La pédophilie en question (texte intégral) – III-07 f
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La manière dont la pornographie est traitée par le droit pénal néerlandais démontre de façon saisissante combien il est vain de vouloir interpréter les règles du droit en vigueur dans un pays à travers ses lois écrites. Les personnes inexpérimentées en matière juridique croient trop facilement qu’il suffit de consulter le Code pénal pour savoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Ainsi, certains pédophiles naïfs aimeraient pouvoir disposer de tableaux comparatifs où figurerait l’âge du consentement sexuel légal dans divers pays. Démarche vaine, trompeuse et dangereuse, car l’attitude des instances judiciaires ne se fonde jamais sur le seul texte de loi.
En 1930, à Rotterdam, un homme a été condamné à une forte amende pour « outrage aux bonnes mœurs », parce qu’il avait publié dans la revue un peu « légère » De Zwarte Kat (Le Chat Noir), sous un dessin représentant deux jeunes femmes en très petite tenue, cette légende : « Tu sais que Kitty est enceinte de Georges ? — Ah, tu vois : je t’avais toujours dit qu’il avait fait sur elle une impression durable… »
En 1978, sans que l’article concerné du Code pénal ait été modifié, un propriétaire de salle de cinéma, poursuivi lui aussi pour « outrage aux bonnes mœurs », fut acquitté. Il avait fait passer dans cette salle le film « Deep Throat », offrant au public une succession de scènes où des femmes lèchent et sucent des verges masculines en érection, en gros plan et avec tous les détails de l’action.
Le tournant décisif en matière de jurisprudence eut lieu en 1971, lorsque la Cour de Cassation modifia la définition de l’outrage aux bonnes mœurs : alors que la jurisprudence avait jusqu’alors estimé qu’il suffisait que le texte ou les images heurtent les conceptions « d’un grand nombre de gens, une fraction notable de la population des Pays-Bas », la Cour de Cassation décida qu’il fallait désormais pouvoir prouver que ce texte ou ces images choquaient « une large majorité de la population ».
Un tribunal qui, dans une autre affaire, voulut interroger des experts pour savoir comment la majorité de la population néerlandaise réagirait si elle était confrontée à l’image érotique litigieuse, se heurta à cette réponse des experts désignés : « Il nous faut un délai de cinq ans pour effectuer une telle étude ; à sa parution, notre rapport serait déjà dépassé ; et il coûterait quelques millions de florins. » Étant donné que le tribunal ne disposait ni d’autant d’argent, ni d’autant de temps (on ne peut pas suspendre une procédure judiciaire pendant cinq ans), il ne lui restait plus d’autre solution que de déclarer non établi le délit d’outrage aux bonnes mœurs et d’acquitter l’inculpé.
Dès lors, le zèle de la police s’émoussa considérablement. À quoi bon continuer à dresser des procès-verbaux et à saisir des documents « pornographiques », si l’on devait tout de même aboutir à un acquittement ? Et c’est ainsi qu’on en arriva à cette situation où la pornographie était complètement libérée dans les faits : on pouvait tout vendre, et même tout exposer publiquement. Et pourtant, la loi n’avait pas changé.
Mais, en 1970, le gouvernement chargea une commission de préparer une révision complète du chapitre du Code pénal consacré aux « bonnes mœurs ». Cette commission proposa une libéralisation assez poussée, tout en réprimant les excès.
À la suite de ces propositions, le ministre (démocrate-chrétien) de la Justice présenta finalement un projet de loi que l’on peut résumer comme suit :
Plus aucune restriction ne s’applique aux textes écrits : quel que soit son âge, chacun est libre d’acheter les lectures qu’il souhaite. En ce qui concerne les images, photos, films et objets érotiques, leur production et leur vente sont également libres, mais il n’est plus permis de les exposer dans les lieux publics ni de les expédier à des personnes qui ne les ont pas demandés. Pour la protection de la jeunesse, il est interdit de montrer à des mineurs de moins de seize ans des images ou des objets dont la vue pourrait être traumatisante pour le psychisme des jeunes ; cette formulation a été délibérément choisie pour ne pas limiter l’interdiction aux images sexuelles, mais pour pouvoir l’appliquer également à certaines représentations d’actes de violence.
De façon assez inattendue, le mouvement féministe mena une campagne véhémente contre ce projet de loi, avec pour slogan : « Le porno est la théorie, le viol est la pratique. » Selon cette thèse, la production pornographique présenterait un caractère de plus en plus sadique, viserait à avilir l’image de la femme et serait une incitation à la violence contre les femmes. Une thèse qui a été inlassablement répétée dans les années suivantes, sans jamais pouvoir être démontrée. L’examen du matériel pornographique en vente dans les sex-shops ou dans les firmes de vente par correspondance montre tout au contraire que les images ou objets exaltant la violence ne représentent que 5 à 6 % de l’ensemble de la marchandise. Après deux ans de manœuvres de retardement, le ministre (libéral) de la Justice mit le projet de loi en discussion au Parlement. Il a d’ores et déjà été adopté par la Chambre des Députés.
On assiste à présent à une vaste campagne contre la pornographie enfantine. La police d’Amsterdam a procédé il y a quelques mois à des saisies de ce genre de revues dans les sex-shops, mais les autres villes n’ont pas suivi le mouvement, qui est resté sans lendemain. Des États-Unis sont venues des « révélations » délirantes et dénuées de tout fondement selon lesquelles des enfants seraient vendus aux enchères aux Pays-Bas, à des fins de prostitution, et selon lesquelles la production de pornographie enfantine atteindrait dans notre pays des proportions gigantesques. Cette campagne de calomnie a porté ses fruits, puisqu’une disposition a été ajoutée au projet de loi, interdisant la production et la diffusion d’images représentant des enfants dans des activités sexuelles. Par « enfants », il faut entendre des garçons ou des filles ayant visiblement moins de seize ans. Les simples photos de nus ne sont pas visées par la nouvelle loi.
Une étude statistique de E. Braches, parue dans le NRC-Handelsblad du 11 décembre 1984, montre que la production commerciale de pornographie enfantine aux Pays-Bas et au Danemark a fortement baissé au cours de ces dernières années et est maintenant pratiquement au point mort. La production continue aux États-Unis et est quelquefois commercialisée via les Pays-Bas. Ce détour permet aux photographes américains d’échapper plus facilement aux poursuites judiciaires.
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Voir aussi
Source
- Joseph Doucé, La pédophilie en question, Paris, Lumière & Justice, 1988, p. 91-94.
Articles connexes
- Code pénal (Pays-Bas)
- Edward Brongersma
- Jurisprudence (Pays-Bas)
- Pays-Bas
- Pornographie
- Pornographie juvénile