La pédophilie en question (texte intégral) – V-7
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Un entretien pastoral n’est pas une interview. Parfois, on peut penser que des pasteurs ou des prêtres y soient par trop curieux. Cependant, ceux-ci doivent pouvoir poser légitimement des questions précises dans le but de s’informer quand ils sont en présence de sujets qui leur sont étrangers et qu’ils ignorent. Alors, les rôles sont inversés et le pasteur d’âme est instruit par son interlocuteur. En ce cas, il doit clairement faire savoir pourquoi il pose telle question. Confronté avec la pédophilie, le pasteur, généralement, se trouve sur un terrain qu’il ne connaît pas. Lors donc qu’il a le privilège de recevoir les confidences d’un pédophile, il peut très bien se demander ce qu’il pourra raisonnablement lui dire. C’est alors au pédophile de le prendre par la main et de lui ouvrir les yeux sur sa propre situation.
En ce moment, et sur l’influence du féminisme, on refuse à nouveau de discuter sur la pédophilie. Aujourd’hui, on a tendance à déclarer que le pédophile est un être resté en son état d’enfance et qui, faute de mieux, s’en prend aux enfants. C’est une façon d’affirmer que certains ne pouvant exercer leur volonté de pouvoir sur la femme se rejettent sur l’enfant. De la sorte, on clôt toute discussion sur le thème de la pédophilie.
On commet bien des confusions au sujet de la pédophilie, non seulement parce qu’il y est question de sexualité, mais aussi du fait qu’elle s’adresse aux enfants. On est encore fortement persuadé que l’enfant est un être asexué, dépendant et facilement influençable. Un adulte qui recherche une relation avec un enfant est a priori suspecté d’abus de pouvoir. À l’époque où j’étais membre de la commission « La Pédophilie dans la Société hollandaise » (rattachée au Centre National du Ministère de la Santé), j’estimais que si l’on devait avoir quelque compréhension pour les aspirations des pédophiles, il fallait quand même protéger l’enfant contre le pouvoir de l’adulte. De ma part, une telle façon de penser était due à un préjugé et, maintenant, je ne parlerais plus ainsi.
J’ai énormément appris dans mes contacts avec les pédophiles. Les enfants ne sont pas aussi naïfs et innocents que nous le croyons, et bon nombre prennent eux-mêmes l’initiative. J’ai également découvert que s’il est des personnes particulièrement attentives aux enfants, ce sont précisément les hommes et les femmes pédophiles. En plus, je suis surpris de constater à quel point le pédophile est capable de se familiariser avec l’univers de l’enfant, ce qui, à mon sens, est très émouvant, et je le dis sans pour autant tomber dans le sentimentalisme. Le pédophile estime qu’il n’y a rien de pire que d’abuser de son pouvoir d’adulte, et il éprouve une grande peine chaque fois qu’il a connaissance d’un meurtre d’enfant commis par un autre pédophile, fait d’ailleurs plutôt extrêmement rare, vu que nombre d’enfants sont plutôt victimes d’automobilistes sous l’empire de l’alcool ou de leurs propres parents. Pour les pédophiles, c’est chose impensable que de tuer un enfant. D’ailleurs, ils estiment que cela ne peut arriver que dans des situations d’extrême angoisse. J’ai donné pendant quelque temps des cours sur la pédophilie dans une école de police. J’ai été frappé de voir comment les policiers ressortaient continuellement le même récit, comme stéréotypé, d’un fait à la fois horrible et rebutant.
Je ne pense pas qu’un pasteur d’âmes doive éprouver de la honte à se sentir confus en présence d’un pédophile. Mais il ne doit pas en rester là. En effet, le pédophile qui vient frapper à sa porte le fait parce qu’il se trouve dans une impasse en raison tant de son amour pour les enfants que de l’attitude de la société à son égard, ainsi que de ses propres angoisses, et enfin de la rigueur de la loi, laquelle est pour lui une menace continuelle. Lorsque le pasteur a le courage de reconnaître son propre embarras, sans pourtant perdre l’autre de vue, et s’il exprime son désir de savoir la raison de la démarche de son interlocuteur, alors quelque chose peut passer : l’autre découvre que le pasteur est disposé à se mettre à son service.
Il est également important que le pasteur soit attentif aux craintes des parents, et que ceux-ci puissent les exprimer, surtout que dans notre société ces peurs sont exacerbées par toutes sortes de moyens, notamment à l’occasion de certains faits divers. Une fois, j’ai reçu une mère venue me consulter parce qu’elle et son mari avaient eu la visite de quelqu’un éprouvant de l’affection pour leur fils âgé de onze ans et qui tenait à les mettre au courant. Il ne désirait pas nouer une amitié avec le garçon à l’insu de ses parents, et si cela ne pouvait se passer ouvertement, il préférait y renoncer. Les parents n’y voyaient pas d’inconvénient et envisageaient de façon à la fois raisonnable et réaliste cette situation. Mais, en pareil cas, il arrive également que dans une famille ainsi concernée, on fasse plutôt des histoires. Et la police non plus n’agit pas toujours avec tact et quelquefois même aggrave les situations.
Si un adulte abuse de sa situation de force, il est condamnable. De même, il est inadmissible qu’une personne en raison de son âge tente d’établir une relation avec un enfant contre son gré. En cela, les pédophiles sont d’accord. Le contact sexuel ne peut seulement avoir lieu que si l’enfant le désire et de la manière dont il le souhaite. Il ne faut pas oublier que souvent, en cela, les enfants devancent les adultes et les provoquent. Ce type de contact, alors, se passe de façon très tendre et dans une atmosphère amicale. Il n’est aucunement besoin de s’imaginer des horreurs. Les enfants par la suite oublient facilement et il ne subsiste aucune séquelle perturbant leur épanouissement sexuel. Également, chez le pédophile, la fixation sexuelle sur un enfant déterminé s’estompe lorsque celui-ci développe sa pilosité, ce qui fait que son intérêt se portera sur un autre jeune. C’est cela justement qui explique la nature inquiète de l’existence du pédophile. Mais l’affection pour le premier enfant ne disparaît pas pour autant, et souvent il subsiste des liens amicaux pouvant durer toute la vie.
Au cours d’un programme de radio de Koos Postema auquel j’ai autrefois participé, il y a eu le témoignage d’un adulte qui a rapporté que, dans sa jeunesse, s’étant trouvé dans l’embarras, il avait alors fait la connaissance d’un adulte pédophile. Cet ami ayant joué pour lui un rôle paternel, il lui était redevable d’avoir pu faire des études de médecine sans quoi il aurait tout simplement été dirigé vers une école technique. Pour l’heure, il n’y avait plus entre eux de relations sexuelles, d’ailleurs lui-même vivait avec une amie, mais il gardait une profonde amitié pour celui qu’il appelait « mon père ».
Sans doute, existe-t-il par contre des pédophiles étranges, névrosés, plus ou moins dérangés. Mais, réfléchissons bien : ne devient-on pas dingue à force de s’entendre reprocher d’être un salaud et un pécheur ?
Garder la tête froide !
Abordons encore un autre point qui devrait spécialement retenir notre attention, sinon nous étonner. C’est qu’en ce moment, les mass media sont remplis de récits concernant la pornographie enfantine (baby porno). Trop facilement, on y mentionne également la pédophilie que l’on met dans le même sac. Imaginez la réaction des gens si l’on faisait continuellement de la sorte un amalgame entre pornographie et hétérosexualité. Alors, pensez à ce que peut éprouver quelqu’un, homme ou femme, qui accepte pleinement sa pédophilie, donc sa préférence affective pour les enfants, et ne souhaite rien de mieux pour eux que de se sentir heureux dans cette relation intime, et qui constate comment sont divulguées des informations confuses et pratiqués des amalgames pour le moins suspects.
En pastorale, il importe de garder la tête froide, surtout en présence de personnes dont le comportement peut nous laisser perplexe. Il faut alors écouter leur propre récit avec plus de circonspection que pour tout ce que l’on pourrait entendre par ailleurs de croustillant. Ce qui est particulièrement valable en ce qui concerne l’inceste trop facilement exploité à la une par les mass media comme s’il s’agissait d’une véritable attraction. Certes, il est bon d’être informé, ne serait-ce déjà pour démasquer toutes sortes d’incompréhensions et de préjugés. Personnellement, je suis particulièrement sur mes gardes quand, dans une information, je remarque un souci évident de prouver quelque chose, ce qui fait douter de son impartialité, comme par exemple de souligner qu’un individu est uniquement obsédé par un désir de dominer et de satisfaire ses besoins sexuels, alors, qu’à l’évidence et de loin, sa vie ne se résume pas à cela.
Dès qu’il se trouve en présence d’un jugement à l’emporte-pièce et sans nuance, la tâche du pasteur est de s’enquérir de la réalité plus subtile des choses sans se laisser influencer par les qu’en-dira-t-on. Que veut dire son interlocuteur ? Bien entendu, le pasteur peut et doit indiquer les limites, les responsabilités, mais toujours en fonction de la compréhension de la personnalité de l’autre.
Soit encore l’inceste. Il peut exister sous diverses formes, par exemple entre une mère et sa fille ou entre une mère et son fils, et chaque fois il se présente de façon différente et d’une manière qui ne correspond pas aux clichés habituels. Je connais une relation incestueuse entre un père et sa fille, et dont celle-ci a gardé un bon souvenir, affirmant même que, pour elle, ce fut un véritable apprentissage de l’amour. Au tréfonds de nous-mêmes, une telle chose paraît inacceptable, inadmissible, et source de conséquences néfastes. Le pasteur perçoit également cette voix intime de la conscience qui pourrait l’empêcher de reconnaître le sérieux de son interlocuteur. On souhaiterait tant que le discours entendu soit conforme au consensus général !
L’être humain et son récit.
Lorsqu’un pasteur d’âmes, avec toutes les questions et réserves qui sont en son esprit, se trouve en présence d’un pédophile, il serait à souhaiter qu’il ait en tête le texte de Marc 2, 14 et sq, où Jésus s’approche de la maison du collecteur d’impôts, Lévi, fils d’Alphée, et que Marie van der Zeyde traduit ainsi : « Et là, en chemin, Jésus a capté le regard de Lévi, fils d’Alphée, tel qu’il était assis, à son bureau de percepteur. » Jésus, donc, le considère dans son histoire, tel une araignée au centre de sa toile, tandis que les autres ne voient en lui qu’un vampire. Jésus le regarde dans l’ensemble de son univers et lui dit : « Suis-moi », autrement dit : « Je te prends tel que tu es. Je te ferai comprendre que tu n’es pas ce que les autres pensent de toi, même pas ce que tu penses de toi-même, mais que tu es autre. » Le pasteur doit considérer l’être humain dans son contexte. Il doit aider le pédophile, homme ou femme, à poursuivre sa route alors qu’il est menacé par la condamnation tant de la société que de sa propre conscience. Il doit lui permettre d’entrevoir la possibilité de vivre avec son amour pour les enfants et réciproquement. Ne restant pas dans l’impasse, son avenir reste ouvert. Alors, le pasteur sera vraiment le guide aidant l’autre à se frayer un chemin dans une société où il est particulièrement difficile d’être pédophile.
Le texte original, en langue néerlandaise, se trouve dans un manuel de théologie pastorale protestant : Handboek Pastoraat, publié en 1985 par la maison d’éditions scientifiques VAN LOGHUM SLATERUS BV, Deventer, Pays-Bas, qui nous a gracieusement permis de reprendre cette partie du chapitre du Pasteur Alje Klamer, intitulé : « Le Pasteur en contact avec la sexualité et les relations humaines » (traduction en français par J. Doucé et M. Balland).
Voir aussi
Source
- Joseph Doucé, La pédophilie en question, Paris, Lumière & Justice, 1988, p. 143-147.
