voulut leur faire avouer de prétendues relations sexuelles avec Marcel. Ils s’en défendirent, déclarant que ce serait mentir que de supposer cela et que, d’ailleurs, Marcel leur avait toujours dit « qu’on ne pouvait pas les branler tant qu’ils n’auraient pas quinze ans ». Les policiers vexés poussèrent les parents à porter plainte sur le motif que Marcel incitait les mineurs à la débauche en leur tenant de tels propos. Ce fut considéré comme subversif, en effet, que de faire connaître leurs droits à des mineurs. Néanmoins, le juge d’instruction estima que Marcel, étant donné ses antécédents, aurait très bien pu abuser des garçons et l’inculpa en vertu de l’article du code pénal réprimant les relations sexuelles avec mineurs de quinze ans. En plus, pour étoffer le dossier, il ajouta le délit que constitue la mise à la disposition de mineurs de revues strictement destinées aux adultes, autrement dit d’incitation de mineurs à la débauche.

Devant le tribunal, le substitut fit un réquisitoire violent et très sévère réclamant une lourde peine de prison pour « éliminer de la société un individu particulièrement dangereux ». L’affaire était épineuse pour l’avocat. Habilement, celui-ci parvint à décortiquer le dossier et à montrer qu’à bien lire les interrogatoires des enfants on ne pouvait retenir le délit de relations sexuelles avec mineurs de quinze ans, et que, par ailleurs, Marcel avait tenu compte de sa première condamnation, ce que ses propos aux enfants démontraient parfaitement. Le tribunal ne retint que le délit d’incitation de mineurs à la débauche et prononça une peine avec sursis couvrant les quelques mois de prison préventive que l’inculpé avait subis.

Marcel ressentit une profonde amertume de la façon dont la police et la justice s’étaient comportées envers lui. Comme bon nombre d’autres « repris de justice », il fut plus enclin que jamais à mépriser une société organisée pour rejeter ceux qui s’écartent des ornières officielles. Néanmoins, dans ses malheurs il estima avoir eu un peu de chance. Hélas ! Il dut déchanter car cette société, toujours elle, par d’autres moyens s’acharna contre lui. En effet, son arrestation ayant fait quelque bruit dans son quartier, il eut à subir diverses sortes d’avanies. Son appartement étant au rez-de-chaussée, il y eut des graffitis sur sa porte et ses volets, particulièrement les mots de pédé et d’enculé. À certains soirs des pierres furent jetées contre les persiennes accompagnées de cris où s’entendaient ces mêmes mots. Il y eut des coups de sonnette intempestifs pour le déranger inutilement, et il entendit derrière la porte qu’on le traitait de pédé. Et les mêmes injures dans des appels téléphoniques anonymes.

Marcel en fut profondément affecté. Il songea à déménager. Mais trouverait-il un appartement à de si bonnes conditions ? Il avait eu assez de mal à obtenir celui-ci qu’il n’eut pas le courage de chercher à nouveau. Par ailleurs il avait conservé certaines sympathies parmi ses voisins et la gardienne de l’immeuble lui avait maintenu son estime. Elle lui fit suivre son courrier en prison et s’était arrangée pour sauvegarder son droit à son appartement.

Marcel prit son mal en patience. À certains jours, ce lui fut particulièrement pénible, surtout quand il eut à affronter des voyous qui, lorsqu’ils le rencontraient dans la rue, lui criaient toutes sortes d’injures dont les mêmes termes d’enculé et de pédé. Il prit en pitié ces garçons certainement plus bêtes que méchants. Hélas, en ce quartier populaire de la capitale, les préjugés sont prompts à s’exprimer et il ne faut pas s’attendre à beaucoup de finesse dans l’ensemble de la population. Ce qui lui fit particulièrement mal au cœur, ce fut de constater une certaine veulerie de la part de ces jeunes dévoyés, car ils ne l’injuriaient en criant à haute voix que lorsqu’ils étaient en bande, tandis que chacun rencontré individuellement se contentait au plus de ricaner à son nez en passant près de lui.

Ces jeunes dans l’ensemble trop habitués à courir dans les rues étaient devenus vulgaires même physiquement. Pourtant, chez l’un ou l’autre qui semblait se forcer pour crier avec les loups, Marcel nota un visage trop intelligent pour appartenir à un être foncièrement mauvais. C’était une impression, bien sûr. Il n’en restait pas moins que tous ces jeunes se montraient odieux d’une façon ou d’une autre.


Cela dura environ un an, puis les choses se tassèrent. Les plus âgés de ces voyous se lassèrent et certains partirent à leur service militaire. Les autres se calmèrent peu à peu. Le jeu leur parut sans doute trop monotone, d’autant que Marcel avait pris le parti de ne pas répondre et de passer en gardant l’indifférence, ce qui rendait leurs tracasseries pratiquement sans objet. En outre, les adolescents sont éminemment changeants, leurs préoccupations les appelèrent à d’autres exploits de rues.

De temps en temps encore, un coup de sonnette intempestif se manifestait auquel également il ne prit plus la peine de répondre. Un jour on sonna à sa porte, un coup prolongé, normal pour ainsi dire et non pas un de ceux très brefs provoqués par des garçons passant en courant. Devenu craintif, il hésita avant d’ouvrir. Un deuxième coup de sonnette prouva la présence de quelqu’un insistant pour le voir. Entrebâillant la porte, il vit un garçon qui lui demanda d’entrer.

Ce jeune, il l’avait déjà aperçu dans la rue, un de ceux qui précisément avaient hurlé avec les loups, mais qui présentait un visage un peu plus intelligent que les autres. D’autant que son physique avantageux, s’il avait attiré son attention, également l’avait navré : « Un si beau corps, avait-il pensé, chez un garçon ne sachant faire que l’idiot. Que c’est dommage, il mériterait mieux ! »

Marcel se sentit partagé. Quel parti prendre ? Rejeter cet adolescent pour lequel il nourrissait quelque rancœur, ou le recevoir et attendre une explication. « Entre », dit-il enfin, puis il demanda :

— Que veux-tu ?

— Vous voir.

— Tu ne manques pas de culot. Enfin, explique-toi. Que veux-tu ?

— C’est simple, je viens d’avoir quinze ans. Or vous avez dit, je le sais des copains, que vous branlez quand on a cet âge. Alors, si vous le voulez bien, branlez-moi.

Marcel n’en croit pas ses oreilles. Il veut cependant s’assurer des véritables intentions du garçon, ne serait-ce pas un piège ?

— Tu veux me faire marcher, puis tu iras voir les autres et vous allez recommencer à m’emmerder…

Le garçon affirma qu’il n’en était rien, qu’il avait réfléchi et compris :

— Les autres, c’est des cons. Et puis, ils se branlent entre eux, alors qu’ont-ils à vous reprocher ? Ils commencent à m’énerver. Jusqu’à présent, j’ai cru malin de les suivre, mais maintenant je vois que c’était idiot, alors, j’ai changé d’avis, c’est pourquoi je suis venu vous voir.

Marcel insista :

— Et si les autres s’aperçoivent que tu es venu chez moi ?

— Je m’en fous, je suis assez grand pour me défendre, et puis, je suis libre de faire ce que je veux, vous croyez pas ?

Marcel le crut volontiers et lui demanda de prouver sa bonne foi. Ce que Laurent, ainsi se nomma le garçon, fit le plus simplement du monde en ouvrant la voie pour une recherche qu’il permit à Marcel dans les profondeurs de son intimité.

« Dieu ! qu’il est merveilleusement pourvu », se dit Marcel en manipulant un organe des plus avenants surmonté d’une magnifique touffe de poils roux, de la couleur des cheveux du garçon, un rouquin, comme il l’avait noté. « Quelle chance, songea-t-il encore, ces sortes de gens ont du tempérament et savent montrer leur indépendance. Ce Laurent, il me remplit de joie et me compense de tant de peines ! Il fallait un gars de cette trempe pour assurer la relève… »



« L’important est de ne jamais désespérer. »

du film Midnight Express, d’Alan Parker.



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Table des matières
LEÇONS PARTICULIÈRES
nouvelles
 
LES DEUX COPAINS
nouvelles
Deuxième série
   
Leçons particulières Les deux copains
Ne suis pas n’importe qui !… Vous reviendrez demain ?
L’apprenti Un papa heureux !
C’est vraiment mieux ! Manoel
Enfant de cœur ! Le laveur de pare-brise
Sortis du tunnel ! Dominique
Droits de l’Homme ! Le gars de la colonie
Chassé-croisé Un moyen de communiquer !
Mon maître Les Buttes-Chaumont
Le boulevard nous sépare… On a commencé par la queue !
Le garçon dans la nuit Vacances en Angleterre
La fugue Je ressemble à papa !
Le camp de jeunesse Au musée
La Villette L’Espagnol
La relève Ce n’est pas dans l’ordre !

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Articles connexes