« Vous reviendrez demain ? (Maurice Balland) » : différence entre les versions
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— Tu te souviens aussi de ce que tu as fait après que nous sommes descendus de la grande roue ? | — Tu te souviens aussi de ce que tu as fait après que nous sommes descendus de la grande roue ? | ||
— Ah, oui ! Je t’ai entraîné dans les urinoirs. On n’a pas pu se branler encore, bien sûr, on n’a fait que de se regarder nos pines. On bandait ! La tienne m’a fasciné, j’aurais tant voulu déjà la prendre. Tu avais raison, il fallait attendre. Mais je n’ai rien perdu à patienter. Tu étais revenu comme promis, alors j’étais certain qu’on se reverrait. | — Ah, oui ! Je t’ai entraîné dans les urinoirs. On n’a pas pu se branler encore, bien sûr, on n’a fait que de se regarder nos pines. On bandait ! La tienne m’a fasciné, j’aurais tant voulu déjà la prendre. Tu avais raison, il fallait attendre. Mais je n’ai rien perdu à patienter. Tu étais revenu comme promis, alors j’étais certain qu’on se reverrait. | ||
Dernière version du 2 janvier 2020 à 21:24
Vous reviendrez demain ? est une nouvelle pédérastique de Maurice Balland.
Les très jeunes sont tentants. Ils sont aussi tentés.
Les moins de seize ans
— Happy birthday to you ! C’est de l’anglais, tu t’en doutes, je suppose.
— Pour sûr ! C’est une des matières que j’ai le mieux travaillée en classe. Grâce à toi, d’ailleurs. Je t’en remercie, car ça me rend bien service maintenant dans mon emploi.
Xavier a tenu à fêter ses dix-huit ans en compagnie de son meilleur ami, Vincent, tous deux seuls, comme des amoureux. Pourquoi, en cette occasion, serait-il resté à la maison avec ses parents ? Ou encore, pour quelle raison aurait-il concédé ces heures à l’élue actuelle de son cœur pour le plaisir de la tenir dans ses bras ? Que non ! Le voilà enfin libéré de la sujétion légale à ses géniteurs et, par ailleurs, il n’éprouve aucune hâte à s’engager dans une union non moins légale, autre esclavage que pour l’instant il refuse tout autant.
Foin de tout cela ! C’est avec son ami qu’il entend entamer les premières heures de sa vie d’adulte. Voilà plusieurs années qu’avec lui il a connu des instants de liberté tout en défiant l’ordre moral et social. Ce serait trahir que de quitter maintenant celui avec qui, à leurs risques et périls, il a vécu les meilleurs moments de son adolescence. Non, il ne fera pas cela, il lui doit trop !
— Tu te souviens de la première fois où nous nous sommes rencontrés ? Moi, je n’ai pas oublié !
Assurément, Vincent n’a pas oublié non plus. Ce fut à la Foire du Trône, il y a de cela près de quatre ans. À ce moment, il ne put se décider à faire un tour à la fête que vers la mi-mai lorsque les prévisions de la météo se montrèrent plus encourageantes et, mettant à profit une journée quelque peu ensoleillée, c’est à la veille de l’Ascension qu’il prit le métro pour la Porte Dorée. Certes, il ne faisait pas encore bien chaud et, à part quelques gouttes de pluie de temps en temps, on pouvait espérer tenir dehors sans trop d’ennui.
Vincent circule dans l’enceinte de la fête. Un tour des stands pour commencer afin de jeter un coup d’œil d’ensemble. D’année en année, à chaque visite, il a remarqué que les baraques sont pratiquement aux mêmes emplacements. Il en reconnaît un bon nombre. N’est-il pas venu au moins deux ou trois fois chaque année avec l’un ou l’autre de ses petits-neveux ? Mais, voilà, ces chers petits ont grandi, de même les copains que parfois ils amenaient avec eux, et ont pour l’instant d’autres préoccupations que de l’accompagner à Vincennes. Pour la première fois, donc, Vincent se voit contraint d’y aller seul, comme entraîné sur sa lancée, un peu par habitude !… Il éprouve ce que connaissent des parents lorsque leurs enfants, prenant leurs ailes, quittent la maison : la solitude s’installe. Plus tard, certes, viendront les petits-enfants. Entre temps, c’est le vide. Comment le combler ?
Vincent note que certaines attractions foraines ont disparu, remplacées par d’autres modernes et plus sophistiquées. Les progrès de la technique ici aussi bousculent les habitudes, et des inventions nouvelles amènent leur contingent de machines à créer des émotions de plus en plus fortes. En outre on voit davantage de baraques contenant des jeux électroniques où les jeunes excellent rapidement tandis que les adultes aux réflexes moins vifs sont vite mis en déroute. Pourtant, malgré son âge et ses cheveux grisonnants, Vincent peut se considérer encore de la catégorie des jeunes et reconnaît qu’il le doit à ses neveux. Grâce à eux, en effet, jamais il ne s’est senti déphasé en ce temps de rapide évolution. Le continuel contact avec eux et d’autres de leurs copains lui a conservé sa verdeur. Par plaisanterie, il aime à dire que ses petits amis l’ont aidé à « rester en enfance », pour cela donc, il ne craint aucunement avec l’âge de « tomber en enfance » ! Et c’est bien là un des précieux avantages que de savoir frayer avec l’adolescence !
Malgré tout, c’est avec nostalgie que Vincent circule dans la fête. Sans trop de lassitude cependant car il ne fait pas chaud pour la saison et le sol quelque peu détrempé empêche la poussière de se soulever. Le mieux, pourtant, est de s’attarder dans les baraques de jeu où s’agglutinent les jeunes à l’abri des ondées intermittentes. Là, Vincent se sent à l’aise dans le souvenir de ses neveux. Il regarde les visages. Oh ! que celui-ci est beau ! Il se sent attiré. Ce corps harmonieux provoque en lui un ardent désir. Les garçons sont groupés, tournés vers les appareils. Derrière eux, il ne lui est pas facile de jauger leurs virilités cachées. Parfois, l’un ou l’autre s’écartant, il aperçoit quelque saillie prometteuse ! En attendant, il les regarde jouer et, par des réflexions adéquates, montre qu’il n’est pas insensible aux exploits de l’un ou l’autre de ces adolescents qu’il côtoie. Il en est qui réussissent de merveilleux scores et c’est stimuler leur fierté que de le reconnaître.
Tiens ! Dans un coin, un garçon seul à jouer ! Vincent s’approche. Le jeune regarde intensément l’homme qui lui parle intéressé par son jeu. Il lui est agréable qu’un adulte s’adresse à lui avec bienveillance. Il sourit à l’inconnu qui, en retour, fait de même. Vincent ayant eu plaisir à le regarder manipuler l’appareil désire le voir continuer :
— Tu ne joues plus ?
— Non ! Je n’ai plus de sous, et aujourd’hui mon frère n’a pas voulu venir avec moi.
— Ah, bon ! Tu es vraiment tout seul. Alors tu vas maintenant rester là à regarder les autres.
— Bien oui ! répond l’adolescent en haussant les épaules, et ajoute : puis, je rentrerai à la maison.
— Sans plus t’amuser ? Tu en auras gros sur le cœur.
— J’y peux rien, c’est toujours comme ça !
Le sourire du garçon avait charmé Vincent, mais voilà que maintenant il décèle dans son regard quelque tristesse et envie. Il en comprend la raison et se sent pris de compassion : « Il faut lui faire plaisir », pense-t-il, et lui tend une pièce de monnaie.
— Tiens ! On fait un flipper à nous deux !
Sans se faire prier, le garçon happe l’aubaine et la glisse dans la fente de l’appareil. Le jeu se fait endiablé. L’adolescent habile, nerveux, vif, aux réflexes assurés, provoque plus encore l’admiration de son partenaire qu’il domine sans difficulté. Vincent n’éprouve aucun complexe, trouve, après tout, cela fort naturel. Mais l’intuition lui vient que ce garçon possède de bonnes qualités l’incitant à le connaître davantage.
— On joue encore, ou bien aimerais-tu autre chose ? Tu peux me le demander tout simplement.
— Oh, vous êtes chic ! Il y a plus loin un nouveau manège, et j’aimerais bien y aller.
Et Vincent se vit conduire au looping d’où il sortit les jambes molles et le cœur passablement chaviré. Sans regret car, mis en confiance, le garçon avait entre temps levé un peu du voile couvrant son cœur. Prénommé Xavier, âgé de quatorze ans et demi, il fréquente une bande de copains qu’il retrouve en séchant l’école, ce qui lui vaut quelques ennuis. Pressentant qu’une amitié nouée avec cet adolescent en canaliserait les tendances, Vincent se préoccupe de trouver par quel hameçon il parviendrait à le ferrer. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, assure un proverbe. Toujours est-il qu’attentif aux besoins de Xavier, il s’empressa de satisfaire sa fringale quand celui-ci déclara qu’il avait faim. Il paya des cornets de frites puis, tous deux attablés devant des verres de coca, il s’ingénia à poursuivre la conversation, la dirigeant de façon à percevoir les préoccupations majeures de l’enfant.
Ce jeune, tourmenté comme tant d’autres à son âge, ne sachant comment combler sa solitude, saisit l’occasion offerte de s’exprimer, de parler à qui l’écoute avec bienveillance et attention. Volontiers et sans réticence, il répond aux questions de l’inconnu. Oh ! Il n’a pas envie d’avoir une petite amie comme certains de ses copains le font : « Garçons ensemble, et filles entre elles », déclare-t-il péremptoirement. Et il ajoute : « Au cours de sciences, quand le prof a parlé de ces choses-là, ça m’a plutôt refroidi ». Vincent s’informe :
— Ah ! C’était sans doute à la leçon d’information sexuelle ?
— Oui ! Ça a été une belle rigolade !
— Je pense que tu y as quand même appris des choses que tu ne savais pas encore et qui t’ont rendu service.
Xavier hausse les épaules.
— Oh… oui ! J’ai appris que la bitte doit s’appeler verge… et que la jute c’est du sperme…
— Je vois, tu en savais assez. Alors, qu’est-ce que tu as surtout retenu ?
— Eh bien ! Que faire l’amour c’est dangereux, répondit le garçon avec une moue sur le visage et un geste de la main signifiant le peu d’intérêt pour la chose.
Vincent ne put s’empêcher de rire. Lui tapant sur l’épaule, il cherche à le raisonner :
— Ah ! Pourtant, tu te marieras, il le faudra bien.
— Je ne sais pas, réplique vivement le garçon, la moue lui revenant sur le visage.
Satisfait de la tournure prise par la conversation, mais préférant ménager ses effets, Vincent estime peu nécessaire de poursuivre immédiatement et propose, pour varier, d’aller à la grande roue.
— Viens, tu verras, de là-haut on a un beau coup d’œil sur l’ensemble de la foire.
Il sait que, seuls dans l’une des nacelles du manège, les confidences iront plus loin : la trame de l’amitié se tissera davantage. De fait, le garçon paraît heureux de pouvoir se blottir durant quelques instants contre l’homme qui tout en lui parlant l’enserre d’un bras, lui caresse la joue et laisse errer familièrement son autre main sur ses cuisses. Il se fait tard, et il faut songer à quitter la fête pour retourner à la maison. « Hélas ! les meilleurs moments sont les plus courts », fait remarquer Vincent. Xavier tourne son regard vers l’ami d’un jour. On lit dans ses yeux un désir intense souligné par une rougeur au visage tandis qu’il porte la main au bas de son ventre, manifestant plus que cachant un émoi naissant. Un clin d’œil de Vincent lui assure alors une possible complicité. Sans plus douter de rien, audacieux, l’adolescent demande :
— Vous reviendrez demain ?
— Demain ?… C’est l’Ascension… Il y a congé… Après tout…, bien sûr, je pourrai revenir, et je serai bien content de te retrouver. D’accord, je serai à trois heures à l’entrée de la foire.
Toute la soirée, Vincent a pensé à Xavier. Le reverra-t-il ? « Ce sera bon signe si je le trouve au rendez-vous, songe-t-il, je serai certain de lui pour la suite. Certes, au moment de le quitter, je l’ai appâté en le laissant aux auto-scooters. Il aura conservé une bonne impression de moi. »
Le lendemain, Vincent sort du métro et, le cœur battant, se dirige vers l’entrée de la foire, à l’orée du bois. Un peu à l’avance sur l’heure fixée, il s’imagine avoir l’avantage réservé au premier arrivant. Surprise ! Le garçon est déjà là ! D’aussi loin qu’il le voit, Vincent reconnaît que « vraiment il est mordu et tient à me revoir comme son “papa-gâteau” ! » L’adolescent piaffe d’impatience, regardant alternativement sa montre et les passants s’efforçant de reconnaître celui qu’il espère.
— Alors, Xavier ! Tu veux t’amuser ?
— Ah ! Vous voilà ! Vous êtes venu, c’est chic ! Que je suis content, j’ai eu tellement peur que vous m’ayez feinté.
— Oh, pourquoi ? réplique Vincent d’un ton surpris. Je tiens toujours mes promesses. Vois-tu, je suis juste à l’heure selon mon habitude. Vite, allons aux flippers.
Tandis qu’ils jouent, s’encourageant mutuellement, les atomes crochus se soudent plus solidement. Xavier maintenant connaît le prénom de son partenaire, ce qui lui plaît et augmente sa confiance : « Vincent, j’ai beaucoup pensé à vous depuis hier soir. » Vincent en convient, mais reste sur sa réserve d’autant que les attractions foraines coûtent cher et risquent de rendre cette aventure plutôt onéreuse. Il aimerait n’en pas avoir le regret et souhaite que cela aboutisse à quelque chose de valable et profitable à tous deux. Il s’interroge sur les intentions réelles du garçon. Comment savoir ?
Après avoir obtenu quelques bons scores, Xavier manifeste comme la veille son désir d’aller dans un manège et précise même :
— Dites, on ne pourrait pas retourner à la grande roue ?
En un éclair, Vincent comprend que là il aura la réponse à sa question. D’évidence, le garçon tient à retrouver l’intimité de la veille. Sitôt installés dans l’une des nacelles, comme s’il n’avait attendu que cet instant, Xavier se blottit contre la poitrine de l’homme désiré et, lui prenant la main, la mène à l’endroit où de préférence il aimerait la voir se poser. Vincent laisse faire, puis tâte et décèle effectivement l’attente du garçon excité. Volontiers, assuré de sa complicité, il eût répondu à son appel :
— D’accord ! Mais, ce n’est pas ici que je pourrais te branler. Il faudra trouver un coin où se camoufler pour ça.
— Oui, c’est vrai ! acquiesce le garçon qui prend conscience de son audace et du péril de la situation.
Mais l’éclat de ses yeux étincelants traduit sa joie d’avoir été compris et la certitude de pouvoir compter sur celui qui sera désormais son ami : à preuve, la main de Vincent tenue posée à l’endroit de son sexe !
Attablés devant des verres de coca, et dégustant des cornets de frites, Xavier et Vincent, complices, tirent des plans d’avenir : où, quand, comment se retrouver seuls ensemble. Ce fut un « jeu d’enfants », pourrait-on dire, le pluriel de cette expression s’accordant parfaitement aux deux amis : l’adulte resté jeune de cœur et d’esprit, l’adolescent dont l’imagination fertile trouva le moyen de se réserver un espace de liberté en compensation des nombreuses contraintes dénuées d’intérêt encombrant déjà son existence.
C’est ainsi que Vincent, improvisé professeur d’anglais, reçut régulièrement à son domicile Xavier pour lui donner des leçons de rattrapage. Ses nombreux séjours outre-Manche lui ayant donné une pratique suffisante de la langue de Shakespeare, il s’en tira fort bien et gagna de surcroît l’estime des parents du garçon qui, ravis des progrès en classe de leur rejeton, jugèrent son influence sur lui des plus bénéfiques. C’est que, dans le même temps, bien sûr, leur enfant recevait de bonnes leçons « de rattrapage » utiles pour la conduite de sa vie amoureuse ! Une pierre, deux coups, en quelque sorte !
En cette soirée d’anniversaire, enserrant son ami allongé contre lui, Vincent fait un bilan de près de quatre années d’amitié virile. À ses yeux, il l’estime positif. Aussi bien que pour les autres garçons ayant eu avec lui de semblables relations, il a mené Xavier à l’équilibre d’un développement harmonieux à mesure qu’il lui révélait les réalités de la vie et les secrets de l’amour. Pour sûr qu’il n’a pas oublié leur rencontre à la Foire du Trône, ni comment le hasard a fait se croiser leurs routes qu’ils ont confondues après leur mutuel accord. Se penchant sur son ami, et lui tapotant la poitrine, il demande :
— Tu te souviens aussi de ce que tu as fait après que nous sommes descendus de la grande roue ?
— Ah, oui ! Je t’ai entraîné dans les urinoirs. On n’a pas pu se branler encore, bien sûr, on n’a fait que de se regarder nos pines. On bandait ! La tienne m’a fasciné, j’aurais tant voulu déjà la prendre. Tu avais raison, il fallait attendre. Mais je n’ai rien perdu à patienter. Tu étais revenu comme promis, alors j’étais certain qu’on se reverrait.