Je ressemble à papa ! (Maurice Balland)

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Je ressemble à papa ! est une nouvelle pédérastique de Maurice Balland.

Le personnage du retraité parisien Didier Larue figure également dans la nouvelle On a commencé par la queue !





JE RESSEMBLE À PAPA !




Après une saison de printemps maussade et un début d’été désespérément incertain, la canicule survenue de façon subite accable tout le monde par une chaleur étouffante. Où se mettre pour jouir de quelque fraîcheur ? Didier Larue ne le sait trop. Logé dans un vieil immeuble au pied de la Butte, son petit appartement confortable lui permet de supporter l’atmosphère surchauffée. Parvenu à l’âge de la retraite, vivant seul, il se doit d’assurer ses emplettes, c’est donc tôt le matin, dès l’ouverture des commerces, qu’il fait ses courses, puis ne bouge plus de chez lui. Il ne sort qu’en fin d’après-midi pour se donner à nouveau quelque exercice quand, le soleil ayant tourné, il y a un peu d’ombre dans les rues.

Durant la saison touristique, la Butte étant prise d’assaut par les foules étrangères, Didier se distrait à circuler parmi les groupes, s’efforçant de deviner les nationalités d’après les indications portées sur les cars ou en prêtant l’oreille aux conversations. Sans trop de peine, au premier abord, il distingue différents types de races. Il est certes relativement aisé de reconnaître un méditerranéen basané à la pupille noire, italien, espagnol ou autre, et de ne pas le confondre avec un pâle nordique à l’iris clair et au teint rosé, hollandais ou suédois. Il n’est pas besoin non plus d’être grand clerc pour deviner une Anglaise en cette femme maigre au visage allongé munie de grandes dents ou déceler en cette autre, boudinée, à la bille ronde et au large menton, une « Frau » d’Outre-Rhin. D’ailleurs, ces personnes ne rient pas de la même façon !

Didier a là une sorte de jeu pour égayer sa relative solitude en cette période de vacances tandis que bon nombre de ses amis et connaissances ont déserté la capitale. « Ses » garçons, partis en colonies de vacances ou simplement à la campagne chez des grands-parents, lui font terriblement défaut. Il supplée à leur absence en se contentant de regarder, scruter, les minois juvéniles folâtrant parmi les hordes de touristes. Attentionné à cette cosmopolite jeunesse, il admire ici un puéril visage aux fins linéaments, là un svelte corps adolescent aux harmonieuses proportions. La tenue légère de ce garçon laisse percevoir la finesse de son anatomie, mais le short collant de cet autre fait douter du sexe de son porteur qui, bien que répondant au prénom de « Ben », présente un entrecuisse dépourvu de tout relief, quasiment plat comme d’une fille. Par contre, aucun doute chez cet enfant dont la culotte ajustée met en évidence une puberté fort engagée et déjà peu en rapport avec l’âge tendre du support.

Réduit à ne toucher que des yeux, Didier ressent une amère et lancinante frustration. Ah ! S’il pouvait adresser quelques mots à l’un ou l’autre, ne serait-ce que pour rompre tant soit peu sa pesante solitude ! Hélas ! Comme fait exprès, il semble qu’aucun d’eux ne s’exprime en français. N’y aurait-il qu’une invasion étrangère au sommet de la Butte ?

Tiens ! Utilisant une des longues-vues installées à l’usage des touristes le long de la balustrade surplombant le site, un garçon que Didier remarque particulièrement. Pourquoi ? L’œil sans doute attiré par une silhouette d’agréable contour au galbe des reins du plus bel effet. À peine plus haut que le support de l’instrument qu’il manipule, un adolescent se dresse, désirable, dans ses vêtements, pantalon et chandail vert olive, ajustés, collants presque, soulignant les merveilleuses proportions de son corps. Subjugué, attiré comme par un aimant, Didier s’approche et découvre un visage au profil grec quand le garçon préoccupé d’identifier un monument a retiré l’œil de la lunette pour consulter un guide qu’il tient à la main. Une édition en français ! Enfin ! Didier s’enhardit :

— La vue est belle aujourd’hui. Juste devant nous, là, au loin, c’est le dôme du Panthéon.

Le jeune interpellé sourit. Il ne paraît pas importuné et explique :

— Ah, bon ! Je me demandais. J’avais cru que c’était celui des Invalides.

— Oh, non ! Le dôme des Invalides est beaucoup plus à droite, il est caché par les arbres qui sont là. Si tu veux le voir, il faut aller plus loin, sur l’autre terrasse.

— Merci !

Et le garçon, après un sourire, de s’éloigner. « Sans doute, pense Didier, va-t-il aller à l’autre point de vue, ou bien est-il là depuis un certain temps déjà et il a observé ce qu’il désirait voir. Il va rejoindre ses parents ou le groupe auquel il appartient. » Curieux, désireux d’en connaître les intentions ou d’en découvrir les attaches, il le suit à quelques pas. Après un court instant d’hésitation, l’adolescent entreprend de descendre les marches et de dévaler la pente au travers des jardins jusqu’au pied de la Butte. « Ah ! les autres sont en bas. À moins qu’il ne soit seul… Je verrai bien ! »

Sans hâte, en promeneur, le jeune descend, muse de droite et de gauche au gré des menus incidents attirant son attention. Didier se persuade : « Il n’a pas l’air pressé, il est certainement seul » et, d’autant plus intéressé, s’ingénie à n’en pas perdre la trace sans pourtant trop coller à lui ou laisser paraître qu’il lui a emboîté le pas de crainte d’une réaction inopportune, car il sait d’expérience qu’en pareil cas il ne faut jamais presser la manœuvre et saisir, mettre à profit, les occasions fournies par le hasard.

Au terme d’une sorte de chassé-croisé, les voilà tous deux hors du jardin et parvenus à la place qui le borde au pied de la Butte. « Que va-t-il faire ? s’interroge Didier. Aller au métro ? Il prendra alors la rue en face. » Afin de donner le change et paraître indifférent, il se dirige vers la rue de droite, quitte à faire promptement volte-face le cas échéant. Avec surprise et contentement, il constate qu’à son tour il est suivi. Et, tout le long de la rue, de vitrine en vitrine, c’est à nouveau un chassé-croisé, mais aux rôles inversés, le limier devenu gibier, où jamais pourtant ils ne se trouvent suffisamment proches pour quelque échange verbal, ni tellement éloignés pour permettre à Didier de déceler une pointe de malice dans le regard du garçon pris au même jeu. « Certainement, c’est un malin, d’ailleurs, il a un regard intelligent, estime Didier. Le finaud me rend la pareille. » Malgré tout, perplexe, il se demande : « Où cela va-t-il nous conduire ? »

En attendant, poursuivant leur chemin, ils parviennent à une placette d’où plusieurs directions sont de nouveau possibles. Embarrassé, Didier s’arrête. Après la traversée du désert minéral surchauffé de soleil, la place offre une oasis de verdure, ombre et fraîcheur : un bouquet d’arbres occupe un terre-plein central où sont disposés quelques bancs. Heureux de l’aubaine, l’adolescent s’y précipite, s’assied et d’une œillade invite son « limier-gibier » à faire de même.

— Vrai ! Il fait rudement chaud !

— Ça fait du bien de s’asseoir un peu à l’ombre !

Et enfin, Didier apprend de ce garçon sympathique, fort peu emprunté et disposé à se révéler, qu’il demeure à Lyon et qu’il est venu passer l’été à Paris chez sa grand-mère. Son père, d’origine italienne lui a transmis le type méridional que sa mère, une Parisienne, a tempéré en lui éclaircissant le teint et communiqué la sveltesse de ses lignes. Âgé de quatorze ans, bientôt quinze, Émile est l’aîné de plusieurs enfants et c’est la première fois qu’il vient seul à Paris. Il occupe ses journées en explorant la capitale, alternant les localisations de monuments et les visites de musées. « Un garçon intelligent, je m’en doutais, et intéressant de surcroît », estime à part Didier désireux de faire plus ample connaissance. Ne pourrait-il l’accompagner et lui servir de guide ? À sa grande joie, ce garçon « tombé du ciel » accepte avec empressement le cicérone qui s’offre à lui et, le hasard faisant bien les choses, il s’avère qu’ils sont presque voisins, éloignés au plus de quatre stations de métro. Dès lors, ils connurent d’agréables et studieuses vacances : docile, Émile ingurgitant au gré des promenades l’abondant savoir que lui déversa Didier.

Le garçon préféra passer certains après-midi torrides chez son nouvel ami dont il entendit profiter des livres et des disques. Devenu familier et son cicérone se muant en mentor, il estima bientôt qu’il pourrait ne plus avoir de secret pour lui. Un jour, il amena trois photos.

— Je les ai retrouvées chez grand-mère. C’est moi quand j’étais petit. Sur celle-ci j’ai deux ans, sur celle-là cinq et là neuf. Il y en a d’autres, mais elles sont à la maison.

— Chez toi, à Lyon ?

— Oui, j’aurais aimé vous les montrer. Je les apporterai la prochaine fois que je reviendrai à Paris.

— C’est gentil. Et sur toutes, tu es comme ça ?

— Oui, ça plaît à papa de me photographier à poil. Il trouve que je lui ressemble beaucoup.

— Ah ! Tu as le même visage que lui !

— Oui, mais c’est surtout ça que j’ai comme lui, réplique Émile en montrant un endroit précis sur l’une des photos.

Prêt à faire la remarque : « Je m’en doute, puisque tu es un mâle », Didier se ravise car là ne semble pas la raison patente justifiant la passion photographique du père, c’est plutôt que depuis sa tendre enfance, à voir les clichés, Émile est doté d’un sexe particulièrement volumineux. S’il en est de même pour son géniteur, l’orgueil de celui-ci est des plus compréhensibles.

— Je vois, dit alors Didier en riant et lui tapant sur l’épaule, ça rassure ton père. Il ne peut douter que tu sois son fiston et il compte bien te voir suivre ses traces.

Le garçon rougit de contentement tandis que se fixe au niveau de sa braguette le regard de Didier qui, en outre, désigne du doigt et déclare :

— La première fois que je t’ai vu, tu te souviens, au sommet de la Butte, j’ai remarqué comme tu semblais bien monté là. Ça se devine, ça fait une sacrée bosse sur ton pantalon. Tu m’as intéressé, c’est pourquoi j’ai essayé de t’accrocher.

Émile éclate de rire, bat des mains, puis d’un ton victorieux s’écrie :

— Je m’en suis bien douté. Je t’ai fait marcher. Et ça a réussi. Eh, tu vas voir !

Avant toute réaction de Didier à vrai dire peu empressé de stopper l’élan du garçon, celui-ci, prestement baisse pantalon et slip puis fait constater « de visu » ce qui pour lui autant qu’à son paternel est objet de fierté.

— Qu’en penses-tu ?

Interloqué, Didier ne sait que penser, ayant rarement vu un appareil de tel calibre assujetti à un corps si gracile, contraste inattendu chez un adolescent d’à peine quinze ans.

Béant d’admiration, cloué de surprise, il est en plus paralysé, n’osant y porter la main : « Ce garçon est allé vite en besogne, je ne suis pas encore sûr de lui », juge-t-il. Ordinairement, les jeunes qu’il fréquente ne se révèlent intimement qu’à la suite d’une préparation suffisamment prolongée pour assurer leur complicité et la garantie de n’encourir aucun risque le moment des effusions venu. Mais, voilà ! Il ne connaît Émile que depuis un peu plus d’une semaine puis, les vacances terminées, il n’aura pas la certitude de le revoir ni d’en contrôler l’évolution des sentiments. Surtout, ce garçon n’a pas atteint ses quinze ans. Ah ! S’il avait dépassé cette limite légalement fatidique, ne serait-ce que d’un jour, il en irait tout autrement !

Les yeux brillants d’envie, la verge tendue, le garçon attend le service espéré de celui en qui dès la première rencontre il avait pressenti un éventuel partenaire.

— Eh, bien ! Vas-y ! Tu vas voir comme je jute fameusement !

— Je m’en doute, avec des couilles pareilles tu dois avoir une bonne réserve ! Et puis, ce que tu es poilu ! Un vrai sapeur ! Et tu n’as pas quinze ans !

— C’est ce que dit papa. Il était déjà comme ça à treize ans, moi pareil, alors ça ne l’étonne pas. Maman non plus.

— Vrai ? Tu as des parents formidables. Et ils te branlent aussi ?

— Non ! Faut pas pousser ! Mais ils ne m’en empêchent pas. Et ils m’ont dit que c’était mieux de branler avec un autre que de le faire seul. Et puis, que je n’avais pas à me hâter d’aller aux filles. Alors, c’est avec mon oncle que je branle, et aussi avec un moniteur de la gymnastique.

Didier n’en croit pas ses oreilles. C’est bien la première fois qu’il entend un garçon témoigner d’une éducation si libérale. Le résultat semble bon, à constater comment Émile est décontracté autant que judicieux car il ajoute :

— Ils m’ont prévenu qu’il fallait faire attention et ne pas aller trop vite pour jouir avec n’importe qui.

Attirant le garçon tout contre lui et lui caressant les fesses, Didier opine :

— Je vois, tu n’as pas mis quinze jours pour me juger digne de branler avec toi. Tu m’honores !

Souriant, passant une main sur la joue de l’adulte, l’enfant, d’un ton péremptoire assure :

— Oh, tu sais, quand on fréquente quelqu’un pendant plusieurs jours, on se rend vite compte à qui on a à faire.

Pourquoi attendre davantage ? Émile qui a achevé de se dévêtir au cours de la discussion, s’offre frémissant dans son exquise nudité. Didier donc, comme pour rattraper le temps perdu et se faire pardonner d’avoir lanterné, à son tour arrache ses vêtements et, libéré de ses entournures, saisit à bras-le-corps son jeune amant qu’il renverse sur le lit.

Leurs échanges passionnés furent tels qu’il devint impossible de faire le partage pour déterminer qui des deux se montra le plus expert à combler l’autre.

Peu importe d’ailleurs. Par la suite, les jours d’été, cette année-là, comptèrent pour Didier comme les meilleurs moments de son existence et laissèrent en sa mémoire quelques-uns de ses plus merveilleux souvenirs.


Pourquoi n’ai-je pas l’ droit
De faire comm’ papa,
De faire comm’ papa,
De faire comm’ papa, déjà ?

Joe Tex


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Table des matières
LEÇONS PARTICULIÈRES
nouvelles
 
LES DEUX COPAINS
nouvelles
Deuxième série
   
Leçons particulières Les deux copains
Ne suis pas n’importe qui !… Vous reviendrez demain ?
L’apprenti Un papa heureux !
C’est vraiment mieux ! Manoel
Enfant de cœur ! Le laveur de pare-brise
Sortis du tunnel ! Dominique
Droits de l’Homme ! Le gars de la colonie
Chassé-croisé Un moyen de communiquer !
Mon maître Les Buttes-Chaumont
Le boulevard nous sépare… On a commencé par la queue !
Le garçon dans la nuit Vacances en Angleterre
La fugue Je ressemble à papa !
Le camp de jeunesse Au musée
La Villette L’Espagnol
La relève Ce n’est pas dans l’ordre !

Voir aussi

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