La pédophilie en question (texte intégral) – III-03 b
Si vous possédez des droits sur ce document
et si vous pensez qu’ils ne sont pas respectés,
veuillez le faire savoir à la direction de BoyWiki,
qui mettra fin dès que possible à tout abus avéré.
C’est le matin du dernier jour de mon voyage dans un pays d’Extrême-Orient. Cet après-midi, je dois partir, me séparer de ces paysages sublimes, de ces plages blanches sous l’ombre des palmiers, de ces hommes gentils, toujours prêts à sourire. L’ami qui m’a accompagné pendant ces semaines est déjà parti, cette nuit, vers son pays qui n’est pas le mien.
On frappe à ma porte. C’est un jeune garçon qui entre. Comme d’habitude, il me souhaite le « bon matin » dans sa langue à lui, mais tandis que les autres jours sa voix était gaie et qu’il portait avec élégance ma main tendue à ses lèvres puis à son front, maintenant elle n’a pas de force. Et immédiatement il éclate en sanglots, éperdument.
Je le dirige vers un siège et je me mets à côté de lui, mon bras autour de ses épaules. Longtemps nous restons ainsi, sans rien dire. Puis je parle :
« Il y a six semaines, tu passais dans la rue, en attendant un autocar. Tu as rencontré un étranger qui t’a regardé et a dit : “Hello !” Tu as répondu “Hello !” aussi ; tu es entré en conversation avec lui, tu l’as suivi dans sa chambre d’hôtel, et tu as fait l’amour avec lui. Cet étranger était mon ami.
« Si tu avais été dans cette rue cinq minutes plus tôt ou cinq minutes plus tard, tu ne l’aurais jamais connu. Tu serais alors, en ce moment, en train de travailler dans un champ de riz ou de porter des œufs au marché, comme tu l’as fait ces dernières années. Tu n’aurais pas pleuré, aujourd’hui ; tu n’aurais pas connu ce chagrin qui te fait sangloter maintenant.
« Mais tu n’aurais pas connu non plus l’amour qui a pris son origine dans cette rencontre. D’abord, c’était surtout un amour physique, une jouissance intense et partagée qui vous a unis. Graduellement, l’attachement mutuel s’est approfondi et renforcé des deux côtés. Tous les deux, vous vous êtes intéressés à la vie de l’autre, à sa façon d’exister. Mon ami t’a parlé de son pays, de sa profession, de sa ville où la vie est tellement différente de celle d’ici. Tu lui as parlé de ta misère dans la campagne, d’un père que tu n’as jamais connu, d’un deuxième père qui t’a frappé et maltraité jusqu’à il y a deux ans, quand une maladie l’a paralysé complètement. Sa paralysie t’a protégé contre ses coups, mais t’a obligé à quitter l’école pour gagner le pain de la famille dans les champs de riz, sur les marchés. Et tu en as souffert, parce que tu aimais l’école : tu étais avide d’apprendre, tu avais gagné des prix comme meilleur élève ; tu savais déclamer, non comme un petit enfant ayant appris des poèmes par cœur, mais avec l’expression et la diction d’un artiste. Tu as dansé pour nous avec toute l’agilité et la souplesse de ton beau corps musclé. Tu nous as raconté des légendes populaires, des fables d’animaux, et tu nous a décrit les beautés et les mystères de la nuit tropicale, au bord de la rivière, quand les oiseaux sortent de leur cachette et que les étoiles brillent comme elles ne le font jamais dans nos pays du Nord.
« Mon ami est devenu pour toi la Providence. Il a remplacé tes vêtements usés par des pantalons et des chemises qui t’ont rendu fier de te montrer dans la rue où, autrefois tu désirais t’effacer. Tu as dansé de joie et de satisfaction en te regardant dans le miroir. Tu nous as suivis dans toutes nos excursions, en bateau, en voiture, en avion. Tu as vu beaucoup de panoramas et visité beaucoup de monuments de ta patrie ; tu t’es montré avide de voir et de connaître. Tu étais toujours un compagnon sympathique et agréable, souvent amusant. Tu as passé avec nous les semaines les plus merveilleuses de ta vie, bien nourri, bien soigné, et sans souci du lendemain.
« Et finalement, mon ami s’est rendu chez tes parents. Il a parlé avec eux. Il a parlé avec le directeur de l’école que tu avais fréquentée autrefois. Tu y retourneras après les vacances pour terminer tes études. Et mon ami s’est arrangé aussi pour que tu y prennes tes repas. Ensuite, il a parlé avec la directrice de la banque locale, qui t’aidera à ouvrir une petite boutique au marché, où tu pourras, pendant les vacances et ton temps libre, gagner un peu d’argent pour ta mère.
« Maintenant, tu es malheureux parce que mon ami vient de partir et qu’il se passera au moins un an avant que tu ne le voies à nouveau. Je le répète : si tu n’avais jamais connu cet homme, tu ne serais, en ce moment, ni heureux ni malheureux. Tu es malheureux parce que tu as rencontré l’amour.
« C’est le prix que le Maître de la Vie exige de nous. Nous avons le choix : mener une vie pour nous-mêmes, sans attachement et sans amour, sans sommet et sans abîme, sans la joie et sans la douleur ; ou bien mener une vie avec les autres, avec l’amitié, avec l’amour, monter aux sommets, connaître la joie, l’exaltation. C’est vivre réellement, mais on doit le payer : il y a des délaissements, des départs, des adieux, des ruptures, des chutes. Il y a cette douleur, ce chagrin qui te fait pleurer à cet instant. »
Voilà ce que j’ai dit à ce garçon. Il m’a embrassé et puis il est parti, la tête basse, un peu triste. Au lecteur scandalisé par une telle relation entre un homme et un enfant, je dirai comme consolation que ces événements ont eu lieu très loin d’ici et dans un pays beaucoup plus primitif que le nôtre. Chez nous, évidemment, il n’y a pas d’enfants maltraités par leurs parents, il n’y a pas d’enfants négligés, il n’y a pas d’enfants qui sentent le besoin d’une personne affectueuse en dehors de leur famille, d’un ami adulte qui s’occupe d’eux ; il n’y a pas de garçons qui, à la puberté, éprouvent un désir urgent d’être intimes avec un autre homme que leur père !
Néanmoins, il y a malheureusement encore des pédophiles dont la nature les pousse à aimer un enfant, à le caresser, à le soigner, à le protéger. Mais pour ce problème, notre culture omnisciente a trouvé la solution : c’est la prison. Nos lois sont justes, n’est-ce pas ?
* *
Voir aussi
Source
- Joseph Doucé, La pédophilie en question, Paris, Lumière & Justice, 1988, p. 72-74.